Portraits
- Léon TREMBLE, la mosaïste de passage à Séné
- Les Légionnaires Sinagots
- Auguste JANVIER, soldat de 14-18, Légion d'Honneur
- LE MOUSSU, Communard natif de Séné
- LE MEUT Emile, Général sinagot 1874-1949
- LE LAYEC, fils du boulanger devient Gouverneur
- LE ROY Roger 1925-2020
- Marguerite LAYEC, institutrice dévouée
- Ernestine MORICE, parcours de vie [1909-1999]
- Aimé CAPPE, instituteur libre...à bicyclette
- ALLANIOUX marin de dirigeable, 1887-1984
- François QUESTER : 1er Centenaire de Séné 1919
- Marie BENOIT, la boulangère résistante
Histoires maritimes
Les Danet, une dynastie de charpentiers de marine
Les DANET, une famille de charpentiers de Séné va travailler pour la Compagnie des Indes de Lorient.
Cet article s'appuie sur un texte du site histoire-genealogie en développant l'histoire de la famille Danet de Séné.
En août 1664, Louis XIV crée et organise une compagnie pour le commerce avec les Indes Orientales, la Compagnie des Indes Orientales. A cette date, la ville de Lorient n’existe pas ; Colbert charge une commission d’explorer les côtes de l’océan pour y implanter des établissements maritimes.
Les résultats du rapport de la commission présenté au Roi sont à l’origine de la création des ports de Rochefort et de Lorient. En effet, le roi décide, par ordonnance, en juin 1666 de créer un arsenal à l’embouchure de la Charente et il permet à la Compagnie des Indes Orientales de s’installer au Port-Louis ; il lui concède des terres à l’embouchure du Blavet et du Scorff au lieu-dit le Faouëdic sur la paroisse de Ploemeur, pour y établir un port, des quais, un chantier et des magasins pour la construction, l’entretien et l’armement de ses navires.
Vue de la confluence du Scorff et du Blavert-Carte Cassini ca 1700 (Source Geoportail IGN)
A partir de cette date la Compagnie développe son chantier de construction et d’autres chantiers viendront s’établir aux alentours pour travailler principalement en sous-traitance de la Compagnie.
Plan de la rade de Lorient milieu du XVII siècle - Source BnF Gallica
Les premières infrastructures de la Compagnie sont très sommaires : une cale, une cabane pour le maître charpentier et un hangar pour abriter les ateliers. Les hommes vivent à Port-Louis et dans les campagnes aux alentours. Le premier navire construit est le Soleil d’Orient.
En 1669, le chantier s’agrandit pour recevoir des locaux pour le directeur et les ouvriers, des magasins en 1670, des forges et une chapelle en 1671. En 1675, le chantier s’installe vraiment et l’on bâtit des installations en dur. En 1676, un mur sépare l’enclos du chantier des terres environnantes.
En 1681, on rebâtit les locaux pour les ouvriers et le chantier dispose alors de deux cales et d’une fosse à mât au bord de la Prée aux vases. Un peu partout dans l’enclos, il y a des cabanes pour les familles. Il n’y a pas vraiment de séparation entre les infrastructures du chantier et les lieux de vie. Le chantier sert à la Compagnie des Indes et à la Marine Royale et pour cette dernière ce mélange des installations n’est pas dans ses habitudes.
- Vue du Port de Lorient en 1690 depuis la rive gauche du Scorff en Caudan. (source Alamy)
- Au premier plan les chantier sur la rive gauche du Scorff à Lann er Ster, paroisse de Caudan
En 1692, la partie des constructions est séparée de la zone d’habitation et en 1695 la corderie est aussi dans le secteur clos. L’expulsion des ouvriers et de leur famille de la zone du chantier, pour aller s’installer sur la lande aux alentours, provoque la naissance de la ville de Lorient. La paroisse est créée en 1709 et la municipalité en 1738.
De 1730 à 1750, de grands travaux sont réalisés car le chantier n’est plus seulement un lieu de construction et d’armement de navires mais devient pour la Compagnie un établissement à vocation commercial. Des magasins et un hôtel des ventes sont construits. Un nouveau quai solide sur le Scorff et trois cales de lancement voient le jour. Après 1750, l’enclos est entièrement dédié à la construction et au commerce, la ville de Lorient est devenue une ville à part entière. En 1789, l’ensemble de la presqu’île du Faouëdic est occupée, alors commence une période de comblement des anses pour augmenter les possibilités d’extension.
Pour satisfaire l'essor de la marine marchande, Lorient accueille des chantiers de constructions navales.
C'est à Lann er Ster (Lande de la Rivière), alors en Caudan, sur la rive gauche du Scorff, que des cales de construction navale sont implantées en 1755-1757, la place manquant sur la rive droite côté Lorient. En 1756, la Compagnie des Indes étend ses chantiers sur les terres de la seigneurie du Plessis à la pointe de Caudan, future Lanester, et y aménage trois cales, une forge, des hangars, un corps de garde, une batterie.... De 1755 à 1757, la Compagnie des Indes investit à Caudan près de 221 000 livres dans la construction d'édifices et de cales sur 157 000 m2.
Plusieurs chantiers s'établiisent entre 1750 et 1800. En 1793, les chantiers s'étalent sur une superfice de 10.656 toises carrées, env 4 ha. A l'entrée du chantier, un même bloc de bâtiments comprend un corps de garde, une clouterie avec deux feux, une écurie pour six boeufs, des bureaux. Trois grands hangars servent de magasins pour les matières premières. Les forges abritent neuf feux; Plusieurs pontons sont ancrés pour le mouillage des navires.
Carte de la Pointe de Caudan et de ses environs datant de 1758 (sourve BNF).
L'arrivée à Caudan des frères DANET :
Sources : Registre état civil de Séné + Caudan et livre de Beauchesne (Geneviève) - Les chantiers de construction navale sur le Scorff - Editions Les Trois Rivières - page 106 et 10
Louis DANET [23/2/1718-13/1770] est originaire de Séné et issu d’une famille de constructeurs de navires. Son arrière grand-père Benoit DANET était déjà charpentier. Il a participé à la construction du moulin à vent de Cadouarn.
Louis, l'ainé des garçons a certainement commencé à travailler tôt chez son père Bertrand, maître constructeur à Moustérian. Sa soeur ainée Jeanne s'est mariée le 19/2/1732 à Séné et ne sera pas de l'installation sur Caudan. Elle restera en terre sinagote comme sa soeur Bertranne mariée depuis le 2/1/1751 et son frère Jean marié à Séné le 21/1/1744.
Le fait que des charpentiers de marine de Séné aillent tenter leur aventure sur les chantiers de la Compagnie des Indes, montre une excellente maîtrise de la construction navale par ces charpentiers sinagots. Cela montre aussi que sur Séné, des charpenteirs étaient déjà actifs pour construire des bateaux pour les "maîtres de barque" de la paroisse et sans doute pour d'autres marins de Vannes et des alentours.
Louis DANET épouse Marie LE DIGABEL [1714-1751] en 1737. Tous ses enfants naissent à Séné entre 1739 pour l'aînée, Anne, la seule enfant arrivée à l'âge adulte, et Joseph, pour le dernier, qui meurt enfant en 1754 à Caudan où la famille est allé s'installer.
En novembre 1745, Louis DANET est le parrain de la petite Marie Martin, fille d'un charpentier Joseph Martin de Canicar'ch. Le chantier DANET àSéné emploie sans doute plusieurs charpentiers aux côtés de son patron.
Dès le 20 février 1746, Louis DANET est titulaire d’un marché de la Compagnie des Indes pour construire deux gabares de 50 pieds de longueur. Pour se faire, il s’oblige à établir son chantier à Caudan.
"Sans doute est-ce à cause de cette pénurie de personnel que Duvelaer (Pierre DUVELAER [1/2/1699 Saint Malo - 11/11/1755 Paris], directeur de la Cie des Indes) le 20 février 1746, passa marché avec un entrepreneur Louis Danet qui s'engageait à lui construire, pour un prix unitaire de 1400 livres, deux gabares pontées de 50 pieds chacune, ainsi que deux barques pontées de 60 et 45 tonneaux, aux prix de respectifs de 1100 et 1000 livres. Danet devait établir ses cales et chantiers à Caudan et avoir au moins 30 charpentiers, de Vannes et d'ailleurs, le tout dans un mois ou cinq semaines; mais Duvelaer lui ferait fournir les scieurs de long et lui procurerait les bordages, le bois de gabarit, les gournables, les chevilles et les clous dont ont aurait besoin (1P4 f*31 et V*).....
Pour en revenir à Danet, il ne construisit pas seulement des gabares et des barques, mais aussi des "bateaux du Sénégal" tels que le Pélican, l'Alouette, le Zéphir, l'Anonyme et peut-être d'autres encore, en attendant de se lancer un peu plus tard dans les petites frégates.
Pélican (2) Bateau de 40 tonneaux, construit à Caudan, lancé le 14 juin 1749; parti le 15 avril 1750 pour le Sénégal, où il est resté.
Alouette (3) Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan (rive gauche du Scorff), lancé le 8 mars 1749 ; parti pour le Sénégal le 10 avril 1749 ; resté là-bas.
Zéphir (3) Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan; parti le 10 avril 1749 pour le Sénégal, où il est resté.
Anonyme Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan, lancé le 28 déc. 1749 ; parti le 15 avril 1750 ; resté au Sénégal.
A la suite de ce contrat, il construisit la corvette de la Compagnie la Naïade ou Nayade de 150 tonneaux, lancée le 26 août 1747 ; partie le 26 octobre 1747 ; naufragée à Java le 25 décembre 1748.
Il lui arriva aussi de travailler, d'ordre de la Compagnie pour un particulier: c'est ainsi qu'il bâtit en 1749-1750 une gabare, une frégate de 260 tonneaux, la Marquise, et une goélette de 170 tonneaux, la Biche pour le négociant Michel de Nantes."
Gabriel Michel, parfois appelé Gabriel Michel de Tharon, né le 22 janvier 1702 à Nantes, mort en 1765, seigneur de Doulon, du Verger et de Chamballon, est un homme d'affaires français du xviiie siècle, armateur négrier à Nantes et directeur de la Compagnie des Indes orientales de 1748-1764. (Source Historique de la Construction Navale Geneviève Beauchesne pages 116-117)
Dans son chantier est ensuite construit un nombre important de navires mais d’un tonnage assez modeste. Les plus importants sont une série de frégates.
Vers 1751, pour l'aider dans son chantier, son frère, Joseph DANET [8/11/1727 - 12/5/1775], de presque 10 ans son cadet, le rejoint à Caudan après son mariage à Séné le 9/2/1750 avec Guillemette LE DIGABEL, qui n'est autre que sa belle-soeur. Tous les enfants de Joseph naitront sur Caudan. Sa femme lui donnera 7 enfants avant de mourrir en 1760 des suites de l'accouchement de jumeaux décédés en 1759. De son côté, son frère Louis se remarie avec Marie MORVAN à Lorient en 1751 après le décès de sa 1ère femme. Les deux frères vont pouvoir construire une série de 5 frégates entre 1751 et 1758.
Astrée: Frégate de 200 tonneaux, lancée à Lorient le 26 juin 1751, partie pour le Sénégal le 11 janv. 1752 ; prise lors de son 5ème voyage le 20 sept. 1755 en temps de paix ; non rendue.
Cerf: Corvette de la Compagnie, construite à Lorient, lancée le 11 sept. 1751, 200 tonneaux, partie pour le Sénégal le 21 mai 1752 désarmée à l’île de France le 10 févr. 1756 ; réarmée, naufragée le 17 janv. 1757 à Sainte-Marie de Madagascar.
Galatée: Frégate de 400 tonneaux, percée pour 22 canons, construite à Lorient, lancée le 3 février 1753; partie pour l’océan Indien le 8 avril 1753; désarmée à Pondichéry le 7 février 1754.
Saint-Charles : Frégate de 300 tonneaux, percée pour 16 canons, lancée à Lorient le 24 octobre 1753; partie pour les Mascareignes le 14 juin 1755; désarmée à Maurice le 1er juin 1756; navigue dans l’océan Indien; aurait désarmé en 1768.
Volant: Frégate de 200 tonneaux, dont la construction traînait à Caudan depuis 1752, armée en 1758; partie le 7 mars 1758; prise le 15 mai 1758.
Carte générale des environs de Lorient et du Port-Louis : vue partielle concernant Caudan (zone correspondant à une partie de la future commune de Lanester) datant de 1758.
Vers 1756, son autre frère Bertrand DANET [23/5/1730 Séné- 4/7/1789 Caudan] vient s'installer avec son épouse à Caudan. La naissance de ses enfants permet de dater son arrivée.
De 1746 à 1759, le chantier des frères Danet a livré 45 bâtiments pour une facture globale de 300 000 livres. [trouver des sources postérieures]
L'acte de baptême de Jan Marie DANET, [20/1/1760-1/3/1762], montre que son père Bertrand est charpentier à l'Anse de Caudan. Ses oncles Louis et Joseph savent signer.
Joseph perd son épouse cette même année 1760 et se remarie en 1765 avec Magdelaine LE GAL, dont il aura 5 enfants tous nés à Caudan dans l'Anse. L'acte de décès de sa fille Michelle le 1/10/1784, à "La Batterie" en Caudan, permet d'attester que la famille Danet est toujours présente sur les chantiers.
Le 7/11/1762, sa fille Anne épouse Louis Olivier LE PAN, dont les enfants travailleront sur des chantier de Caudan. Louis DANET, malade depuis quelques années, décède en mars 1770 à l'âge de 52 ans. Son acte indique le mot "maître"; Joseph DANET décède en mai 1775 à l'âge de 49 ans; son frère Bertrand DANET décède à la veille de la Révolution en juillet 1789 à l'âge de 59 ans.
Au premier plan de ce tableau, les quais aménagés sur la rive gauche du Scorff, où étaient les chantiers de construction navales
Mais la présence des charpentiers sinagots DANET à Caudan ne s'arrête pas au décès des pionners. Leur enfants seront également charpentiers de marine comme l'indique cette généalogie. [rechercher document sur le bateaux construits]
Une autre branche de la famille DANET restée à Séné va également avoir une descendance dans la construction maritime. A la mort de Julien DANET vers 1760, c'est sa fille Perrine DANET qui "transmet l'activité" à son mari Joseph MARTIN. Les Martin poursuivront pendant 150 ans et 4 générations la consruction de bateaux à Séné.
Jean Pierre LE COUVEOUR, sinago de coeur.
Il arpentait les vasières pour échantilonner les péaves, mesurait les coques sur les cales et dans les ports, consignait les propos des anciens qui avaient connu la pêche à la voile, ou se faisait ouvrir les portes des greniers pour retrouver de vielles voiles ou d'anciennes pièces d'accastillage...sur la piste des sinagos, Jean-Pierre LE COUVEOUR a exploré les moindres recoins du golfe du Morbihan, accumulant sur ces bateaux une documentation précieuse pour tous ceux qui ont participé à la reconquête du patrimoine maritime.
La renaissance du Jean & Jeanne
Jean et Jeanne est la réplique d'un sinagot ou sinago, construit par le chantier du Guip en 1990 sur les plans d'un bateau de 1905. L'un des plus récents sinagos construits est issu d'un modèle plus ancien que les autres. Plus petit aussi, il se reconnaît immédiatement à ses vergues horizontales, alors que sur les autres sinagos elles sont nettement apiquées. Cependant, Jean et Jeanne peut aussi être gréé avec des vergues apiquées, qui lui donnent de meilleures performances. Il appartient à l'association "Un Sinago pour Séné". Il participe à toutes les fêtes et manifestations locales. On le reconnait grâce à son liseret blanc. Son port d'attache actuel est le Séné dans le Morbihan. Son immatriculation est : VA 760187, VA pour le quartier maritime de Vannes.
Caractéristique : JEAN ET JEANNE, chaloupe non pontée (Sinago)
Gréement : les 2 mâts en 1 seule partie ; voiles au tiers à vergues presque horizontales sur les 2 mâts : la voile d'avant est la misaine, celle du grand mât, le taillevent. Pas de bout-dehors.
Matériaux : Coque en bois ; mâts en bois.
Date et lieu de lancement : 1990 au chantier du Guip de l'île aux Moines, dans le golfe du Morbihan.
Autres noms : aucun
Utilisation initiale : voilier de plaisance, réplique d'un bateau de pêche du début du vingtième siècle
Dernière nationalité connue : française
Dernier port d'attache connu : Séné
Dernière utilisation connue : voilier de promenade.
Signification du nom : Jean et Jeanne :
Longueur hors-tout : 8,1 m
Longueur de la coque : 8,1 m
Longueur à la flottaison : m
Largeur maximale : 2,8 m
Tirant d'eau maximal : 1,10 m
Tirant d'air : m
Déplacement : 4 t.
Surface maxi de voilure : 46 m²
État : restauré, régulièrement entretenu.
Avant : étrave inclinée.
Arrière :comme toute les chaloupes, à la différence des canotes qui ont un tableau, il a un arrière norvégien En fait on désigne par "cul pointu" ou plus exacatement en breton "lost hir", la génération d'après où la poupe s'est allongée comme pour lle "Trois Frères" ou le "Mab er Guip".
Génèse d'une recontruction :
Cet article s'appuie sur le dossier municipal établi sous le mandat de Francis POULIGO dans le but de lancer la recontruction du sinagot Jean & Jeanne.
"Tout débute par la découverte d'une épave entre Montsarrac et La Garenne. La mémoire locale identifie très vite ce sinagot comme étant le Jean & Jeanne, dont le dernier patron fut René NOBLANC, abandonné sur la grève 40 ans auparavent.
Cette reconstruction doit également beaucoup à un passionné, Jean Pierre LE COUVEOUR, qui raconte dans le livre Les Sinagots de Gilles Millot, le début de cette histoire.
"Je leur ai dit [il s'agit de Philippe Le Berre et Marc Tual] que j'avais un plan de sinagot de même longueur, se souvient Jean-Pierre, mais un peu plus puissant dans ces formes, la génération d'après le Souvenir; c'était le Jean et Jeanne construit en 1905. J'avais retrouvé son épave entre Moustérian et Montsarrac. Un bout de l'étrave qui dépassait de la vase avait attiré mon attention, d'autant que la pièce était facilement identifiable parce que les sinagots de ce type avaient une étrave assez ronde. Je suis revenu l'année suivante avec quelques copains et nous avons entièrement dévasé l'épave après avoir enlevé la terre, les cailloux et un tas de coquilles d'huîtres.J'ai fait les relevés de l'intérieur et mesuré tous les échantillonnages de charpente, notamment la quille dont la longueur ne figurait pas sur le certificat de jauge retrouvé après coup aux Archives Départementales de Vannes. Tous ces éléments m'ont permis de retracer le bateau. Donc, j'ai conseilé à ces jeunes, qui cherchaient des fonds pour faire reconstruire un sinagot ancien, d'aller faire part de leur projet au maire de Séné. Ils sont revenus me voir le soir même, ils avaient rencontré le maire [Francis Le Pouligo] et il était d'accord!".
Cette découverte a permis d'éclaircir une période dans la longue histoire de la construction des chaloupes de Séné.
L'affirmation de l''existence d'un bateau sinagot intermédiaire entre les deux types précédemment mentionnés s'est révélée d'une manière à la fois exceptionnelle par le recoupement de deux sources d'informations défférentes et ce dans le cadre des activités de recherches menées par les "Amis du Sinagot".
En avril 1984, était menée par plusieurs membres de l'association, avec l'aide de M. J.P. LE COUVEOUR, une fouille sur une épave de sinagot indiquée par la tradition orale comme étant celle du Jean & Jeanne, sinagot "ancien" ayant navigué jusqu'à la fin des années quarante; grâce à un enfouissement sur un haut de grève relativement protégé (à Ar Gouaren, près de Montsarac en Séné), plus d'une demi-coque avait pu être conservée pratiquement en l'état, permettant la réalisation d'un relevé précis.
Paralèllement, l'association avait précédemment retrouvé les principaux documents officiels du bateau aux Archives des Afaires Maritimes. La confrontation et le recoupement de l'ensemble des données à permis l'établissement des plans du bateau, mais dans ces seules conditions.
Les caractéristiques principales du Jean & Jeanne sont les suivantes:
Longueur : 8.10m
Largeur au maître-bau : 2.83m
Creux : 1.24m
Tirant d'eau cf plan Le Couvéour
Déplacement : cf plan Le Couvéour
Surface de voile : 45.75m²
Coque (quille, membrures, borés) en chêne
Pont, bi-avant en sapin
Gréement (mats, vergues) en sapin
Le Jean & Jeanne a été construit en septembre 1905 au chantier de M. Julien MARTIN, située au lieu-dit Kerdavid en Séné. (cf certificat de construction annexé).
Sa première franchisation, faite à Vannes, est en date du 30 septembre 1905; son numéro d'inscription fut VA52, puis VA19 en 1920 (date de reprise complète des immatriculations de bateaux par le Quartier Maritime de Vannes).
En 1990, les Amis du Sinagot consulterent les archives des Affaires Maritimes et identifierent les propriétaires successifs, sans toutefois etablir leur identité précise.
Ses propriétaires successifs furent :
Jean GREGAM de 1905 à 1911,
Julien Marie LE FRANC, de Langle de 1911 à 1919
achat réalisé le 25/3/1911 pour 150,00 Frs devant Maître Guibert, notaire à Vannes.
René Marie NOBLANC, de Kérarden, de 1919 à 1948.
Achat réalisé le 13 décembre 1919.
Le bateau était armé à la petite pêche.
Intéressons nous à ces 3 marins qui naviguèrent sur le Jean & Jeanne.
Qui était Jean Gregam?
On sait que le Jean & Jeanne fut achevé en 1905 au chantier Martin. On subodore que le marin qui commanda ce bateau l'a nommé ainsi pour honorer un Jean et une Jeanne qu'il connaissait.
Comment retrouver son patron? Une recherche sur la presse numérisée des Archives du Morbihan pour débuter. Quel mot clef utiliser? Sinagot? Chantier? On opte pour Gregam qui est un partronyme assez attaché à Séné. Bingo!
Cet article du 18 juin 1905 nous indique que Jean Le Grégam prend pour épouse à Séné Jeanne Cléro. Est-ce le bon Jean Gregam? Une recherche sur le site Généanet permet d'en savoir plus sur ce marin et son épouse. On y apprend que ce Jean Marie Le Grégam est décédé en 1917. Cela parle aux Sinagots. Est-ce un marin, un soldat de la 14-18?
Lors des recherches entreprises pour le Centenaire, on a bien identifié Jean Marie Le Gregam, Mort pour la France le 4/10/1917 alors qu'il était en poste sur le navire transporteur de troupe "Le Touraine".
La consultation de sa fiche d'Inscrit Maritime lève les derniers doutes.
On lit que Jean Marie LE GREGAM entrepris une carrière de marin à l'âge de 12 ans comme mousse à bord du canot Décidé. Il effectue son service national à partir de 1899 d'abord sur le Kerguelen, puis sur le Iéna, navire où le marin Sinagot, Le Doriol, mourrut lors de son explosion en 1907.
De retour à Séné, il navigue sur le Notre Dame du Bon Secours, puis sur le Saint-Patern, La Patrie. Le 30 septembre 1905 il est répertorié comme "patron" du Jean & Jeanne.
Il n'y a plus de doute, le Jean & Jeanne fut commandé par Jean Marie LE GREGAM [9/7/1879-4/10/1917] qui choisit comme nom pour son premier sinagot, le premier prénom de son épouse Jeanne Louise CLERO [1/9/1878-27/1/1938] qu'il venait d'épouser son prémon à lui.
Jean Marie LE GREGAM était né à Cadouarn au sein d'une famille de pêcheurs. Il épouse le 25 juillet 1905, Jeanne Louise CLERO, tante de Julia Maria Le Franc, épouse du marin Patern Le Franc, patron du sinagot "Les Trois Frères". De cette union naquirent 4 enfants. Les 2 premiers moururent à la naissance. Deux filles arrivèrent à l'âge adulte, Lucienne née en 1908 et Rosalie née en 1913. Au dénombrement de 1911, la famille Le Grégam est pointée à Cadouarn.
Cette même année 1911, comme nous l'indique sa fiche d'Inscrit Maritime, du 25 mars 1911 au 24 avril 1911, Jean Marie Le Gregam est matelot sur le Jean & Jeanne. Il accompagne pendant un mois son nouveau propriétaire, un certain Julien Marie Le Franc. Il restera matelot sur différents bateaux avant d'être appelé sous les drapeaux en 1914. Pour quelles raisons Jean Marie LE GREGAM s'est-il séparé de son sinagot 6 ans après sa livraison?
Qui était Julien Marie Le Franc?
Le site Mémoire des Hommes a numérisé et classé par nom, les fiches des Inscrits Maritimes des Quartiers du Morbihan Sud, dont celui de Vannes auquel sont rattachés les marins sinagots. Le site Généanet nous donne une liste de Sinagots portant le nom de Julien Marie Le Franc. Patiemment, avec méthode, on finit par identifier le nouveau patron du Jean & Jeanne.
Il s'agit de Julien Marie LE FRANC [12/1/1886 -8/2/1956] né à Cariel dans une famille de marins. Il épouse le 4 avril 1910 Marie Véronique NOBLANC [25/10/1889-ca 1930].
Depuis le 25 mars 1911, il est le nouveau patron du Jean & Jeanne. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'en mars 1914, il est matelot sur le vapeur Jeanne puis le Suzanne Céline à Arcachon. Pendant la guerre, il est marin sur la Cassard, puis sur le torpilleur Dunkerque. Il est libéré en 1919 et retourne à Séné. Du 7 mars 1919 au 15 décembre 1919, il est à nouveau patron du Jean & Jeanne. Il est ensuite pointé comme patron du France & Russie, sans doute repris à René NOBLANC, ce dernier récupérant le Jean & Jeanne fin 1919.
La consultation des listes nominatives permet d'établir qu'il est encore Sinagot en 1921 et en 1926. Toutefois, dès 1921, il est chauffeur d'un vapeur à Arcachon. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'à partir du 8 octobre 1928, Julien Marie LE FRANC est rattaché au Quartier d'Arcachon. Il décèdera à Gujan Metras en Gironde. Julien Marie LE FRANC avait avant guerre le projet de s'établir en Gironde. La guerre a reporté cette décision. Logiquement il a cédé son sinagot.
Qui est René Marie NOBLANC, dernier patron du Jean & Jeanne?
René Marie NOBLANC [24/10/1887-13/7/1966] n'est autre que le beau-frère de Julien Marie LE FRANC. Il se marie à Séné avec Marie Mathurine MARION [16/4/1887-15/7/1962]. Bien qu'ayant effectué un service national dans la marine en 1907, il sera affecté au 3° Régiment d'Infanterie Coloniale. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'au retour de la guerre, il est à nouveau sur le France & Russie de mars 1919 à décembre 1920. Ensuite, à l'age de 33 ans, il est le nouveau patron du Jean & Jeanne.
René NOBLANC conservera le Jean & Jeanne pendant l'Entre-deux-Guerres et tout le temps de l'Occupation.
Une demande d'annulation de soumision de francisation est faite le 10 mars 1948 par M. Noblanc; un constat de dépècement est attesté par les douanes le 26 mai de cette meme année. En fait, comme la majorité des sinagots, le bateau a été désarmé et simplement mis à la côte. Il est laissé sur une grève à Moustérian où petit à petit la dune va l'enterrer. Le bateau compte alors 43 ans de navigation dans le Golfe. Son épave sera redécouverte en 1987 et le bateau sera reconstruit à l'identique.
Ce schéma récapitule l'histoire des marins patrons du Jean & Jeanne. En faisant renaître le Jean & Jeanne, l'association "Un Sinago pour Séné", honore également la mémoire du soldat LE GREGAM, Mort pour la France pendant la Première Guerre Mondiale.
Jusqu'à ces dernières années, l'on connaissait deux types de sinagot: celui utilisé jusqu'en 1963 par les pêcheurs, construit entre 1919 et 1943 au chantier Querrien du Bono, près d'Auray, et dont la récupération de quelques exemplaires pour la plaisance entre les années 1960 et 1970 avait pu, en grande partie, prérenniser l'existence avant la création, en 1969, de l'association des "Amis du Sinagot".
Celui existant dans la seconde moitié du XIX siècle, grâce à la parution, dans un numéro de la revue "Le Yacht" de 1889, du plan de l'un de ces bateaux, le "Souvenir", construit en 1883.
Du premier type, trois exemplaires naviguent à ce jour :
-le "Trois frères", sinagot authentique construit en 19473, classé monument historique en 1983 et entièrmeent restauré en 1985/86 au chantier Michelet de Conleau (Vannes) pour le compte de l'association sus-nommée.
le Mab er Guip, et le 'Nicolas Benoit", construits en 1985 et 1980 par le chantier Le Guip à l'Île aux Moines, et copies des "Vainqueur des jaloux" et "Ma Préférée",sinagots de 1933.
Les caractéristiques et performances du second type nous sont aujourd'hui mieux connus grâce à la reconstitution du "Souvenir" faite en 1986 dans le cadre des stages de charpente marine de la FRCM (Fédération Régionale pour la Culture Maritme).
En dépit des différences très marquées entre ces deux séries de bateaux, qui pouvaient laisser supposer à l'existence d'un ou plusieurs modèles intermédiaires, aucun document précis, et plus particulièrment des plans, ne pouvait corroborer ceci; en l'atat, les multiples documents iconographiques pourtant existants (photos et cartes postales du début du siècle) s'avérèraient insuffisants pour déceler et déterminer les caractéristiques essentielles, notamment la forme de coque.
L'évidence de cette existence d'un troisième modèle de sinagot ne s'est en fait révélé que par la recoupement et la confrontation de deux sources d'informations différentes.
Tout au long du projet, l'association dont la première appellation fut "Bateau Ville de Séné", pu compter sur le soutien d'Eric Tabarly qui venait à la fête des Voiles Rouges et naviguait sur le Souvenir avec les jeunes membres de l'assocation "Un Sinagot pour Séné". Le Jean & Jeanne fut mis à l'eau le xx 1990 à l'Île aux Moines.
Le bateau fut baptisé par le recteur de Séné, le père Chauvin le 12 août 1990, en présence de M. le maire, Marcel Carteau, de Gérard Allanioux, président de l'association "Un Bateau pour Séné" et de la fille aînée de son dernier propriétaire Mme Marie Louisa Noblanc [1914 - 2003] veuve de Fernand Serre [1914-1959]. L'association changera ensuite de nom pour et deviendra "Un Sinagot pour Séné".
En 1992 le Jean et Jeanne participe au festivité nautiques de Brest. Let évènement donne lieu à l'édition d'un pin's.
Plus curieux, en 2004 , les Vignerons du Mont Ventoux sortent une cuvée de vin rosé illustrée par le Jean et Jeanne.
Patern LE FRANC, patron du Trois Frères, par Christian HUEBER
Le sinagot Les Trois Frères est le plus ancien sinagot restant construit à l’origine pour la pêche dans le Golfe du Morbihan et classé monument historique en 1983. Cet article reprend celui de M. Hueber, des Amis du Sinagot, enrichi et complété. Il dresse l‘histoire de Patern Louis Marie LE FRANC [1894-1965], le marin pêcheur de Séné qui a ordonné la construction du Trois Frères en 1943 au chantier Querrien du Bono.
Une famille de marins de père en fils.
Patern Louis Marie LE FRANC est né le dimanche 23 septembre 1894 à 4 heures du matin à Moustérian, commune de Séné.
Comme nous l'indique cet extrait du dénombrement de 1901, il est arrivé au sein du foyer composé de son père Patern, de sa mère Marie Julienne LE FRANC et de sa sœur Marie Ange qui avait déjà 16 ans. La grand-mère maternelle, Julienne MARTIN, vivait également avec eux à cette époque et ce, pendant encore 8 ans. C’est une famille de marins depuis des générations. Aussi bien son père Patern que son grand-père Pierre Marie ont été marins à la pêche et au bornage.
Patern, le papa, avait déjà une belle carrière maritime lors de la naissance de son fils Patern Louis Marie en 1894. Il avait trouvé des embarquements à Bordeaux, Nantes, La Rochelle, Lorient, Belle-Île, Dunkerque…. Il a même fait naufrage en 1882, au sud de l’Angleterre, quand il était sur le lougre Sainte Anne. La quarantaine passée il ne naviguera exclusivement qu’au départ de Vannes. Mais aussi bien sur des yachts, lougres que canots.
En 1891, il devient propriétaire à la suite de son père Pierre Marie du sinagot « Gazelle » qu’il gardera jusqu’en 1898.
Pendant 3 ans, de 1897 à 1900, il n’a pas été inscrit sur les rôles d’embarquement.
Mais dès cette date il fut en possession d’un beau sinagot construit au Chantier Martin à Cadouarn. Le « Patern et Marie » dont le nom associe les deux époux, Patern et Marie Julienne. Sur cette vieille carte postale, on repère le numéro d'immatriculation du sinagot X652V et au pied de la proue Patern LE FRANC vers 1900.
Patern LE FRANC à la barre du sinagot « Patern et Marie »
C’est sur ce bateau qu’il navigua comme patron jusqu’à sa mort en 1918 à 69 ans.
Patern Louis Marie LE FRANC, 1er patron du Trois Frères
Reprenons la vie de Patern Louis Marie LE FRANC, le premier propriétaire du sinagot « Les Trois Frères »
Comme nous le disions, il est né en 1894. Sa vie maritime commença comme mousse sur le sinagot de son père, le « Patern et Marie ». Il avait 12 ans le 28 septembre 1906.
Pendant la Grande Guerre il est mobilisé sur le cuirassé Provence. A noter que sur les 5 ans qu’a duré son service armé, il en a passé 4 sur le croiseur cuirassé « Pothuau ». Bâtiment de guerre qui l’emmena en Afrique, Egypte ainsi qu’à Singapour.
En 1921, deux ans après son retour de l’armée, âgé de 27 ans, il épousa Julia Maria LE FRANC. Jeune fille de 18 ans qui habitait le village du Ranquin à Séné. Ils ont le même nom de famille. Ils sont cousins au 4ème et 5ème degré, via DANET Vincent (1768-1831) et LE DORIOL Julienne (1766-1828).
Quelques mots sur Julia : Ce fut une femme de caractère qui ne s’en laissait pas compter. Elle eut de ce fait quelques démêlés avec la justice. Mais c’est une autre histoire…….Enfant, elle perdit son frère Alexandre, sa soeur Joséphine et sa tante Marie Héloïse qui se noyèrent lors d'une sortie de peche sur le golfe.
A la mort de son père en 1918, il deviendra matelot patron puis "patron" du Patern & Marie. Il continua a naviguer jusqu'en 1932 sur ce sinagot.
Origine du nom du bateau
De cette union naquirent 6 enfants dont deux paires de faux jumeaux. On note que les deux derniers jumeaux naquirent à Vannes, où Julia leur maman, préféra accoucher à l'hôpital au 1 rue de la Loi, comme l'indique leurs actes de naissances.
– Théodore Patern Marie [24/4/1922-13/10/1958].
– Robert [13/1/1925-7/2/1951].
– Yves [3/5/1926-17/10/1928] décédé en bas âge
– Simone [3/5/1926-12/7/1988].
– Yves Pierre Marie [18/4/1929 _28/3/1971].
– Josiane [18/4/1929 - 28/3/1974].
Au moment de baptiser son bateau en 1943, ses deux filles Simone et Josiane sont bien vivantes. Un de ses garçons est décédé. Il décide de nommer son sinago "Les Trois Frères", pour Théodore, Robert et Yves.
Deux de ses fils : Théo et Robert à bord du sinagot « Les trois frères »
Patern Louis Marie LE FRANC a possédé en nom propre 3 sinagots :
–Patern et Marie à la suite de son père et de sa mère veuve en 1918 et de retour de l’armée.
–Félicité et Madeleine, sinagot de deuxième main, pendant 9 ans de 1934 à 1943
–Les Trois frères, sinagot qu’il a fait construire en 1943 pour la somme de 35.000 francs [trouver la source].Le bateau a été lancé le 4 septembre 1943 et son premier armement a été le 13 janvier 1944. Patern LE FRANC garda son bateau une dizaine années avant de tomer malade en 1953. Il vend Les Trois Frères le 14 août 1954 à M. Courtel et M. Kerfriden pour 120.000 frcs. Une fois remis de sa maladie, Patern LE FRANC naviguera sur le Va Toujours.
Le vieux marin décède en 1965 à l’âge de 69 ans.
Il fut le pêcheur sinagot typique de son époque. Après une formation dès le plus jeune âge, il navigue à la pêche, fait son service militaire et se marie en revenant de celui-ci. Il fonde une famille qu’il nourrit de sa pêche.
Bien des malheurs s’abattent sur la famille en raison de problèmes de santé.
Son épouse meure à 32 ans alors qu’il avait 5 enfants, le plus âgé 13 ans, les 2 plus jeunes 6 ans.
On meurt jeune dans cette famille. A son décès à 69 ans, il a déjà perdu sa femme et trois de ses enfants.
Histoire du sinagot Le Trois Frères
Les 3 Frères participe à une régate
Cliché Maurice Méchin extrait dulivre Les Sinagots de Gilles MILLOT.
Patern Louis Marie LE FRANC nous a légué le sinagot Les Trois Frères construit en 1943 dans les chantiers Querrien du Bono. Il fut armé par son patron de 1943 à 1955 quand il s'en sépare. On peut s'étonner que pendant la guerre et sous l'Occupation, que Patern LE FRANC ait pu trouver le bois et le financement pour construire un sinagot. Il faut ce rappeller que Vannes et ses alentours comptent beaucoup sur les pêcheurs du Golfe pour approvisionner les citadins.
C’est ainsi que Patern LE FRANC vend son bateau à MM. Kerfriden et Courtel, respectivement dentiste et garagiste à Vannes. En août 1961, après plusieurs autres propriétaires, Les Trois Frères passe aux mains de Paul Le Gall, journaliste au Parisien libéré. Ce dernier le dote d’une superstructure et d’un moteur Mercedes de 7 chevaux. Cinq ans plus tard, M. Crouzet, un ingénieur parisien, l’acquiert à son tour. Il le rebaptise Solveig et le modifie radicalement : rehaussement du franc-bord d’une virure, ajout d’une nouvelle superstructure, installation d’un gréement de sloup houari puis de cotre à corne… Solveig navigue ainsi quelques années aux beaux jours, avant d’être délaissé dans le port de Vannes. On retrouve ce Sinagot en triste état, portant le nom de Solveig.
Il est acquis par M. Jean YVes RIO qui le remet dans son état originel. En 1983, l'association Les Amis du Sinagot le rachète et lui redonne son nom d’origine Les Trois Frères.
L’association sait qu’elle possède là un objet du patrimoine maritime qu’il faut à tout prix protéger. Elle engage alors une procédure de protection. Le 29 décembre 1983 ce navire fut déclaré protégé au titre de la législation sur les monuments historiques. Ce classement symbolise la sauvegarde du bateau, à travers l’accord de subventions qui vont permettre à l’association de restaurer et d’entretenir le Sinagot entre mai 1985 et août 1986.
Il a subi une première restauration en 1988 au chantier Michelet à Conleau et une seconde, en 1992, au Chantier du Guip 2 à l'Île-aux-Moines. Entre février/mars 2008, la pourriture ayant fait son œuvre sur quelques parties du bateau, plusieurs bordés ont dû être changés.
Et en 2023-2024 il est à nouveau restauré pendant 17 mois au chantier du Guip sur l'Île aux Moines.(cliché Aulard)
Les Trois Frères, reconnaissable à son liseret bleu, constitue l’image de l’association et du Golfe du Morbihan. Il permet aux membres de naviguer régulièrement dans le Golfe, mais aussi jusqu’à Brest et Noirmoutier, en participant aux Régates du Bois de la Chaise. Aujourd’hui, le Sinagot est de toutes les fêtes locales: la Fête des Deux Cales (Montsarrac en Séné et Le Passage à Saint-Armel), celle du Logeo, la fête du Moulin de Berno à l’Ile d’Arz, la fête de l’huître à Saint-Goustan, la fête des Voiles Rouges à Port-Anna, sans oublier bien sûr la Semaine du Golfe. Toutes les éditions de cette manifestation ont vu naviguer Les Trois Frères.
Plus...
Supplique des marins sinagots, par l'Abbé LE ROCH
3. DU MOYEN-ÂGE A LA REVOLUTION
Séné continue bien d'exister au Moyen-Age. Des Seigneuries s'y établissent, vassales du Comte de VANNES ( Cantizac, Quentifiac, Surzon, Lestrénic ). Mais du Vème siècle jusqu'à la RévolutioN, l'histoire de Séné se confond surtout avec celle de la Paroisse.
Dans Son "Histoire du Diocèse" (P. 50), l'abbé LE MENE écrit que Saint Patern, ayant été moine, était toujours resté attaché à l'ordre monastique. Il éleva donc un ermitage à une petite distance de sa ville épiscopale, entre Trussac et Conleau. Mais, on peut avec autant de raison supposer que ce fut à Séné, village gallo-romain qui portait a lors le nom de Sénac. (1) "C'est là que le saint évêque aimait à se retirer dans les moments disponibles que lui laissaient la prédication de l'Evangile, l'administration des sacrements, la prière publique et la visite du Diocèse".
C'est pour cette raison que l'église paroissiale de Séné se trouve placée sous le vocable de Saint Patern, premier évêque de Vannes en 465, et que son vitrail principal, au centre du chevet, le représente. Pour expliquer ce fait, il faut supposer que ce territoire, probablement démembré à une date inconnue de la vaste paroisse de Saint-Patern de VANNES, portait, avant son érection en paroisse, au lieu choisi pour siège du nouvel établissement, une chapelle déjà sous le vocable du Saint.
D'où deux hypothèses : Si la paroisse de Séné est un démembrement de la paroisse de Saint-Patern de VANNES, son érection serait antérieure au XIème siècle, Si elle constituait une section ou trève de cette paroisse, elle serait postérieure.
Bien plus tard, la Paroisse de Séné fut annexée au Chapitre de la Cathédrale de VANNES par une "bulle" du pape Nicolas V du 23 septembre 1451, mise à exécution le 22 janvier 1453 par l'évêque Yves de Pontsal. Les Recteurs ne perdirent point leur titre pour devenir des "vicaires perpétuels", mais ils virent, à partir de cette date, les chanoines recueillir les deux-tiers des gros fruits de la Paroisse. Il fut établi que l'autre tiers leur serait laissé, ainsi que la jouissance du presbytère pour leur tenir lieu de. "portion congrue" ou part de bénéfice. Outre ce tiers des dîmes levées à la 33ème gerbe dans toute l'étendue de sa paroisse, le Recteur de Séné percevait seul les "novales" à la 36ème gerbe, et même sur les sels. Ce dernier privilège continua beaucoup à augnenter ses revenus. Aussi, vers le milieu du XVIIIème siècle, abandonna-t-il son tiers de dimes ordinaires pour se contenter d'une pension annuelle de 300 Livres. Sur le territoire de Séné, il n'y avait que peu de terres défrichées ; par suite, la grosse dime n'avait qu'une médiocre importance. Les"novales" la surpassaient de beaucoup. Mais les salines formaient, avec la pêche, une des principales ressources de la fortune de la Paroisse, surtout depuis que, pour fournir à l'entretien du bas-choeur de la Cathédrale, le roi avait, en avril 1721, afféagé au Chapitre une étendue considérable de terre à Brouël, sur le bord du Golfe du Morbihan. A partir de 1725, on y fit plus de 3000 ''oeillets" de salines. Quand le tout fut en plein rapport, les revenus annuels du Chapitre s'en trouvèrent augmentés de 20.000 Livres environ. Alors, aussi, malgré quelques protestations du contraire, les recteurs de Séné devinrent d'assez riches "bénéficiaires".
En plus de l'église paroissiale St-Patern, trois chapelles s'élevaient sur le territoire de la Paroisse vers le milieu du XVIIIème siècle :
1.Celle de Saint Laurent, sur le bord de la route de Nantes. Depuis la "bulle" de 1451, les oblations qui y étaient recueillies appartenaient exclusivement au Chapitre, chargé par suite de son entretien. Aux Rogations, la procession du Lundi se rendait à Saint-Laurent et un Chanoine y célébrait la messe.
2. La chapelle de Saint-Sébastien, sur une hauteur auprès de la maison noble d'AUZON, a disparu vers le milieu du XIXème siècle.
La richesse de Séné sous l'ancien régime, c'est le ramassage du sel et la pêche. Toute une série de marais salants s'établissent sur la côte Est. Les premiers apparaissent dans les années où Pierre Le Nevé fut recteur. Les pêcheurs font la loi sur tous les autres pêcheurs du Golfe, et vont pêcher en mer, jusque sur les côtes de Belle-Ile ; il n'y a absolument aucun renseignement sur la nature de leurs tateaux. Les fameux "sinagots'', solides bateaux noirs à deux voiles carrées rouges, qui, au dire de certains, sont du type de ceux qu'utilisèrent les Vénètes contre César. Contentons-nous de dire qu'ils sont employés par nos pêcheurs sinagots bien avant la Révolution ; on ne peut rien affirmer de plus. Ce qui est certain , c'est que sous l'ancien Régime et encore un peu par la suite, bien que cet état de choses disparaisse peu à peu, les pêcheurs constituent un ensemble assez riche, nombreux dans Séné, assez conscient de leur force et s'imposant aux autres pêcheurs du Golfe, comme aux paysans de Séné.
Les cultures ne sont pas très riches ; la plupart des terres sont défrichées depuis assez peu de temps ; tout le Nord de la paroisse est couvert de landes. Pourtant les femmes sinagottes, surtout celles des pêcheurs, sont réputéesêtre très travailleuses.
Les Sinagots ne semblent pas sortir de cette relative aisance, malgré la construction ou l'entretien de leurs nombreuses chapelles : Saint Vital (à Boëdic), Saint Sétastien à Montsarrac, Saint Laurent dans le petit village qui porte son nom. Il faut y ajouter la chapelle du chateau de Limur, actuellement désaffectée, et celle d'Auzon, démolie et remplacée au XIXème siècle par une chapelle Notre-Dame. Les sanctuaires sont donc nombreux et attestent l'enracinement d'une foi robuste.
Mais le trésor religieux de Séné ne serait pas complet si nous ne disions rien des croix en particulier de celle de Montsarrac, vieille de quatre siècles sans doute, mais restaurée au XIXème siècle, et celle de St Laurent, monolithe de 4 mètres de haut.
Enfin le trésor de l'église St Patern entre autres merveilles, possède un beau calice du XVIème siècle en venneil, et une plaque de cuivre repoussée également du XVIème siècle.
Ce patrimoine religieux est donc très important, et pendant des siècles les sinagots ont su y consacrer une part de leurs richesses.
Au XVIIIème siècle, l'un des recteurs de Séné; Pierre Le Nevé, acquiert en 28 ans de ministère sur la paroisse, une profonde réputation de sainteté ; il se fait aimer et admirer de tous ses paroissiens, des plus rudes comme des plus simples. Comme dit M. de Galzain, la cure de Séné, n'est pas une sinécure ... A sa mort (20 novembre 1749), et à plus de deux siècles de distance, on ne l'a pas oublié.
( 1 ) . Séné paraît avoir été englobé assez longtemps dans le centre gallo-romain de VANNES et n'avoir été occupé par les Bretons que tardivement. Le nom même de Sénac évolué en Séné alors qu'il aurait dû demeurer figé, le prouve, de même que celui d'un certain nombre de villages qui ne se sont pas bretonnisés...D'ailleurs, et nous l'avons déjà dit, on trouve sur le territoire de la commune de nombreux vestiges gallo-romains : briques à rebord, tuiles romaines, fours à augets...
La Guerre de Sept Ans (1756-1763) a beaucoup affaibli en hommes et en matériel la Marine Française, et en particulier la marine bretonne, où périssent bon ombre de Sinagots.
Les marins (pêcheurs) de Séné sont fortement éprouvés par cette guerre et par des tempêtes de mer comme le coup de vent de Noël. Ils oublient un temps leur mépris pour ce qui n'est pas sinagot et s'associent aux marins de l'ïle d'Arz dans une supplique qu'ils adressent en 1772 à l'évêque de Vannes. Ils expliquent à Monseigneur BERTIN les pertes qu'ils ont subies dans la guerre et dans les tempêtes, lui montrent qu'il ne peuvent se relever aux-mêmes et lui demandent, en comparant leur sort à celui de Marseille, qui "doit son opulence à la dévotion" du Coeur de Jésus, qui les protègera désormais de ces calamités. L'évêque de Vannes leur donne cette permission (11 décembre 1771), confirmée par une bulle du pape Clément XIV (8 février 1772).
Nous donnons ici le document de 1772 rédigé par les marins de Séné en accord avec ceux de l'ïle d'Arz. Nous sommes sous Louis XV et depuis la Guerre de Sept-Ans, la France ne s'est pas remise des blessures infligées par l'Angleterre. Séné aussi a connu cette grande misère.
Le roi de France est Louis XV [15/02/1710-1005/1774]; Le recteur de Séné en 1772 est Guillaume JALLAY [Xx/xx/xx-1750-1789-15/12/1789].
SUPPLIQUE DES MARINS A MONSEIGNEUR L'ILLUSTRISSIME ET REVERENTISSIME EVEQUE DE VANNES
Monseigneur,
Supplient très humblement les soussignés disant qu'ils espèrent d'une association en leur faveur. Quelque rigoureuse que soit par elle-même notre condition, les calamités publiques ont beaucoup aggravé notre joug. Nous avons perdu nos navires, nous avons langui dans les prisons d'Angleterre. Si quelques-un de nous ont dérobés à la faveur des ennemis, ce n'a été qu'après avoir soutenu de critiques combats. Le retour à la paix a flatté nos expérances; mais en devenant plus tranquilles, nous ne sommes pas devenus plus riches.
Nous ne pouvons nous rétablir : nos pertes ont été trop considérables, elles n'ont pas intéressé le public à entrer dans notre négoce. le commerce de ce pays-ci autrefois si florissant n'est plus fort étendu. Dans ces tristes conjonctures, la religion nous fournit une ressource.
Le Rédempteur de tous les hommes a dit dans l'Evangile : "Lorsqu'il y a en quelques lieu deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je suis au milieu d'elles". Sur ce principe, nous voudrions réunir nos voeux pour nous rendre propice l'Être Suprême. Selon l'expression de l'écriture, sa volonté est le Trésor d'où sortent les ventes? Nous désirons l'établissement d'une association pour nous assurer les suffrages de l'Eglise. Les services que nous rendons au public, aux missionnaires qui passent chez l'étranger, sollicitent pour nous notre grâce.
Nous pourrions recourrir directement au Divin Coeur de Jésus; Marseille doit son opulence à cette dévotion; mais une circonstance nous détemrine à l'Association du Très Saint-Enfant-Jésus. Presque chaque année vers la fin de dcembre, nous sommes alarmés par un coup de vent vulgairement appelé "le coup de vent de Noël". Les tempêtes sont nécessaires. Si l'Océan était toujours tranquille, la corruption de ses eaux infecteraient l'univers. Ordinairement nous leur résistons; mais celle dont nous parlons est si furieuse que nous n'osons sortir du port. Si la nécessité nous y oblige, nous nous voyons sans cesse enlevés dans les airs sur la cime d'un flot écumant, ou précipités dans les abymes affreux. La fête de la Nativité du Sauveur dilate tous les coeurs chrétiens par la foi, mais elle resserre les nôtres par la tristesse : son seul souvenir nous fait frémir.
Vos suppliants, Monseigneur, désirent d'honorer ce mystère particulièrement pendant l'année pour obtenir quelques part aux bénédictions particulières que le Ciel répand en cette sollenité, et pour prévenir les malheurs dont nous sommes continuellement menacés sur un élément qui tôt ou tard doit servir de tombeau à la plupart d'entre nous. Ce considéré, qu'il plaise à votre Grandeur, Monseigneur, d'ériger, en l'église paroissiale de Séné l'association du Divin Enfant Jésus, d'assigner pour article principal une communion par an en quelqu'église que ce soit et la récitation des actes des trois vertus théologiques pour exercice quotidien, laissant le reste à gences communes aux fidèles de l'un et l'autre sexe sans aucune exception. (On observe qu'il n'en coûtera rien à personne pur être associé).
Ce faisant vous nous donnerez, Monsiegneur, lieu d'espérer de ramener l'abondance dans nos ports, pour la consolation des pauvres, et de parer nos autels des riches étoffes de l'Etranger, de vivre avec honneur, de soutenir nos familles, et de nous assurer une heureuse vieillesse. Enfin, vous nous procurerez des grâces précieuses pour arriver au port du salut.
Ainsi signé : Jos. BENOIST, de Séné; Jul. BENOIST, de Séné; Guill. LE FRANC; Ge. LE FRANC: Mat. ROLAND; Joseph LE FLOCH; Patern PRIOL, LE FLOCH, ancien fabrique; Marc LE ROUX; François THOMAS; Jul. EVENO; Jul. BOUCHER, fabrique en charge de Séné; Joseph LE FRANC, de l'île d'Arz; Julien CALVE, de l'ïle d'Arz; Joseph NERO, de l'ïle d'Arz; Julien DREANO, de l'ïle d'Arz.
LA CONFRERIE DE L'ENFANT JESUS A SENE (1772)
Dans tous les temps de péril et d'angoisses, l'homme élève sa pensée vers Dieu et parfois il en reste des traces durables.
Cruellement éprouvée et mutilée dans la terrible guerre 1870-1871? la France, par la voix de ses représentants, fit un voeu national, en jettant les bases de la Basilique dont la masse imposante doit du haut de Montmartre dominer la capitale, se consacra au Sacré-Coeur de Jésus.
Cent ans auparavant, d'humbles marins de Séné et de l'Île d' Arz aussi, en de pénibles circonstances, cherché un refuge près du divin Maître.
Nous sommes en 1771. Louis XV est sur le trône et la Guerre de Sept Ans, qui vient de finir par le honteux mais nécessaire Traité de Paris, a laissé de profondes blessures à la richesse nationale comme à celle des particuliers.
Au début des hostilités, en 1755, sans déclaration de guerre, plus de 300 vaisseaux marchands sont capturés par l'Angleterre, et dans le nombre, nous en aurons la preuve tout-à-l'heure, beaucoup étaient bretons.
La France n'a plus qu'un seul vaisseau de guerre ; on s'empresse de construire des navires de tous rangs et de toutes grandeurs, et 12.000 hommes, parmi lesquels beaucoup de nos compatriotes, débarquent à l'île Minorque et sous la conduite du Duc de Richelieu, emportent la place presque inattaquable de Port-Mahon. Mais l'heure des désastres arrive: la Prusse triomphe à Forbach, l'Angleterre a fait des conquêtes prodigieuses dans les Indes, a entièrement ruiné notre commerce en Afrique et s'est emparé de presque toutes nos pessessions d'Amérique.
Pauvres marins bretons et français, la paix signée, c'est à peine s'il vous reste le droit d'aller pêcher la morue sur les côtes de Terte¬Neuve, et par moments éclatent, au grand détriment de notre marine marchande sur toute l'étendue de l'Océan Atlantique, de redoutables et périodiques tempêtes dont le contre-coup se fait particulièrement sentir sur la côte sud de Bretagne et dans le Golfe du Morbihan. La plus terrible de toutes se nommait "le coup de vent de Noël". C'est pourquoi les marins de Séné et de l'Ile d' Arz sollicitèrent et obtinrent l'érection dans l'église paroissiale de Séné d'une Confrérie pour les fidèles de l'un et l'autre sexe en l'honneur et sous l'invocation du Très Saint Enfant Jésus.
Malheureusement 20 ans s'écoulaient à peine que la tourmente révolutionnaire survenait à son tour, et parmi les institutions que son souffle emporta se trouva la pieuse Confrérie qui nous intéresse aujourd'hui, car son souvenir a complètement disparu de la mémoire des hommes et nulle trace n'en reste ni aux archives de l'évêché ni dans les registres paroissiaux de Séné. Cependant, en 1893, a été retrouvé un exemplaire imprimé, probablement unique, contenant la demande faite par les Sinagots et les marins de l'Ile d' Arz, son approbation par Mgr Bertin, évêque de Vannes '11 Décembre 1771), la Bulle du pape Clément XIV (8 Février 1772), le permis d'imprimer donné à Vannes par Mgr Bertin (6 Mars 1772) et enfin l'expédition signée à Rennes (3 Mars 1772) de deux noms : N.de Lanjuinais et H. Arot.
SUPPLIQUE DES MARINS à Mgr BERTIN ( voir chapitre précédent)
APPROBATION de Mgr BERTIN
Charles-Jean de BERTIN (Périgueux-30/10/1712 - 23/09/1774-Plescop)
est un ecclésiastique français qui fut évêque de Vannes de 1746 à sa mort.
Charles Jean de BERTIN, par la permission de Dieu et la grâce du Saint-Siège Apostolique, évêque de Vannes, conseiller du Roi en ses conseils, vu la requête ci-jointe, nous louons et approuvons le pieux désir des suppliants et voulant autant qu'il est en nous soutenir et perpétuer la bonne oeuvre qu'ils se proposent, nous avons érigé et erigeons dans l'église paroissiale de Séné en ce diocèse, pour les personnes de l'un et l'autre sexe, une association sous l'invocation de l'Enfant Jésus, parce que :
1°-Chaque confrère et soeur fera au moins une communion par an, outre la communion pascale ; et attendu que plusieurs marins se proposent d'entrer dans la dite association et que leur état ne leur permettrait pas de la faire toujours commodément dans l'église paroissiale de Séné et que même cela leur serait souvent impossible , nous leur permettons et à tous frères et soeurs de la dite association qui ne sont pas de la paroisse de Séné de la faire dans toute église catholique.
2°-Tous confrères et soeurs feront une fois par jour les actes de foi, d'espérance et de charité.
3°-Ils diront tous les jours une fois un Pater et un Ave, et trois fois "Domine, sal vum fac regem" pour la précieuse conservation du Roy et de la famille royale. Autorisons lesdits associés à se pourvoir en Cour de Rome pour obtenir les indulgences en faveur de la dite association.
Donné à Vannes sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing de notre secrétaire ordinaire, l'onzième jour du mois de décembre mil sept cent soixante-onze.
Ainsi signé à côté du sceau :
Charles-Jean, évêque de Vannes
et plus bas : par Monseigneur Chauvaux, secrétaire.
BULLE
De notre Saint-Père Le Pape CLEMENT XIV du NOM Pour Mémoire à Perpétuité
Ayant appris que dans l'église paroissiale de Séné, diocèse de Vannes, est ou doit être instituée canoniquement une pieuse et dévote Confrérie pour les fidèles chrétiens de l'un et l'autre sexe en l'honneur et sous l'invocation du très saint Enfant Jésus (non cependant pour des personnes d'un art spécial), les confrères et soeurs de laquelle ont coutume ou l'intention d'exercer plusieurs oeuvres de religion et de charité.
Afin que la dite Confrérie prenne de jour en jour de nouveaux accroissements, nous confiant en la miséricorde de Dieu tout-puissant et sous L'autorité de ses bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul, accordons miséricordieusement en Notre Seigneur à tous et à chacun des fidèles de L'un et de l'autre sexe qui vraiement pénitents et confessés entreront ci-après en la dite Confrérie, le premier jour de leur association , s'ils reçoivent le très Saint Sacrement de l'Eucharistie, indulgence plénière et rémission de leurs péchés.
Nous donnons et octroyons aussi à tous les confrères et soeurs de la Confrérie qui y sont maintenant enrollés, et qui y feront chacun en son temps, étant pareillement vraiement pénitents et confessés et repus de la sainte communion, si cela peut se faire, ou tout au moins contrits à l'article de la mort, invoqueront dévotement le très saint nom de Jésus de coeur, s'ils ne le peuvent de bouche, pareillement indulgence plénière et rémission de tous leurs péchés. De plus nous accordons aux mêmes confrères et soeurs qui sont ou seront à l'avenir de la dite Confrérie lesquels vraiement pénitents confessés et repus de la sacrée communion visiteront dévotement tous les ans l'église, chapelle ou oratoire de la dite Confrérie le jour de la fête principale de la dite association, jour que les dits confrères ne pourront choisir qu'une fois seulement et qui sera approuvé par l'Ordinaire depuis les prermières vêpres jusqu'au coucher du soleil du dit jour, et là prieront Dieu avec piété pour la paix et la concorde des princes chrétiens, pour l'extirpation des hérésies et pour l'exaltation de l'Eglise notre Sainte-
Mère, pareillement indulgence plénière et rémission de tous leurs péchés.
En outre, nous concédons aux-dits confrères et soeurs qui, véritablement pénitents et confessés et repus de la sacrée communion, visiteront dévotement par chaque année l'église, chapelle ou oratoire de la dite Confrérie quatre jours chômés ou non chômés ou dimanches, jours aussi que les confrères choisiront une fois seulement et qui sera approuvé par l'Ordinaire, et là feront les mêmes prières que dessus pour chacun des dits jours, sept ans d'indulgence et autant de quarantaines. Enfin toutes les fois que les confrères et soeurs de la dite Confrérie assisteront aux messes et aux autres services divins qui se célèbreront dans l'église, chapelle et oratoire susdits, ou aux assemblées publiques ou secrètes de la dite Confrérie, ou qui recevront chez eux les pauvres, qui réconcilieront ceux qui sont ennemis, ou tâcheront de le faire par eux-mêmes ou par le moyen des autres qui accompagneront les corps des défunts confrères et soeurs ou autres à la sépulture, ou qui accompagneront quelque procession que ce soit pourvu qu'elle soit approuvée ou qu'elle par la permission de l'Ordinaire, ou qui accompagneront le Très Saint-Sacrement de l'autel dans les processions ou quand on le porte aux malades, ou enfin qui l'accompagneront en quelque lieu ou en quelque manière qu'on le porte, ou bien qui en étant empêchés, entendant là cloche sonner à cet effet, réciteront une fois l'oraison dominicale et la. salutation angélique, ou même réciteront cinq fois les mêmes oraisons et salutations pour les âmes des défunts confrères et soeurs, ou qui ramèneront quelque dévoyé ,au chemin du salut, ou qui enseigneront aux ignorants les commandements de Dieu et les vérités nécessaires au salut, ou qui exerceront quelque oeuvre de religion ou de charité nous leur remettons miséricordieusement en Notre-Seigneur Jéus-Christ, de l'autorité et teneur ci-dessus, pour chaque fois qu'ils feront quelques unes des di tes oeuvres de piété, soixante jours de pénitence à eux enjointes ou autrement par eux dûes par quelque manière que ce soit. Nous permettons aussi d'appliquer par manière de suffrage aux âmes des didèles chrétiens décédés dans l'union de Dieu dans la charité les indulgences susài tes tant pour la rémission des péchés que pour la remise des pénitences. Les présentes valables pour les siècles futurs à perpétuité. Or, nous voulons que, si on a concédé aux dits confrères et soeurs quelqu' autre indulgence perpétuelle ou pour un temps non encore expiré, les présentes lettres soient révoquées et déclarées de nulle valeur, et si aussi la dite Confrérie est jointe à quelque achi confrérie ou le serait ci-après ou le devient par quelque moyen que ce puisse être, que toutes les lettres apostoliques obtenues auparavant ne servent de rien à la dite Confrérie, et pour dès à présent les déclarons nulle.
Donné à Rome à Sainte Marie-Majeure l'anneau du Pêcheur, le huitième jour de février mil sept cent soixante-douze, de notre Pontificat, la troisième année.
Charles-Jean de BERTIN, par la permission de Dieu et la grâce du Saint-Siège Apostolique , évêque de Vannes, conseiller du Roy en ses conseils, vu le bref d'indulgences écrit au revers, permettons de le faire imprimer publier et mettre en exécution selon la forme et teneur et désignons pour gagner les indulgences plénières la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, fête principale de la di te Confrérie, jour auquel nous permettons l'exposition du très Saint-Sacrement. Quant aux indulgences de sept ans et d'autant de quarantaines, nous fixons le premier dimanche de Carême, la fête de la Très Sainte Trinité, la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie et la fête de Saint Martin, archevêque de Tours.
Donné à Vannes, l'an du Seigneur mil sept cent soixante-douze et le sixième jour de mars.
Ainsi signé à côté du sceau épiscopal : Charles-Jean, évêque de Vannes
Et plus bas : Par ordre de Monseigneur, signé Chauvaux, secrétaire.
EXPEDITION DE LA BULLE
Nous soussigné, expéditionnaire juré en Cour de Rome, domicilié de Rennes : attestons que le Bref écrit au revers est vrai; originairement et légitimement expédié en ladite Cour de Rome.
Donné à Rennes l'an du Seigneur 1772 et le troisième jour de mars. Ainsi signé à l'original : N de LANJUINAIS.....A. AROT
Suivent les actes de foi, d'espérance et charité et la prière pour le Roy (Domine, salvum...).
La famille MARTIN, charpentiers de marine depuis 1770
La ville de Séné a donné le nom d'une esplanade à Port-Anna en l'honneur du charpentier de marine, Julien MARTIN.
Que sait-on de Julien Marie MARTIN [1846-1939] dernier constructeur de sinagots à Séné?
L'histoire des Chantiers Martin, remonte à la fin du règne de Louis XV vers 1765. La France et la Bretagne sortent épuisées de la Guerre de 7 ans [1756-1763]. Beaucoup de marins sinagots y perdèrent la vie, notamment lors de la Bataille des Cardinaux en 1759. Séné comptait déjà des familles de charpentiers. La famille MARTIN va se distinguer en embrassant cette profession sur 4 générations et 150 ans!
Les chantiers de construction de bateaux étaient très rudimentaires. Au contraire d'un boulanger qui transmettait un four, un charpentier transmettait quelques outils et surtout une expérience dans la construction des bateaux. Les sources sont rares. On peut toutefois s'appuyer sur les régistres d'état civil pour en savoir plus sur ces charpentiers de marine.
En étudiant l'arbre généalogique, on trouve bien un certain Guillaume MARTIN [ca 1670 - ca 1730] marié à Guyonne BENOIT [ca 1670-ca 1730], qui ne semble pas être ni calfat ni charpentier mais fournier (à préciser). L'acte de mariage de son fils, Pierre MARTIN {ca 1700 - 25/1/1767] et son acte de décès ne renseignent pas plus sur la profession de Pierre Martin.
De cette union, nait Joseph MARTIN [15/10/1734 - 1/08/1808]. Son acte de naissance à Cadouarn et son acte de mariage le 4/11/1760 à Séné avec Perrine DANET [30/6/1736-5/7/1808] ne précisent pas sa profession. Son acte de décès nous dit qu'il fut calfat. Par contre son épouse Perrine est la fille du charpentier de marine Julien DANET [18/10/1707 - ??]. Ce dernier a eu quatre enfants dont trois morts en bas âge. C'est donc son gendre Joseph MARTIN qui va continuer cette longue lignée de charpentiers sinagots remontant au maître charpentier Guillaume Danet [1620-1681]. (lire article sur les charpentiers DANET).
L'acte de naissance du fils aîné de Joseph et Perrine, baptisé Joseph en 1765, indique que son père est matelot. Celui de François en 1768, comme celui de sa fille ainée Jeanne en 1770, mentionnent la profession de charpentier à Cariel. Celui de son fils Guillaume en 1773 situe la famille à Cadouarn.
On peut avancer que Joseph MARTIN a commencé son activté de charpentier à partir de 1765, sans doute à la mort de son beau-père, d'abord sur Cariel puis sur Cadouarn.
De cette union naquirent une fille, Julienne [1768-1846] et quatre garçons. Joseph [ca 1765-10/3/1804] et Julien [7/6/1777-6/4/1811] moururent jeunes, laissant François [175/1768-20/3/1847] et Vincent [3/12/1774-4/6/1853] à la tête du chantier à la mort de leur père.
François n'ayant eu que 4 filles, le chantier passe à son frère Vincent, qui est marin pêcheur quand il épouse le 18/2/1811 Perrine UZEL de Sarzeau [11/8/1781-23/11/1861]. A la naissance de son 1er enfant, Jean Marie en 1815, il est encore pêcheur; lorsque son épouse accouche de 2 jumelles en 1817, il déclare l'activité de charpentier, tout comme en 1820, à la naissance de sa 3° fille, Marguerite qui décède en bas âge. Lors du 1er dénombrement de 1841, sa fille Marie Vincente et son enfant sont décédés suite à l'accouchement. La famille Martin est pointée à Cadouarn.
Cette liste nominative fait apparaitre aussi une autre famille de charpentiers à Cadouarn. François LE FRANC [28/11/1769-18/4/1849] est calfat. Son fils, Patern LE FRANC [9/4/1917-29/3/1896] est charpentier. Il est fort probable que les Le Franc travaillaient au chantier Martin pour satisfaire les commandes de sinagots.
Ce premier recencement à Séné montre la présence de forgerons qui forgent les outils pour le monde agricole, les charettes mais également les outils du calfat, les scies des charpentier et les pièces métalliques des bateaux.
Au décès de son père en 1853, Jean Marie MARTIN [30/5/1815-29/3/1896] reprendra le chantier familial à Cadouarn. Lors de son mariage avec Jeanne Perrine PIERRE, le 10/2/1846, il déclare l'activité de charpentier, tout comme à la naissance de son fils aîné, Julien Marie cette même année. Les actes de naissance de ses enfants successifs permettent de lire l'activité déclarée en mairie. Les époux Martin eurent 5 filles et 4 garçons. En 1866, lors de la naissance de sa dernière fille, Jeanne, il est charpentier naval. Sur son acte de décès en 1896, l'officer d'état civil indique la profession de pêcheur. On comprend qu'avec l'âge, il a arrêté la construction de bateaux pour devenir pêcheur.
Durant ses années à la tête du chantier, Jean Marie MARTIN a travaillé avec son fils, Julien Marie mais il semble avoir également embauché des ouvriers. Ainsi lors de son mariage en 1858 avec la sinagote Alexandrine Le Ménach, Joseph BRIENDO né à Grand Champ déclare être charpentier de marine. Cette même année, à la naissance de son fils, François MORIO déclare lui aussi l'acitivté de charpentier de marine. MORIO est encore "charpentier maritime" lors de la naissance de son dernier enfant Jean Louis en 1864.
Yann LE REGENT, des Amis du Sinagot, a montré que 51 sinagots avaient été construits en 1857 et 1858, soit plus de 25 par an, alors qu'en une année "normale", le chantier Martin mettait à l'eau entre 4 et 10 bateaux.
Un grand changement intervient également à partir de l'année 1857. Les sinagots qui n'avaient jusqu'alors compté qu'un mât et une voile carrée (en bannière) amurant sur le côté, vont se doter d'un deuxième mat supportant une voilure plus importante. Cette modification couteuse avait surement pour but de leur permettre d'aller plus loin en mer. Elle va leur faciliter la sortie du Golfe du Morbihan pour pratiquer la pêche en baie de Quiberon et la drague des huîtres dans l'anse de Penerf. Les sinagots rentreront ensemble de ces sorties sur le mor bras à la queue leu leu à marée montante.
Georges Pignon, dit Jordic, Retour des siangots vers Séné à la nuit tombante, 1912, hst 23x16 cm.
Le chantier Martin était située au Godal, près de Cadouarn, coté Vannes. Les Martin avait construit une chaussée de pierres dite de Kerdavid permettant à marée haute la mise à l'eau des bateaux. Cet extrait du cadastre de 1845 permet de le situer.
Les actes de mariages des garçons permettent de connaître leur activité à l'âge adulte. Seul Joseph indique être charpentier en 1882, les autres étant pêcheurs. Mais dès la naissance de son 1er enfant, en 1883, Joseph est aussi pêcheur. L'ainé des Martin, Julien Marie, de la classe 1866, reviendra au chantier aux côtés de son père au retour de sa conscription et de la Guerre contre la Prusse en avril 1871. Lors de cette période, il fut à bord des frégates cuirassées Savoie et Gauloise.
Fregate cuirassée Savoie
Sa fiche d'Inscrit Maritime nous indique qu'il fut marin pêcheur avant de travailler au chantier après le décès de son père. Celui-ci construisit à partir de 1883, le Souvenir, dont on fera une réplique.
Réplique du Souvenir photographié dans le port de Douarnenez en mai 1993. Le Souvenir fut lancé le 28 mars 187 au port Rhu de Douarnenez.
(cliché YR les Amis du Sinagot)
La famille Martin est pointée lors du dénombrement de 1886. Julien déclare l'activité de charpentier aux côtés de son père même si il est aussi par ailleurs marin sur Le Même selon la fiche d'Inscrit Maritime.
Dans l'Annuaire-Almanach des Cent Milles Adresses du Morbihan" édité en 1886, Jean Marie MARTIN est répertorié comme "constructeur de canots" sur Séné.
Au dénombrement de 1891, la famille Martin compte 6 enfants au foyer. Vincent, marié depuis1879, Joseph depuis 1882 et Pérrine depuis 1890, ont quitté le giron familial.
En 1901, Mme PIERRE est veuve depuis le décès de son mari en 1896. Les enfants les plus jeunes, Jean Marie Pierre (avec tous ses prénoms) et sa soeur Jeanne, ont opté pour le métier de pêcheur, la construction de sinagots ne pouvant pas nourrir la famille nombreuse.
En 1905, à la demande de Jean Marie LE GREGAM qui se marie cetet année-là avec Jeanne CLERO, Julien Marie MARTIN construit un sinagot qui prendra le nom de Jean et Jeanne en l'honneur des jeunes mariés.
Les listes nominatives de 1906 indiquent que Julien MARTIN est devenu le chef de famille depuis le décès de sa mère en 1901. Il ne se mariera pas, tout comme ces frères et soeurs qui vivent près de lui.
Le 29 février 1908 le sinagot "Héléna", patron Guillaume Baro est mis à l'eau à Cadouarn.
Le 16 septembre 1909, le Sainte-Jeanne est mis à l'eau.
En 1909, Julien MARTIN perd son frère cadet Jean à l'âge de 51 ans, célibataire. En 1910, sa soeur Marie Julienne décède. En 1911 c'est au tour de Jean Marie Pierre de décéder. Si bien qu'au dénombrement de 1911, Guillemete, Jeanne et Julien sont sous le même toit. Le 15/2/1913, il reçoit par décret la médaille d'honneur.
En 1914, le chantier Martin, sans doute Julien Marie MARTIN, alors âgé de 68 ans met à l'eau le dernier sinagot construit à Séné baptisé Travailleur, tout un symbole pour ce charpentier de marine et le pêcheur qui l'a armé, François LOISEAU [25/1/1863 - 19/12/1931], qui fut également sur ses vieux jours passeur entre Séné et Conleau.
La famille subit la guerre de 14-18. Les listes nominatives de 1921, montrent que ses deux soeurs Guillemette et Jeanne Marie aident au foyer Julien MARTIN alors âgé de 75 ans. Guillemette décède en 1924.
En 1926, comme en 1931, Jeanne MARTIN épaule son frère aîné. Quant à Julien Marie MARTIN, il continue d'entretenir une partie de la flotille de sinagots et construit encore des plates jusqu'à la fin des années 1920.
Par décret du 2/8/1931, il est fait Chevalier de l'Order du Mérite Maritime. Les autorités maritimes reconnaissent son assiduité au métier de charpentier de marine.Il reçoit sa décoration le dimanche 6 mars 1932. Le maire de l'époque, Henri MENARD, ne manqua pas, comme à son habitude, d'organiser une belle cérémonie à Séné.
Julien MARTIN aura connu trois guerres : la guerre contre les Prussiens en 1870, la Grande Guerre de 14-18 et la déclaration de guerre contre l'Allemagne nazie. Il décède le 20/10/1939, à l'âge de 93 ans des suites d’une blessure occasionnée par une pointe rouillée. Ses dernières paroles avant de mourrir furent " je ne pense pas avoir dérangé quiconque sur cette Terre ".
Julien MARTIN lors des noces d'or de son frère Joseph MARTIN en 1932.
Sur la période 1844-1914, en étudiant les archives des Affaires Maritimes, les Amis du Sinagot ont répertorié 643 sinagots construits par les chantiers du Quartier de Vannes. Le chantier Martin de Séné peut s'enorgueillir d'avoir mis à l'eau 524 sinagots auxquels viendront ensuite s'ajouter, 46 autres sinagots construits par les chantiers Lesquel et Jeffredo de Vannes. Après guerre les chantier Querrien du Bono en construiront 73 de plus.
Le chantier MARTIN et Julien MARTIN que les pêcheurs appelaient avec respect et affection "Le Père Martin" était conscient que ses bateaux faisaient tout simplement vivre la population maritime désargentée de Séné , il pratiquait le juste prix, gardant pour lui de quoi subsister, à la fin de sa carrière son corps avait pris la forme des membrures de ses bateaux tellement il était courbé !
La vie a constraint Julien MARTIN à assumer son rôle de frère aîné pour aider au besoin de ses parents et ensuite à ceux de ses nombreux frères et soeurs. Resté célibataire, les nombreux sinagots construits de ses mains sont ses enfants qu'il nous a légué.
De Port Gwen à Port-Anna
Article du bulletin municipal décembre 2005, complété et illustré.
A l'origine, une anse de vase et de rochers
Le lieu dit Port-Anna était auparavant une anse ouverte sur le goulet de Conleau et exposée aux vents d'ouest. Le sol, vaseux et sableux, était parsemé de quelques têtes de roches.
La cadastre de 1844, nomme cette anse en bas de la butte de Bellevue, "le Port Gwen". De vieilles cartes illustrations montrent l'anse à ses origines.
Anse de Barrarach, on devine le Corps de Garde des Douaniers
Jean FRELAUT 1923
Anse de Port-Anna - Jean Frélaut 1923
La DRAC de bretagne, rapport qu'en 1885, il n´existe au lieu-dit Port-Anna qu´une mauvaise chaussée en pierres sèches réalisée par les marins pour débarquer le bois et les denrées nécessaires aux habitants des écarts situés à l´extrémité occidentale de la presqu´île. Néanmoins, la pente abrupte qui y mène empêche l´accès aux charrettes et l´anse ne permet pas l´abri sécurisé de nombreuses barques. Les pêcheurs multiplient donc les pétitions pour que la commune améliore le site et, en 1946, le projet d´un port est lancé.
Cette vue aérienne du goulet de Conleau en 1952, nous montre le bout de la presqu'île dépourvu de construction et l'anse de Port Gwen encore intacte.
Rien à voir avec les sinagos
Dans un article de mai 2011, Jean Richard nous précise que Port-Anna est à dissocier le l'âge d'or des Sinagos.
"Contrairement à ce que beaucoup imaginent, Port-Anna n'est pas lié à l'histoire des sinagos. Son aménagement n'a été réalisé qu'en 1953, alors que ces voiliers traditionnels avaient quasiment déjà disparu. C'est le maire Alphonse LE DERF, qui travaillait aussi à l'Equipement, qui l'a voulu pour abriter les pinasses des pêcheurs", témoigne Jean RICHARD, ostréiculteurs en retraite, installé de longue date à deux pas du port. "Auparavant ce n'était qu'un mouillage naturel, un trou de vase entre des rochers, dans lequel venaient s'échouer quelques sinagos. Mais l'essentiel de la flottille des 847 sinagos construits depuis 1848 a toujours mouillé à l'abri, à Langle, Cadouarn, Moustérian et Montsarrac."
L'article en vedette, paru dans le Ouest Eclair daté du 23 avril 1910, indique qu'avant la première guerre mondiale, les pêcheurs sinagots se lamentaient déjà du peu d'aménagements dont disposait leur littoral. Cependant, l'entreprise La Gilardaie, qui extrait des potasses à La Garenne a fait construire une cale autour des années 1860; à Montsarrac, la cale du passage daterait des années 1880 et près de Conleau, la cale de Barrarach est construite dans les années 1890. Cependant ces cales sont loin des zones d'échouage habituelles et des villages des pêcheurs et marins sinagots. La cale du Badel est réalisée entre 1905-1910. (Lire article sur le Petit Patrimoine).
C'est après la seconde guerre mondiale, avec l'avènement de plus gros bateaux à moteur que la nécessité de cales plus grandes devient criante. Après guerre, la partie la plus importante de cette flottille loge encore le long de la presqu'île de Langle, protégée des vents de Bellevue en remontant vers Moustérian et Montsarrac.. Elle regroupe les pêcheurs de Bellevue, le Meniech, Langle et Canivar'ch qui fréquentent les eaux du Golfe et de la baie de Quiberon. L'ensemble comprend, avec les petites embarcations, une cinquantaine de barques de pêche. Le problème crucial qui se pose est celui de l'inaccessibilité au littoral et les difficultés de déchargement des marchandises en "eaux profondes". D'où les doléances continuelles des pêcheurs auprès de la municipalité pour obtenir des installations portuaires convenables.
Les maires successifs à l'origine du projet
Le maire de l'époque, Eugène BENOIT, élu à la Libération (maire de 1945-1947), réunit son conseil municipal qui décide de demander aux Ponts et Chaussées, un projet de construction d'une cale. En septembre 1946, le député communiste de Lorient, Louis GUIGUEN écrit au Ministère pour obtenir la construction d'une cale à Port-Anna.
Ceux-ci étudient l'affaire, la trouvent justifiée, mais le coût atteindrait au moins 500.000 francs et ce projet, étant d'intérêt local, devrait être pris en charge en totalité par la municipalité. Le conseil conclut alors que la commune ne peut supporter une telle charge et le projet est donc abandonnée.
Les années passent, les mêmes problèmes demeurent, s'intensifient même, car le nombre de bateaux augmente et la motorisation se développe. Le projet refait surface en 1952-53, sous le mandat d'Olivier TAMAREILLE (maire de 1947-1953), mais ce n'est que le 27 juin 1954 que le conseil municipal, réuni sous la présidence d'Alphonse LE DERF (maire de 1953-1967) accepte de lancer les travaux qui sont estimés par les Ponts & Chaussées à 5.880.000 francs. L'ensemble comprend la construction d'un môle et d'une cale ainsi qu'un mur de soutènement bordant le port. Ces travaux seront accompagnés de l'aménagement du chemin d'accès et du terre-plein ainsi que la reconstruction du mur de la propriété de Mme Normand.
Cet article de La Liberté du Morbihan, datée de juillet 1955 annonce la construction par l'entreprise Grolleau de Vannes d'un quai et d'une jetée ainsi que d'un môle qui recevra ensuite la pompe à gasoil .
Le financement sera assuré de la façon suivante : Emprunt de 4.000.000 de francs par la commune...Subvention de 747.000 frs du département...Prélèvement de 830.000 frs sur le sfonds libres du budget communal de 1955. Le Préfet donne son autorisation. Onze entreprises sont pressenties; quatre seulement soumissonnent. Le conseil municipal, réuni en assemblée extraordinaire le 5 juin 1955, accepte la soumission de l'entreprise SAEG (Société Armoricaine d´Entreprises Générales) de Vannes pour la somme de 4.186.376 frs.
Objet de l'entreprise :
-construction d'un môle de 24,10 m de long et 2 m de large. Il protègera, côté du large, la cale prévue.
- une cale de 33,50 m de long et 3 m de large avec pente de 0.10m par mètre et un secteur en palier de 5 m à son extrémité.
- construction d'un mur de soutènement de 26,75 m, protégeant le terre-plein et la partie basse du chemin (accès côté mer); plus un mur de 8 m côté intérieur pour soutenir la cale.
Les travaux commencent immédiatement et seront terminés le 9 février 1956. Des travaux complémentaires, qui n'étaient pas préuvs, ont alourdi la note, qui s'élève définitivement à 6.132.184 frs. Mais le département accorde une subvention de 1.400.000 frs. Cet article de Ouest-France daté de juillet 1961, illustre les travaux de desenvasement du port et site l'aménagement de la partie centrale.
Sur cete vue extraite d'une carte postale Lansol (Musée de Bretagne) on distingue la cahute des douaniers qui n'est pas enocre cachée dans les arbres qui vont grandir. Le môle de Port-Anna est construit mais aucun batiment n'est encore érigé sur la quai principal.
A cette même époque, le peintre américain Trafford Partridge KLOTS (1913-1976) vit à Rochefort en Terre et vient souvent sur le littoral de Séné poser son chevalet comme en témoigne cette toile intitulée Port Anna.
Le garage du mécanicien de marine sera le premier, suivi par les box-garages pour les Ildarais, puis le bureau du port.
Débarquement de poisson près de la station de gasoil MOBIL (Bulletin paroissial)
On reconnait sur cette photo les garages réservés aux habitants de l'Île d'Arz et à leur droite les Etablissement Lucas, réparateur de moteurs de bateaux. A gauche la digue avec la station de gasoil. La cuve etant sous la construction sur le quai. Au second plan, le paysage n'était pas urbanisé...(lire aussi article Pascaline et les garages de Séné).
Sur cette carte postale ancienne, les arbres ne sont pas encore haut sur la butte
et la cale nord-est n'est pas élargie.
Suite des travaux d'aménagement :
Malgré ces travaux déjà entrepris, il est indéniable de devoir poursuivre l'émangement du port. Au cours du conseil municipal du 24 juin 1973, Albert GUYOMARD (maire de 1971-190) envisage de proceder en urgence au dragage du port, à la surélévation de la cale Nord Est et à la contruction d'un gril de carénage. Dès le 24 mars 1973, les travaux de dragage sont confiés à l'entreprise Voisin pour enlever 2300m3 de vase. Le devis s'élève à 41.745 frs. La cale NE est un ouvrage conçu entre 1973 et 1975. Elle mesure 21,50 m de long et 8 m de large. Elle est appelée à supporter pratiquement tout le trafic pêche du port. Le gril de carénage est quant à lui réalisé par l'entreprise Evain pour un devis de 36.750 frs. Les travaux débutent le 17 mars 1977. Le gril aura une longueur de 15 m et une largeur de 22,50 m et sera accolé le long du môle.
Vue de Por-Anna en 1977 (Poster-Ti-Anna)
Le port commence à prendre forme, mais la situation n'est pas encore satisfaisante, car la cale n'est pas accessible à marée basse. le 12 septembre 1980, le conseil municipal décide de réaliser des travaux d'aménagement, estimés à 900.000 frs. Le devis comprend l'amélioration des profondeurs du port aux abords de la cale par dragage et déroctage, diminution de la pente de la cale tout en surélevant et réalisation d'une chausée d'accès à la côte. Il faut donc remodeler les ouvrages existants et aménager une voie d'accès protégée côté port par un mur. Le conseil retient l'offre de l'entreprise Fougerolle et les travaux débutent en août 1952.
En 1985, les bureaux du port son inauguré sous le mandat de Francis POULIGO.
D'autres travaux furent entrepris par la suite, tels des dragages et des installations de mouillages. C'est ainsi que le port est devenu ce qu'il est aujourd'hui. D'une anse sauvage et marine, les aménagements successifs ont permis la réalisation d'un port apte à accueillir les activités maritimes de Séné qui, comme nous le rappelle Jean Richard, ont fortement changé au cours des ans.
Longtemps Port-Anna n'a été que le seul point de ravitaillement en carburant pour les bateaux de travail. "On comptait une vingtaine de pinasses de Séné mais on y venait aussi de Sarzeau, l'Île aux Moines ou Arradon. Le samedi matin, il y avait souvent la queue pour les pêcheurs qui préparaient leurs chalutiers pour partir tôt le lundi matin. Il a fallu agrandir l'embout du tuyau pour accélérer le débit de distribution ! Ça rapportait une belle redevance à la commune" se souvient le retraité de 74 ans, écrivain à ses heures.
En 2011, Port-Anna abritait moins de dix bateaux qui pratiquent successivement la pêche à la morgate, au rouget, à la crevette, à la coquille Saint-Jacques et à la civelle. "Certains ne sont même plus basés à Séné car avec la hausse du carburant ils partent directement de Quiberon et Saint-Jacques, à Sarzeau, sur leurs lieux de pêche. En fait, selon Jean Richard, ce sont les ostréiculteurs qui sont devenus les utilisateurs les plus réguliers du port".
Hier, la commune en recensait près d'une centaine mais aujourd'hui, il ne reste plus qu'un ostréiculteur du cru. Une dizaine de Charentais a pris la relève. "Les concessions ont été rachetées par des professionnels de Marennes-Oléron. C'est là-bas qu'ont lieu les captages, les huîtres sont ensuite élevées dans le Golfe du Morbihan, avant de repartir en Charente-Maritime pour être affinées. Elles ne sont donc plus tirées sur la cale de Port-Anna dans les années soixante l'activité de transport y est importante."
En 2018, Port-Anna ne compte plus guère d'activité maritime. Les pontons abritent encore quelques bateaux pour la photo; Les quais accueillent la traditonnelle Fête des Voiles Rouges; Les ostréiculteurs fréquentent encore le lieu. La pêche à la morgate survit toujours; La cale est aussi un point d'accès au Golfe du Morbihan prisés par les plaisanciers, les nouveaux marins Sinagots.
Demain, la création d'une "Maison du Port" en lieu et place des garages et du local du port, va consacrer l'usage touristique et patrimonial de ce lieu jadis tourné vers les activités maritimes.
Le projet au mois d'aout 2020 est très différent de celui envisagée. L'accès au toit a été supprimé et Ty Ana n'offre plus de terrasse sur le Golfe. Le restaurant géré mar Neo Restauration offre cependant une carte simple et de qualité ainsi que la dégustation d'huitres de Séné, avec une vue imprenable sur le goulet de Conleau.