Jean et Jeanne est la réplique d'un sinagot ou sinago, construit par le chantier du Guip en 1990 sur les plans d'un bateau de 1905. L'un des plus récents sinagos construits est issu d'un modèle plus ancien que les autres. Plus petit aussi, il se reconnaît immédiatement à ses vergues horizontales, alors que sur les autres sinagos elles sont nettement apiquées. Cependant, Jean et Jeanne peut aussi être gréé avec des vergues apiquées, qui lui donnent de meilleures performances. Il appartient à l'association "Un Sinago pour Séné". Il participe à toutes les fêtes et manifestations locales. On le reconnait grâce à son liseret blanc. Son port d'attache actuel est le Séné dans le Morbihan. Son immatriculation est : VA 760187, VA pour le quartier maritime de Vannes.
Caractéristique : JEAN ET JEANNE, chaloupe non pontée (Sinago)
Gréement : les 2 mâts en 1 seule partie ; voiles au tiers à vergues presque horizontales sur les 2 mâts : la voile d'avant est la misaine, celle du grand mât, le taillevent. Pas de bout-dehors.
Matériaux : Coque en bois ; mâts en bois.
Date et lieu de lancement : 1990 au chantier du Guip de l'île aux Moines, dans le golfe du Morbihan.
Autres noms : aucun
Utilisation initiale : voilier de plaisance, réplique d'un bateau de pêche du début du vingtième siècle
Dernière nationalité connue : française
Dernier port d'attache connu : Séné
Dernière utilisation connue : voilier de promenade.
Signification du nom : Jean et Jeanne :
Longueur hors-tout : 8,1 m
Longueur de la coque : 8,1 m
Longueur à la flottaison : m
Largeur maximale : 2,8 m
Tirant d'eau maximal : 1,10 m
Tirant d'air : m
Déplacement : 4 t.
Surface maxi de voilure : 46 m²
État : restauré, régulièrement entretenu.
Avant : étrave inclinée.
Arrière :comme toute les chaloupes, à la différence des canotes qui ont un tableau, il a un arrière norvégien En fait on désigne par "cul pointu" ou plus exacatement en breton "lost hir", la génération d'après où la poupe s'est allongée comme pour lle "Trois Frères" ou le "Mab er Guip".
Génèse d'une recontruction :
Cet article s'appuie sur le dossier municipal établi sous le mandat de Francis POULIGO dans le but de lancer la recontruction du sinagot Jean & Jeanne.
"Tout débute par la découverte d'une épave entre Montsarrac et La Garenne. La mémoire locale identifie très vite ce sinagot comme étant le Jean & Jeanne, dont le dernier patron fut René NOBLANC, abandonné sur la grève 40 ans auparavent.
Cette reconstruction doit également beaucoup à un passionné, Jean Pierre LE COUVEOUR, qui raconte dans le livre Les Sinagots de Gilles Millot, le début de cette histoire.
"Je leur ai dit [il s'agit de Philippe Le Berre et Marc Tual] que j'avais un plan de sinagot de même longueur, se souvient Jean-Pierre, mais un peu plus puissant dans ces formes, la génération d'après le Souvenir; c'était le Jean et Jeanne construit en 1905. J'avais retrouvé son épave entre Moustérian et Montsarrac. Un bout de l'étrave qui dépassait de la vase avait attiré mon attention, d'autant que la pièce était facilement identifiable parce que les sinagots de ce type avaient une étrave assez ronde. Je suis revenu l'année suivante avec quelques copains et nous avons entièrement dévasé l'épave après avoir enlevé la terre, les cailloux et un tas de coquilles d'huîtres.J'ai fait les relevés de l'intérieur et mesuré tous les échantillonnages de charpente, notamment la quille dont la longueur ne figurait pas sur le certificat de jauge retrouvé après coup aux Archives Départementales de Vannes. Tous ces éléments m'ont permis de retracer le bateau. Donc, j'ai conseilé à ces jeunes, qui cherchaient des fonds pour faire reconstruire un sinagot ancien, d'aller faire part de leur projet au maire de Séné. Ils sont revenus me voir le soir même, ils avaient rencontré le maire [Francis Le Pouligo] et il était d'accord!".
Cette découverte a permis d'éclaircir une période dans la longue histoire de la construction des chaloupes de Séné.
L'affirmation de l''existence d'un bateau sinagot intermédiaire entre les deux types précédemment mentionnés s'est révélée d'une manière à la fois exceptionnelle par le recoupement de deux sources d'informations défférentes et ce dans le cadre des activités de recherches menées par les "Amis du Sinagot".
En avril 1984, était menée par plusieurs membres de l'association, avec l'aide de M. J.P. LE COUVEOUR, une fouille sur une épave de sinagot indiquée par la tradition orale comme étant celle du Jean & Jeanne, sinagot "ancien" ayant navigué jusqu'à la fin des années quarante; grâce à un enfouissement sur un haut de grève relativement protégé (à Ar Gouaren, près de Montsarac en Séné), plus d'une demi-coque avait pu être conservée pratiquement en l'état, permettant la réalisation d'un relevé précis.
Paralèllement, l'association avait précédemment retrouvé les principaux documents officiels du bateau aux Archives des Afaires Maritimes. La confrontation et le recoupement de l'ensemble des données à permis l'établissement des plans du bateau, mais dans ces seules conditions.
Les caractéristiques principales du Jean & Jeanne sont les suivantes:
Longueur : 8.10m
Largeur au maître-bau : 2.83m
Creux : 1.24m
Tirant d'eau cf plan Le Couvéour
Déplacement : cf plan Le Couvéour
Surface de voile : 45.75m²
Coque (quille, membrures, borés) en chêne
Pont, bi-avant en sapin
Gréement (mats, vergues) en sapin
Le Jean & Jeanne a été construit en septembre 1905 au chantier de M. Julien MARTIN, située au lieu-dit Kerdavid en Séné. (cf certificat de construction annexé).
Sa première franchisation, faite à Vannes, est en date du 30 septembre 1905; son numéro d'inscription fut VA52, puis VA19 en 1920 (date de reprise complète des immatriculations de bateaux par le Quartier Maritime de Vannes).
En 1990, les Amis du Sinagot consulterent les archives des Affaires Maritimes et identifierent les propriétaires successifs, sans toutefois etablir leur identité précise.
Ses propriétaires successifs furent :
Jean GREGAM de 1905 à 1911,
Julien Marie LE FRANC, de Langle de 1911 à 1919
achat réalisé le 25/3/1911 pour 150,00 Frs devant Maître Guibert, notaire à Vannes.
René Marie NOBLANC, de Kérarden, de 1919 à 1948.
Achat réalisé le 13 décembre 1919.
Le bateau était armé à la petite pêche.
Intéressons nous à ces 3 marins qui naviguèrent sur le Jean & Jeanne.
Qui était Jean Gregam?
On sait que le Jean & Jeanne fut achevé en 1905 au chantier Martin. On subodore que le marin qui commanda ce bateau l'a nommé ainsi pour honorer un Jean et une Jeanne qu'il connaissait.
Comment retrouver son patron? Une recherche sur la presse numérisée des Archives du Morbihan pour débuter. Quel mot clef utiliser? Sinagot? Chantier? On opte pour Gregam qui est un partronyme assez attaché à Séné. Bingo!
Cet article du 18 juin 1905 nous indique que Jean Le Grégam prend pour épouse à Séné Jeanne Cléro. Est-ce le bon Jean Gregam? Une recherche sur le site Généanet permet d'en savoir plus sur ce marin et son épouse. On y apprend que ce Jean Marie Le Grégam est décédé en 1917. Cela parle aux Sinagots. Est-ce un marin, un soldat de la 14-18?
Lors des recherches entreprises pour le Centenaire, on a bien identifié Jean Marie Le Gregam, Mort pour la France le 4/10/1917 alors qu'il était en poste sur le navire transporteur de troupe "Le Touraine".
La consultation de sa fiche d'Inscrit Maritime lève les derniers doutes.
On lit que Jean Marie LE GREGAM entrepris une carrière de marin à l'âge de 12 ans comme mousse à bord du canot Décidé. Il effectue son service national à partir de 1899 d'abord sur le Kerguelen, puis sur le Iéna, navire où le marin Sinagot, Le Doriol, mourrut lors de son explosion en 1907.
De retour à Séné, il navigue sur le Notre Dame du Bon Secours, puis sur le Saint-Patern, La Patrie. Le 30 septembre 1905 il est répertorié comme "patron" du Jean & Jeanne.
Il n'y a plus de doute, le Jean & Jeanne fut commandé par Jean Marie LE GREGAM [9/7/1879-4/10/1917] qui choisit comme nom pour son premier sinagot, le premier prénom de son épouse Jeanne Louise CLERO [1/9/1878-27/1/1938] qu'il venait d'épouser son prémon à lui.
Jean Marie LE GREGAM était né à Cadouarn au sein d'une famille de pêcheurs. Il épouse le 25 juillet 1905, Jeanne Louise CLERO, tante de Julia Maria Le Franc, épouse du marin Patern Le Franc, patron du sinagot "Les Trois Frères". De cette union naquirent 4 enfants. Les 2 premiers moururent à la naissance. Deux filles arrivèrent à l'âge adulte, Lucienne née en 1908 et Rosalie née en 1913. Au dénombrement de 1911, la famille Le Grégam est pointée à Cadouarn.
Cette même année 1911, comme nous l'indique sa fiche d'Inscrit Maritime, du 25 mars 1911 au 24 avril 1911, Jean Marie Le Gregam est matelot sur le Jean & Jeanne. Il accompagne pendant un mois son nouveau propriétaire, un certain Julien Marie Le Franc. Il restera matelot sur différents bateaux avant d'être appelé sous les drapeaux en 1914. Pour quelles raisons Jean Marie LE GREGAM s'est-il séparé de son sinagot 6 ans après sa livraison?
Qui était Julien Marie Le Franc?
Le site Mémoire des Hommes a numérisé et classé par nom, les fiches des Inscrits Maritimes des Quartiers du Morbihan Sud, dont celui de Vannes auquel sont rattachés les marins sinagots. Le site Généanet nous donne une liste de Sinagots portant le nom de Julien Marie Le Franc. Patiemment, avec méthode, on finit par identifier le nouveau patron du Jean & Jeanne.
Il s'agit de Julien Marie LE FRANC [12/1/1886 -8/2/1956] né à Cariel dans une famille de marins. Il épouse le 4 avril 1910 Marie Véronique NOBLANC [25/10/1889-ca 1930].
Depuis le 25 mars 1911, il est le nouveau patron du Jean & Jeanne. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'en mars 1914, il est matelot sur le vapeur Jeanne puis le Suzanne Céline à Arcachon. Pendant la guerre, il est marin sur la Cassard, puis sur le torpilleur Dunkerque. Il est libéré en 1919 et retourne à Séné. Du 7 mars 1919 au 15 décembre 1919, il est à nouveau patron du Jean & Jeanne. Il est ensuite pointé comme patron du France & Russie, sans doute repris à René NOBLANC, ce dernier récupérant le Jean & Jeanne fin 1919.
La consultation des listes nominatives permet d'établir qu'il est encore Sinagot en 1921 et en 1926. Toutefois, dès 1921, il est chauffeur d'un vapeur à Arcachon. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'à partir du 8 octobre 1928, Julien Marie LE FRANC est rattaché au Quartier d'Arcachon. Il décèdera à Gujan Metras en Gironde. Julien Marie LE FRANC avait avant guerre le projet de s'établir en Gironde. La guerre a reporté cette décision. Logiquement il a cédé son sinagot.
Qui est René Marie NOBLANC, dernier patron du Jean & Jeanne?
René Marie NOBLANC [24/10/1887-13/7/1966] n'est autre que le beau-frère de Julien Marie LE FRANC. Il se marie à Séné avec Marie Mathurine MARION [16/4/1887-15/7/1962]. Bien qu'ayant effectué un service national dans la marine en 1907, il sera affecté au 3° Régiment d'Infanterie Coloniale. Sa fiche d'Inscrit Martime nous indique qu'au retour de la guerre, il est à nouveau sur le France & Russie de mars 1919 à décembre 1920. Ensuite, à l'age de 33 ans, il est le nouveau patron du Jean & Jeanne.
René NOBLANC conservera le Jean & Jeanne pendant l'Entre-deux-Guerres et tout le temps de l'Occupation.
Une demande d'annulation de soumision de francisation est faite le 10 mars 1948 par M. Noblanc; un constat de dépècement est attesté par les douanes le 26 mai de cette meme année. En fait, comme la majorité des sinagots, le bateau a été désarmé et simplement mis à la côte. Il est laissé sur une grève à Moustérian où petit à petit la dune va l'enterrer. Le bateau compte alors 43 ans de navigation dans le Golfe. Son épave sera redécouverte en 1987 et le bateau sera reconstruit à l'identique.
Ce schéma récapitule l'histoire des marins patrons du Jean & Jeanne. En faisant renaître le Jean & Jeanne, l'association "Un Sinago pour Séné", honore également la mémoire du soldat LE GREGAM, Mort pour la France pendant la Première Guerre Mondiale.
Jusqu'à ces dernières années, l'on connaissait deux types de sinagot: celui utilisé jusqu'en 1963 par les pêcheurs, construit entre 1919 et 1943 au chantier Querrien du Bono, près d'Auray, et dont la récupération de quelques exemplaires pour la plaisance entre les années 1960 et 1970 avait pu, en grande partie, prérenniser l'existence avant la création, en 1969, de l'association des "Amis du Sinagot".
Celui existant dans la seconde moitié du XIX siècle, grâce à la parution, dans un numéro de la revue "Le Yacht" de 1889, du plan de l'un de ces bateaux, le "Souvenir", construit en 1883.
Du premier type, trois exemplaires naviguent à ce jour :
-le "Trois frères", sinagot authentique construit en 19473, classé monument historique en 1983 et entièrmeent restauré en 1985/86 au chantier Michelet de Conleau (Vannes) pour le compte de l'association sus-nommée.
le Mab er Guip, et le 'Nicolas Benoit", construits en 1985 et 1980 par le chantier Le Guip à l'Île aux Moines, et copies des "Vainqueur des jaloux" et "Ma Préférée",sinagots de 1933.
Les caractéristiques et performances du second type nous sont aujourd'hui mieux connus grâce à la reconstitution du "Souvenir" faite en 1986 dans le cadre des stages de charpente marine de la FRCM (Fédération Régionale pour la Culture Maritme).
En dépit des différences très marquées entre ces deux séries de bateaux, qui pouvaient laisser supposer à l'existence d'un ou plusieurs modèles intermédiaires, aucun document précis, et plus particulièrment des plans, ne pouvait corroborer ceci; en l'atat, les multiples documents iconographiques pourtant existants (photos et cartes postales du début du siècle) s'avérèraient insuffisants pour déceler et déterminer les caractéristiques essentielles, notamment la forme de coque.
L'évidence de cette existence d'un troisième modèle de sinagot ne s'est en fait révélé que par la recoupement et la confrontation de deux sources d'informations différentes.
Tout au long du projet, l'association dont la première appellation fut "Bateau Ville de Séné", pu compter sur le soutien d'Eric Tabarly qui venait à la fête des Voiles Rouges et naviguait sur le Souvenir avec les jeunes membres de l'assocation "Un Sinagot pour Séné". Le Jean & Jeanne fut mis à l'eau le xx 1990 à l'Île aux Moines.
Le bateau fut baptisé par le recteur de Séné, le père Chauvin le 12 août 1990, en présence de M. le maire, Marcel Carteau, de Gérard Allanioux, président de l'association "Un Bateau pour Séné" et de la fille aînée de son dernier propriétaire Mme Marie Louisa Noblanc [1914 - 2003] veuve de Fernand Serre [1914-1959]. L'association changera ensuite de nom pour et deviendra "Un Sinagot pour Séné".
En 1992 le Jean et Jeanne participe au festivité nautiques de Brest. Let évènement donne lieu à l'édition d'un pin's.
Plus curieux, en 2004 , les Vignerons du Mont Ventoux sortent une cuvée de vin rosé illustrée par le Jean et Jeanne.