Faits-divers
- Pêche en fraude, 1729, par l'Abbé LE ROCH
- Anne LE DORIOL, infanticide 1864
- CONAN, le bagnards du Versa, 1864
- 1870, deux coups de trop pour LE DIGABEL
- 1887, Ainsi se forge une légende !
- Mlle MARTIN victime des Batignolles 1921
- ALLANIOUX tue sa Désirée 1924
- Ivresses lapidaires à Cadouarn, 1929
- 32 "voleurs" de palourdes, 1932
- Deux pêcheurs liquident leur vieilles rancunes, 1933
3.- DU MOYEN-ÂGE A LA REVOLUTION
Le Sinagot vu par "le petit bout de la lorgnette": une anecdote en date de 1729, qui montre que, pour sa survie et celle de sa famille, le Sinagot sait "tirer des bords" face à la "LOI"...Ci-dessous le texte "en clair" que vous aimerez auparavant essayer de déchiffrer dans les pages qui suivent. MERCI à M. Bertrand, de l'Inscription Maritime qui nous les a communiquées.
22 Septembre 1729- Interrogatoire du Particulier Cy-après fais par Nous Noël Bourgeois Escuyer, Sieur de Limur, Conseiller du Roy, et Lieutenant Général del'Amirautée de l'Esveschée de Vannes ayant avec nous pour greffier Vincent Gavelo Le Thieis duquel le Serment pris il a promis et juré la main levée de se comporter fidellement ayant aussi pour Interprette de la langue bretonne à la française Pierre Auffrédo duquel pareillement le Serment pris il a promis et juré la main levée de se comporter fidellement auquel interrogatoire avons vacque à Requeste du Substitut du procureur du Roy comme suit à Lisledarts. Ce jour Vingt deux Septembre mil sept cent vingt neuff..?.. Conduit devant nous par nos huissiers, un particulier duquel le serment pris, il a promis et juré la main levée de dire vérté.
Interrogé de Son nom, qualitée et demeure. Répond par l'interprette s'appeler Le Ridant et Reffusant de nous dire son nom de Baptêsme, calfat de profession, âgé de (45) quarante cinq ans, demeurant au village du Mousterian en Sene.
Interrogé d'ou vient. Il fuyait devant nous ce jour dans la chaloupe et d'ou vient il a reffusé aussi bien que son Equipage se voyant arresté de nous dire son nom de Baptêsme, Répond qu'il allait son chemin et que s'il n'a pas voulu dire son nom c'est qu'il pensait pas et qu'il ne se souvient pas de son nom de Baptêsme.
Interrogé d'au vient naviguant en qualitè de pescheur qu'il se dispense de prendre de passeport d'un an de Monseigneur l'Amiral et depuis quand Il n'en a pris. Répond qu'il n'a point pris de passeport depuis que le dernier est finy et qu'il ne se souvient depuis quand le dernier est finy.
Interrogé s'il ignore les déffenses de pescher avec la drague si ce n'est en dehorsde la Rivière et du moins à une lieue long des Costes et d 'ou vient il pratique cette sorte de pesche ainsi que la plupart des pescheurs de Séné de jour et encore plus de nuit en dedans de la Rivière et tout près des Costes. Répond qu'il a ouy dire qu'il y a des déffenses et que s'il pesche de cette façon, c'est pour avoir du pain.
Interrogé d'ou vient il ne sort pas hors, de la Rivière pour pescher du moins une li lieue de la Coste; Répond qu'il ne savait pas qu'il fallait sortir hors de la Rivière.
Interrogé d'ou vient, il se sert de battons ferrés en forme de trident pour battre l'eau et prendre du poisson, ce qui est deffendu par les ordonnances.
Répond qu'il ne croyait pas que cela fut deffend son interrogatoire duquel lecture luy faitte, il a dit qu'il convient vérité, y persister et a enfin déclaré s'appeller Julien Le Ridant et a déclaré ne savoir signer et a l'interprette signé.
Bourgeois - Auffredo Gavelo Le Thieis - Pr le greffier
N.D.L.R : "NIHIL NOVI SUB SOLE"
Sur la base des déclaration du pêcheur en fraude, Julien LE RIDANT, âgé de 45 ans, on retrouve sur les registres de bâpteme son identité. Il s'agit de Julien LE RIDANT, né le 26 juillet de l'an de grâce 1683, au village de Montsarrac, fils du poisonnier, Yves et de Marguerite LE FRANC.
Ci-après copie du procès verbal d'époque, 1ère page sur 3.
Les Archives du Morbihan conserve les archives des Assises et des tribunaux de Vannes. Finalement, depuis la Révolution, les Sinagots auront été un peuple pacifique. On ne conserve de trace que de quelques crimes parmi lesquels l'infanticide commis par Marie Anne LE DORIOL de Montsarrac.
Marie Anne LE DORIOL nait au village de Monsarrec le 27/9/1840. Son père, Jean Pierre est marin. Sa mère, Marie Vicente COCARD est ménagère. La famille est pointée lors du dénombrement de 1841. Mais il faut noter l'erreur de l'employé qui enregistre la famille sous le patronyme LE DORIDOUR.
L'aîné de la famille est Jean Louis [7/07/1835-18/06/1854] qui sera marin comme son père. Le deuxième enfant, s'appelle Olive qui décèdera en bas âge [1838-1842]. La famille était déjà endeuillée par le décès du papa à l'hôpital de Pointe à Pitre en Guadeloupe, alors qu'il était embarqué sur La Renaissance. Séné détient un nombre élevé de marins péris en mer et sans doute un nombre tout aussi élevé de marins décédés de maladie contractée à bord...
Anne et Jean Louis se retrouvent orphelins au décès de leur mère en 1850. Jean Louis continue sa carrière dans la marine qui le conduit à bord de La Semillante pendant la Guerre de Crimée. Le matelot de 3° classe décède de maladie à bord, au large de l'île de Furusund en Suède. La Sémillante aura un destin tragique au large de Bonifacio en février 1855 où périront d'autres marins sinagots.
Marie Anne LE DORIOL se retrouve seule à l'été 1854 au village de Montsarrac, elle a 14 ans à peine. Si la jeune Marie Anne a été scolarisée, elle a peut-être suvi les cours de la toute première institutrice, Anne DANET, présente sur la commune de 1835 à 1854, date de l'arrivée de Soeur Esther et des Filles de la Charité, à l'initiative du recteur Toumelin.
Elle déclarera le métier de lingère qu'elle a dû apprendre par apprentissage sur Vannes.
Un métier va suivre le même développement et le même déclin que celui des coiffes, c'est celui de lingère. D'une activité de simple entretien de linge au début du siècle, il va devenir une activité de création nécessitant un long apprentissage et des doigts d'or.
"Au début du XIXe siècle, les lingères entretiennent le linge, surtout le blanc. Elles lavent, repassent, amidonnent jupons, bonnets, chemises, les mettent en forme. Mais ce métier va exploser au cours du siècle avec le développement des coiffes. Les lingères qui jusque là travaillaient dans les maisons nobles et bourgeoises vont se voir solliciter par les paysannes qui ont désormais accès aux dentelles et à la soie, matériaux qu'elles ne savent pas entretenir.
En effet on ne s'improvise pas lingère. On accède à ce statut après un apprentissage de trois ans. Une condition pour devenir apprentie, c'est d'avoir les ongles longs pour réaliser le fameux plissé à l'ongle. Une vieille grand-mère de 90 ans se souvenait encore il y a dix ans de son émerveillement, quand elle était petite, devant la longueur des ongles de la lingère. Ceux de l'index, du majeur et de l'annulaire mesuraient au moins 1 centimètre et elle les voyait encore saisir prestement deux plis qu'ils bloquaient et tiraient. Puis elle les repassait par petite surface, environ 4 cm2 après 4 cm2. Il fallait aussi avoir le souci de la perfection sinon gare aux coups d'aiguille à tricoter sur les doigts."
Quelques temps avant son accouchement, elle est accueillie par Mme Veuve LERAY, née Louise Tréhondart [17/6/1823-17/9/1903]. Il s'agit de la soeur de Julien Tréhondart, marin, Chevalier de la Légion d'Honneur, qui se noiera dans le Golfe avec sa fille Marie Jeanne. C'est aussi la soeur de Jean Louis Tréhondart, marin décédé lors de la Guerre de Crimée. Louise LERAY sera témoin lors du procès avec 5 autres personnes : "quelques jours avant la foire de Saint Laurent qui a lieu dans le mois de spetembre, la nommée Marie Anne Le Doriol vint demeurer chez moi dans une petite chambre .... attenante à celle où je demeurrai moi même, je ne lui avais demandé aucun frais pour la location et s'était par amitié que je l'avais accueillie chez moi comme elle était lingère qu'elle allait souvent en journée et qu'elle en revenait que le soir, je ne m'imaginais pâs qu'elle fut enceinte."
Louise Trehondard, une ami eintime de l'accusée déclarera avoir ignorer que son amie était enceinte. Ainsi au village de Montsarrac, Marie Anne LE DORIOL réussit a masquer sa grossesse.
Selon l'adjoint au maire Le Douarin, François Surzur, qui deviendra maire également, il s'agissait d'une fille coquette. Lors de l'année de ces 20 ans, elle rencontre un marin qui la met enceinte. Lors de sa déposition, elle avouera qu'elle devait épouser un préposé des douanes et pour cette raison, elle cachera sa grossesse au village de Montsarrac.
Elle accouche d'une petite fille le 12 novembre 1864. Elle tombe malade à la suite de cet accouchement clandestin. Elle ira quémander un vomitif à Soeur Esther quelques jours après avoir donné vie à un enfant dont elle abandonnera le corps dans un puits et qui sera retouvé par des enfants le 8/12/1864. Aussitôt, la maire Le Douarin en informera la justice.
Le chef d'accusation précise les circonstances de l'infanticide: "Le huit décembre 1864, deux enfants ayant aperçu flottant à la surface d'un puits xxxx, près du village de Montsarrac en la commune de Séné un paquet assez volumineux, avertirent Guilllaume Le Digabel et François Le Didrouch qui le retirèrent de l'eau. Le paquet dont l'enveloppe en grosse toile était cousue avec soin de tous les côtés, contenait avec une chemise de femme tachée de sang, le corps d'un enfant nouveau né, la tête était entièrement recouverte d'un tablier que l'on avait fortement attaché autour du cou au moyen d'une lisière de laine. Le médecin chargé de l'autopsie constata que cet enfant, bien qu'il fut venu au monde un peu avant terme, était né vivant et viable et qu'il avait succombé par suite d'une asphyxie déterminée par la constriction qui avait été opérée sur la bouche et sur le cou. La mort devait remonter à trois semaines environ.
Marie Anne Le Doriol, jeune fille de vingt quatre ans, qui habitait avec la femme Leray une maison située au village de Montsarrac, s'était trouvée malade à l'époque correspondant à celle de la naissance de cet enfant. Après quelques dénégations, cette fille déclara qu'après une grossesse de huit mois, elle avait été prise le onze novembre 1864 des premières douleurs de l'enfantement et avait accouché le lendemain pendant l'absence de la femme Leray. Elle avait baptisé son enfant et lui avait enveloppé la tête dans un tablier qu'elle avait serré avec force autour du cou dans le but de lui donner la mort.
Elle avait ensuite déposé son cadavre dans une armoire et après l'avoir mis dans un morceau de toile qu'elle avait cousu de tous les côtés, elle était allé huit jours après le jeter dans le puits où on l'a trouvé. Elle a persisté dans cette déclaraiton en maintenant toutefois qu'elle n'avait pas entendu son enfant crier et quelle ne savait s'il avait vécu. Elle ajoutera avoir baptisé l'enfant né.
En conséquence, Marie Anne Le Doriol est accusée d'avoir le douze novembre 1864 commis un homicide volontaire en la personne de son enfant nouveau né.
Marie Anne Le Doriol ajoutera qu'elle acceptait sa maternité et pour preuve avait confectionné quatre bonnets pour son futur enfant. C'est la perspective d'épouser un préposé des douanes qui la convainc de se débarasser de son enfant.
Le gendarme la questionna rudement: "
D:Quelques jours avant votre accouchement n'allâtes-vous pas trouver les Soeurs de la Charité au bourg de Séné, en leur disant que vous aviez mal au ventre et que vous aviez les jambes enflées, et ne leur demandates vous pas un vomitif qu'elle vous donnèrent?
R: ce en fut pas avant mon accouchement que les Soeurs de la Charité de Séné me donnèrent ce vomitif mais le dimanche lendemain de moin accouchement. (Cette réponse fut confirmé par Soeur Esther qui fut entendu comme témoin.)
Le procès se tient aux Assises de Vannes, le 7 mars 1865. 12 jurés sont choisis parmi une liste de 36 nomùs. Elle sera accusée à la majorité d'assassinat sur son enfant et condamnée à 6 ans de travaux forcés, bénéficiant de circonstances atténuantes. Elle sera incarcérée à la "maison centrale" de Vannes. Par un recours en grâce déposé le 28/5/1869 et accepté le 9/08/1869, elle bénéficera d'une remise de peine de un an.
Cependant, Marie Anne LE DORIOL décède le 19/9/1869 à la prison de Vannes.
Vincent CONAN [7/6/1838-7/4/1865] nait à Séné au village du Versa. Son père Yves CONAN [8/8/1807-12/9/1880 St-Avé] est natif de Saint-Avé. Son père se marie le 19/7/1830 à Séné avec Jeanne Louise LE DOUARIN [15/2/1810 Séné-13/2/1875 St-Avé], et déclare la profession de laboureur et vivre à Saint-Patern à Vannes. Sa mère quant à elle, est native de Cressignan en Séné au sein d'une famille de laboureurs.
Le lieu de naissance des 10 enfants de la famille Conan, permet de suivre son lieu de vie et de travail. Les deux premiers enfants naissent à Vannes. Marc CONAN [17/12/1835-25/8/1859] nait au Versa et mourra de fièvre typhoïde lors de la Campagne d'Italie des Armées de Napoléon III comme l'autre soldat sinagot Allano. Puis viennent Vincent, Jeanne Marie [4/9/1840-1840], Marie Louise [2/12/1841-1842] et encore Jeanne Marie [20/12/1842-??]. La famille est pointée au dénombrement de 1841 au Versa.
Ensuite la famille gagne Saint-Avé où naissent Jean Marie [11/1/1846-29/9/1904 qui sera carrier; Jean François [4/8/1848-19/7/1870 qui sera laboureur et Marie Anne [7/2/1851-??]. On note au passage la forte mortalité infantile qui affecte les enfants de la famille Conan.
Vincent CONAN écope de sa première condanation à l'âge de 16 ans, le 22/5/1854. Il fait 10 jours de prison pour escroquerie. Lors de son procès en 1864, la profession de Vincent CONAN est ouvrier cordonnier et il demeure à Questembert. Il fait la connaissance de Marie Françoise FALHER, jeune prostituée de 23 ans à Vannes. Celle-ci approche un dénommé Guillaume MORICE, porteur d'eau de son état.
Guillaume Joachim MORICE [26/7/1822-17-18/5/1864] est natif de Séné. Sa mère Marie ROPERT [30/5/1795 Séné Versa - 24/2/1835 Vannes] a épousé à Vannes Louis MORICE [23/9/1793-2/2/1869 Vannes]. Lorsqu'il se marie à Saint Jean Brevelay le 21/11/1845, il déclare la profession de cultivateur comme son épouse, Perrine LE BRIERE [7/6/1822-??].
Selon les articles de presse d'époque, au moment des faits, il est porteur d'eau à Vannes et selon son acte de décès, sa femme est blanchisseuse. Dans la nuit du 17 au 18 mai 1864, il est détroussé et tué à l'arme blancheaux abords de la nouvelle rue Billault à Vannes.
Vincent CONAN sera condamné le 10/9/1864 aux travaux forcés à perpétuité.(documents ANOM)
Il arrive au bagne de Toulon le 6/10/1864. Il est détaché des chaînes le 21/11/1864 et embarque sur le Céres pour la Guyane où il sera emprisonné sur l'ïle au Salut.
Il décède environ 4 mois après son arrivée le 7 avril 1865.