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ESSAI SUR LA TOPONYMIE (Etude des noms de lieux) DE LA COMMUNE DE SENE

Pour connaître la signification des noms de lieux actuels (villages, hameaux, lieux-dits), il est nécessaire de faire appel aux formes anciennes de ces noms en compulsant les archives (état des sections du cadastre, actes officiels, chartes, titres de propriété, etc...) et en tenant compte de la prononciation locale. Il faut aussi observer la situation topographique des lieux en question, car bien souvent, le nom provient de la position ou de l'environnement, et connaître l'histoire de leur passé. Bien des déformations ont pu se produire au long des siècles tant dans les écrits que dans le langage populaire, et, pour rétablir les appellations d'origine, trouver leur véritable sens, il convient de faire de nombreuses et patientes recherches. Efforçons-nous, à l'aide des moyens dont nous disposons, de découvrir, dans la mesure du possible, la signification des toponymes de la commune de SENE.

Tout d'abord, le nom du chef-lieu communal SENE est une évolution normale du terme gallo-romain : "SENAC" qui a donné "SINAGOT". Le terme s'est trouvé figé du fait que l'occupation bretonne s'y est sans doute fait tardivement. Tout près du centre romain de Darioritum ou VANNES, SENE a dû constituer, longtemps après l'arrivée des Bretons en Armorique, au Vème - Vlème siècle, un îlot gallo-romain tenace et la transformation de SENAC en SENE a eu le temp, de se produire comme dans beaucoup d'autres localités de FRANCE.

"SENE, héritage gallo-romain "SENACUM", au lieu de produire SENAC, a donné SENE, comme dans les régions dont la bretonnisation fut moins marquée à l'origine ou retardée ... On pourrait cependant y voir une interprétation bretonne correspondant au gallois SENEDD, le SENATUS latin du conseil des anciens. "SEN" êquIvaut à "HEN" : vieux, et il se peut qu'il y ait quelque rapport avec SEINIZ, SEIN qui sont des îles".

Le nom s'apparente certainement au terme "sénat, sénateur", et l'on sait que lors de la bataille navale qu'il livra aux Vénètes au large du golfe du Morbihan, Jules César fit exterminer tous les membres du Sénat de ce peuple...Appliqué au territoire qui porte ce nom, SENE signifie donc : "le pays occupé par ses vieux habitants : Armoricains, Vénètes et Romains." Les langue gauloise et latine y furent parlée plus tard que dans les territoires envahis par les Bretons d'Outre-Mer, après 460. Les "SENACES" ou SINAGOTS primitifs étaient les habitants gallo¬romains de ce centre.

Il est des toponymes dont il est inutile de recherche le sens tant il saute aux yeux. Ce sont, pour la plupart, des dénominations modernes. Ainsi: BELLE-ETOILE, BELLE-VUE sont des villages placés sur les hauteurs d'où l'on découvre de vastes horizons, les beautés d'alentour.
QUATRE-VENTS, LA CROIX-NEUVE, I.A VILLENEUVE, KER-ANNA, PORH-ANNA, KERFONTAINE, KERCOURSE, CHAMP DE COURSES, LA POUSSINIERE (élevage de volailles) se comprennent également sans difficulté.
Les appellations de SAINT LAURENT, SAINT LEONARD sont en relation avec les chapelles qui existent à proximité.
Trois noms de village paraissent remonter comme SENAC à l'occupation romaine, mais habités peut-être plus tôt par les Bretons, leur terminaison s'est trouvée figée.

Ce sont: MONTSARAC, de "MONT" et "SAR" qui signifie rivière : hauteur dominant le bras de mer de Saint-Léonard.

CANTIZAC, déformation probable de GANKIZ ou CANKIZ : maison de plaisance à la campagne, plessis. Ce lieu a appartenu, avec le moulin qui en dépendait, à un seigneur de VANNES ayant pour armoiries : "écartelé au 1 et 4 d'argent, à la bande de gueules chargée de trois alérions d'or''.

Les noms donnés par les Bretons aux groupes d'habitations formés par eux ou déjà existants sont faciles à reconnaître. Ce sont POULFANG : trou de boue ou marécage, francisé en "LA GRENOUILLERE" ou mare aux grenouilles, agglomérations qui se touchent.

GOH-FETEN: vieille fontaine ; GOHO qui a le même sens que COSQUER: les habitations vétustes ; BOD-SPERNËN : buisson d'épines ;
LESTRENIC : l'endroit (léh) ou la cour seigneuriale (léz) où poussent les ronces, c'est-à-dire la ronceraie ; GORNEVEZ pour KER-NEUE : nouveau village ;. CRESSIGNAN doit être décomposé en : CREC 'H ou CREAC'H : éminence, crête et CHIGNAN : grenouille, d'où butte des grenouilles ; GOUAVERT pour GOAH-VER: court ruisseau ; KERARDEN, contraction de Kér-ar-deuen : village sur la côte ou falaise ; KERBISCON : village
du vicomte (ancienne seigneurie) ; KERAVELOT : village des vents (auéleu) ou exposé au vent du rivage (Kèr-auél-aod) ; KERSTANG: village des marais ou de la retenue d'eau ; KERVILIEU : village .des galets ou cailloux des grèves (bilieu) ; KERLEGUEN : pour Kér-léz- guen, village de la blanche cour (seigneuriale) ; LE MENIEC pour Manéeg la butte rocheuse ; CANO : les plaines ou vallons ; CANNIVARH , de Can: vallon et ivarh chemin creµx, soit vallon du vieux chemin ; CRANUAH: de Cran: crête et nuah : dénudée ; FALGUEREC : mauvais petit village (Kérig) ; LIMUR est sans aucun doute une résidence seigneuriale (léz ou liz) vaste (meur).

MOUSTERIAN rappelle l'existence en ce lieu d'un établissement monastique datant du Xême siècle ; ce terme vient de monastère, moûtier, moustoir. La finale "Yann" peut être un souvenir d'un couvent des chevaliers-hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Leur patron, St Jean Baptiste avait un autel en l'église paroissiale où le prêtre Jean BERTIN fonda, en 1656, une chapelleie.

BALGAN provient de Bal (balle, bally) éminence et de Can: vallon;

BEZIDEL sent le buis (beuz, beuzit : la buissière) et les Romains qui entouraient de cet arbuste leurs retranchements .

BILLAREC signifie : la cressonnière, de Beler, Bilaire

BARRARAC'H, mot quelque peu barbare, qui vient de BAR et de BARAC'H: buissonneux BARACH est un nom de lieu qui se rencontre aussi à PLOERDUT, LANGONNET, MELLIONNEC, parfois avec deux R, avec le sens très ancien de "buissonneux ". Au FAOUET, ont trouve BARREGAN; à LANGONNET : BARLEGAN : vallons broussailleux; à NIVILLAC : BARAGAN ; à MESLAN : BARHALACH.

BILERBON se décompose en Biler : cresson et "bon" qui veut dire rivière (abona) ou borne, limite de la pénétration des eaux, soit village à l'entour de la cressonnière.

BROUEL correspond à un site maritime indiquant une limite comme le terme gaulois Brogilt, Bruel, Breil. On trouve un BROUEL à AMBON (village et salines), à ARZAL (château et village), à SARZEAU, à l'ILE D'ARZ et l'ILE AUX MOINES, en bordure de mer.

CADOUARN, chef-lieu de la plus longue des "sous-presqu'îles" et le plus important des villages de SENE, comporte un vocable très ancien. Il est le reflet de CAIHERN ou CATHOUARN, nom que l'on rencontre au Vlème siècle. L'origine de ce toponyme est : Cad : combat, et houarn fer, soit le combat du fer.

KERDAVID est certainement le village d'un dénommé David et

OZON ou AUZON, le nom du personnage qui l'a légué au château qu'il construisit.

CARIEL est un ancien Ker-lel ou Ker-Niel, peut-être le nom d'un saint que  l'on retrouve en d'autres localités, par exemple à RIANTEC (Saint Niel).

KERGRIPPE rappelle une éminence rocheuse où l'on s'agrippe, comme à GROIX.

LANGLE signifie une pointe, un promontoire et a quelque analogie avec la langue de terre s'avançant dans la mer.

MORBOULE correspond à dès flaques d'eau de mer (mor-pouleu),

MICHOTTE vient peut-être du breton Michod qui a le sens de mûr à point, de blet, à moins que ce ne soit une variante familière de Michel (Michaud),

LE RANQUIN est une déformation de Run : éminence, hauteur, et de guen : blanc.

LA GARENNE qui évoque un terrier à lapins, s'applique souvent à des souterrains et à des monuments mégalithiques (tumulus, dolmen).

LE PURGATOIRE , si l'on se réfère aux hameaux de même nom rencontrés dans plusieurs autres paroisses,. signalerait la présence en ce lieu d'une antique léproserie, lieu de séquestration et de souffrances des lépreux du Moyen-Age.

LES ILOTS DE BOUED et de BOEDIG faisant partie jadis de la terre ferme en ont été détachés par suite de l'envahissement de la mer. Ces termes veulent dire en breton "nourriture" et se rapportent soit à l'appât aux poissons (bouet) que les Sinagots d'antan allaient chercher sur ces terrains, soit plutôt aux pâtures qui s'y trouvaient. Sur ces pâtures s'est édifiée la petite chapelle de Saint Vital, prenant la suite de l'enceinte mégalithique considérée comme un temple paien (vestiges de cromlech et de dolmens). 

Nous en avons terminé avec les noms des villages et hameaux de SENE. La liste des 55 lieux-dits n'est sans doute pas complète et nous aimerions connaître les autres appellations en usage dans le pays. Il reste quelques toponymes dont la signification est difficile à déterminer soit qu'ils comportent de vieux termes disparus, soit qu'ils aient été tellement modifiés qu'on ne retrouve plus les dénominations primitives. De ce nombre sont : BINDRE, DOLAN (2) , KERNEPITUR, PIRINEAU (3) et LE VERSA.

En tenant compte du sens que nous avons donné des différents villages, il sera possible aux habitants de SENE de choisir des noms adaptés à leurs demeures et villas, d'après leur situation sur le territoire de la cotmnune.

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I. ASPECT GEOGRAPHIQUE : SENE ECARTELE

Au fond du Golfe du Morbihan, voici Séné, ou plutôt le PAYS SINAGOT. Vannes n'est pas bien loin, à peine 4 kms du bourg. L'histoire de Séné est celle d'une lutte qui devint amitié et s'achève à présent en lassitude ; une rencontre entre la terre et l'eau dont le pêcheur sinagot fut le fruit.

Déjà depuis plusieurs millénaires l'homme s'est interessé à ce coin de terre ; les traces de son implantation en font foi ; mais il s'y est fixé.pour y entendre l'appel de la mer comme à un renoncement de son sol. Ailleurs, l'homme fils de la terre, s'est lancé à la conquête des eaux. Et si le pêcheur breton estime la mer, c'est en vieil adversaire implacable.

A Séné, les deux lutteurs se sont vite pris d'amitié. La Nature le veut ainsi ; car l'Océan ici, c'est le Golfe, et le Golfe, c'est l'Océan se faisant terre ; surgissement de dizaines de petites îles comme un fruit de la mer elle-même.

Intime compénétration ; la terre à son tour se veut mer, et le Pays Sinagot s'achève en Boëde et Boëdic que les eaux, à mi-temps, environnent, échange de l'amitié, don éternellement restitué, au rythme même des marées.

L'alliance est dans le sang mêlé ; les eaux pénètrent profondément à l'intérieur des terres ; les rivières de Vannes et de Noyalo sont l'étreinte de la mer. Où commence la terre? Où finissent les eaux? Nul ne saurait le dire. La vie bouscule les barrières, la côte joue avec les eaux, et avec l'aide de l'homme, la terre reprend parfois quelques hectares, non comme un droit, ni même comme une nécessité, Mais comme une réponse à un amical défi ; sans insister d'ailleurs lorsque la mer franchit l'obstacle avec un sourire.

Pourtant ce jeu de l'amitié a souvent été rude. Le Sinagot a mené son destin à celui du Golfe ; mais le drame éclate parfois lorsque sous l'impulsion du vent, la mer perd son contrôle. Ses terribles accès sont alors redoutés. Le coup de vent de Noël est pour le marin du XVIIIème siècle, l'épreuve de l'amitié. Ses compagnons sont morts en mer, mais il n'en accuse pas sa vieille amie ; l'ennemi, c'est le mauvais temps qui rend les eaux malades ; c'est le ciel jalloux, jalloux de cette alliance entre la terre et l'eau. Et c'est le ciel que le marin implore.

Mais la crise passée, l'homme de la terre se retrouve l'homme des eaux...

Il en a été longtemps ainsi. Le Sinagot a labouré le Golfe. A Séné, on était marin, même si parfois l'on cultivait la terre. Mais pour beaucoup, la tentation fut forte ; face à l'insécurité de la mer, la terre inspirait confiance. sene carte leroch

Et un beau jour de nombreux hommes se réveillèrent surpris; la mer leur paraissait étrangère, ils sont devenus paysans.

Ce fut une nouvelle étape. Le coeur de Séné était divisé. La terre lui offrait ses légumes et la mer son poisson. Tant bien que mal, on prit son parti de l'existence de ces deux Séné. Une cohabitation pacifique s'établit entre la ligne des villages côtiers : Bellevue, Langle, Cadouarn, Moustérian...et les fermes de l'intérieur que le bourg regroupait tant bien que mal. La fusion ne fut jamais complète et maintenant encore le Paysan Sinagot, bien que profondément attaché à son sol et à ses traditions, est un frère étranger.
Un troisième appel est dernièrement venu remettre en question cet équilibre de compromis : Vannes, la puissante voisine, qui jusque là avait gardé ses distances, fait maintenant entendre sa voix, et, comme pour être sûre d'être mieux entendue, elle vient à la rencontre de Séné. Lentement une nouvelle fusion s'amorce. La mer, jadis, s'était mêlée au sol sinagot ; la ville maintenant s'y essaie à son tour. Nouvelle étreinte, mais qui n'est plus celle de l'amitié. Séné commence à étouffer, la respiration se fait courte ; déjà, de Vannes, on envisage des réalisations communes. L'usine Michelin touche au nord du territoire sinagot, les faubourgs de Vannes gagnent sur la commune. La ville est là, et ce qu'elle représente de notre monde moderne, bousculant la tradition.
Forces contradictoires d'un Séné, qu'un petit bourg actif essaie de maintenir dans l'unité. Mutation entreprise dont on ignore le terme.
La terre et l'océan, l'agriculture et la pêche, face aux poussées des villes porteuses de nouvelles valeurs, cet affrontement tourne parfois en Bretagne à la tragédie.
Séné n'a pas attendu le XIX° siècle pour prendre place dans l'histoire des hommes. L'homme se manifeste dans ce coin du Morbihan avant même la période historique. De multiples signes permettent de l'affirmer ; puis en sautillant comme par jeu, Séné avance dans l'histoire. Nous relevons les traces de ces bons : menhirs, dolmens, vestiges de voies romaines, restes d'augets et de poteries, bulle du pape, supplique des marins, saint non canonisé, prêtre réfractaire, refus de livrer des otages au Directoire... Bilan luxueux pour le chercheur ; mais aussi que d'incertitudes entre deux bonds.
C'est une histoire en pointillés. Les grandes lignes d'une silhouette se dégagent, mais pas encore l'expression d'un visage.

L'institut national géographique effectue depuis les années 1930 des relevés photographiques aériens. Cependant ces vues ne sont pas aussi définies que celles réalisées par les éditeurs de cartes postales.

Cette première vue en couleur du bourg de Séné est intéressante à plusieurs titres. En haut, elle montre l'école Sainte Anne et les deux premiers bâtiments du groupe scolaire Dolto qui jouxtent un grand parking.  A gauche de l'église, on distingue l'hotel du Golfe et la ferme qui sera démolie pour réaliser la place Floresti. A droite de l'église, on peut encore voir l'ancien presbytère qui sera démoli en 1987. La place Coffornic apparait déjà "ouverte" côté rue principale et on visualise bien la rangée disgracieuse de garages qui sera également démolie. On voit en bas à droite la salle des fêtes du bourg avant sa rénovation. De l'autre côté, la mairie avant son extension. Un camion stationnne devant les PTT. Tout au tour du bourg tout n'est que champs verts et priaires.

Sene bourg ciel 1b

Avec cette deuxième vue aérienne du bourg, on remonte dans le temps. Le long de la rue principale, en face la mairie, deux petites maisons obstruent l'entrée de la future place Coffornic, qui n'est pas encore encombrée de garages. La salle des fêtes n'est pas encore construite. On distingue à sa place l'ancienne mairie qui fait face à l'ancienne école. Les deux batisses sont jointes par un mur de cloture délimitant une cour. L'école Sainte-Anne apparait en haut isolée dans la prairie. L'école Dolto n'est pas encorie construite.  Le bocage breton entoure le bourg de Séné.

Cette troisième photo montre le bourg, sans doute à la même époque, avec une prise de vue opposée à la précédente.

SENE bourg Ciel 2

Cette quatrième vue aérienne montre bien le flux de circulation dans le bourg. Les véhicules longent l'église avant de tourner à gauche dans la rue des Ecoles. Et pour cause la place Floresti n'est pas encore percée. La place Coffornic ne l'est pas non plus. Une belle maison obtrue le passage. La cour devant l'école témoigne de son activité.

Sene bourg ciel 4

Séné Bourg ciel 3

Cette cinquième vue, une carte postale Cim en couleur, montre l'arrière de la place de l'Eglise. On voit bien la ferme à côté de l'hotel du Golfe et qui sera démolie pour réaliser la place Floresti.On distingue la boucherie Robino à l'angle de la rue principale. Derrière l'église, on aperçoit le presbytère. La mairie est cachée par les maisons de la rue de la Fontaine. Devant la mairie, les maisons viennent d'être démolies ouvrant ainsi le passge vers la place Coffornic.  La maison blanche qui luit n'est autre que l'ancienne mairie avec à ses côtés l'ancienne écoles. Sur la partie haut de la photo, le golfe du Morbihan et la presqu'île de Langle.