Le nom de Kergrippe à Séné évoque de nos jours les zones d'activités de la commune, qui abritent le bâtiment des Services Techniques de la commune, la station d'essence Total et le garage Renault ainsi qu'un grand nombre d'artisans installés à l'entrée nord du bourg de Séné. La nouvelle zone d'activités dite de Kergrippe III nous rappelle qu'avant d'accueillir des artisans, Kergrippe n'était que prairies et paturages...
La carte de Séné datant de la fin du XVIII°siècle nous présente une énigme : que voulait signifier le cartographe par les abréviations Eabt de Ke Grine? Veut-il faire référence à un Etablissement situé à Kergrippe?
Le lieu-dit, aujourd'hui situé à l'intersection de la route de l'Hippodrome, de la route de Kernipitur et de la rue de la Croix Neuve, était jadis le carrefour de chemins vécinaux, dont celui qui allait de Vannes au Passage de Saint-Armel. En effet, cet axe était important sous l'Ancien Régime. Les paysans de la presqu'île de Rhuys prenaient le bac entre Saint-Armel et Montsarrac et gagnaient ainsi tout droit le marché de Vannes, en évitant le bourg de Séné, d'ailleurs très réduit à l'époque. L'autre chemin, partait du bourg et allait vers le nord jusqu'à la route Royale, l'actuelle route de Nantes. Il se peut que cet établissement fut une auberge, un débit de boissons propice à la restauration des voyageurs...Cependant, une parcelle de terre est figurée par un beau quadrilatère, faisant pencher plutôt vers l'hypothèse d'une ferme avec des terres attenantes mises en valeur.
Le cadastre napoléonien de 1810 montre 2 bâtiments éloignés du carrefour où il serait plus judicieux d'installer un débit tenu par un cabaretier.
Quant au cadastre de 1845, il montre toujours ces deux bâtiments avec leurs dépendances, confirmant la présence d'une ferme tenue par des cultivateurs. Cet extrait du cadastre montre également les canaux édifiés en aval de l'étang de Cantizac qui avaient deux fonctions : drainer les paturages entre Cano et Cantizac et amener de l'eau à l'étang pour la pisciculture.(Lire histoire de Keravelo et Cantizac).
Cependant, le dénombrement de 1841, nous indique que c'est une famille de paludiers qui loge à Kergrippe. Pierre RICHARD [12/7/1803-3/12/1878] et son épouse Madeleine LE LAN [16/9/1810 - 25/1/1856] vivent à Kergrippe avec leur quatre enfants. Les actes de naissance de leurs 8 enfants montrent que la famille était avant établie à Cano. Puis ils s'installèrent à Michotte où les parents décédèrent, libérant leur habitation de Kergrippe pour des cultivateurs.
Dans la 2° maison, la famille de François DANET [22/2/1782-24/8/1863] et son épouse Yvonne LEMEUT [14/7/1792-6/4/1857], dont les deux extraits de décès indiquent Petit Kergrippe comme lieu d'ultime demeure. A cette époque existe la ferme de Kergrippe et une maison plus petite non loin.
Il s'agit certainement de la maison qui se trouvait à ce carrefour, juste à gauche en partant vers la Croix Neuve, comme nous le rappelle cette vieille photo extraite du livre au Pays de Séné, d'Emile MORIN. L'acte décès de François DANET, indique la profession de cabaretier après celle de laboureur. Effectivement, cette petite maison sera le siège d'un débit de boissons...
En avril 1861, la ferme de Kergrippe fait l'objet d'une vente, par son propriétaire qui la loue à un métayer, Marc LE PORRO. La famille de Marc LE PENRU et son épouse Marie Josèphe ROLLAND [6/9/1824-131/1884 Kergrippe] lui succèdent. Leur premier garçon, Pierre Marie, nait à Kergrippe en 1855 et leur dernier, Mathurin également en 1866.
Les dénombrements de 1886 et 1891 sont difficiles à exploiter. Celui de 1901 nous indique la présence de 3 familles sur Kergrippe.
Marie Julienne HERVIO [13/1/1870 - ???], fille des cultivateurs de Kernipitur Julien HERVIO et Marie Anne HAYS, célibataire, est cultivatrice à Kergrippe. Vient-elle d'acheter la ferme comme l'indique l'annonce ci-dessus? Elle emploie un garçon de ferme, Pierre Marie OILLIC né à Saint-Nolff le 26/4/1875. Après le mariage de sa patronne, le 26/9/1904 avec Joseph Marie LE PODER, cultivateur au Petit Tohannic, celui-ci va reprendre l'exploitation de Kergrippe.
Dans le deuxième logement, on retrouve un membre de la famille Le Penru, Bertand Marie LE PENRU. Cette généalogie ci-dessous nous indique sa parentée.
Enfin, la famille Pierre Marie LE BREC tient un débit de boissons. Déjà, lors de la naissance de leur enfant, André LE BREC, son épouse Marie Philomène LE MENE, déclarait l'activité de cabaretière, qu'elle continuera à exercer jusqu'à la Première Guerre Mondiale. La présence de 7 personnes logés chez les Le Brec, laisse entrevoir une grande maison et non la petite chaumière occupée jadis par les Danet.
De cette époque daterait, la 3° construction à Kergrippe, à savoir une longère au croisement qui deviendra plus tard le bar le "Ballyshannon" reconverti depuis en des logements.
Dans son livre intitulé Le Pays de Séné, Emile MORIN nous en donne une vue qui doit être assez fidèle à ce que dut être cette bâtisse après sa construction à la fin du XIX°siècle..
Jusqu'aux années 1970, on ne comptera à Kergrippe que ces 3 bâtiments: la ferme du Grand Kergrippe vers Kernipitur, la chaumière vers la Croix Neuve, et la longère vers le bourg, comme nous le montre cette vue aérienne de1970.
A dénombrement de 1906, la chaumière est occupée par la famille Jacob qui y résidera jusqu'aux années 1960.
Cet incendie en juillet 1906, rapporté par le journal Le Morbihannais, nous indique que leur maison était à l'origine couvert de chaume qui sera remplacé par des ardoises (voir photo ci-dessus). Le petit fils, Roger Olivier EDY se distinguera pendant l'Occupation par ses actions dans la Résistance. En 1906, les Le Brec sont les autres cabaretiers de Kergrippe. Les cultivateurs sont les familles Le Penru et Oliic.
Au dénombrement de 1911, on retrouve les familles Jacob et Oillic-Penru à Kergrippe. Les nouveaux cabaretiers sont les Guhur-Le Goff de Locqueltas. Il semble que leur bailleur ou eux même mettent en vente le débit de boissons l'année suivante, comme l'indique cette coupure de presse. La fiche de matricule du soldat GUHUR nous indique qu'il gagna en octobre 1912 une ferme de Campen à Vannes.
Après guerre, les cartes sont rabattues. Au dénombrement de 1921 et de 1926, Pierre Louis HERVIO et sa femme Marie Louise GARJEAN, ont repris les terres qu'ils devaient louer aux Le Penru-Oillic. Leur ancien métayer, Pierre Marie OILLIC, est revenu de la guerre et l'ancien Poilu a trouvé un contrat de fermage au Petit Pargo comme nous l'indique cet extrait de sa fiche de matricule.
Le débit de boissons de Kergrippe est désormais gérée par Marie Mathurine DANION [8/10/1874 Séné - 39/4/1963 Séné] veuve de Jean Marie LE GUENNEC [3/3/1871 Séné - 11/10/1916] ancien préposé des douanes alors en poste à Plouhinec. Après son décès, Marie DANION est revenue dans sa commune natale où l'activité de cabaretière lui laisse du temps pour s'occuper de ses 3 enfants à charge.
Au dénombrement de 1931, si les Jacob restent cabaretier au Petit Kergrippe, Mme Veuve Le Guennec a laissé place à un nouveau couple de cabaretiers, en la personne de Felix QUESTER et Jeanne Marie LE BIDRE. On retrouve encore au dénombrement de 1962, cette même configuration familiale et professionnelle à Kergrippe. Le bar occupe la partie nord de la longère, côté rue de Kernipitur.
Le bar-café le "Ballyshannon" : il tire son nom du jumelage de Séné avec le ville de Ballyshannon dans le Comté de Donegal en Irlande. L'établissement dans le style bar irlandais restera actif de 1980 à 1980.
Ballyshannon est une ville du comté de Donegal en République d'Irlande. Située sur le fleuve Erne, au fond de son embouchure. Elle se trouve à mi-chemin entre l'océan Atlantique et la frontière entre l'Irlande et le Royaume-Uni, c'est-à-dire environ 5 km de part et d'autre, au milieu du corridor de Donegal. À l'est de la ville, le cours de l'Erne est interrompu par une digue, l'Assaroe Falls, qui forme en amont le lac Assaroe.
Après sa fermeture vers 1995, un restaurant, Le Zocalo, occupera les lieux pendant quelque temps.
A partir des années 1980, la croissance démographique de Séné nécessite la création de la première zone d'activité à Kergrippe sous le mandat de Francis POULIGO. En 1986-1987 sont construits des ateliers Municipaux, derrière le café; viendra ensuite la zone de Kergrippe II, qui accueillera le garage de M. Monnier (Lire histoire des pompistes], un vétérinaire, un plombier, etc. La vieille chaumière des Jacob sera démolie en 1989 pour améliorer la visibilité du carrefour.
La longère qui accueillait le Ballyshannon laissera place a des locations saisonnières puis à plusieurs logements au n°1 de la route de l'Hippodrome.
Depuis 2012, la commune a établi la 3° tranche dite de Kergrippe III, dans le but d'accueillir de nouvelles acitvités sur la commune.