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jeudi, 09 avril 2020 21:43

Essai sur la toponymie, par l'Abbé LE ROCH

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ESSAI SUR LA TOPONYMIE (Etude des noms de lieux) DE LA COMMUNE DE SENE

Pour connaître la signification des noms de lieux actuels (villages, hameaux, lieux-dits), il est nécessaire de faire appel aux formes anciennes de ces noms en compulsant les archives (état des sections du cadastre, actes officiels, chartes, titres de propriété, etc...) et en tenant compte de la prononciation locale. Il faut aussi observer la situation topographique des lieux en question, car bien souvent, le nom provient de la position ou de l'environnement, et connaître l'histoire de leur passé. Bien des déformations ont pu se produire au long des siècles tant dans les écrits que dans le langage populaire, et, pour rétablir les appellations d'origine, trouver leur véritable sens, il convient de faire de nombreuses et patientes recherches. Efforçons-nous, à l'aide des moyens dont nous disposons, de découvrir, dans la mesure du possible, la signification des toponymes de la commune de SENE.

Tout d'abord, le nom du chef-lieu communal SENE est une évolution normale du terme gallo-romain : "SENAC" qui a donné "SINAGOT". Le terme s'est trouvé figé du fait que l'occupation bretonne s'y est sans doute fait tardivement. Tout près du centre romain de Darioritum ou VANNES, SENE a dû constituer, longtemps après l'arrivée des Bretons en Armorique, au Vème - Vlème siècle, un îlot gallo-romain tenace et la transformation de SENAC en SENE a eu le temp, de se produire comme dans beaucoup d'autres localités de FRANCE.

"SENE, héritage gallo-romain "SENACUM", au lieu de produire SENAC, a donné SENE, comme dans les régions dont la bretonnisation fut moins marquée à l'origine ou retardée ... On pourrait cependant y voir une interprétation bretonne correspondant au gallois SENEDD, le SENATUS latin du conseil des anciens. "SEN" êquIvaut à "HEN" : vieux, et il se peut qu'il y ait quelque rapport avec SEINIZ, SEIN qui sont des îles".

Le nom s'apparente certainement au terme "sénat, sénateur", et l'on sait que lors de la bataille navale qu'il livra aux Vénètes au large du golfe du Morbihan, Jules César fit exterminer tous les membres du Sénat de ce peuple...Appliqué au territoire qui porte ce nom, SENE signifie donc : "le pays occupé par ses vieux habitants : Armoricains, Vénètes et Romains." Les langue gauloise et latine y furent parlée plus tard que dans les territoires envahis par les Bretons d'Outre-Mer, après 460. Les "SENACES" ou SINAGOTS primitifs étaient les habitants gallo¬romains de ce centre.

Il est des toponymes dont il est inutile de recherche le sens tant il saute aux yeux. Ce sont, pour la plupart, des dénominations modernes. Ainsi: BELLE-ETOILE, BELLE-VUE sont des villages placés sur les hauteurs d'où l'on découvre de vastes horizons, les beautés d'alentour.
QUATRE-VENTS, LA CROIX-NEUVE, I.A VILLENEUVE, KER-ANNA, PORH-ANNA, KERFONTAINE, KERCOURSE, CHAMP DE COURSES, LA POUSSINIERE (élevage de volailles) se comprennent également sans difficulté.
Les appellations de SAINT LAURENT, SAINT LEONARD sont en relation avec les chapelles qui existent à proximité.
Trois noms de village paraissent remonter comme SENAC à l'occupation romaine, mais habités peut-être plus tôt par les Bretons, leur terminaison s'est trouvée figée.

Ce sont: MONTSARAC, de "MONT" et "SAR" qui signifie rivière : hauteur dominant le bras de mer de Saint-Léonard.

CANTIZAC, déformation probable de GANKIZ ou CANKIZ : maison de plaisance à la campagne, plessis. Ce lieu a appartenu, avec le moulin qui en dépendait, à un seigneur de VANNES ayant pour armoiries : "écartelé au 1 et 4 d'argent, à la bande de gueules chargée de trois alérions d'or''.

Les noms donnés par les Bretons aux groupes d'habitations formés par eux ou déjà existants sont faciles à reconnaître. Ce sont POULFANG : trou de boue ou marécage, francisé en "LA GRENOUILLERE" ou mare aux grenouilles, agglomérations qui se touchent.

GOH-FETEN: vieille fontaine ; GOHO qui a le même sens que COSQUER: les habitations vétustes ; BOD-SPERNËN : buisson d'épines ;
LESTRENIC : l'endroit (léh) ou la cour seigneuriale (léz) où poussent les ronces, c'est-à-dire la ronceraie ; GORNEVEZ pour KER-NEUE : nouveau village ;. CRESSIGNAN doit être décomposé en : CREC 'H ou CREAC'H : éminence, crête et CHIGNAN : grenouille, d'où butte des grenouilles ; GOUAVERT pour GOAH-VER: court ruisseau ; KERARDEN, contraction de Kér-ar-deuen : village sur la côte ou falaise ; KERBISCON : village
du vicomte (ancienne seigneurie) ; KERAVELOT : village des vents (auéleu) ou exposé au vent du rivage (Kèr-auél-aod) ; KERSTANG: village des marais ou de la retenue d'eau ; KERVILIEU : village .des galets ou cailloux des grèves (bilieu) ; KERLEGUEN : pour Kér-léz- guen, village de la blanche cour (seigneuriale) ; LE MENIEC pour Manéeg la butte rocheuse ; CANO : les plaines ou vallons ; CANNIVARH , de Can: vallon et ivarh chemin creµx, soit vallon du vieux chemin ; CRANUAH: de Cran: crête et nuah : dénudée ; FALGUEREC : mauvais petit village (Kérig) ; LIMUR est sans aucun doute une résidence seigneuriale (léz ou liz) vaste (meur).

MOUSTERIAN rappelle l'existence en ce lieu d'un établissement monastique datant du Xême siècle ; ce terme vient de monastère, moûtier, moustoir. La finale "Yann" peut être un souvenir d'un couvent des chevaliers-hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Leur patron, St Jean Baptiste avait un autel en l'église paroissiale où le prêtre Jean BERTIN fonda, en 1656, une chapelleie.

BALGAN provient de Bal (balle, bally) éminence et de Can: vallon;

BEZIDEL sent le buis (beuz, beuzit : la buissière) et les Romains qui entouraient de cet arbuste leurs retranchements .

BILLAREC signifie : la cressonnière, de Beler, Bilaire

BARRARAC'H, mot quelque peu barbare, qui vient de BAR et de BARAC'H: buissonneux BARACH est un nom de lieu qui se rencontre aussi à PLOERDUT, LANGONNET, MELLIONNEC, parfois avec deux R, avec le sens très ancien de "buissonneux ". Au FAOUET, ont trouve BARREGAN; à LANGONNET : BARLEGAN : vallons broussailleux; à NIVILLAC : BARAGAN ; à MESLAN : BARHALACH.

BILERBON se décompose en Biler : cresson et "bon" qui veut dire rivière (abona) ou borne, limite de la pénétration des eaux, soit village à l'entour de la cressonnière.

BROUEL correspond à un site maritime indiquant une limite comme le terme gaulois Brogilt, Bruel, Breil. On trouve un BROUEL à AMBON (village et salines), à ARZAL (château et village), à SARZEAU, à l'ILE D'ARZ et l'ILE AUX MOINES, en bordure de mer.

CADOUARN, chef-lieu de la plus longue des "sous-presqu'îles" et le plus important des villages de SENE, comporte un vocable très ancien. Il est le reflet de CAIHERN ou CATHOUARN, nom que l'on rencontre au Vlème siècle. L'origine de ce toponyme est : Cad : combat, et houarn fer, soit le combat du fer.

KERDAVID est certainement le village d'un dénommé David et

OZON ou AUZON, le nom du personnage qui l'a légué au château qu'il construisit.

CARIEL est un ancien Ker-lel ou Ker-Niel, peut-être le nom d'un saint que  l'on retrouve en d'autres localités, par exemple à RIANTEC (Saint Niel).

KERGRIPPE rappelle une éminence rocheuse où l'on s'agrippe, comme à GROIX.

LANGLE signifie une pointe, un promontoire et a quelque analogie avec la langue de terre s'avançant dans la mer.

MORBOULE correspond à dès flaques d'eau de mer (mor-pouleu),

MICHOTTE vient peut-être du breton Michod qui a le sens de mûr à point, de blet, à moins que ce ne soit une variante familière de Michel (Michaud),

LE RANQUIN est une déformation de Run : éminence, hauteur, et de guen : blanc.

LA GARENNE qui évoque un terrier à lapins, s'applique souvent à des souterrains et à des monuments mégalithiques (tumulus, dolmen).

LE PURGATOIRE , si l'on se réfère aux hameaux de même nom rencontrés dans plusieurs autres paroisses,. signalerait la présence en ce lieu d'une antique léproserie, lieu de séquestration et de souffrances des lépreux du Moyen-Age.

LES ILOTS DE BOUED et de BOEDIG faisant partie jadis de la terre ferme en ont été détachés par suite de l'envahissement de la mer. Ces termes veulent dire en breton "nourriture" et se rapportent soit à l'appât aux poissons (bouet) que les Sinagots d'antan allaient chercher sur ces terrains, soit plutôt aux pâtures qui s'y trouvaient. Sur ces pâtures s'est édifiée la petite chapelle de Saint Vital, prenant la suite de l'enceinte mégalithique considérée comme un temple paien (vestiges de cromlech et de dolmens). 

Nous en avons terminé avec les noms des villages et hameaux de SENE. La liste des 55 lieux-dits n'est sans doute pas complète et nous aimerions connaître les autres appellations en usage dans le pays. Il reste quelques toponymes dont la signification est difficile à déterminer soit qu'ils comportent de vieux termes disparus, soit qu'ils aient été tellement modifiés qu'on ne retrouve plus les dénominations primitives. De ce nombre sont : BINDRE, DOLAN (2) , KERNEPITUR, PIRINEAU (3) et LE VERSA.

En tenant compte du sens que nous avons donné des différents villages, il sera possible aux habitants de SENE de choisir des noms adaptés à leurs demeures et villas, d'après leur situation sur le territoire de la cotmnune.

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