Dans son livre "Séné d'Hier et d'Aujourd'hui", Camille Rollando évoque l'origine de la statue qui repose sur l'estran à la pointe ouest de l'île de Boëd, bien connue des plaisanciers et des kayakistes qui longent l'île.
On apprend à la lecture de cet extrait qu'une explication est avancée dans un article de journal du "Progrès du Morbihan" en date du 22 mai 1901.
Grâce aux archives en ligne du Morbihan, on peut retrouver facilement l'article de presse en question. Le journaliste du Progrès du Morbihan, un certain THEO, y nous donne le palmarès des régates de Conleau où on reconnait le nom de marins de Séné qui se sont distingués dans la catégorie : bateau de pêche dit Sinagots.
En introduction, il écrit"
Jeudi, jour de l'Ascension, avaient lieu à l'île les régates que mes compagnons de jeunesse et moi fondâmes après avoir, avec le concours d'Amossé, un des sculpteurs du fronyon de la Préfecture actuelle, de Charles Normand, et d'autres, sculpté la figure qui se voit toujours à la pointe ouest de l'île de Boëdic, bien connue des canotiers du golfes. Une fois la figure taillée dans le rocher, qui se nommait alors le "bigorneau", Hildebrand peintre-photographe, né "Tans le Bedit Tuché de Padé" et qui faisait partie de notre bande joyeuse, peignit le visage de cette oeuvre taillée dans le granit, Antoine Dérémy, en fut leparrain avec une jeune fille, soeur d'un de nos camarades. Saint-Antoine fut baptisé en grande pompe avec une ...bouteille de vin blanc, au grand scandale des bigotes de l'ïle d'Arz."
On comprend qu'une bande de copains qui se retrouvent pour des sorties en mer, on ne disait pas encore plaisanciers mais canotiers, est à l'origine de la transformation du rocher le "bigorneau" en statue du moine Saint Antoine.
Cet article nous précise les circonstances dans lesquelles le rocher fut sculpté. C'est l'un des sculpteurs travaillant à la construction de la préfecture de Vannes qui se chargea de l'ouvrage. On sait que les frontons de la nouvelle préfecture furent sculptés en 1864 et les bâtiments inaugurés par le préfet le 23 août 1865. Cette indication permet de dater entre 1864 et 1865 l'érection de la statue de Saint-Antoine à Boëdic, date reprise par Camille Rollando.
Mais qui étaient ces joyeux lurons qui nous ont légué cette sculpture maritime ?
On connait au moins cinq noms de ce groupe de canotiers : AMOSSE, HILDEBRAND, Antoine DEREMY, Charles NORMAND et THEO.
1-Alexandre Julien AMOSSE
Grace à un site de genéalogie on retrouve l'identité du sculpteur Amossé. Il s'agit d'Alexandre Julien AMOSSE [11/06/1829- xx/06/1898]. Le journaliste ajoute qu'il fut un des sculpteurs du fronton de la Préfecture à Vannes [à vérifier].
Alexandre Julien AMOSSE
Né le 11 juin 1829 (jeudi) - Nantes, Loire-Atlantique,
Décédé avant juin 1898 - Paris; Sculpteur
Parents
Julien Amossé 1800-
Marguerite Etienne 1795-
Union(s) et enfant(s)
Marié avec Henriette Jeanne Marie Even †
Marié le 25 octobre 1865 (mercredi), 1er canton - Nantes,44, avec Reine Marie Victorine Audouis 1846-1898/ dont
F Amélie Jeanne Marie Amossé 1870-1949
H Louis Jean Marie Amossé 1871-1871
F Jeanne Blanche Amossé 1873-
F Eugénie Marie Amossé 1876-
F Louise Amélie Amossé 1884-1958
Frères et sœurs
H Auguste Amossé 1824-
H Julien Saturnin Amossé 1825-
H Joseph Hyppolite Amossé 1827-
F Marie Louise Amossé 1832-
La recherche sur la presse numérisée du Morbihan avec le mot clef AMOSSE, permet de trouver un article de la revue Caprice-Revue daté de juin 1892, dans lequel quelques années plus tôt, le même Théo raconte ce même souvenir.
2-Joseph HILDEBRAND
On peut retrouver l'identité du peintre Hildebrand sur un site de genealogie. Le nom n'est pas commun dans le Morbihan. Parmi les fiches, celle d'un Joseph HILDEBRAND dont la profession est artiste lithographe est surement la bonne. La date de naissance en fait un comptemporain du sculpteur Amossé. Il a vécu à Vannes, il n'y plus plus de doute sur la personne.
Né le 1er avril 1822 - KIECHLINSBERGEN - Grand Duché de Bade (Allemagne)
Artiste lithographe en 1856>62 à VANNES rue du Port, en 1865 rue des douves de la Garenne, en 1874 place Napoléon (Morbihan), graveur lithographe en 1886>88 à PARIS 17 rue du Val de Gràce (1)
Parents
Léopold HILDEBRAND
Catherine RUESCH
Union(s) et enfant(s)
Marié le 28 juillet 1856, VANNES (Morbihan), avec Marie Julienne CHRETIEN 1836-1897 (témoins : Jacques Marie LE LUDEC ca 1828 , Julien LE PENVEN ca 1822 , Pierre Marie CONAN ca 1809 , Isaïe PRAUD ca 1798 ) (voir note) dont
F Marie Léopoldine HILDEBRAND 1857-1891
F Berthe Marie Augustine Francine HILDEBRAND 1862
F Eléonore Elisabeth Marie HILDEBRAND 1865-1865
F Madeleine Cécile Léopoldine Joséphine HILDEBRAND 1874-1960
Des recherches sur le site des Archives du Morbihan permettent de trouver quelques coupures de presse qui authentifient l'intéressé.
3-Antoine Louis Marie DEREMY
En utilisant les site de genealogie et le nom de famille DEREMY, pas très fréquent en Bretagne, on ai aiquillé vers les archives du Morbihan et leur base contenant les fiches de matricule des soldats de 14-18. Il y a bien des soldats au nom de DEREMY et avec un prénom contenant Antoine. Cependant, ils sont trop jeunes, mais se sont les fils d'un certain Antoine Louis Marie DEREMY [Redon 24/08/1837 - 18/12/1897 Vannes]. Son acte de mariage nous dit qu'il était conducteur aux Ponts & Chaussées. C'est sans doute la personne qui a donné son prénom à la statue.
On retrouve un certain DEREMY qui participe aux régates de Boëdic avec son bateau le Neptune. Il faudra toutefois affiner les recherches pour être sûr qu'il s'agit bien du parrain de la statue du moine Saint Antoine. Ildécèdera des suites d'un banal accident sur sa concession.
4-Julien Marie NORMAND
On note aussi le nom de NORMAN, propriétaire du bateau Amphitrite. Dans le livre YACHTING en MORBIHAN, les auteurs font le portait de la famille NORMAND dont Julien [1841-1897] fit construire ce bateau. La famille Normand comptait également Charles Julien Marie NORMAND né en 1847. C'est sans doute la personne du "Groupe de Saint-Antoine". Julien Marie, dit Jules NORMAND, [6/12/1841-21/11/1901 Auray], Vice-Président. Originaire de Redon, entrepreneur en travaux publics à Vannes, meurt lors d'un accident de train en gare d'Auray
Mais qui était le Théo, journaliste à la revue Caprices et ensuite au Progrès du Morbihan.
5-Théophile BAUDOUX
Une recherche sur la presse en ligne me met sur la trace d'un certain Théophile BAUDOUX [désolé mais pris dans mes recherches je ne sais plus quel est cet article], qui participe à l'Association des Hospitaliers Sauveteurs de Vannes. Je flaire le bon "candidat" en lien avec la mer, un peu notable, tout à fait apte à avoir parmi ses amis quelques artistes et autres canotiers.
Je reprends patiemment mes recherches en ligne, depuis 1867 à [1892-25= 1867] année suposée de l'érection de la statue, en quête d'indice sur ce Théophile Baudoux.
Je trouve d'abord en 1873 un courtier en assurance qui signe sa réclame, avec des bureaux Place des Lices à Vannes. Je le retrouve encore en 1880 dans les assurances. En 1891, il est toujours membre des Hospitaliers Sauveteurs Bretons, l'ancêtre de la SNSM.
En 1892, on comprend qu'il s'est reconverti dans le dessin de broderie en collaboration avec un membre de sa famille qui tient une boutique de vêtements.
En 1894, il est juré au tribunal et son identité de journaliste ne fait plus aucun doute.
En 1899, il signe un article de son nom complet avec son titre dans le corps des pompiers. Sa nécrologie de 1904, confirme qu'il est bien l'auteur des deux articles qui relatent la "fondation" de la statue de Saint Antoine à Boëdic.
Théophile François Louis BAUDOUX, né à Vannes le 9/12/1831, fils de pâtissier décédé le 16/01/1904, courtier d'assurance, dessinateur de broderie, lieutenant des pompiers de Vannes, journaliste et canotiers à ses heures est à l'origine avec d'autres canotiers de l'amer de Saint-Antoine à Boëdic.
Les régates de Boëdic :
A l'époque d'or des canotiers, la Société des Régates de vannes organisait sur le plan d'eau en l'Île de Boëdic et l'ïle d'Arz, des régates le lundi de Pentecôte, sorte d'entrée en matière avant les régates de Vannes de l'ïle aux Moines et de Port-Navalo.
On retrouve des articles de presse de 1886, année de rétablissement de la Société des Régates de Vannes, jusqu'aux années 1890.
Epilogue :
Jean Richard nous rappelle que la statue fut renversée lors d'un tremblement de terre du 22 novembre 1956 et fut ensuite redressée et bétonnée.
Elle est devenue un amer, près de Boëdic que les kayakistes peuvent approcher au plus près et que les plaisanciers aperçoivent de leur bateau.
Aujourd'hui, Les Amis de Port Anna veillent à lui reprendre régulièrement la tête.