Le territoire de notre commune Séné est une presqu'île coudée entre les rivières de Vannes et de Saint Léonard, avec une pointe aujourd'hui nommée Port-Anna, hier Bellevue ou Langle. Cette géographie particulière a dessiné des rétrécissements sur chacune des deux rivières, le passage de Montsarrac à Saint-Armel et le goulet de Conleau entre la presqu'île de Langle à Séné, le village de Moréac en Arradon et l'île de Conleau à Vannes. Ces deux étroits canaux d'eau salée étaient prédisposés à accueillir des embarcations pour en assurer la traversée régulière et offrir aux populations un raccourci maritime.
Carte de 1882 : la digue de Conleau figure ainsi que les "Gois" pour atteindre Boëdic et Boëd, tout comme le Pont Lisse et la cahute de garde de Barrarach.
Yannick ROME raconte dans son livre intitulé "Le passage de Saint Armel à Séné" l'histoire d'une communication maritime entre Vannes et la Presqu'île de Rhuys passant par le territoire de Séné. Le passeur permet un raccourci pour les laboureurs et les éleveurs se rendant à Vannes les jours de marché. Conscientes de l'importance du service rendu, les autorités sous l'Ancien Régime et jusqu'à aujourd’hui vont organiser l'activité de passeur sur le Domaine Maritime qui sera soumise régulièrement à adjudication.
Mais qu'en est-il de l'autre "passage" du goulet de Conleau? Qui furent les "petits passeurs" de Langle? Que peut-on apprendre des archives à leur sujet ?
De la digue à la cale...
S'il est difficile de dire à quand remonte les premiers passeurs de Barrarach, nous avons cependant une trace de la construction de la cale en bas de la butte de Bellevue.
Source Inventaire DRAC : Un rapport des Ponts et Chaussées de 1885 signale l´existence à la Pointe de Barrarac´h d´une mauvaise cale en pierres sèches construite par les habitants. Deux inscrits maritimes assurent la traversée et entretiennent sommairement l´ouvrage pour le passage des piétons de la presqu´île de Séné vers l´île de Conleau et Vannes.
Dans l'ouvrage intitulé "LA BRETAGNE CONTEMPORAINE" illustré par des dessins de Félix Benoist, un des auteurs qui visitent notre commune écrit : "Le touriste qui préfère l'aspect d'un beau site à celui de vieilles ruines, devra se rendre, par le bourg de Séné, au village de Gornevez et à la chapelle d'Ozan, au sud-est du bourg. De là, prenant la direction de l'ouest-nord-ouest, par les villages de Cadouarn et de Langle, on arrive, en face de Moréeac et de Conlo, à une colline formant promontaoire et du sommet de laquelle l'oeil embrasse tout le basin de Vannes e une grande partie du Morbihan. On descend à la côte par un escalier creusé dans le flanc nord de la montagne, et l'on trouve, à l'extrémité d'une jetée, un petit bateau qui vous transporte à la côte du Grand Conlo" qui nous indqiue qu'il y avait une activité de passeurs sans doute épisodique entre Bellevue et Conleau.
En 1895, la cale est entièrement remaniée et restaurée pour une dépense totale de 3 900 francs, dont les deux tiers financés par l´Etat, 1 000 francs par le département et 300 francs par la commune, et prend alors sa forme actuelle. En 1968, afin de permettre le chargement du fret vers l´île d´Arz, le service des Ponts-et-Chaussées construit une nouvelle infrastructure quelques dizaines de mètres plus à l´est, et abandonne cette cale.
De l’autre côté du goulet, à partir de 1876, les nouveaux propriétaires de l'île de Conleau, François ROUILLE et Jean Baptiste PAVOT font faire réaliser une digue en dur afin de faire de Conleau une destination touristique. [Lire l'article sur l'histoire de Conleau]
Conleau n'est accessible alors qu'à marée basse et le lieu arboré offre une belle plage connue sous le nom de Grenouillère.
Une piscine d'eau de mer est aménagée; Un café est construit sur la promenade ainsi qu’un casino à l’emplacement actuel de l’Hôtel le Roof et du Café de Conleau. Près de la petite cale, on construit un bistrot, l’actuel « Corlazo ». On installe sur les bords de la plage des cabines de plage. Les régates se développent de part et d'autre du goulet. On construit une estacade en bois qui sera remplacée plus tard par la cale en pierre toujours présente, pour permettre aux voyageurs de débarquer à toute heure
Vue de Conleau avec le nouveau café, les cabines de plage et sur l'eau dans sa barque un passeur ou une passeuse ?
Dès lors, cette digue qui rattache Conleau au continent, offre aux Sinagots du fond de la presqu'île de Langle, une possibilité de raccourci pour aller jusqu'à Vannes pour peu qu'un bateau les fasse passer sur l'autre rive.
Dans l'autre sens, ces aménagements amènent des visiteurs à Conleau. Ces derniers peuvent être tentés de gagner la butte de Bellevue ornée de sa patache des douaniers, de sa croix et offrant un beau point de vue sur le goulet de Conleau.
Pour améliorer la desserte entre Langle et Conleau, une vraie cale est contruite en 1895, sous le mandat du maire Jean Marie LE REBOURS, ancien adjoint qui succédait à François SURZUR démissionnaire pour raison de santé, élu républicain, sans doute l'initiateur du projet.
L'inventaire des monuments de Bretagne dresse une description de la cale : "L´ancienne cale du passage de Barrarac´h mesure 38 m pour une largeur de 2,5 m. L´ensemble est réalisé en beaux moellons de granite soigneusement assemblés. Elle a subi une réfection sur une trentaine de mètres et son extrémité a été exhaussée d´un mètre. Un escalier de trois marches a été aménagé au musoir et un terre-plein de 5 m de côté a été accolé à la cale pour servir de lieu de dépôt pour les marchandises."
La construction de la cale de Barrarach va accélérer le cours des choses et permettre aux marins de Séné et de Vannes d'organiser un service de passage entre les cales de Moréac, de Conleau, de Barrarach et vers les îles de Boëdic et d'Arz...
Les Loiseau et Ridan, bateliers à Séné...
La consultation attentive du dénombrement de 1886, permet de repérer une famille qui déclare l'actvité de batelier. La famille de Joseph LOISEAU est installée à Langle. Né à Elven le 1er janvier 1821, il est descendu sur la côte et a épousé le 24 août 1856, Françoise LE FRANC, né le 19/11/1829 à Langle au sein d'une famille de pêcheurs. Les "Loiseau" seront passeurs à Séné pendant trois générations.
Malheureusement le dénombrement de 1886 est incomplet. Celui de 1891 nous donne le noms de deux autres familles de "bateliers".
A Cadouarn, Perrine NIO a perdu son mari, Vincent Pierre LE MAY et à la naissance de sa fille Zélie en 1888, la mention enfant posthume est indiquée sur l'acte de naissance. Le couple était pêcheur et pêcheuse à Cadouarn. La veuve va changer d'activité comme nous l'indique le dénombrement de 1891. Elle est batelière à l'âge de 37 ans. Cette nouvelle activité semble plus adaptée à la charge de cette jeune veuve avec 3 enfants. Au dénombrement de 1901, elle et ses filles désormais grandes sont toutes pêcheuses.
Une autre famille de bateliers vit à Moustérian en 1891. Les Ridant ou Le Ridan seront passeurs pendant trois générations : Mathurin RIDANT, sa fille Marie Julienne RIDANT et la cousine de sa fille Pascaline MIRAN, épouse de P'tit Jean.
La consultation de la presse numérisée des Archives du Morbihan permet de retrouver des articles de presse où les noms des premiers passeurs apparaissent. Ainsi, ces articles de 1896 et 1897 nous indiquent que l'essor de l'activité de passeurs concerne tout le Golfe du Morbihan. Les débuts sont parfois tragiques car ces marins ne savent pas tous nager !
Les Morio défendent leur activité...
Un autre article du Courrier des Campagnes daté du 15 mars 1896, relate un savetage au crédit du passeur dénommé Morio.
Au dénombrement de 1886 à Séné, une famille MORIO est recensée. Jean Louis MORIO ne déclare pas encore l'activité de passeur. Il faudra attendre le dénombrement de 1901 pour que le métier de passeur soit revendiqué.
Jean Louis MORIO est né le 5 février 1849 à Montsarrac. Son père est marin et sa mère ménagère. Il se marie le 13 avril 1873 à Séné avec Marie Anne LHOTE, née à Baden le 28/09/1848, et installée à Montsarrac comme tailleuse.
Jean Louis MORIO était le frère de Sylvestre Louis MORIO, engagé dans la marine, et qui fit le tour du monde sur l'Astrée. En 1896, à l'âge de 47 ans, Jean Louis est donc passeur à Barrarach.
Cet article du Nouvelliste du Morbihan, daté du 21 mai 1899, nous rapporte une rixe entre les familles MORIO et LE GUIL qui se disputent la clientèle. La concurrence est rude sur le goulet de Conleau ou pas moins de 14 passeurs et passeuses sont en activité. Un autre compte rendu publié dans le Progrès du Morbihan, indique que Marie Julienne RIDANT fut témoin de la scène.
Une cale en dur est annoncée pour remplacer l’appontement de bois à Conleau dès mai 1899 et sera sans doute construite courant 1901.
Rivage de Bellevue, en face Conleau, un passeur à gauche avec trois passagers
Cependant il va perdre "sa charge" en cette fin du XIX°Siècle......
Un article du journal L'Arvor daté du 19 mai 1899, nous rapporte une rixe entre les familles MORIO et LE GUIL qui se disputent la clientèle.
Au delà de l'anecdote, le second article qui commente le procès qui s'en suivit, nous informe de l'origine de la rivalité en les Morio et les Le Guil.
On comprend que le propriéraire de l'ïle de Conleau a retiré à Jean Louis MORIO et ses deux enfants, le soin d'assurer le passage entre les deux rives. Quel était la réglementation de l'époque de cette activité de transport sur le Domaine Maritime? Les Morio sont amers car ils ont été remplacés par les Le Guil établis sur l'île de Boëd. Le journaliste ajoute que 14 passeurs (parents et enfants) cohabitent entre Conleau et Langle.
Photo : Passage de Conleau à l'Angle
Les Le Guil s'imposent comme passeurs...
François LE GUIL [1792-1865] natif de Berric s'est établi avec sa famille comme jardinier pour le compte du propriétaire de l'île de Boëdic. Il vient à Séné avec ses 3 garçons : Julien [1822-1904], Jean-Pierre [1832- ] et Jean-François [1825-1885] qui se noiera en traversant à la barque le chenal entre Langle à Boëdic.
Vers 1897, Charles PANCKOUKE, propriétaire de l'île de Boëdic fait contruire une cale en dur. Julien Marie, un des enfants de Jean-Pierre LE GUIL sera passeur pour relier notamment Böedic à Conleau.
Au dénombrement de 1901, on retrouve la famille de Jean-Pierre LE GUIL installée au bourg de Séné. Cependant leur fils Jean Marie, né le 17/05/1878, qui finit son service militaire et Julien Marie, né le 2/04/1873, qui est installé comme passeur à Conleau ne figurent pas sur le resencement.
En effet c'est Julien Marie LE GUIL, né le 2/04/1873, qui se lance dans l'activité de passeur au retour de sa conscription vers 1894-95. Il croise tous les jours ou presque Marie Françoise LOISEAU, de 7 ans son ainée, née le 4/02/1866 à Séné. La fille du vieux passeur Joseph LOISEAU [1821-1895] a soulagé son père ces dernières années et finit par le remplacer à son décès en 1895. Elle n'a pas vu les années passer. Chacun sur son canot, on se croise, on discute. Les deux passeurs de Séné finissent par s'épouser le mardi 1er mai 1900. Le muguet a dû fleuri cette noce maritime. Le jeune couple s'établira à Conleau comme nous l'indique le dénombrement de 1901.
Le jeune couple s'installe dans une barque aménangée, un "camping-boat", près du cabaret de Conleau, l'actuel bar Le Corlazo.
La communauté de passeurs cohabitent cahin caha comme en témoigne cet article de presse daté de mai 1900 et celui de L'Arvor de d'août 1905. Les familles Loiseau, Morio, Le Guil exercent le métier de passeurs entre Conleau et Langle.
Courant août 1905, François Marie LOISEAU récupère sur son canot « Travailleur » deux personnes qui allaient se noyer. Il reçoit en septembre 1906 une récompense du Ministère de la Marine. Le "Travailleur" fut le dernier sinagot construite par Julien Marie MARTIN, charpentier de marine à Kerdavid.
Cet autre article du Phare de Bretagne, daté de novembre 1905, semble confirmer que le propriétaire de l'île de Conleau, à cette époque M. Laporte, autorise le passeur à accoster sur son île. Julien JAN sur son cotre "La Victoire" est aussi passeur entre l'île d'Arz et Conleau.
Cet article de presse indqiue de Jeane Louise LE BLOHIC [12/1/1854 - 1906] était passeuse entre Conleau et Séné et se noya dans le goulet. Le dénombrement de 1906 nous indique que le couple LE GUIL LOISEAU s'est installé à terre au plus près de la cale de Barrarach. En effet, les voilà parents d'un petit garçon, Jean Marie née le 16/02/1903.
Au village de Langle, Marie Mathurine LE DRESSAY [28/4/1879-22/5/1963] déclare l'activité de passeuse. Elle confirme cette profession lors de son mariagge le 14/1/1908 avec Alexis LE DORIDOUR, veuf depuis le 26/12/1901 de Louise MORIO.
Un autre couple de passeurs vit non loin au village de Langle. Il s'agit de François LOISEAU et de sa femme Marie Louise LE ROY qui déclare l'activité de passeuse. François et Vincent sont les enfants de Joseph Pierre LOISEAU. Ils ont chacun épousé une fille de Patern LE ROY. Vincent à épousé Jeanne Marie le 11/10/1887 et François, Marie Louise, le 25/101898.
Rixe à Conleau, LE GUIL cogne dur...
Cet article de L'Arvor daté d'avril 1906 nous apprend que LE GUIL cogne dur. Il écoppe d'une amende 16 francs pour s'être bagarré avec M. Jamet manoeuvre chez Laporte, le propriétaire de l'île de Conleau. A la faveur de cet article, on notre que Jean Louis MORIO est toujours passeur et qu'un certain Jan, est également passeur.
On ne sait lequel des frères LE GUIL a cogné. En effet, Jean Marie est aussi passeur à Conleau. D'ailleurs, il est victime d'un vol en mars 1907 comme le rapporte le journal Le Courrier des Campagnes.
Cette même année, Jean Marie LE GUIL épouse le 21 octobre 1907 Marie Josèpje MORICE qui déclare le jour de son mariage le métier de passeuse.
Marie Jo MORICE est la fille de feu Jeanne Louis LE BLOHIC [1/1/1854-12/9/1906, épouse MORICE Pierre Louis, qui était déjà passeuse à Conleau. Cette dernière se noya en traversant le goulet comme nous le relate cet article de presse.
L'article qui suit relate le sauvetage du patron Aimé BOQUET et de son fils grâce à l'inverventioncourageuse des passeuses Marie Josèphe LE GREGAM et Jeanne Marie DANET de Séné.
Au dénombrement de 1911, Julien Marie LE GUIL et sa femme Marie Françoise LOISEAU déclarent l'activité de passeur et passeuse. Son frère, Jean Marie LE GUIL déclare le métier de marin aux cotés de sa femme Marie Josèphe MORICE. François LOISEAU déclare l'activité de passeur aux côtés de sa femme Marie Louise LE ROY. Jean Vincent NOBLANC [12/4/1840 - xx], le mari de la sage-femme Elmina LE DOUARIN déclare l'activité de passeur à Cadouarn.
Ce dénombrement confirme l'activité de passeur de Jean Pierre MIRAN et de son épouse Marie Julienne RIDANT qui sera connue sous le surnom de "Comenon".
Pour ses 95 ans, en 1969, le bulletin paroissial, Le Sinagot, fera un article sur la doyenne de Séné. Elle décèdera en janvier 1973 à tout de même près de 100 ans !
« C’est aussi l’âge de notre doyenne, à Séné, Mme Vve MIRAN, de Canivar’ch. Bon pied, bon œil, elle a bien l’intention de franchir les 5 années qui la sépare de ses 100 ans ! « Si Dieu le veut ! » comme elle dit. Et pourtant, Dieu sait si cette brave Sinagote en a vu de toutes les couleurs depuis près d’un siècle ! Ayant effectué durant 52 ans le métier de « passeur » à Conleau (le passage, dit-elle, coûtait alors 1 sou ! mais …il y avait les palourdes ! ») Elle pourrait dire long sur la vie pénible des Sinagots du début du siècle…Faudrait-il conclure comme la chanson… : »Le travail, c’est la santé ! En tous cas, tous les Sinagots vous souhaitent un BON ANNIVERSAIRE, Madame Miran, et une BONNE SANTE ! ».
A la veille de la Première Guerre Mondiale, plusieurs familles vivent de l'activité de transport maritime. Le métier de passeur n'est pas sans danger comme nous l'indique cet article du Courrier Morbihannais d'aout 1913 ou Julien LE GUIL faillit perdre la vie.
Les cinq Marie rament sur leur canot.....
Après guerre l'activité de passeur et passeuse reprend comme nous l'indique le dénombrement de 1921. Les femmes constituent le principal effectif de la profession bien ancrée à Séné.
Marie Josèphe MORICE, 43 ans, épouse LE GUIL Jean Marie déclare être passeuse; Marie Françoise LOISEAU, 55 ans, et son marie Julien LE GUIL sont tous deux passeurs à Barrarach; Marie Louise LE ROY, 51 ans, dit être passeuse et son époux François LOISEAU dit être pecheur, tous deux vivent au Meniech; Marie Julienne RIDANT, 47 ans et Jean Pierre MIRAN sont tous deux passeurs et vivent à Canivar'ch. La benjamine, Marie Louise DANET, 35 ans, déclare être passeur aux côtés de son marie Francis MORIO marin.
La communauté des passeurs de Langle est endeuillée au début de l'été 1923. Julien Marie LE GUIL tombe à l'eau et meurt sans doute d'hydrocution. 10 ans plus tôt déjà il faillit mourrir noyé.. Sa veuve Marie Josèphe et P'tit Jean continuent leur métier...
Au dénombrement de 1926, on retrouve à peu près le même effectif de passeurs et passeuses. Pascaline MIRAN en épousant le 13/09/1927 Jean Marie LE GUIL, rejoindra la communauté de passeurs de Langle à Conleau. Bien que mariée à Louis LOISEAU depuis le 20/04/1914, Marie Josèphe LE GREGAM ne déclare pas encore l'activité de paseuse mais de pêcheuse.
Photo :Pascaline MIRAN mariée LE GUIL sur sa barque
En novembre 1931, François Marie LOISEAU qui exerce l'activité de passeur tombe à l'eau comme nous le rapporte cet article de presse. Il décède le mois suivant. Son frère Vincent, âgé de plus de 70 ans, exerce encore l'activité et accompli encore un sauvetage comme nous l'indique cet article de presse de 1933 et en 1935.
Photo : passagers débarquant à la cale de Conleau
Joseph LEROY
René Dosité NOBLANC
Emile Morin a reconnu Jean-Louis Loiseau dit « Grillu » sur cette carte postale
Emile Morin a reconnu Marie Jo Loiseau sur cette photo
C’est la famille de Vincent LOISEAU qui perpétuera l’activité de « batelier » initiée par leur aïeul Joseph Pierre LOISEAU. En premier lieu, la belle-fille, Marie Josèphe LE GREGAM [1890-1990] qui finira centenaire, épouse de Louis Marie LOISEAU [né le 4/10/1888] dit "Louis Ho" à bord du canot « Mon Rêve »; Jean Louis LOISEAU [1891-1977], son frère surnommé "Grillu" à bord du misainier « Liberté » grand rival de son cousin Joseph LEROY [1888-1981] dit « Desbins », si bien qu’on les surnommait « Pôle Sud » et « Pôle Nord » (Source C.Rollando). René NOBLANC assurera également pendant sa retraite de marin, l’activité de passeur.
Mme Joncour, institutrice à Bellevue, ses deux enfants,
les grands-parents de Quimper sur la barque de Louis Marie Loiseau,1942
Le développement des transports rendra moins nécessaire un service régulier entre Langle et Conleau. Dès les années 1920, un bus relie la presqu’île de Langle à Vannes. Après guerre, les Sinagots se dotent de voitures automobiles….
L’activité de passeur survit grâce aux régates mais celles-ci se déplaceront sur l’Ile d’Arz puis vers Port Navalo. Le tourisme prendra le relais.
Dès lors, le métier de passeur ne sera plus qu’un complément pour des pêcheurs de la presqu’île et le métier se « motorise ». Ainsi Emile NOBLANC [1916-1981], fils de René NOBLANC, fera le passeur à la rame entre Barrarach et Conleau et des trajets en mer sur son bateau « Mon rêve » puis sur « L’En Avant », entre l’île d’Arz et Conleau, notamment pour transporter les marins de commerce.
Le métier s’éteindra avec la disparition de la troisième génération de passeurs et passeuses dans les années 1980.
Parmi les plus « célèbres » passeurs, Jean Marie LE GUIL [1903-1983] dit P'tit Jean depuis la cale à Barrarach dite cale à P'tit Jean, et sa femme Pascaline MIRAN [1903-1983] continueront de nombreuses années l'activité de passeur à la rame, notamment avec leur misainier "Geneviève et Denise" du nom de leurs deux filles.
La ville de Vannes a nommé une "petite rue" Jean Marie Le GUIL dans le quartier de Conleau en mémoire du "petit passeur". Lors du recensement de 1961, l'employé retiendra comme profession, navigateur côtier !
Texte de Joseph LE ROCH, recteur de Séné 1968-1980
Une médaille pour 50 ans de bons et loyaux services...je l'ai rencontré sur la route de Port-Anna, à l'heure où, au foyer, l'épouse prépare le repas...
Béret sur les yeux, caban, sabots, il avait cette démarche "chaloupée" de ceux qui passent plus de temps à bord d'un bateau que sur "le plancher des vaches". Silhouette familière, non seulement aux Sinagots, mais à de nombreux Vannetais, à d'anciens groupes de grand Séminaristes ensoutanés -prêtes maintenant..et pas bien loin de Port-Anna !- dans lesquels j'étais "agrégé". Qui, en effet, de près ou de loin, ne connaît pas "P’TIT JEAN", le passeur de Conleau? Depuis 53 ans - c'est du précis - sa vie s'est pratiquement passée à Conleau.
S'il a connu les SINAGOTS" à voiles brunes et, pendant quelques années, franchi régulièrement aux beaux jours le goulet pour promener le touriste sur le golfe, il s'est surtout contenté de relier la rive vannetaise à Moréac en Arradon, ou Port-Anna en Séné...Juste en face la Plage? Cela n'a rien d'un voyage au long-cours, et les seuls écueils du trajet ne sont constitués que par les nombreux yachts amarrés à cet endroit. Il pourrait l'accomplir les yeux fermés. Mais, seul maître de la plate avec son chargement de passagers, en a-t-il parcouru des milles, toujours à force de rames !...
Jean Marie LE GUIL, né à Conleau le 16 février 1903, a connu les grands espaces que seuls les océans peuvent offrir. Embarqués à Brest pour le service militaire, il a séjournée trois ans en Chine et au Japon, à bord du croiseur-cuirassé "Jules Ferry". Souvenirs à goût d'aventure. Usés et que l'on ne raconte plus..., sauf à la fin d'un copieux repas de familial ou de rares fois en compagnie des gars "de la classe". Qu'on ne se trompe pas !, ce sympathique passeur, il a succédé à son père. C'était bien ainsi ! Vous comprenez : j'ai soixante sept ans, et je continuerai à faire le passeur, tant que je pourrai. Qu'est-ce que je ferais à la maison ? J'étouffe entre quatre murs. Je ne gagne pas d'argent. Juste pour mes frais. Mais ça me fait plaisir. Je vois des tas de gens? Ils me connaissent. Et j'ai mes copains. Tant que je pourrai tirer sur les rames !..
Notre compatriote vient de recevoir la "reconnaissance" de sa fidélité à "la mer" : un diplôme : "LE MINISTRE DE LA MARINE MARCHANDE A JEAN MARIE LE GUIL, MATELOT, EN RECOMPENSE DE SES BONS ET LOYAUX SERVICES", et une médaille au ruban tricolore. On les lui a remis il y a quelques mois. Il en est fier à juste titre. Mais qu’importent les honneurs ! Ceux-ci n'empêcheront pas notre ami de rejoindre fidèlement son poste, et de toujours rendre service : FELICITATIONS ! Mr Jean LE GUIL, Pardon ! P'TIT JEAN : Tu nous donnes une rude leçon de courage et de fidélité !
Documents :
Coupure de presse : Archives du Morbihan.
Extrait de dénombrement ville de Séné : Archives du Morbihan
Extrait de dénombrement ville de Vannes en 1901 – Archives municipales
Carte géographique 1882 : Institut Géographique National
Plan de Conleau : service du patrimoine – Ville de Vannes
Bibliographie :
Passeur, Passages et passagers du Golfe du Morbihan Camille Rollando avril 1999 Société Polymathique
Le Passage de Saint-Armel Séné
Yannick Rome - Liv Editions
Le passage de l’Île aux Moines
Guillaume Mongeon, - Editions Cheminements.
La Pays de Séné – Emile Morin - Editions Sutton
Le Golfe du Morbihan, Album de Gens de Mer
Edition Hengoun.