On le sait, l'île de Conleau, bien que située sur la commune de Vannes, séparée de la presqu'île de Langle par un goulet parcouru par de forts courants, n'en reste pas moins très familière aux Sinagots et un lieu intimement lié à leur histoire.
Le goulet de Conleau et la Baie de Séné.
Notez la pointe des Trois Sapins
Jadis, les passeurs de Conleau - en fait pour la plus part des marins et des pêcheuses de Séné - faisaient passer de la butte de Bellevue à la plage de la Grenouillère nombre de pêcheurs allant vendre leur poisson au marché de Vannes, nombre de promeneurs venant découvrir le littoral de Séné, et nombre de spectateurs qui accouraient voir les fêtes nautiques.
Régates de Vannes, régates de Conleau, régates de Boëdic, plusieurs courses nautiques furent organisées entre Conleau (Vannes), Roguédas (Arradon), Boëdic (Séné) et l'île d'Arz.
En plusieurs volets, nous essaierons de démêler et de parcourir plus de 150 ans d'histoire de yachting à Vannes et dans le Golfe du Morbihan.
1854-1857: Les premières Régates de Vannes; les toutes premières, le 20 août 1854
1865-1880: La création de la Société des Régates de Vannes le 23 avril 1865; les 1ères Régates de Conleau, le 4 juillet 1878
1886-1914: L'Âge d'Or des Régates: : de leur reconstitution le 4 février 1886 à la 1ère Guerre Mondiale
1919-1939: Les régates dans l'Entre-deux-Guerres:
Depuis leur naissance, alors que des marins français se battent en Crimée, et jusqu'à la Libération, les régates à Vannes, vont s'interrompre à plusieurs reprises comme on va le découvrir. Entre 1857 et 1865, pendant la guerre contre la Prusse en 1870, entre 1880 et 1886, et pendant les deux guerres mondiales.
Les premières Régates de Vannes (Conleau-Boëdic)
On ne le redira pas assez, le travail de numérisation de la presse ancienne, réalisé par les Archives du Morbihan est d'un précieux recours pour l'historien local.
Les premières régates : 1854 à 1857 :
En ce temps-là, la France est un Empire dirigée par Napoléon III. Depuis octobre 1853, La France et l'Angleterre, alliées à la Turquie freinent en Crimée l'expansionisme russe. Napoléon III a développé sa marine qui amènent des fantassins et des marins en Bulgarie puis qui débarquent en Crimée. Une vingtaine de jeunes marins de Séné mourront du choléra sur leur bateau ou périront noyés dans le naufrage de la Sémillante le 16 février 1855 dans le détroit de Bonifacio. Quant à la Guerre de Crimée, elle finira en 1856.
En Europe, venant d'outre-Manche, le yachting se développe. La Société des Régates du Havre est crée en 1842 et les premières régates à la voile eurent lieu le 18 août 1840.
Régates au Havre
Antoine Léon Morel-Fatio [1810-1871]
1841-hst Musée des Beaux-Arts de Morlaix en dépot au Musée Natioanl de la Marine à Paris.
Ce nouveau sport va se répandre sur les côtes françaises et bretonnes. A l'orée des années 1850, plusieurs ports de Bretagne organisent des régates comme Brest, Saint-Malo, Morlaix, Lannion (1851), Cancale, Tréguier, Roscoff...Il faudra attendre 1854 pour des regates soient organisée à Vannes.
Les premières courses nautiques à Vannes datent du dimanche 20 aout 1854 et se compose de 4 courses plus une course dite des "vainqueurs". Elles sont annoncées dans la presse.
L'article nous donne également le noms des commissaires qui les organisèrent. Il ne parle pas encore de la Société des Régates de Vannes qui sera fondée plus tard. Vannes compte déjà avec la Société Polymathique du Morbihan crée en 1826 et la Société des Courses (hippique) fondée en 1843 s qui est à l'origine de l'hippodrome de Cano à Séné.
Les commissaires fondateurs :
Président, M. le maire de Vannes : François Jollivet de Castelot [1/9/1821-6/6/1854] était maire de Vannes sans doute lors de la génèse du projet. Suite à son décès, son adjoint, Jean LALLEMENT [1802-1872] sera élu maire et assurera la présidence des commissaires.
Vice-Président, Louis Etienne LE CARPENTIER [18/12/1808 - ], Commissaire de Marine
Secrétaire, et trésorier, Jules AVROUIN-FOULON [5/2/1829-5/1/1908] jésuite, fils de Charles Gatien AVROUIN FOULON, [28/05/1790-22/08/1860] Receveur Général des Finances du Morbihan
Marie Albin MAGNIER de MAISONNEUVE [28/8/1810 - Strasbourg - 13/8/1864 - Vichy], Inspecteur des Douanes
Paul Marie Thomas PELLE DE QUERAL [9/9/1805-13/5/1874], médecin à Vannes
GREGOIRE, à identifier,
MONTFORT, à identifer.
Cet article du Courrier du Morbihan indique que ces régates du dimanche 20 août 1854 se déroulèrent sur la plan d'eau entre l'Île d'Arz et l'ïle de Boëdic. Le journaliste précise qu'il s'agit "d'un nouveau plaisir offert aux habitants de Vannes et qui leur est inconnu", soulignant qu'il s'agit bien des toutes premières régates organisées à Vannes.
Cette première édition fut un succès : Ces régates, les premières qui aient été organisées à Vannes, ont eu lieu dans le Morbihan, en face Roguédas, et ont été inaugurées par un grand concours de bateaux qui s'y sont disputé les prix, et par une affluence très considérable de curieux, soit de la ville, soit des communes du littoral. Un temps superbe et la beauté du site où avaient lieu les courses ont fait de ces joutes un spectacle magnifique, dont tous les assistants ont été parfaitement satisfaits, et qui encouragera, nous n'en doutons pas, Messieurs les commissaires qui ont si bien réussi cette fois, à renouveller chaque année une fête aussi attrayante".
Ce premier compte rendu paru dans le Courrier du Morbihan en août 1854, indique que les courses se déroulent au large de Roguédas en Arradon, non loin du Manoir de Roguédas, propriété de Charles AVROUIN FOULON. Les régates de Vannes comportent une course à l'aviron et 4 courses à bateau à voile.
Dès la première édition, les marins de Séné disposent d'uné épreuve réservée aux bateaux aux voiles ocre. Le Franc, patron du Léopold, Rolland, patron du Requin, Doriol, patron de la Pérote, Danet, patron du Saint-Marc et Loiseau, patron du Saint-Joseph, remportent des prix. Il n'y a pas encore de courses à la rame où les pêcheuses et pêcheurs de Séné viendront rivaliser d'efforts.
Bien que cet Annuaire Français de 1899 précise que la Société des Régates de Vannes fut crée en 1855 et disparut quelques années plus tard avant d'être à nouveau reconstituée en 1886. En fait, il en fut autrement. Ces premières régates furent organisées par la mairie de Vannes avant que ne soit fondée la SRV.
Malgré leur très bon accueil à Vannes dès 1854, elles vont subir rapidement une première interuption.
Cet article du Journal de Vannes, daté du 22 avril 1865, donne l'origine du premier arrêt des régates à Vannes, "la chute d'une famille qui en avait pris l'initiative". On pressent, la ruine ou la faillite d'un mécène fortuné, amateur de yachting à ses heures perdues et membre fondateur de la première organisation des régates.
Mais qui était-il? Qui furent les initiateurs des toutes premières régats à Vannes?
Cet autre article situe l'arrêt des premières régates à la fin de la décennie 1850-1859. En recherchant sur le site des archives du Morbihan, et sur cette année 1858, on trouve un grand nombre de faillites d'entreprises dont celle de Charles Gatien AVROUIN FOULON, Receveur Général des Finances du Morbihan [28/05/1790-22/08/1860], banquier qui fit banqueroute peut-être suite à la crise financière américaine des années 1850...Plusieurs indices plaident en faveur de cette hypothèse.
Afin de rembourser ces dettes, ses biens furent vendus et aux côtés de sa propriété de Roguedas, là où étaient accueillis les officiels, figurait des embarcations comme nous le précise cet article de presse, notamment un bateau du nom de La Perle, qui barré par son autre fils Maurice Louis AVROUIN FOULON, gagnat des courses lors de ces premières régates à Vannes.
Jusqu'à la faillite de Avrouin, à 4 reprises, de 1854 à 1857, des courses nautiques à Vannes se déroulèrent au large de Conleau et Séné et en face Roguédas en Arradon, Le goulet de Conleau offrant un amphithéâtre maritime propice pour l'accueil des spectateurs.
Parmi les premiers adeptes du yachting à Vannes, on note les propriétaires de bateaux, Avrouin, De Quéral et Raison.
L'édition suivante, se tiendra le 9 septembre 1855 au large de la pointe de Roguédas. Le compte rendu de l'édition du dimanche 31 août 1856 offre plus d'informations. Plus d'une trentaine de marins sinagots participent à la 3° courses qui leur est réservée. Entre Vannes, Moréac-Roguédas, Barrarach et l'Île d'Arz, et bien que l'île de Conleau ne soit pas encore raccordée au continent [lire l'histoire des Passeurs de Conleau], il est fort à parier, que des marins de Séné assuraient pour ces régates, le passage des spectateurs venus en nombre assister aux courses nautiques.
La 4° édition des régates, le 30 aout 1857, sera tout aussi réussie, si on en croit l'article paru dans le Foyer breton :
"Ce jour-là Roguédas ouvre à la foule accourue de Vannes et de tous les points de la côte, son parc, ses jardins, sa chapelle et ses terrasses, d'où l'on domine la vaste nappe du Morbihan, que sillonne des centaines d'embarcations : canots, barques, sinagots, forbans, chaloupes, chasses-marées, sloops, etc..C'est un spectacle féérique, un point de vue que Meudon, Saint-Cloud, Versailles, ces royales demeures, paieraient fort cher et envieront toujours . "J'ai vu bien des régates; je n'ai jamais rencontré plus beau bassin". Et ces paroles étaient accueillies par un assentiment général. La foule courronnant la pelouse et les terrasses de Roguédas; bon nombre de spectareurs, demeurant sur leurs embarcations, afin de jouir de la fraîcheur d'une très légère brise de mer, étaient venus prendre place entre les terrases de laquelle M. Le Carpentier, commissaire de la marine, présidait à la joûte. A gauche, se dessinait la côte de Séné, l'île de Boëdic; à droite se montrait la côte d'Arradon et les hauteurs de l'ïle aux Moines; en face, dans le lointain, se confondaient avec l'eau les terres basses de l'ïle d'Arz; sur le tout s'étendait l'azur du ciel à demi-voilé par de legers nuages, semblables à une gaze semi-transparente, étendue pour préserver spectareurs et acteurs des rayons ardents du soleils d'août."
En décembre 1858, le banquier Charles AVROUIN FOULON, receveur général du Morbihan, sera jugé par le Tribunal de Vannes et la faillite personelle est prononcée. Durant toute l'année 1858, on réussira à masquer l'affaire d'autant que la Bretagne reçoit en août la visite de l'Empereur Napoléon III.
Le 15 août 1858, Napoléon et l'impératrice Eugénie arrivent à Vannes en provenance de la basilique d'Auray. On organise une Fête Vénitienne au port.
Ironie de l'histoire, Charles AVROUIN-FOULON sera parmi les promus à la légion d'honneur à l'occasion de la venue de l'Empéreur à Vannes. Il quittera la ville et décède à Nantes le 28/8/1860.
On ne retrouve pas d'article parlant de régates sur le site des Archvies du Morbihan pour cette année 1858 et les suivantes jusqu'à 1865. Après la visite de l'Empereur, parmi les notables vannetais, l'heure n'est plus à la dépense, d'autant que la ville de Vannes a perdu de l'argent dans la faillite du receveur général. L'émotion suscitée par cete faillite, au sein de la communauté de la belle plaisance de Vannes, mettra plusieurs années à se dissiper.
En 1865, une nouvelle équipe fera renaitre les régates organisée cette fois par la Société des Régates de Vannes.