Article du bulletin municipal décembre 2005, complété et illustré.
A l'origine, une anse de vase et de rochers
Le lieu dit Port-Anna était auparavant une anse ouverte sur le goulet de Conleau et exposée aux vents d'ouest. Le sol, vaseux et sableux, était parsemé de quelques têtes de roches.
La cadastre de 1844, nomme cette anse en bas de la butte de Bellevue, "le Port Gwen". De vieilles cartes illustrations montrent l'anse à ses origines.
Anse de Barrarach, on devine le Corps de Garde des Douaniers
Jean FRELAUT 1923
Anse de Port-Anna - Jean Frélaut 1923
La DRAC de bretagne, rapport qu'en 1885, il n´existe au lieu-dit Port-Anna qu´une mauvaise chaussée en pierres sèches réalisée par les marins pour débarquer le bois et les denrées nécessaires aux habitants des écarts situés à l´extrémité occidentale de la presqu´île. Néanmoins, la pente abrupte qui y mène empêche l´accès aux charrettes et l´anse ne permet pas l´abri sécurisé de nombreuses barques. Les pêcheurs multiplient donc les pétitions pour que la commune améliore le site et, en 1946, le projet d´un port est lancé.
Cette vue aérienne du goulet de Conleau en 1952, nous montre le bout de la presqu'île dépourvu de construction et l'anse de Port Gwen encore intacte.
Rien à voir avec les sinagos
Dans un article de mai 2011, Jean Richard nous précise que Port-Anna est à dissocier le l'âge d'or des Sinagos.
"Contrairement à ce que beaucoup imaginent, Port-Anna n'est pas lié à l'histoire des sinagos. Son aménagement n'a été réalisé qu'en 1953, alors que ces voiliers traditionnels avaient quasiment déjà disparu. C'est le maire Alphonse LE DERF, qui travaillait aussi à l'Equipement, qui l'a voulu pour abriter les pinasses des pêcheurs", témoigne Jean RICHARD, ostréiculteurs en retraite, installé de longue date à deux pas du port. "Auparavant ce n'était qu'un mouillage naturel, un trou de vase entre des rochers, dans lequel venaient s'échouer quelques sinagos. Mais l'essentiel de la flottille des 847 sinagos construits depuis 1848 a toujours mouillé à l'abri, à Langle, Cadouarn, Moustérian et Montsarrac."
L'article en vedette, paru dans le Ouest Eclair daté du 23 avril 1910, indique qu'avant la première guerre mondiale, les pêcheurs sinagots se lamentaient déjà du peu d'aménagements dont disposait leur littoral. Cependant, l'entreprise La Gilardaie, qui extrait des potasses à La Garenne a fait construire une cale autour des années 1860; à Montsarrac, la cale du passage daterait des années 1880 et près de Conleau, la cale de Barrarach est construite dans les années 1890. Cependant ces cales sont loin des zones d'échouage habituelles et des villages des pêcheurs et marins sinagots. La cale du Badel est réalisée entre 1905-1910. (Lire article sur le Petit Patrimoine).
C'est après la seconde guerre mondiale, avec l'avènement de plus gros bateaux à moteur que la nécessité de cales plus grandes devient criante. Après guerre, la partie la plus importante de cette flottille loge encore le long de la presqu'île de Langle, protégée des vents de Bellevue en remontant vers Moustérian et Montsarrac.. Elle regroupe les pêcheurs de Bellevue, le Meniech, Langle et Canivar'ch qui fréquentent les eaux du Golfe et de la baie de Quiberon. L'ensemble comprend, avec les petites embarcations, une cinquantaine de barques de pêche. Le problème crucial qui se pose est celui de l'inaccessibilité au littoral et les difficultés de déchargement des marchandises en "eaux profondes". D'où les doléances continuelles des pêcheurs auprès de la municipalité pour obtenir des installations portuaires convenables.
Les maires successifs à l'origine du projet
Le maire de l'époque, Eugène BENOIT, élu à la Libération (maire de 1945-1947), réunit son conseil municipal qui décide de demander aux Ponts et Chaussées, un projet de construction d'une cale. En septembre 1946, le député communiste de Lorient, Louis GUIGUEN écrit au Ministère pour obtenir la construction d'une cale à Port-Anna.
Ceux-ci étudient l'affaire, la trouvent justifiée, mais le coût atteindrait au moins 500.000 francs et ce projet, étant d'intérêt local, devrait être pris en charge en totalité par la municipalité. Le conseil conclut alors que la commune ne peut supporter une telle charge et le projet est donc abandonnée.
Les années passent, les mêmes problèmes demeurent, s'intensifient même, car le nombre de bateaux augmente et la motorisation se développe. Le projet refait surface en 1952-53, sous le mandat d'Olivier TAMAREILLE (maire de 1947-1953), mais ce n'est que le 27 juin 1954 que le conseil municipal, réuni sous la présidence d'Alphonse LE DERF (maire de 1953-1967) accepte de lancer les travaux qui sont estimés par les Ponts & Chaussées à 5.880.000 francs. L'ensemble comprend la construction d'un môle et d'une cale ainsi qu'un mur de soutènement bordant le port. Ces travaux seront accompagnés de l'aménagement du chemin d'accès et du terre-plein ainsi que la reconstruction du mur de la propriété de Mme Normand.
Cet article de La Liberté du Morbihan, datée de juillet 1955 annonce la construction par l'entreprise Grolleau de Vannes d'un quai et d'une jetée ainsi que d'un môle qui recevra ensuite la pompe à gasoil .
Le financement sera assuré de la façon suivante : Emprunt de 4.000.000 de francs par la commune...Subvention de 747.000 frs du département...Prélèvement de 830.000 frs sur le sfonds libres du budget communal de 1955. Le Préfet donne son autorisation. Onze entreprises sont pressenties; quatre seulement soumissonnent. Le conseil municipal, réuni en assemblée extraordinaire le 5 juin 1955, accepte la soumission de l'entreprise SAEG (Société Armoricaine d´Entreprises Générales) de Vannes pour la somme de 4.186.376 frs.
Objet de l'entreprise :
-construction d'un môle de 24,10 m de long et 2 m de large. Il protègera, côté du large, la cale prévue.
- une cale de 33,50 m de long et 3 m de large avec pente de 0.10m par mètre et un secteur en palier de 5 m à son extrémité.
- construction d'un mur de soutènement de 26,75 m, protégeant le terre-plein et la partie basse du chemin (accès côté mer); plus un mur de 8 m côté intérieur pour soutenir la cale.
Les travaux commencent immédiatement et seront terminés le 9 février 1956. Des travaux complémentaires, qui n'étaient pas préuvs, ont alourdi la note, qui s'élève définitivement à 6.132.184 frs. Mais le département accorde une subvention de 1.400.000 frs. Cet article de Ouest-France daté de juillet 1961, illustre les travaux de desenvasement du port et site l'aménagement de la partie centrale.
Sur cete vue extraite d'une carte postale Lansol (Musée de Bretagne) on distingue la cahute des douaniers qui n'est pas enocre cachée dans les arbres qui vont grandir. Le môle de Port-Anna est construit mais aucun batiment n'est encore érigé sur la quai principal.
A cette même époque, le peintre américain Trafford Partridge KLOTS (1913-1976) vit à Rochefort en Terre et vient souvent sur le littoral de Séné poser son chevalet comme en témoigne cette toile intitulée Port Anna.
Le garage du mécanicien de marine sera le premier, suivi par les box-garages pour les Ildarais, puis le bureau du port.
Débarquement de poisson près de la station de gasoil MOBIL (Bulletin paroissial)
On reconnait sur cette photo les garages réservés aux habitants de l'Île d'Arz et à leur droite les Etablissement Lucas, réparateur de moteurs de bateaux. A gauche la digue avec la station de gasoil. La cuve etant sous la construction sur le quai. Au second plan, le paysage n'était pas urbanisé...(lire aussi article Pascaline et les garages de Séné).
Sur cette carte postale ancienne, les arbres ne sont pas encore haut sur la butte
et la cale nord-est n'est pas élargie.
Suite des travaux d'aménagement :
Malgré ces travaux déjà entrepris, il est indéniable de devoir poursuivre l'émangement du port. Au cours du conseil municipal du 24 juin 1973, Albert GUYOMARD (maire de 1971-190) envisage de proceder en urgence au dragage du port, à la surélévation de la cale Nord Est et à la contruction d'un gril de carénage. Dès le 24 mars 1973, les travaux de dragage sont confiés à l'entreprise Voisin pour enlever 2300m3 de vase. Le devis s'élève à 41.745 frs. La cale NE est un ouvrage conçu entre 1973 et 1975. Elle mesure 21,50 m de long et 8 m de large. Elle est appelée à supporter pratiquement tout le trafic pêche du port. Le gril de carénage est quant à lui réalisé par l'entreprise Evain pour un devis de 36.750 frs. Les travaux débutent le 17 mars 1977. Le gril aura une longueur de 15 m et une largeur de 22,50 m et sera accolé le long du môle.
Vue de Por-Anna en 1977 (Poster-Ti-Anna)
Le port commence à prendre forme, mais la situation n'est pas encore satisfaisante, car la cale n'est pas accessible à marée basse. le 12 septembre 1980, le conseil municipal décide de réaliser des travaux d'aménagement, estimés à 900.000 frs. Le devis comprend l'amélioration des profondeurs du port aux abords de la cale par dragage et déroctage, diminution de la pente de la cale tout en surélevant et réalisation d'une chausée d'accès à la côte. Il faut donc remodeler les ouvrages existants et aménager une voie d'accès protégée côté port par un mur. Le conseil retient l'offre de l'entreprise Fougerolle et les travaux débutent en août 1952.
En 1985, les bureaux du port son inauguré sous le mandat de Francis POULIGO.
D'autres travaux furent entrepris par la suite, tels des dragages et des installations de mouillages. C'est ainsi que le port est devenu ce qu'il est aujourd'hui. D'une anse sauvage et marine, les aménagements successifs ont permis la réalisation d'un port apte à accueillir les activités maritimes de Séné qui, comme nous le rappelle Jean Richard, ont fortement changé au cours des ans.
Longtemps Port-Anna n'a été que le seul point de ravitaillement en carburant pour les bateaux de travail. "On comptait une vingtaine de pinasses de Séné mais on y venait aussi de Sarzeau, l'Île aux Moines ou Arradon. Le samedi matin, il y avait souvent la queue pour les pêcheurs qui préparaient leurs chalutiers pour partir tôt le lundi matin. Il a fallu agrandir l'embout du tuyau pour accélérer le débit de distribution ! Ça rapportait une belle redevance à la commune" se souvient le retraité de 74 ans, écrivain à ses heures.
En 2011, Port-Anna abritait moins de dix bateaux qui pratiquent successivement la pêche à la morgate, au rouget, à la crevette, à la coquille Saint-Jacques et à la civelle. "Certains ne sont même plus basés à Séné car avec la hausse du carburant ils partent directement de Quiberon et Saint-Jacques, à Sarzeau, sur leurs lieux de pêche. En fait, selon Jean Richard, ce sont les ostréiculteurs qui sont devenus les utilisateurs les plus réguliers du port".
Hier, la commune en recensait près d'une centaine mais aujourd'hui, il ne reste plus qu'un ostréiculteur du cru. Une dizaine de Charentais a pris la relève. "Les concessions ont été rachetées par des professionnels de Marennes-Oléron. C'est là-bas qu'ont lieu les captages, les huîtres sont ensuite élevées dans le Golfe du Morbihan, avant de repartir en Charente-Maritime pour être affinées. Elles ne sont donc plus tirées sur la cale de Port-Anna dans les années soixante l'activité de transport y est importante."
En 2018, Port-Anna ne compte plus guère d'activité maritime. Les pontons abritent encore quelques bateaux pour la photo; Les quais accueillent la traditonnelle Fête des Voiles Rouges; Les ostréiculteurs fréquentent encore le lieu. La pêche à la morgate survit toujours; La cale est aussi un point d'accès au Golfe du Morbihan prisés par les plaisanciers, les nouveaux marins Sinagots.
Demain, la création d'une "Maison du Port" en lieu et place des garages et du local du port, va consacrer l'usage touristique et patrimonial de ce lieu jadis tourné vers les activités maritimes.
Le projet au mois d'aout 2020 est très différent de celui envisagée. L'accès au toit a été supprimé et Ty Ana n'offre plus de terrasse sur le Golfe. Le restaurant géré mar Neo Restauration offre cependant une carte simple et de qualité ainsi que la dégustation d'huitres de Séné, avec une vue imprenable sur le goulet de Conleau.