Les DANET, une famille de charpentiers de Séné va travailler pour la Compagnie des Indes de Lorient.
Cet article s'appuie sur un texte du site histoire-genealogie en développant l'histoire de la famille Danet de Séné.
En août 1664, Louis XIV crée et organise une compagnie pour le commerce avec les Indes Orientales, la Compagnie des Indes Orientales. A cette date, la ville de Lorient n’existe pas ; Colbert charge une commission d’explorer les côtes de l’océan pour y implanter des établissements maritimes.
Les résultats du rapport de la commission présenté au Roi sont à l’origine de la création des ports de Rochefort et de Lorient. En effet, le roi décide, par ordonnance, en juin 1666 de créer un arsenal à l’embouchure de la Charente et il permet à la Compagnie des Indes Orientales de s’installer au Port-Louis ; il lui concède des terres à l’embouchure du Blavet et du Scorff au lieu-dit le Faouëdic sur la paroisse de Ploemeur, pour y établir un port, des quais, un chantier et des magasins pour la construction, l’entretien et l’armement de ses navires.
Vue de la confluence du Scorff et du Blavert-Carte Cassini ca 1700 (Source Geoportail IGN)
A partir de cette date la Compagnie développe son chantier de construction et d’autres chantiers viendront s’établir aux alentours pour travailler principalement en sous-traitance de la Compagnie.
Plan de la rade de Lorient milieu du XVII siècle - Source BnF Gallica
Les premières infrastructures de la Compagnie sont très sommaires : une cale, une cabane pour le maître charpentier et un hangar pour abriter les ateliers. Les hommes vivent à Port-Louis et dans les campagnes aux alentours. Le premier navire construit est le Soleil d’Orient.
En 1669, le chantier s’agrandit pour recevoir des locaux pour le directeur et les ouvriers, des magasins en 1670, des forges et une chapelle en 1671. En 1675, le chantier s’installe vraiment et l’on bâtit des installations en dur. En 1676, un mur sépare l’enclos du chantier des terres environnantes.
En 1681, on rebâtit les locaux pour les ouvriers et le chantier dispose alors de deux cales et d’une fosse à mât au bord de la Prée aux vases. Un peu partout dans l’enclos, il y a des cabanes pour les familles. Il n’y a pas vraiment de séparation entre les infrastructures du chantier et les lieux de vie. Le chantier sert à la Compagnie des Indes et à la Marine Royale et pour cette dernière ce mélange des installations n’est pas dans ses habitudes.
- Vue du Port de Lorient en 1690 depuis la rive gauche du Scorff en Caudan. (source Alamy)
- Au premier plan les chantier sur la rive gauche du Scorff à Lann er Ster, paroisse de Caudan
En 1692, la partie des constructions est séparée de la zone d’habitation et en 1695 la corderie est aussi dans le secteur clos. L’expulsion des ouvriers et de leur famille de la zone du chantier, pour aller s’installer sur la lande aux alentours, provoque la naissance de la ville de Lorient. La paroisse est créée en 1709 et la municipalité en 1738.
De 1730 à 1750, de grands travaux sont réalisés car le chantier n’est plus seulement un lieu de construction et d’armement de navires mais devient pour la Compagnie un établissement à vocation commercial. Des magasins et un hôtel des ventes sont construits. Un nouveau quai solide sur le Scorff et trois cales de lancement voient le jour. Après 1750, l’enclos est entièrement dédié à la construction et au commerce, la ville de Lorient est devenue une ville à part entière. En 1789, l’ensemble de la presqu’île du Faouëdic est occupée, alors commence une période de comblement des anses pour augmenter les possibilités d’extension.
Pour satisfaire l'essor de la marine marchande, Lorient accueille des chantiers de constructions navales.
C'est à Lann er Ster (Lande de la Rivière), alors en Caudan, sur la rive gauche du Scorff, que des cales de construction navale sont implantées en 1755-1757, la place manquant sur la rive droite côté Lorient. En 1756, la Compagnie des Indes étend ses chantiers sur les terres de la seigneurie du Plessis à la pointe de Caudan, future Lanester, et y aménage trois cales, une forge, des hangars, un corps de garde, une batterie.... De 1755 à 1757, la Compagnie des Indes investit à Caudan près de 221 000 livres dans la construction d'édifices et de cales sur 157 000 m2.
Plusieurs chantiers s'établiisent entre 1750 et 1800. En 1793, les chantiers s'étalent sur une superfice de 10.656 toises carrées, env 4 ha. A l'entrée du chantier, un même bloc de bâtiments comprend un corps de garde, une clouterie avec deux feux, une écurie pour six boeufs, des bureaux. Trois grands hangars servent de magasins pour les matières premières. Les forges abritent neuf feux; Plusieurs pontons sont ancrés pour le mouillage des navires.
Carte de la Pointe de Caudan et de ses environs datant de 1758 (sourve BNF).
L'arrivée à Caudan des frères DANET :
Sources : Registre état civil de Séné + Caudan et livre de Beauchesne (Geneviève) - Les chantiers de construction navale sur le Scorff - Editions Les Trois Rivières - page 106 et 10
Louis DANET [23/2/1718-13/1770] est originaire de Séné et issu d’une famille de constructeurs de navires. Son arrière grand-père Benoit DANET était déjà charpentier. Il a participé à la construction du moulin à vent de Cadouarn.
Louis, l'ainé des garçons a certainement commencé à travailler tôt chez son père Bertrand, maître constructeur à Moustérian. Sa soeur ainée Jeanne s'est mariée le 19/2/1732 à Séné et ne sera pas de l'installation sur Caudan. Elle restera en terre sinagote comme sa soeur Bertranne mariée depuis le 2/1/1751 et son frère Jean marié à Séné le 21/1/1744.
Le fait que des charpentiers de marine de Séné aillent tenter leur aventure sur les chantiers de la Compagnie des Indes, montre une excellente maîtrise de la construction navale par ces charpentiers sinagots. Cela montre aussi que sur Séné, des charpenteirs étaient déjà actifs pour construire des bateaux pour les "maîtres de barque" de la paroisse et sans doute pour d'autres marins de Vannes et des alentours.
Louis DANET épouse Marie LE DIGABEL [1714-1751] en 1737. Tous ses enfants naissent à Séné entre 1739 pour l'aînée, Anne, la seule enfant arrivée à l'âge adulte, et Joseph, pour le dernier, qui meurt enfant en 1754 à Caudan où la famille est allé s'installer.
En novembre 1745, Louis DANET est le parrain de la petite Marie Martin, fille d'un charpentier Joseph Martin de Canicar'ch. Le chantier DANET àSéné emploie sans doute plusieurs charpentiers aux côtés de son patron.
Dès le 20 février 1746, Louis DANET est titulaire d’un marché de la Compagnie des Indes pour construire deux gabares de 50 pieds de longueur. Pour se faire, il s’oblige à établir son chantier à Caudan.
"Sans doute est-ce à cause de cette pénurie de personnel que Duvelaer (Pierre DUVELAER [1/2/1699 Saint Malo - 11/11/1755 Paris], directeur de la Cie des Indes) le 20 février 1746, passa marché avec un entrepreneur Louis Danet qui s'engageait à lui construire, pour un prix unitaire de 1400 livres, deux gabares pontées de 50 pieds chacune, ainsi que deux barques pontées de 60 et 45 tonneaux, aux prix de respectifs de 1100 et 1000 livres. Danet devait établir ses cales et chantiers à Caudan et avoir au moins 30 charpentiers, de Vannes et d'ailleurs, le tout dans un mois ou cinq semaines; mais Duvelaer lui ferait fournir les scieurs de long et lui procurerait les bordages, le bois de gabarit, les gournables, les chevilles et les clous dont ont aurait besoin (1P4 f*31 et V*).....
Pour en revenir à Danet, il ne construisit pas seulement des gabares et des barques, mais aussi des "bateaux du Sénégal" tels que le Pélican, l'Alouette, le Zéphir, l'Anonyme et peut-être d'autres encore, en attendant de se lancer un peu plus tard dans les petites frégates.
Pélican (2) Bateau de 40 tonneaux, construit à Caudan, lancé le 14 juin 1749; parti le 15 avril 1750 pour le Sénégal, où il est resté.
Alouette (3) Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan (rive gauche du Scorff), lancé le 8 mars 1749 ; parti pour le Sénégal le 10 avril 1749 ; resté là-bas.
Zéphir (3) Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan; parti le 10 avril 1749 pour le Sénégal, où il est resté.
Anonyme Bateau de 30 tonneaux, construit à Caudan, lancé le 28 déc. 1749 ; parti le 15 avril 1750 ; resté au Sénégal.
A la suite de ce contrat, il construisit la corvette de la Compagnie la Naïade ou Nayade de 150 tonneaux, lancée le 26 août 1747 ; partie le 26 octobre 1747 ; naufragée à Java le 25 décembre 1748.
Il lui arriva aussi de travailler, d'ordre de la Compagnie pour un particulier: c'est ainsi qu'il bâtit en 1749-1750 une gabare, une frégate de 260 tonneaux, la Marquise, et une goélette de 170 tonneaux, la Biche pour le négociant Michel de Nantes."
Gabriel Michel, parfois appelé Gabriel Michel de Tharon, né le 22 janvier 1702 à Nantes, mort en 1765, seigneur de Doulon, du Verger et de Chamballon, est un homme d'affaires français du xviiie siècle, armateur négrier à Nantes et directeur de la Compagnie des Indes orientales de 1748-1764. (Source Historique de la Construction Navale Geneviève Beauchesne pages 116-117)
Dans son chantier est ensuite construit un nombre important de navires mais d’un tonnage assez modeste. Les plus importants sont une série de frégates.
Vers 1751, pour l'aider dans son chantier, son frère, Joseph DANET [8/11/1727 - 12/5/1775], de presque 10 ans son cadet, le rejoint à Caudan après son mariage à Séné le 9/2/1750 avec Guillemette LE DIGABEL, qui n'est autre que sa belle-soeur. Tous les enfants de Joseph naitront sur Caudan. Sa femme lui donnera 7 enfants avant de mourrir en 1760 des suites de l'accouchement de jumeaux décédés en 1759. De son côté, son frère Louis se remarie avec Marie MORVAN à Lorient en 1751 après le décès de sa 1ère femme. Les deux frères vont pouvoir construire une série de 5 frégates entre 1751 et 1758.
Astrée: Frégate de 200 tonneaux, lancée à Lorient le 26 juin 1751, partie pour le Sénégal le 11 janv. 1752 ; prise lors de son 5ème voyage le 20 sept. 1755 en temps de paix ; non rendue.
Cerf: Corvette de la Compagnie, construite à Lorient, lancée le 11 sept. 1751, 200 tonneaux, partie pour le Sénégal le 21 mai 1752 désarmée à l’île de France le 10 févr. 1756 ; réarmée, naufragée le 17 janv. 1757 à Sainte-Marie de Madagascar.
Galatée: Frégate de 400 tonneaux, percée pour 22 canons, construite à Lorient, lancée le 3 février 1753; partie pour l’océan Indien le 8 avril 1753; désarmée à Pondichéry le 7 février 1754.
Saint-Charles : Frégate de 300 tonneaux, percée pour 16 canons, lancée à Lorient le 24 octobre 1753; partie pour les Mascareignes le 14 juin 1755; désarmée à Maurice le 1er juin 1756; navigue dans l’océan Indien; aurait désarmé en 1768.
Volant: Frégate de 200 tonneaux, dont la construction traînait à Caudan depuis 1752, armée en 1758; partie le 7 mars 1758; prise le 15 mai 1758.
Carte générale des environs de Lorient et du Port-Louis : vue partielle concernant Caudan (zone correspondant à une partie de la future commune de Lanester) datant de 1758.
Vers 1756, son autre frère Bertrand DANET [23/5/1730 Séné- 4/7/1789 Caudan] vient s'installer avec son épouse à Caudan. La naissance de ses enfants permet de dater son arrivée.
De 1746 à 1759, le chantier des frères Danet a livré 45 bâtiments pour une facture globale de 300 000 livres. [trouver des sources postérieures]
L'acte de baptême de Jan Marie DANET, [20/1/1760-1/3/1762], montre que son père Bertrand est charpentier à l'Anse de Caudan. Ses oncles Louis et Joseph savent signer.
Joseph perd son épouse cette même année 1760 et se remarie en 1765 avec Magdelaine LE GAL, dont il aura 5 enfants tous nés à Caudan dans l'Anse. L'acte de décès de sa fille Michelle le 1/10/1784, à "La Batterie" en Caudan, permet d'attester que la famille Danet est toujours présente sur les chantiers.
Le 7/11/1762, sa fille Anne épouse Louis Olivier LE PAN, dont les enfants travailleront sur des chantier de Caudan. Louis DANET, malade depuis quelques années, décède en mars 1770 à l'âge de 52 ans. Son acte indique le mot "maître"; Joseph DANET décède en mai 1775 à l'âge de 49 ans; son frère Bertrand DANET décède à la veille de la Révolution en juillet 1789 à l'âge de 59 ans.
Au premier plan de ce tableau, les quais aménagés sur la rive gauche du Scorff, où étaient les chantiers de construction navales
Mais la présence des charpentiers sinagots DANET à Caudan ne s'arrête pas au décès des pionners. Leur enfants seront également charpentiers de marine comme l'indique cette généalogie. [rechercher document sur le bateaux construits]
Une autre branche de la famille DANET restée à Séné va également avoir une descendance dans la construction maritime. A la mort de Julien DANET vers 1760, c'est sa fille Perrine DANET qui "transmet l'activité" à son mari Joseph MARTIN. Les Martin poursuivront pendant 150 ans et 4 générations la consruction de bateaux à Séné.