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CONSECRATION DE L'EGLISE DE SENE 25 SEPTEMBRE 1887
Extrait de la "Semaine Religieuse" du Diocèse de vannes du Jeudi 6 Octobre 1887-N° 40 P-586-587
Admirable fête qui laissera dans cette chrétienne paroisse un impérissable souvenir. On connait cette population laborieuse, composée en grande partie de pêcheurs,· dont les barques aux voiles rouges sillonnent chaque jour les eaux de notre Golfe du Morbihan .
Après avoir bâti une belle église romane qui, malgré ses énormes rosaces et ses voûtes surbaissées, rappelle le talent d'un habile architecte, M. DESPERTHES, qui a également réalisé là superbe basilique de Sainte-Anne d' Auray, la population était là tout entière pour assister à la Consécration du monument.
Mgr BECEL - Mgr TREGARO - Mgr KERSUZAN
Cette belle cérémonie a été présidée par Mgr BECEL, évêque de Vannes, accompagné de deux vénérés prélats que notre diocèse a eµ la gloire de donner à l'Eglise Mgr TREGARO, évêque de Séez et Mgr KERSUZAN, évêque du Cap-Haïtien.
A huit heures et demie, une longue procession se rendait de l'église paroissiale au couvent des Soeurs où, sur un autel entouré de gracieux décors, avaient été déposées les saintes reliques. Puis, après la récitation des prières solennelles, la procession reprit sa marche vers le sanctuaire en suivant une longue allée de verdure.
La grande cérémonie commença. Nous ne pouvons qu'en indiquer les principaux détails tout est beau dans cette liturgie où l'Eglise, par des paroles et des actes solennels, revêt pour ainsi dire d'une majesté toute divine le temple qui sera la Maison de Dieu. Les aspersions extérieures et intérieures, la solitude de la nef où ne pénetrera pas la foule, les lettres latines et grecques tracées dans la cendre sur le pavé, les croix fixées au mur que les évêques consacrent avec· le Saint-Chrême, les onctions faites sur la pierre de l'autel, tout cet ensemble, où le. symbolisme exprime si bien la réalité, est plein d'une incomparable grandeur.
Mgr l'évêque de Séez célébra la messe, à l'autel nouvellement consacré, en présence de la foule recueillie qui remplissait l'église·. Dans l'après-midi, les vêpres furent solennellement. chantées. Mgr l'évêque de Vannes félicita le dévoué pasteur et les habitants de Séné de leur zèle pour la maison de Dieu et céda la parole à Mgr KERSUZAN qui, dans une allocution
bretonne religieusement écoutée, rappela la grandeur du temple spirituel qu'est notre âme rachetée par le Sang de Jésus. Avec une onction tout apostolique, il recommanda la fermeté dans la Foi, et parlant de la Mission lointaine qu'il va bientôt revoir, il supplia son auditoire de prier pour ces pauvres âmes afin de les gagner à Dieu.
Avant la Bénédiction du Saint-Sacrement, la foule chanta· avec enthousiasme un pieux cantique composé pour la circonstance, sur un vieil air breton, par le Révérent Père LARBOULETTE, le dévoué missionnaire bien connu chez nous. En contemplant leur belle église," les paroissiens de Séné aimeront à méditer les strophes de ce cantique et à redire avec le poëte :
"Saùet hunès iliz-nem, Eit hous inourein, Ô men Doué !; Pliject genoh perpet amen, Skuill hou kréseu get larganté".
"Nous avons bâti cette église Pour vous glorifier, Ô mon Dieu; Qu'il vous plaise toujours ici De répandre vos grâces avec abondance".
II - LA CONSTRUCTION DE L'EGLISE (suite) 1878-1887
1° - La première tranche de travaux
Le 17 Décembre 1877, le Conseil de fabrique, par le moyen de son Trésorier, Joseph Guyot, concLut, avec l'entrepreneur Hippolyte Ruer, un premier marché comprenantt toutes les parties de l'édifice dont les travaux n'avaient pas été ajournés, pratiquement la totalité du bâtiment, à l'exception de la tour. Il se montait à 86.279,25 Frs, non compris les honoraires de l'architecte calculés à 5% sur le prix du devis. La fabrique s'engageait à acquitter la dépense, par acomptes successifs, jusqu'à la réception définitive des travaux.
Ceux-ci devaient conmencer, en mars 1878, avec la démolition de l'ancienne église, et se poursuivre, sans interruption pour être achevés, à la fin de l'année 1880. Mais l'entrepreneur promettait de livrer, dans le courant de l'été 1879, le sanctuaire, le choeur, le transept et une des sacristies, sans doute afin de pouvoir les utiliser immédiatement, avant même la construction de la nef.
Ce programme semble s'être déroulé sans accroc puisque le financement était pratiquement assuré d'avance. La souscription lancée dans la paroisse rapporta, en 1878, 8.983 Francs sur les 12 000 escomptés. La majeure partie des offrandes se situait entre 5 et 15 Francs. Les plus pauvres donnaient 1 Franc , 0,50 Franc et même 0,35 franc, l'obole de la veuve; les familles aisées de 20 à 50 Francs, les plus riches 100 Francs et au-delà. Le Maire, Pierre-Marie Laurent, avait promis 600 Francs, de même la famille Gachet. Le Premier Adjoint François Surzur versa 300 Francs comme Marc Pluniau du Versa et Toussaint Le Douarin d'Auzon. L'évêque s'était engagé pour 1 000 Francs, le Député Dubodan pour 500, le recteur pour 300, les vicaires pour 200 et 100. Des dons étaient venus de l'extérieur, notamment du village de Rosvellec voisin de Séné ; de Vannes et d'ailleurs, ainsi que de plusieurs membres du Clergé. On récolta 2030 Francs en 1879 et 1 923 Frs en 1880, ce qui permit même de dépasser légèrement la somme attendue.
De son côté, la commune avait aliéné 12 hectares de communs qui produisirent 19700 francs, au lieu des 13700 prévus. Comme les charrois n'avaient pas été faits par les cultivateurs, le Conseil municipal demanda de consacrer une partie de l'excédent à couvrir cette dépense. Le Préfet donna son acquiescement mais recommandait de retarder le plus possible la vente des rente sur l'Etat.
Le Trésorier versait régulièrement leurs acomptes à l'entrepreneur et à l'architecte. Il dépensa ainsi 31 000 Frs en 1878, 35 000 en 1879 et 9 000 en 1880.
A cette date, la première tranche des travaux aurait être terminée et le Maire commençait déjà de s'inquiéter. L'entrepreneur n'arrivera au bout de sa tâche que le 4 Février 1881. Appelé de suite, l'architecte eut la désagréable surprise de constater des malfaçons et il refusa la réception des travaux, exigeant la réfection de la couverture du transept, de l'abside et des chapelles, en raison de la mauvaise qualité des chevrons et du voligeage". L'entrepreneur se retourna contre les artisans avec qui il avait sous-traité et dut engager contre eux des poursuites. Il faudra attendre ie 8 Septembre 1882 pour qu'il accepte de se plier aux requêtes de l'architecte. Il ne sera complètement remboursé de ses avances et des retenues légales que le 26 Avril 1883.
2° - La construction de la tour
Entre temps, il avait conclu de nouveaux marchés pour la poursuite des travaux. Mais autant la première série de travaux s'était déroulée conformément au plan prévu, autant la suite s'avéra lente et difficile. C'est que la situation politique a changé aussi bien au plan local qu'au plan national. A partir de 1879, la République passe complètement aux républicains ; les gouvernements se montrent de plus en plus hostiles à l'Eglise et l'administration peu encline à coopérer avec elle. Sur place, des discordes avaient éclaté au sein du Conseil municipal auxquelles la reconstruction de l'église n'était peut-être pas étrangère. En Janvier 1881, eurent lieu des élections au terme desquelles, l'ancien Maire Pierre Laurent fut réélu à l'unanimité mais sans doute cette désignation fut-elle annulée puisque le
17 Juillet, les conseillers votaient à nouveau et, cette fois, François Surzur, jusque là 1er Adjoint, l'emporta par 15 voix sur 20 votants. Il était acquis aux idées et à la politique du gouvernement.
Dès le milieu de l'année 1879, on envisageait la continuation des travaux de la tour, nécessaires pour clore la nef. Le 1er Dimanche de Juillet, le Conseil de fabrique exprime son avis :"Il pense, et c'est d'ailleurs le voeu de tous les habitants, que la tour devrait être élevée au niveau du faîte de l'église, sinon terminée en même temps que l'église, pour éviter les frais de reprise et d'échafaudages considérables".
Le devis prévoyait pour ces parties une dépense de 17 393 frs qu'il fallait trouver. La fabrique, évaluant sa mise (en y comprenant le prix de la chapelle provisoire et la valeur de la maison qu'elle avait sacrifié pour l'emplacement de l'église) à 55 000 Francs, demandait a la commune de consacrer au financement des travaux le surplus de la vente des communs et de solliciter du département et de l'Etat un secours de 13 000 Frs. Dans sa seance du 20 Juillet 1879, le Conseil municipal émit un voeu dans le même sens: "On ne pouvait, estimait-il laisser la façade de l'église inachevée et ouverte".
Dans sa session d'Août 1879, le Conseil général accorda à la commune de Séné un secours de 2 000 Francs, mais le 23 Février 1880, la réponse du ministre des Cultes tombait sèche et catégorique: les fonds sont réservés à des églises rurales pauvres et l'on ne saurait en "affecter aucune partie à des travaux de luxe ou, comme dans l'espèce, à des projets d'églises monumentales". Il fallait donc faire appel aux finances communales. Plutôt que d'imposer des centimes additionnels, la municipalité consentit à une nouvelle aliénation de biens communaux, de l'ordre de 25 000 Francs qui fut a ccordée par le Préfet, le 12 Avril 1880.
C'est, semble-t-il, vers cette époque qu'apparurent des divergences entre le Conseil municipal et le Conseil de fabrique. Ce dernier cherchait désormais à réserver ses ressources et la vente de ses biens aliénables pour les consacrer aux aménagements intérieurs, notamment à la réalisation du dallage et à la fabrication des autels et du mobilier. Aussi, la direction des travaux va glisser aux mains de la municipalité.
C'est elle qui conclut avec Ruer, le 9 Mars 1881, un second marché pour "complèter la partie inférieure de la tour jusqu'à une hauteur de 13 mètres, au-dessus du socle". Cette tranche, inscrite au devis pour la somme de 9 206 Frs, correspondait à l'étage de la tribune. Elle sera reçue définitivement par l'architecte, le 31 Mars 1883.
Un troisième marché interviendra, le 14 Mai 1882, ayant pour objet de "terminer la partie inférieure de la tour", moyennant la somme de 9 500 Francs. Les travaux devaient être exécutés dans l'année même, mais lors de sa visite du 4 Septembre 1884, l'architecte signala des défauts à rectifier et la réception définitive n'eut lieu que le 30 Septembre 1886.
Ce dernier marché avait été signé par le nouveau maire François Surzur. Fort de ses appuis préfectoraux, il escomptait mener à son terme la construction de l'église et hisser les cloches dans le nouveau clocher. A peine entré en charge, le 31 Juillet 1881, il fit le bilan de la situation et, estimant épuisées les possibilités locales, solliciter du ministre des Cultes une subvention de 17 000 Francs pour achever les travaux selon le devis initial. Cette demande demeura sans écho.
Et c'est alors que s'envenimera le conflit ouvert ou latent entre la municipalité et la paroisse. Sous prétexte que les murs prenaient de l'eau, le Maire aurait voulu obtenir du Conseil de fabrique qu'il prit à sa charge le crépissage extérieur de l'église qui comptait parmi les travaux ajournés. Le Conseil municipal demanda, à la fabrique le 10 Décembre 1882, de vendre à cet effet une partie de ses biens.
Elle rétorqua que la plupart de ses biens étaient grevés de services religieux et qu'elle était toujours disposée à vendre cinq parcelles de terre mais pour en consacrer le produit aux travaux intérieurs de l'église. D'ailleurs, l'eau qui s'était infiltrée dans l'édifice ne provenait pas des murs mais des vitraux.
Pensant déjà aux élections futures, le Maire avait demandé, dans cette affaire, l'appui du Préfet : "A la tête d'une population de 3 000 habitants et tous clérical (sic), lui écrivait-il, à mon âge et après 50 ans de services, vous comprendrez qu'il serait très contrariant pour moi d'être battu par eux".
Le Préfet ordonna donc une inspection du bâtiment par l'architecte départemental Maigné ; celui-là dont le projet avait été écarté. Son rapport nous donne un aperçu de l'état d'avancement des travaux, au 1er octobre 1883. Restaient à faire les enduits extérieurs et la partie haute de l'édifice (la flèche). A l'intérieur, les enduits avaient été appliqués mais beaucoup d'autres travaux n'étaient pas encore exécutés. Dans sa conclusion, l'architecte estime qu' il faut d'abord réaliser les enduits extérieurs pour mettre les murs à l'abri de l'humidité, puis daller, carreler ou bétonner le sol intérieur, "afin d'éviter la poussière considérable qui doit se produire toutes les fois que le public entre dans cettte église" , ce qui confirme son utilissation pour le culte.
Le Préfet intervint alors auprès de l'évêque pour obtenir que la fabrique se préoccupe de faire les enduits avant d'entreprendre les travaux extérieurs. Il ne fut sans doute pas entendu car, après une entrevue avec le Maire, il décida de laisser les choses en l'état jusqu'aux élections municipales. Il ne fait pas de doute que le problème de l'achèvement de l'église fut au centre de la campagne électorale de 1884 et il semble que déjà le Maire avait renoncé à construire la flèche pour établir un beffroi de charpente qui permettrait de sonner les cloches.
3°- La bataille des cloches
François Surzur sortit vainqueur des élections municipales du 4 Mai 1884 et le 10, il adressait à "son cher Monsieur Le Préfet", une lettre triomphante : "Cette Sainte Patrie ne s'est pas démentie : 415 bulletins émargés, 411 trouvés dans l'urne, 5 ne donnent plus une désignation suffisante, il ne restait que 406. Maire sortant 385, donc à une animité (sic) moins 21 voix, une preuve que tous les votants étaient avec moi".
Fort de cette victoire, il croit pouvoir exercer une sorte de chantage sur le Préfet et déclare hésiter à accepter un nouveau mandat tant les difficultés lui paraissent insurmontables ; commune ruinée, tour inachevée, cloches montées sur des tréteaux de bois dehors, et supplie de lui accorder une aide : "Daignez essayer, Monsieur et Cher Préfet, je ne suis pas gourmand, je ne demande que 3000 Frs
pour couvrir ma tour et monter une charpente de bois dans laquelle j'établirai la chambre de mes cloches. Si cette tour viendrait (sic) à prendre de l'eau, toute la population me détesterait" . Si satisfaction lui est donnée : " Je vous promets de na pas les quitter jusqu'à la mort; mais si je voyais mes adminisitrés retomber aux mains des cléricaux, après mettre donner (sic) tant de peine pour barrer l'exprit (sic) et faire d'eux des républicains, je vous prie de croire que ma mort ne serait pas une mort heureuse".
Il attendait la réponse souhaitée pour le 18, jour de réunion du Conseil municipal et sans doute de l'élection du Maire et la nouvelle d'une subvention de 3 000 Frs aurait été la bienvenue. C'était vouloir aller trop vite en besogne et le Préfet, tout en reconnaissant les sacrifices consentis par la commune et la preuve qu'elle venait de fournir de son attachement aux constitutions de la République, répondit que pour obtenir la subvention, il était nécessaire d'établir une demande en règle, qui serait appuyée par lui en haut lieu.
François Surzur fut réélu Maire mais par 13 voix sur 21 votants, ce qui prouve que l'unanimité ne règnait pas au sein du Conseil municipal. La question du clocher était aussi à l'ordre du jour. Tirant les conséquences du refus de la subvention, le Conseil municipal reconnait "que d'ici longtemps
il ne pourra se procurer les ressources nécessaires pour l'achèvement des travaux" et, doit se borner à faire ce qu'il y a de plus urgent et que pour lui la première chose à faire est l'installation des cloches qui non seulement appellent les habitants aux cérémonies religieuses mais qui de plus sont le seul moyen d'appeler du secours en cas d'incendie. En conséquence, il vote une somme de 500 Francs à cet effet et mandate le Maire pour obtenir du département et du Ministère des Cultes une subvention de 3 000 Francs.
La chambre des cloches était prévue dans la partie inférieure de la flèche et l'architecte consulté indique que son devis pour cette partie se monte à 11 400 Francs. Comme la subvention demandée n'est que de 3 000 Francs, le Préfet, sans doute d'accord avec le Maire, estime qu'il y a lieu de modifier le projet et qu'il serait préférable de s'adresser à un architecte local. C'était écarter Deperthes et renoncer à l'achèvement du clocher. "Je refuserai formellement, ajoutait-il, d'autoriser toute nouvelle dépense de la part de la commune, celle-ci s'étant ruinée dans ia construction de l'église et devant réserver pour les écoles les quelques ressources qui lui restent encore".
Dans sa séance du 23 Juin 1884, le Conseil municipal rejette donc le plan Deperthes et décide que les cloches seront montées sur la tour, à l'abri d'une charpente de bois. Un artisan de VANNES, nommé Borde, établit un devis de 4 761 45 Frs qui est adppté au mois d'Août par les conseillers municipaux.
Cette solution n'est pas du tout du goût ni du Conseil de fabrique, ni du clergé, ni sans doute de la majeure partie de la population. Dans sa session d'Août, l'Assemblée départementale accorda un nouveau subside de 1 000 Francs à la commune, dont on peut se demander s'il était voté pour aider ou pour gêner le Maire car il fut obtenu à la demande d'un conseiller de droite.
De son côté, le Préfet s'adressa au Ministre, le 5 Octobre, pour appuyer la subvention réclamée par le Maire. Ce fut l'occasion pour lui d'exposer la situation et de manifester les motivations de sa politique. "C'est sous l'Ordre moral. écrivait¬il, que fut décidée la reconstruction de l'église de Séné" et le Conseil municipal était a lors entièrement réactionnaire. La direction des travaux fut confiée à la fabrique qui ne les a pas contrôlés. Se disant démunie, elle demande à la commune de tenniner l'entreprise. Bien qu'elle ait consacré 56 000 francs à la dépense, elle conserve encore des immeubles qu'elle pourrait aliéner. La commune, qui a déjà versé 50 000 Francs pour les travaux de l'église, refuse de se déssaisir de ses derniers communs car elle a mieux à faire puisqu'il lui faut absolument agrandir ses écoles devenues insuffisantes et construire celles qui lui sont indispensables.
La municipalité républicaine actuelle n'eut jamais donné son approbatation au projet de la fabrique mais elle souhaite que les cloches soient placées "et en cela elle est l'interprète fidèle de toute la population de Séné". Ce désir est poussé à un tel point que, s'il n'est pas exaucé, le Conseil municipal donnera sa démission qui entrainera forcément celle du Maire et c'est ce que cherchent la fabrique et l'évêque en s'opposant à la réaliration du dernier projet. "Il redoute encore, non sans raison, que ce provisoire ne devienne définitif, ce qu'ils désirent à tout prix éviter car, ayant entrepris une construction luxueuse qu'ils n'ont pu terminer, ils veulent absolument l'achever, mais avec l'argent de la commune, ce que je ne permettrai jamais.
En conséquence, le Préfet insiste pour que soit accordé à la commune de. Séné un secours de 3 700 Francs, "afin surtout de ne pas enlever au Morbihan, où elles ne sont pas dèja si nombreuses, une municipalité libérale et entièrement dévouée au gouvernement de la République".
Aux oppositions déjà manifestées allait se joindre celle de l'architecte, tenu certainement au courant des nouvelles intentions de la municipalité. Le 4 Septembre, il était venu sur place, pour une visite du chantier et, à la suite, avait rédigé un projet réduit qu'il avait sounis au recteur. Le 10 octobre, il écrit au Préfet pour s'étonner qu'on ne lui ait donné aucune suite et que la municipalité ait traité, à son insu, avec un charpentier de Vannes pour l'exécution d'un étage en bois. Il proteste contre cette manière d'agir et s'oppose à la réalisation d'un ouvrage conçu sans son accord et susceptible de compromettre la solidité de l'édifice. Tout en regrettant que l'architecte ne lui ait pas adressé son plan, plutôt qu'au recteur, le Préfet se montre embarrassé et déclare qu'il n'a encore donné aucune autorisation de construire. Monsieur Desperthes lui fait alors tenir son plan, en affirmant son total désintéressement,
en égard à la minceur de 1l'ouvrage et il ajoute : "Il serait regrettable que l'idée de la flèche soit abandonnée à jamais et tout me fait croire qu'un jour viendra où la fabrique de la paroisse pourra faire les frais de ces travaux". Il importait par dessus tout de ne pas engager l'avenir.
Le 10 Mars 1885, arrivait enfin la subvention tant attendue et le Préfet en profita pour demander au Maire de reconsidérer la question puisque la différence entre les deux devis n'était plus que de 1 268 Francs. Le Conseil municipal accepta de consacrer encore 1 800 ou 1 900 Francs provenant de la vente des communs pour l'exécution des travaux de l'église mais exigeait, au cas où cette somme serait insuffisante, que la fabrique comblât le déficit. Il n'était pourtant pas encore au bout de ses peines. Les travaux, mis en adjudication, le 21 Septembre 1885, ne trouvèrent pas de soumissionnaire. Agacé de ces contretemps et mécontent de Ruer qui faisait toujours des difficultés pour compléter son ouvrage, l'architecte s'adressa à l'entreprise Normand de Vannes qui porta le devis à 6 945 Francs. Le Maire fit alors remarquer au Préfet qu'il n'était nulle part question du beffroi intérieur auquel on suspendrait les cloches. L'architecte dut en convenir et compléta son devis qui atteignait, cette fois, 8 049 Francs. Désireux d'en finir, le Conseil municipal vota un crédit supplémentaire le 24 Janvier 1886. Le 1er Mars, Borde obtint l'adjudication avec un rabais de 6% mais les choses n'avaient pas été faites régulièrement et le projet reçut des plaintes auxquelles il dut faire droit. Nouvelle adjudication, le 29 mars, où Ruer l'emporta en offrant 10% de réduction. On allait pouvoir enfin, du moins l'espérait-on, sonner les cloches du haut de la tour.
De son côté, le Conseil de fabrique ne demeurait pas inactif. En 1886, il avait fait exécuter le dallage de l'église et commander au sculpteur Lebrun de Lorient le maître-autel, les dalles et les balustrades. Une certaine détente se produisit puisque le Conseil municipal autorisa la vente réclamée depuis longtemps de quelques parcelles de terre pour construire le portail, l'escalier de la tour et placer les cloches. On préparait activement la consécration de l'église nouvelle.
Elle eut lieu, le 25 Septembre 1887, avec le concours de trois évêques, tous trois originaires du Morbihan ! Monseigneur Bécel, l'évêque diocésain, Monseigneur Trégaro, évêque de Séis, Monseigneur Kersuzan, évêque du Cap Haïtien. La fête fut admirable procession des reliques, cérémonie de la consécration, messe pontificale, vêpres solennelles et bénédiction du Saint-Sacrement, mais les cloches étaient restées sur leurs tréteaux car l'autorisation de vente n' avait pa s été accordée par la Préfecture. Et c'est en vain, semble-t-il, que le Conseil de fabrique se réunit à la fin de l'année pour délibérer sur la continuation des travaux à l'intérieur de la tour.
François Surzur fut réélu maire en 1888. Le 31 Mars, l'architecte avait pu recevoir les travaux du beffroi. IL lui fallut insister longuement et intervenir auprès du Préfet pour obtenir du Maire le règlement àe ses derniers honoraires dont il ne sera payé qu'à l'extrême fin de l'année. Le beffroi était en place, et faute.d'escalier à la tour, il demeurait vide de ses cloches.
4°- Legs de M. de Castellan
Pour que se débloque cette situation plutôt ridicule, il faudra attendre 1892. Un propriétaire de Séné avait légué à la commune 10 000 Francs pour installer des colons en Algérie. Plutôt que de se heurter à un refus du Conseil d.'Etat, son légataire, Monsieur Bouan du Chef du Bos, proposa de consacrer cette somme, moitié par moitié à des chemins vicinaux et à des travaux à l'église. Après avoir accepté la donation, la municipalité décida d'utiliser la part réservée à l'église pour le crépissage des murs extérieurs, dont elle avait fait son cheval de bataille, la construction de l'escalier de la tour et la mise en place des cloches et de l'horloge. Bien qu'il eut préféré, au lieu du crépissage des murs, la construction d'un plancher à la tribune "afin de permettre, comme c'est le désir de tous les paroissiens, de sonner les cloches placées dans la nouvelle tour". Le Conseil de fabrique d onn a son accord.
Monsieur Deperthes établit un devis de 4 455 Francs qu'il souhaitait voir réaliser dans les plus brefs délais. L'adjudication fut passée, le 6 Août 1893, avec le sieur Daniel, entrepreneur à Vannes. Mais le Maire réclamait un plancher à la tribune qui ne figurait pas sur le devis et chicanait sur la longueur des cordes. Lea cloches et l'horloge ne furent sans doute placées qu'en 1894, Encore l'architecte, dans sa visite du 4 Octobre, ne crut pas devoir délivrer le certificat de réception avant la correction de certains détails et l'entrepreneur ne sera payé qu'au début de l'année 1895,
La cabane provisoire des cloches, devenue inutile, fut encore objet de contestations. Le Maire voulait la vendre au profit de la commune mais le Conseil de fabrique en revendiqait la possession. Elle était estimée 26 Francs ... Finalement, le Préfet autorisa sa vente pour en employer le produit à l'achat de cordes pour les cloches et d'une échelle pour accéder au clocher. Ainsi la bataille aura duré jusqu'au bout.
Cependant , Françosi Surzur , le vieux lutteur aura eu, avant sa mort, la joie d'entendre sonner "ses" cloches, du haut de la tour. En 1892, à demi-découragé et devenu mal-voyant, il avait sollicité sa démission, mais finalement était resté en place, secondé par le premier adjoint qui n'était autre que son neveu Jean-Marie Le Rebours. Il devait mourrir, à l'âge de 82 ans, muni des sacrements de l'église, le 18 Janvier 1896.
En guise de conclusion pour ce chapitre "LA BATAILLE DES CLOCHES", voici les inscriptions relevées sur chacune des trois cloches :
1.-GROSSE CLOCHE : "Je suis née grâce aux efforts de la Paroisse de Séné. Je m'appelle ADRIENNE, JEANNE-LOUISE, JOSEPHINE, HENRIETTE, PATERNE. Evêque: EUGENE-JOSPEH LE BELLEC, Recteur : Mr l'abbé JOSEPH GOUZERH, Maire de Séné : ALPHONSE LE DERF Parrain : VICTOIRE GUILLERME; Marraine : JEANNE-LOUISE LE NORMAND NOTRE DAME DU NON VOYAGE fondue en 1960 par Bollet Orléans.
2.- MOYENNE CLOCHE : Fondue 1803 par Chapel; Esvêque : XAVIER PANCEMONT; Desservant : Monsieur COLENO; Maire : Vincent LE LUHERNE; Adjoint : JOSEPH LE RAY; Parrain : FRANCOIS LE GARS; Marraine : Louise CALOH.PIERRE THEILLEC; Marraine : JEANNE GUILLO.
CANTIQUE chanté par les Sinagots lors de la CONSECRATION de l'EGLISE le 25 septembre 1887 et composé par le révérend Père LARBOULETTE, missionnaire :
"Saùet hunès iliz-nem, Eit hous inourein, Ô men Doué !; Pliject genoh perpet amen, Skuill hou kréseu get larganté".
"Nous avons bâti cette église Pour vous glorifier, Ô mon Dieu; Qu'il vous plaise toujours ici De répandre vos grâces avec abondance".
5°- Le chemin de ronde :
En 1898, un nouveau conflit allait surgir, dans des conditions, il est vrai, assez différentes car l'entente était revenue entre les deux Conseils depuis l'élection, en 1896, du nouveau Maire Jean Gachet. L'occasion, ce fut la construction, par la fabrique, autour de l'église, d'un muret àe protection.
A l'insu du Maire, le premier adjoint Le Corvec écrivit au Préfet pour protester contre cette usurpation d'un terrain communal et le Préfet demanda au Maire d'interdire la continuation des travaux et de réunir d'urgence le Conseil municipal pour examiner s'il y avait lieu de consentir à cette désaffectation. Le Conseil de fabrique justifia sa décision par divers motifs: ce chemin de ronde autour de l'église faciliterait l'exercice du culte en outre il défendrait les contreforts de dégradations déjà visibles et mettrait à l'abri des profanations un terrain rempli d'ossements. Le Conseil municipal, de son côté, émit un vote favorable à la construction d'un chemin de ronde au compte de la fabrique.
Le Préfet prescrivit alors une enquête "de commodo et incommodo" qu'il confia au receveur-buraliste Sévin, nommé commissaire pour la circonstance. Le registre, ouvert à la mairie, le 7 Août 1898, recueillit 53 signatures toutes favorables. Dans son rapport, le commissaire estima inutile ce chemin "produit d'un caprice et d'une fantaisie". De sucroît aucun ossement n'avait été mis au jour ; le muret gênerait les processions et l'accès à l'église et surtout il compromettrait les travaux exécutés pour agrandir une place déjà trop petite les jours de foire et dégager l'église qui avait maintenant belle apparence. " Nous estimons, concluait-il, qu'il y a lieu de donner droit à ces 53 protestataires qui ont démontré suffisamment l'esprit qui anime la population et nous nous joignons à eux pour prier l'autorité administrative de vouloir bien rejeter l'établissement d'un chemin de ronde autour de l'église de Séné".
Réuni en séance extraordinaire, le 15 Août, le Conseil de fabrique réfuta point par point les allégations du commissaire-enquêteur' : les dégradations aux contreforts sont faciles à constater et les ossements découverts sont exposés près de la sacristie ; le chemin n'empiètera pas sur la place publique puisqu'il sera implanté à l'Est sur l'emplacement de l'ancien cimetière, à l'Ouest sur celui de la vieille église, loin de gêner l'exercice du culte, il empêchera saltimbanque et marchands forains de stationner avec leurs voitures trop près de l'église.
Le 21 août, par 11 voix sur 15, le Conseil municipal se prononçait aussi en faveur du cehemin de ronde et il invoquait un avis du Conseil d'Etat du 24 Avril 1807 qui en autorisait l'établissement autour des églises rurales sur l'emplacement des cimetières désaffectés. Il soulignait que, si personne n'était venu approuver le projet, les 53 protestataires n'avaient pas motivé leur refus et ne représentaient que 34 chefs de ménage sur les 610 que comptait la commune. Le silence des autres pouvait être considéré comme un vote positif.
Le commissaire-enquêteur écrivit encore pour maintenir ses affirmations et, le 8 octobre, le Préfet trancha. Il refusait la construction du muret et conseillait l'aménagement d'un dallage ou d'un trottoir qui coûterait peut-être plus cher mais pour lequel on pourrait demander un secours au département.
Nous avons là un parfait exemple de ces querelles futiles et mesquines qui troublent la paix de nos communes dès que la politique y infiltre son venin.
Le Maire François SURZUR était mort en 1896 ; en 1898 disparaissait à son tour l'architecte Edouard DEPER'IHES et, en 1901, le Recteur Georges LE BUON qui s'était dépensé, sans compter, pour tenter de mener à son terme la construction de la nouvelle église de SENE. Entreprise dans l'enthousiasme général, l'oeuvre s'était peu à peu enlisée dans les conflits et les discordes.
Jusqu'à sa suppression, à la suite de la loi de sépiration de 1905, le Conseil de fabrique continua de pourvoir aux aménagements intérieurs. Peu à peu, aux verres blancs des fenêtres se substitaient des vitraux de couleurs. Les premiers posés furent ceux du choeur, suivis sans doute par ceux des absidioles. En 1900, le maitre-verrier de VANNES, LAUMONNIER plaça dans les fenêtres du fond Notre-Dame de LOURDES et Saint Jean-Baptiste. Il faudra attendre 1913 ou 14 pour que soient garnies les grandes rosaces des croisillons.
Après la loi de séparation, l'église devint propriété corrmunale et c'est à la municipalité qu'incombaient désormais les grosses répirations, fréquentes, hélas! dans un pays exposé aux tempêtes de l'Océan. Le 21 Décembre 1911, le beffroi fut durement éprouvé par un ouragan et, une seconde fois, en Décembre 1929. Le tremblement de terre du 9 Janvier 1930 n'ajouta guère aux dégâts qui furent constatés par l'architecte Germain. Ils étaient cependant si importants que le Recteur Pierre OLLIER envisagea l'achèvement de la flèche, soit en pierre, soit en ciment. Finalement, le Conseil municipal recula, encore une fois, devant la dépense mais les répirations se montèrent à 50 000 francs, somme élevée pour l'époque.
Les vitraux avaient aussi souffert et, au lendemain de la première guerre mondiale, l'architecte CAUBERT constatait des manques et des jours dus à l'oxydation et à la déformation des parties métalliques. La Maison UGUREAU de NANTES fut appelée à les reviser et à les restaurer. Plus tard de nouvelles dégradations se produirent rendant nécessaire le remplacement des vitraux du choeur. Désormais,la garniture est complète, chaque génération apportant sa contribution pour construire, entretenir et embellir la Maison de DIEU.
5. LA PERIODE CONTEMPORAINE
LA RECONTRUCTION DE L'EGLISE ACTUELLE 1878-1887
Introduction
On ne sait que peu.de chose au sujet de l'ancienne église de Séné démolie en 1878. Selon te Mené, elle était en forme de "Croix Latine, sans ornement, avec une tour carrée au Sud". Les anciens plans cadastraux laissent deviner un édifice plus complexe, tout à fait irrégulier, où l'on a peine à distinguer extérieurement une croix latine. Sans doute avait-il reçu, au cours des âges, des additions successives qui avaient modifié le plan d'origine. Il avait sensiblement le même axe que l'église actuelle et l'entrée principale se situait du côté du mur du presbytère. De toutes façons, il ne présentait pas grand intérêt archéologique, puisque Rosenzweig ne le mentionne pas dans son Répertoire départemental.
Au lendemain de la Révolution, l'église de Séné était en assez bon état. Une enquête de 1810 signale que seule la couverture avait besoin de réparations. Elle lui donne une capacité de 1300 ou 1400 places, ce qui semble notoirement excessif. En effet, à la fin du siècle, elle était devenue insuffisante pour une population en expansion. "Les paroissiens, déclarait, en 1874, le Conseil de fabrique, y sont les uns sur les autres et un grand nombre de personnes, ne pouvant trouver place à l'intérieur, restent dehors auprès des portes et leurs causeries incessantes troublent assez fréquemment l'office divin.
Avec les années, les dégradations s'étaient multipliées et aggravées au point qu'au début de l'année 1875 des planches tombèrent du lambris de la voûte. D'autres menaçaient de le faire mettant en danger ceux qui assistaient aux offices. Comme ce bâtiment vétuste ne pouvait, de l'avis unanime, souffrir ni agrandissement, ni embellissement, la généralité de la population, toujours selon le Conseil de fabrique, demandait à grands cris une église nouvelle et plus spacieuse. C'était, à l'époque une aspiration largement répandue, et de toutes parts s'élevaient des églises neuves.
N. B. Sous le régime concordataire (1802-1905), les églises dépendaient en premier lieu du "Conseil de fabrique" et secondairement du Conseil municipal. Le Conseil de fabrique était une assemblée locale, dont faisaient partie de droit le recteur et le maire, et qui administrait, sous la tutelle de l'évêque et du préfet les biens et le budget de la paroisse (charges du culte, entretien des églises et du presbytère et même à l'origine des cimetières).
I - LES PROJETS DE RECONSTRUCTION
L'ancien cimetière, situé à l'Est de l'église, fut déplacé, vers 1872, et c'est-à-partir de ce moment que l'on
put envisager la construction d'une église plus vaste, capable de répondre aux besoins d'une population accrue. Le recteur François Jourdon et le Maire Le Gallès étaient d'accord, tout comme le Conseil de fabrique et le Conseil municipal. D'autre part, les gouvernements qui se succédèrent, au lendemain de la Guerre de 1870 et de la Commune de 1871, se montraient favorables à l'église. Le moment était donc bien choisi...
1° Le projet Maigné
Le 1er Juillet 1874, l'architecte départemental, Monsieur Maigné, établit un premier projet, dont le devis se montait à 112 000 Francs, y compris l'acquisition d'immeubles à démolir pour agrandir l'assise de la future construction.
Le Conseil de fabrique s'y déclara favorable, se bornant à ajourner la fabrication d'un nouveau mobilier. Le Conseil municipal se montra plus réservé : il remettait à plus tard, non seulement l'ameublement de l'église, mais la construction de la flèche, ce qui ramenàit le devis à 90.000 Frs. Le Préfet lui avait, en effet, signalé que, pour les communes de 2 à 3000 habitants, l'Etat ne subventionnait pas de projet dépassant cette somme. Or la municipalité ne disposait que de 33 000 Francs et la fabrique de 35 000 Francs, ce qui laissait un sérieux découvert.
Fort heureusement, la commune possédait quelques 54 hectares de biens communaux qui ne lui étaient pratiquement d'aucun rapport. Le Conseil de fabrique suggérait de les mettre en vente, ce que le Conseil municipal avait déjà refusé en 1873, et le préfet insistait "sinon il n'y a plus qu'à laisser les choses en l'état, jusqu'au moment où l'église actuelle s'écroulera".
Au mois d'Octobre, l'architecte modifia son plan : pour abaisser la dépense, il supprimait une travée et ramenait à 7 m 50 la largeur de la nef. Grâce à un calque, nous connaissons ce projet. Il prévoyait une église en croix latine, longue de 40 mètres comprenant un chevet semi-circulaire, un choeur flanqué de deux sacristies, un transept de 17 mètres, une nef unique à trois travées, une tour carrée abritant le porche et bordée de deux petites chapelles.
Le dessin était simple et logique mais le coût fut jugé, sans doute, encore trop onéreux puisque l'architecte produisait, en décembre, un troisième plan dont le devis ne se montait plus qu'à 80 000 Francs.
Ces réductions successives n'étaient pas du tout du goût du Conseil de fabrique qui s'était transporté à Theix pour examiner l'église. Dans sa séance du 31 Janvier 1875, il rejeta les projets Maigné : "Nous croyons qu'il vaudrait mieux faire immédiatement une dépense un peu plus forte, dépense à laquelle nous prendrions dans la suite les moyens de faire face, que d'avoir une église dont nous constatons aujourd'hui l'insuffisance et
que l'on regretterait, dans l'avenir, d'avoir construit dans les dimensions que vous proposez. C'est en vain que le Préfet proposa au Conseil municipal le choix entre les trois projets Maigné : les conseillers se rangèrent à l'avis de la fabrique et décidèrent de maintenir le "statu quo" jusqu'à réunir des ressources nécessaires.
2° La Chapelle provisoire et le projet de Fretay
Cependant le besoin d'une église nouvelle se faisait de plus en plus sentir : la chute de certains éléments de la voûte venait de le rappeler. Bien qu'on eût décidé une réparation de fortune, le Conseil municipal prit une nouvelle délibération en faveur de la reconstruction d'une église et y affecte un crédit de 25000 Francs. Les autorités écclésiastiques déclaraient l'église. actuelle impropre au culte et, en novembre, le Conseil de fabrique demanda la construction d'une chapelle provisoire, atterante au presbytère dans le jardin actuel et susceptible d'être utilisée pendant les travaux.
En Mars 1876, un autre architecte, Monsieur du Fretay proposa un nouveau projet pour une dépense de 100000 Francs. Le Consei municipal l'adopta et même se transporta sur les lieux pour examiner l'implantation de l'édifice. Cependant, plusieurs conseillers auraient souhaité la suppression des bas-côtés. D'autre part, le Préfet mit en garde contre les difficultés et les retards à prévoir si l'on devait procéder à des expropriations. Le Conseil de fabrique semble être demeuré sur la réserve et il n'y eut pas de suites à ce nouveau projet.
Le Conseil municipal avait reçu l'autorisation de procéder à une vente de biens communaux. Aussi revient-il à la charge, le 11 Février 1877. Il se prononce à l'unanimité pour la construction d'une nouvelle église, pouvant contenir 14 à 15 cents personnes, d'un plan simple et convenable, avec des ouvertures en granit.
Au début de l'année avait été nommé, à la tête de la paroisse, un nouveau recteur, Georges Le Buon, qui va prendre à coeur l'oeuvre de la reconstruction.
3°- Le Projet Deperthes
C'est alors qu'apparut le projet Deperthes "proposé spontanément", sans aucun engagement de la fabrique, le 26 Août 1877. Edouard Deperthes était un architecte parisien qui jouissait d'une certaine renommée.
En 1865, il avait gagné au concours la reconstruction de la chapelle de Sainte-Anne d'Auray et, au lendemain de la guerre de 1870, i 1 fut associé à Ballu pour la réédification de l'Hôtel-de-Ville de Paris, brûlé par la Commune. On le voit mal chercher à s'imposer pour dessiner le plan d'une modeste église rurale. Il a bien fallu le solliciter et cette intervention n'a pu venir que du recteur, avec qui nous le trouvons en correspondance, au moins dès le mois de Juillet. Sa compétence et sa notoriété aidantes, il va enfin donner corps au projet depuis longtemps caressé de doter la paroisse de Séné d'une église nouvelle.
Le plan qu'il souhaitait était de tout point conforme aux voeux du Conseil de fabrique. Il prévoyait un édifice, long de 45 mètres pour une largeur maximale de 30 et une superficie d'environ 1000 mètres carrés, susceptible d'accueillir 1200 personnes. Il comportait un choeur et un avant-choeur avec sacristies latérales, un vaste transept sur lequel s'ouvraient deux absidioles, une nef à trois vaisseaux et, dans le prolongement, une tour surmontée d'une flèche de pierre. Le coût total de l'entreprise était évalué à 130 000 Francs mais l'architecte envisageait déjà l'ajournement de certains travaux : la majeure partie de la tour et sa flèche, les enduits extérieurs, le dallage intérieur et même les vitraux blancs des fenêtres, pour ramener le devis à la somme fatidique de 90 000 Francs.
La fabrique disposait de 38 000 Francs. Elle avait ouvert, parmi la population, une souscription dont elle espérait 12 000 Francs. Le charroi des matériaux serait assuré par des bénévoles, ce qui représentait environ 5 000 Francs. Les propriétaires de carrières offraient gratuitement le moellon, soit 700 Francs. Ainsi le Conseil de fabrique estimait que sa mise se montait à près de 56 000 Francs. Il attendait le complèment des finances communales et adopta donc le projet.
Le Conseil municipal se réunit le 2 Septembre pour délibérer sur ces propositions. "Le projet, déclare-t-il, a paru approprié aux besoins de la paroisse et est rédigé avec toute la simplicité possible, tout en ayant un caractère tranché sur les constructions qu'on est habitué à voir, en fait d'églises". Il acceptait de prendre à sa charge la différence soit 34 000 Francs. Il y ferait face grâce aux 25 000 Francs placés sur l'Etat, auxquels viendrait s'ajouter le produit de la vente de biens communaux. •
Sans plus attendre, l'architecte établit un dossier complet comprenant le plan, deux élévations, deux coupes, un extrait du plan cadastral, le cahier des charges avec bordereau des prix, le tout accompagné d'un mémorré justificatif destiné au Préfet. Il avait même choisi l'entrepreneur, Monsieur Hippolyte Ruer de Sainte-Anne d1Auray avec qui il avait travaillé à la construction de la basilique. Le Conseil de fabrique approuva ces documents en y apportant de légères modifications : ainsi il souhaitait introduire dans la première tranche de travaux les vitraux blancs qui assureraient la clôt ure de l'édifice. Tout était prêt. Il ne restait plus qu'à obtenir le feu-vert de l'administration de tutelle.
Le Préfet soumit le projet Deperthes à la commission des Bâtiments communaux et départementaux qui se réunit, le 2 Novembre 1877. L'architecte Charier, chargé du rapport, le déclara "remarquable et étudié avec talent" mais il l'estimait trop important . La superficie de 480 m2 réservée aux fidèles était excessive pour une population de 2 600 âmes. "Il en résulte, concluait-il, que l'église pourrait être réduite d'un tiers". Chose curieuse, il s'étonnait du prix anormalement bas de 144 Francs le mètre carré de surface construite, alors que, selon lui, il aurait dû approcher les 300 Francs. La Commission se rangea à son avis et demanda de modifier le projet en diminuant la surface d'un quart. "L'aspect ne pourrait que gagner, si la nef était rendue plus étroite, tout en conservant à peu près la hauteur prévue".
Le Préfet atténua ces exigences, demandant seulement de ramener la superficie de l'espace réservé aux fidèles de 480 à 400 mètres carrés. L'architecte lui donna satisfaction, et à la Commission, de la manière la plus simple : il réduisit la largeur de la nef de 9 m 40 à 8 m, sans toucher au reste de l'édifice, ce qui n'entraina que de légères corrections à l'ensemble du devis. Son montant ne s'en trouva guère diminué dès lors qu'on y introduisait la clôture des fenêtres.
Le 29 Novembre, le Conseil de fabrique donnasBon accor définitif. Le Préfet apposa sa signature sur les documents, le 7 Décembre. Il ne faisait pas d'objection aux choix de l'architecte et ajoutait : "c'est à la fabrique, qui fournit la plus forte partie de la somme qu'incombera le soin d'exiger les justifications et le cautionement. C'est elle aussi qui devra soouscrire le marché à passer avec l' entrepreneur et diriger les travaux, sauf cependant la surveillance de l'administration municipale". On allait enfin pouvoir passer à l'exécution.
3.- DU MOYEN-ÂGE A LA REVOLUTION
Le Sinagot vu par "le petit bout de la lorgnette": une anecdote en date de 1729, qui montre que, pour sa survie et celle de sa famille, le Sinagot sait "tirer des bords" face à la "LOI"...Ci-dessous le texte "en clair" que vous aimerez auparavant essayer de déchiffrer dans les pages qui suivent. MERCI à M. Bertrand, de l'Inscription Maritime qui nous les a communiquées.
22 Septembre 1729- Interrogatoire du Particulier Cy-après fais par Nous Noël Bourgeois Escuyer, Sieur de Limur, Conseiller du Roy, et Lieutenant Général del'Amirautée de l'Esveschée de Vannes ayant avec nous pour greffier Vincent Gavelo Le Thieis duquel le Serment pris il a promis et juré la main levée de se comporter fidellement ayant aussi pour Interprette de la langue bretonne à la française Pierre Auffrédo duquel pareillement le Serment pris il a promis et juré la main levée de se comporter fidellement auquel interrogatoire avons vacque à Requeste du Substitut du procureur du Roy comme suit à Lisledarts. Ce jour Vingt deux Septembre mil sept cent vingt neuff..?.. Conduit devant nous par nos huissiers, un particulier duquel le serment pris, il a promis et juré la main levée de dire vérté.
Interrogé de Son nom, qualitée et demeure. Répond par l'interprette s'appeler Le Ridant et Reffusant de nous dire son nom de Baptêsme, calfat de profession, âgé de (45) quarante cinq ans, demeurant au village du Mousterian en Sene.
Interrogé d'ou vient. Il fuyait devant nous ce jour dans la chaloupe et d'ou vient il a reffusé aussi bien que son Equipage se voyant arresté de nous dire son nom de Baptêsme, Répond qu'il allait son chemin et que s'il n'a pas voulu dire son nom c'est qu'il pensait pas et qu'il ne se souvient pas de son nom de Baptêsme.
Interrogé d'au vient naviguant en qualitè de pescheur qu'il se dispense de prendre de passeport d'un an de Monseigneur l'Amiral et depuis quand Il n'en a pris. Répond qu'il n'a point pris de passeport depuis que le dernier est finy et qu'il ne se souvient depuis quand le dernier est finy.
Interrogé s'il ignore les déffenses de pescher avec la drague si ce n'est en dehorsde la Rivière et du moins à une lieue long des Costes et d 'ou vient il pratique cette sorte de pesche ainsi que la plupart des pescheurs de Séné de jour et encore plus de nuit en dedans de la Rivière et tout près des Costes. Répond qu'il a ouy dire qu'il y a des déffenses et que s'il pesche de cette façon, c'est pour avoir du pain.
Interrogé d'ou vient il ne sort pas hors, de la Rivière pour pescher du moins une li lieue de la Coste; Répond qu'il ne savait pas qu'il fallait sortir hors de la Rivière.
Interrogé d'ou vient, il se sert de battons ferrés en forme de trident pour battre l'eau et prendre du poisson, ce qui est deffendu par les ordonnances.
Répond qu'il ne croyait pas que cela fut deffend son interrogatoire duquel lecture luy faitte, il a dit qu'il convient vérité, y persister et a enfin déclaré s'appeller Julien Le Ridant et a déclaré ne savoir signer et a l'interprette signé.
Bourgeois - Auffredo Gavelo Le Thieis - Pr le greffier
N.D.L.R : "NIHIL NOVI SUB SOLE"
Sur la base des déclaration du pêcheur en fraude, Julien LE RIDANT, âgé de 45 ans, on retrouve sur les registres de bâpteme son identité. Il s'agit de Julien LE RIDANT, né le 26 juillet de l'an de grâce 1683, au village de Montsarrac, fils du poisonnier, Yves et de Marguerite LE FRANC.
Ci-après copie du procès verbal d'époque, 1ère page sur 3.
3. DU MOYEN-ÂGE A LA REVOLUTION
LES SALINES DE SENE, PROPRIETE DU CHAPITRE CATHEDRAL DE VANNES
de 1721 à 1791
S1 l'on admet que les nombreux fours et ce pots d'augets, dont nous avons parlé dans un précédent article et qui ont été découverts à partir de 1902 sur les rivages de SENE, étaient destinés à la fabrication du sel marin, il faut dire que cette industrie remontait à une haute antiquité dans le pays ... Ces salines rudimentaires et miniatures (plutôt salières que salines; durent être abandonnées vers l'an -56, lors de l 'occupation romaine, à moins que ce ne soit plus tardivement, si elles ont continué à être exploitées par les Gallo-Romains.
Dans ce cas, elles furent délaissées lors des invasions barbares au début du Vème siècle. On sait qu'à cette époque, des hordes venues de l'Ouest et du Nord déferlèrent sur le pays, dévastant tout, semant la panique, le pillage et la désolation, l'incendie et la mort sur leur passage. Les lieux habités furent changés en déserts et toute vie cessa.
L'industrie du sel ne fut reprise semble-t-il dans le pays , du moins sur une grande échelle, que longtemps plus tard et sous une forme, suivant un procédé totalement différent. Les godets utilisés primitivement pour l'évaporation de l'eau et la cristallisation du sel disparurent ; les salines se modernisèrent et se transformèrent en marais salants. Le sel s'obtint alors sur de vastes surfaces: offrant au phénomène de l'évaporation de l'eau de mer une plus grande étendue. Il fut également transporté dans des récipients plus importants que les centaines de petits godets d'argile d'autrefois.
Il est difficile, écrit Amédée de Francheville, d'assigner une date certaine à l'origine des nombreuses salines qui ont fait jadis la richesse de notre contrée. Et l'auteur laisse entendre que l'industrie du sel a pu être implantée au pourtour du golfe du Morbihan, à SENE, et sur le littoral de Rhuys comme dans la baie de CARNAC, par une colonie de Saxons, de même que dans la presqu'île de GUERANDE et du CROISIC, à SAILLE.
On sait comment se fabriquait le sel, il n'y a pas si longtemps. La saline qui etait un relai de mer disposé pour la cristallisation du sel, avait pour accessoires la vasière ou réservoir d'eau de mer et le gobier qui servait à préparer cette eau avant de la faire entrer dans la saline. Celle-ci se subdivisait elle-même en oeillets, fares, adernes et appartenances. Ces divers compartiments, séparés par de petites digues hautes de
30 cm, étaient fermés au moyen de petites planches verticalement placées ; elles servaient aux paludiers à retenir les eaux nourricières et à les répandre dans les oeillets ou bassins d'évagoration. Les oeillets occupaient le milieu de la saline ; ils étaient rangés sur deux lignes parallèles et séparés par un étroit canal profond au plus de 15 cm. Les servitudes occupaient le reste de la saline. L'eau de mer, chauffée et préparée par l'action du vent et du soleil, en parcourant les sinuosités des canaux nourriciers, des fares, des adernes, des appartenances, était introduite dans l'oeillet à la hauteur de 7 cm. Le sel blanc, semblable à une glace, se formait à la surface. Le sel gris ou gros sel se déposait dans le fond de l'oeillet et se recueillait sur de petits plateaux ménagés au centre et nommés bordures. Il y restait jusqu'à ce qu'il soit ramassé en tas (mulon) ou amulonné. Une planche nommée laz, longue de 50 cm, servait à le recueillir. Une lousse ou pelle en bois, une baguette ou pelle concave également en bois, étaient les seuls outils. employés par les cultivateurs des marais ou paludiers.
Les chanoines du chapitre de VANNES viennent "se saler" ou plus exactement "se sucrer" à SENE.
Les revenus du chapitre cathédral n'avaient jamais été très importants ni les chanoines très riches. A diverses reprises, l'Evêque fut obligé de leur trouver des sources de revenus pour vivre honorablement. La plus ancienne dîme ou contribution attribuée au chapitre paraît avoir été celle provenant de Saint Patern de VANNES. L'Evêque Maengui donna vers 1080, la moitié de cette paroisse au chapitre et en 1177, son successeur, l'évêque Rotald, lui céda l'autre moitié. Devenu ainsi recteur primitif de Saint Patern, le chapitre perçut naturellement les dîmes de la paroisse ; elles se percevaient en nature sur les villages d'Arcal, le Versa et autres. Mais, en 1790, ce reste de dîme ne donnait plus que 4 perrées et demie de froment valant 121 livres 10 sols.
A cette époque reculée (XIe - XIIe siècles), SENE était¬elle déjà paroisse indépendante de Saint Patern? ... Nous l'ignorons, mais il semble bien qu'elle en ait été détachée au XIe siècle, après l'expulsion des pirates normands, lors de la restauration religieuse de la Bretagne.
Par une bulle du 23 septembre 1451, le Pape Nicolas V, pour venir en aide au chapitre, autorisa l'évêque de VANNES, Yves de Pontsal qui s'était adressé à lui au nom des chanoines, à unir six paroisses au chapitre, dont SENE. Les deux tiers des revenus de la paroisse appartiendraient au chapitre et l'autre tiers au recteur du lieu. Cette fois, l'appoint était sérieux. Les dîmes de SENE ou redevances écclésiastiques revenant au chapitre étaient affermées en 1521 pour 80 perrées de froment ; en 1790, elles rapportaient 47 perrées de froment et 30 perrées de seigle qui valaient alors environ 1,779 livres.
En 1720, la chute du système financier "Lavo" avait causé partout en France d 'effroyables ruines. De nombreux capitaux avaient été remboursés au chapitre cathédral de VANNES en billets de banque et ces
billets perdirent aussitôt leur valeur. Le chapitre, pour relever ses finances, sollicita du roi, par l'intermédiaire de l'évêque, la concession des terres vagues situées le long de la côte méridionale de SENE pour y établir des salines. Louis XV accorda au chapitre sa demande par un acte passé en conseil d'Etat le 7 février 1721, confirmé par lettres patentes du mois d'avril suivant, à la condition de payer une redevance annuelle de 30 livres au Domaine,
Dès 1725, le chapitre se mit à l'oeuvre et employa à l'établissement de nombreux marais salants, des capitaux considérables qui lui furent peu à peu remboursés par le clergé du diocèse. Ces salines avaient été installées à Kerbiscon, Dolan, Bindre, Falguerec, Broël, Micbsot et Kérarden. Elles furent par la suite, partagées entre les 14 chanoines qui formaient le chapitre, en réservant 491 oeillets pour la mense ou la table capitulaire et
54 pour le recteur de SENE. La part de la mense fut louée en 1740 pour 9 ans à raison de 4. 173 livres 10 sols par an. C'était comme on le voit, un joli denier.
Ces marais prirent bientôt de nouveaux développements, si bien que les salines qui rapportaient 3. 185 livres au chapitre en 1730, lui donnaient un revenu net de 15.556 livres en 1765. Trois ans plus tôt, on avait procédé, le 26 février 1762, en assemblée capitulaire à un partage définitif qui fut approuvé par l'Evêque et sanctionné par lettres patentes du roi. Dans ce partage, sur 2.511 oeillets, 1679 furent attribués aux chanoines et partagés entre eux et 832 furent réservés à la maison capitulaire pour payer ses charges. Le tout avait une valeur brute de 21 .408 livres par an, mais on déduisait les bénéfices des paludiers et la part du recteur. Il ne restait plus que 15.556 livres, dont 12.308 livres 10 sols pour les chanoines et 3.247 livres 10 sols pour leur maison,
Mais bientôt, la concurrence des sels étrangers vint arrêter la prospérité des salines de SENE; et, aux approches de la Révolution, il fallut aux chanoines faire de nouvelles économies.
Un état des biens et des charges du chapitre, fourni à 1l'administration civile en 1790, déclare qu'il avait trois sources de revenus dont la principale était l'industrie du sel de SENE :"les gros fruits comprenaient
les salines de SENE". La part réservée aux chanoines était alors de 1.662 oeillets qui produisaient à peine 10.000 livres au total.
La valeur relative de la livre changea beaucoup avec le temps : en 1275, la livre valait 113 Fr de notre monnaie de 1900 ; en 1325, elle valait 82 Fr et en 1375 seulement 55 Fr, tandis qu'en 1425, elle ne valait plus que.
40 Fr et en 1475 : 35 Ff. La dévaluation des monnaies ne date pas d'aujourd'hui.
Mais, voici que la Révolution éclate et que l'Assemblée Nationale confisque tous les biens écclésiastiques. Les salines de SENE furent vendues à leur tour. Le 16 mars 1791, M. LE MAUFF achetait 75 oeillets à Michot pour 16.000 livres. Le 30 mars, M. GUILLEMOT acquit 103 oeillets à Dolan pour 5.425 Fr. Du 20 au 30 avril, M. PERIER de LORIENT se fit adjuger le plus gros lot, soit 2.333 oeillets à Kerbiscon, Bindre, Falguérec, Brouel et Kérarden pour 282.550 livres. Ainsi disparut, emportée par les acheteurs de biens nationaux, cette propriété écclésiatique : les salines de SENE, ayant appartenu au chapitre cathédral de VANNES pendant 70 ans.
Nous terminons cette étude sur les salines de SENE par une référence à la vie admirable du bon pasteur que fut M. Pierre LE NEVE, recteur de la paroisse de 1721 à 1749. Depuis plus de 15 ans (1705), il était vicaire à
Saint Patern, lorsque Monseigneur FACON, évêque de Vannes, le nonnna à la curé de SENE le 12 mars 1721. Prêtre mortifié, aimant la pauvreté et charitable à l'extrême, il conquit très tôt et d'emblée le coeur de ses paroissiens. Non seulement il s'occupait de leurs besoins spirituels, mais rien de ce qui regardait leurs intérêts temporels ne lui était étranger. Lorsqu'on établit les salines à SENE en 1725, il s'en affligeait à cause de l'embarras que devraient avoir les pauvres gens pour trouver à l'avenir un lieu propre à faire paître leurs bestiaux. Comme on voulut lui faire entendre que ces salines augmenteraienc les revenus du presbytJre : "Beau profit vraiment, répondit-il, on donne à ceux qui en ont et l'on ôte à ceux qui n'ont pas !" Tel était le détachement de ce bon recteur qu'il se refusait le nécessaire pour soulager les pauvres et qu'il n"estimait les biens de la terre qu'autant qu'ils lui fournissaient le moyen de taire des aumônes. Il en répondait d'abondantes jusque dans les faubourgs de Vannes. L'Evêque lui ayant demandé un jour quel était le revenu exact de son bénéfice : "Il vaut autant que votre évêché Monseigneur, répliqua-t-il, il vaut le paradis ou l'enfer !" Parole pleine de sens et qui montre combien était grande la vivacité de sa foi : il comprenait bien que son salut était attaché
à celui de son peuple.
2. L'ANTIQUITE
Sur la voie romaine Nantes-Vannes-l'Aberwrach, qui passait sur le territoire actuel de Séné, s'embranchent bon nombre de voies secondaires qui rejoignent toutes le Golfe: par exemple celle qui partait de Vannes, passait par Séné, desservait Gornevez, Moustérian, Auzon, quittait Séné à Montsarrac, rejoignait Le Hézo (le bras de mer était plus étroit que maintenant) : axe qu'on a continué à utiliser au Moyen-Age.
L'artisanat, sans doute établi plus tôt, reste actif pendant la période romaine poteries (trouvées en 1891 près de la Grotte de JeanII), morceaux de tuiles à rebord (à Montsarrac, Bellevue, Dolan, St Laurent, Moustérian, Michotte), carreaux de dallage (à Kerdavid), restes de murs romains (à Auzon), briques (à Méniec). Ces vestiges en constituent la preuve.
Dès le IVème siècle, et peut-être avant, existe le vocable SENAC, nom de la bourgade et des habitants, qui fait au pluriel SENAGO. Le suffixe vient bien du -ACUS latin, non de l'-ACOS celtique.
Existence de voies romaines vers le Golfe, vestiges d'habitations gallo-romaines aisées, vocable gallo-romain imposé : autant d'indices de l'existence d'une colonie d'estivants galle-romains assez nombreuse.
VESTIGES DE L'OCCUPATION ROMAINE A SENE
Quelques années après là démolition de l'ancienne église paroissiale, en 1885, Ernest RIALLAN parcourait le territoire de la connnune à la recherche des traces laissées par les Romains. Il a consigné ses découvertes dans une brochure imprimée en 1886 et que nous avons sous les yeux. Voici ce qu'il a trouvé :
a/ au BOURG
"L'ancienne église paroissiale de Séné, dont l'époque était conjecturale, a été démolie en 1877 et remplacée par une autre plus vaste. Le cimetière qui l'entourait a été reporté en dehors du bourg. M.GUYOT, JOMARD et moi avons relevé dans le sol autour de l'église neuve, près de ses murs, principalement des côtés sud et est, de grands et de menus fragments de tuiles romaines ayant leur rebord. Il était impossible de les confondre avec d'autres fragments de briques modernes qui parsèment aussi le sol et proviennent de la construction récente. Le presbytère touche à l'église; le jardin qui y attient et en dépend, et surtout sa partie Est contient une grande quantité de fragments de tuiles à rebord, de tuiles de recouvrement et de briques romaines. On les rejette hors du jardin dans un terrain vague ou chemin. Nous avons remarqué des briques de même origine et des pierres brûlées dans le mur Sud de ce jardin, le long d'une venelle.
Il paraît donc certain que la chapelle primitive de Séné a été construite sur les ruines d'une habitation romaine et que les chapelles qui lui ont succédé ont été édifiées sur le même emplacement.
Nous avons observé, à quelques pas du cimetière nouveau, dans un chemin et au bord de la route du Bourg à Vannes, un monolithe qui nous a paru être un ancien menhir et dont la partie supérieure a été taillée en forme de croix. Sa hauteur est de 1,80 m. La largeur aux bras de la croix est de 55 centimètres. Cette croix romane est toujours à sa place ( voir Photo ci-contre)
b/ à KERLEGUEN et KERARDEN
A Kerléguen, village situé sur le sommet d'une colline et siège d'une ancienne seigneurie, nous avons trouvé dans le sol rocheux d'une cour de ferme et devant la maison de Marie Jeanne LE DUC, des fragments de "teguloe" (tuiles) avec rebord et quelques autres de briques romaines. Les débris de teguloe avaient encore le crochet caractéristique prouvant leur authenticité. Là aussi, il y a eu un habitat romain, mais il en reste à peine quelques vestiges.
A l'entrée Nord du village de KERARDEN, situé à 500 m de KERLEGUEN au sommet d'un grand plateau, nous avons constaté la présence de nombreux fragments de tuiles à rebord et de briques romaines. Il y en a dans le sol, parmi les pierres, devant la maison de M. NOBLANC et celle voisine de M. DORIOL.
Il s'en trouve davantage encore à l'autre extrémité du village dans le sol devant l'habitation de François QUESTER. On en voit aussi dans les chemins de ce village qui s'étend en longueur. M. QUESTER, en labourant un champ nonmé OVERTIN, à plusieurs centaines de mètres au Sud-Est du village, près d'un marais et d'un bras de mer et compris dans une grande pièce appelée PENAVAL, y a trouvé et ramené à la surface plusieurs fragments de tuiles à rebord et de briques. Il les a conservés et ramenés chez lui alors qu'il avait beaucoup d'autres pareils qui rougissent le sol devant sa porte.
Cette butte dominant le fond du golfe a dû être occupée par des postes romains et même par des villa et constructions importantes.
c) à MOUSTERIAN.
Les lieux nommés Moustoir, en breton MOUSTOER, sont nombreux dans le Morbihan. Ces noms indiquent qu'il y a eu dans ces lieux des monastères détruits probablement par les Nonnands au IXe ou Xème siècle.
Celui de MUSTERIAN (Moustér-Yann) a vraisemblablement occupé la place d'un établissement romain. En effet, dans un endroit nonmé "LEUR-GUER: aire du village", cadastré Section G n° 633, joignant au Nord le village de MOUSTERIAN, ancienne seigneurie, et dont une partie s'appelle CALAFRE, on a extrait des tuiles à rebord et des briques romaines mêlées à de la cendre. On sait qu'au départ de l'armée romaine d'occupation, au Ve siècle, leurs établissements ont été brûlés.
d) à CANIVARC'H.
En juillet 1885, on démolissait dans ce village un très vieux mur menaçant ruine et formant le côté Est d'une maison habitée par M.ROZO, cultivateur ; On trouva dans ce mur, une hache préhistorique en pierre, appelée "CELTOE", que les habitants gardèrent quelques jours. Elle était posée à plat à l'intérieur du jambage de la seule fenêtre de la chambre principale, au rez-de-chaussée, à environ I m de hauteur au-dessus du sol, 20 cm au-dessus de l'appui de la fenêtre et 20 c:m dans l'épaisseur du mur.
Ce celtoe de 12 cm de long, 4 cm 3/4 de largeur au tranchant et d'un peu plus de 30 cm d'épaisseur, était en diorite, de forme régulière, un peu massive, et avait reçu un beau poli. Il était assez bien conservé. Seuls, le bout de la pointe était cassé et le tranchant très émoussé comme par percussion.
Evidemment, ce "mèn-gurun : pierre de tonnerre" comne l'appellent les paysans, avait été placé dans ce mur avec intention, sans doute comne préservatif de la maison et de ses habitants, gens et bêtes, contre une foule de malheurs : maladies, fléaux du ciel, surtout la foudre, maléfices de tout genre.
Cambry, dans son ouvrage "Voyage dans le Finistère", rapporte que les Bretons enchâssent un silex dans les murailles de leur maison pour la préserver du tonnerre ; et J. Miln, dans ""Fouilles à CARNAC", dit qu'on avait coutume à CARNAC, à la fin du siècle dernier encore, de mettre une hache en pierre dans la cheminée pour la même raison.
On n'avait pas encore trouvé, dans nos campagnes, de celtoe placé et maçonné dans le mur même d'une habitation et près de la fenêtre par où beaucoup de mauvaises choses peuvent entrer. Le fait de la découverte de CANIVARC'H paraît avoir été le premier de ce genre constaté dans la contrée.
N.B. A propos de la présence des Romains à SENE, il est bon de noter qu'un encroit du bourg se nomme encore COR-CASTEL ou le Vieux Château et qu'une partie de la voie romaine de VANNES à NANTES passe au VERSA et à SAINT-LEONARD.
LE MYSTERE DES FOURS A AUGETS ET DES DEPOTS D'AUGETS
Cette question dont on parle depuis la fin du siècle dernier a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Nous résumons ici ce qui en a été dit, espérant intéresser les habitants de SENE qui possèdent, sur le territoire de leur comnune, plusieurs gisements d'augets inventoriés par différents spécialistes.
Ces fours rudimentaires et très anciens que l'on a trouvés en grand nombre sur le littoral atlantique depuis la Vendée jusqu'aux rives de l'Odet et particulièrement dans le Morbihan: pourtour des îles du Golfe, BELLE-ILE, GROIX, côtes de QUIBERON, d'ERDEVEN, de PLOEMEUR (environs de KERROCH et du FORT-BLOQUE), toujours en bordure de la mer, servaient à la cuisson de petites auges d'argile travaillées à la main, des augets, dont l'usage pose une énigme, de même que l'identité des utilisateurs.
Creusés dans les dunes, les fours présentent une forme rectangulaire de dimensions variables, allant de 1,5O m à 3 m de longueur, de O,5O m à 1,50 m de largeur, de 80 cm à lm de profondeur. Leurs parois sont verticales et constituées d'argile enveloppant souvent des galets. Des voûtures et des entretoises d'argile cuite portatit des encoches ou parfois des barres, permettant le soutien des augets pendant la cuisson.
Les augets, de dimensions et de formes également variables (cylindriques, tronc-prismatiques dans le Morbihan) résultent du pli.age d'une galet.te très fine. Certains fours pouvaient en contenir jusqu'à 150.
Les débris de ces petites poteries, examinés au carbone 14, font remonter les dates de leur fabrication de l'an 300 à l'an 50 avant Jésus-Christ. Les lieux d'implantation des fours se situent toujours en bordure du litt~ral dans les terrains sabtonneux. Des endroits de stockage d'augets ont été repêr ês entre les fours et la mer. On n'a relevé aucune trace d'habitations à proximité des gisements, sauf en un seul endroit, mais la preuve n'a pas été faite d'une concordance des dates, les ruines retrouvées pouvant .être très postérieures à la fabrication des fours à augets. Le combustible utilisé dans les fours était le goémon séché.
Disons tout de suite que la thèse retenue jusqu'à preuve du contraire est la fabrication ou le transport du sel marin par les habitants de nos côtes. On sait qu'avec la pêche à bord des sinagots, la grande ressource de SENE au temps jadis fut l''industrie du sel, bien avant la culture maraîchère, surtout celle du chou-pomne.
Ces augets ont-ils été des salines primitives?...
A la suite de ces généralités, voyons quelles ont été les. découvertes faites successivement sur le territoire de SENE.
Dès 1886, M. RIALAN signalait le four à augets de MONTSARAC, situé sur la lande appelé "er Bill".
En 1902, M. H. QUILGARS, un spécialiste de la presqu'île guérandaise, relevait celui de MOUSTERIAN en même temps que de nombreux autres. découverts dans les parages : à ARRADON, BADEN (île longue), CRACH (Rosnarho), l'ILE AUX MOINES (près Kergonan) , au HEZO, à PENESTIN, à SAINT JACQUES en SARZEAU, sur l'îlot de MOUCHIOUSSE ...
Le Commandant BAUDRE découvrait lui-même trois petits foyers dans l'anse de MORIAC près de CONLEAU, en 1939, à la pointe de BROUEL en l'ILE AUX MOINES en 1938, à ILUR en 1948.
Etudiée et débattue depuis le début du siècle, la question des fours à augets fut posée en 190:! devant la société polymathique du Morbihan par M. QUILGARS, Divers savants et chercheurs se sont intéressés à ce problème dans notre dépattement.
En 1948, le Docteur LE PONTOIS de VANNES mettait au jour à la pointe Nord-Ouest de l'ancienne île du PESCHIT (Pesked?) près de MONTSARAC en SENE, un ancien four à augets assez bien conservé.
"Ce gisement, êcrit-il, mis à jour par un progrès récent de l'érosion marine, occupe la tranche d'une minuscule falaise de quelques décimètres de hauteur et est découvert sur une tranche presque horizontale. Les augets sont très fragiles pour être extraits autrement qu'en délitant avec un filet d'eau la terre végétale qui les englobe. Les fragments constituent presque la totalité du gisement, mais l'érosion horizontale montre en coupe, une pile, couchée sur le côté, d'augets emboîtés les uns dans les autres. De plus, le rocher mis à nu, au voisinage et au contact du gisement, a été soumis à l'action du feu, et ce rocher se prolonge , au-dessous du niveau des hautes mers des grandes marées actuelles".
Le commandant BAUDRE et M. Yves ROLLANDO qui ont reconnu ce gisement donnent quelques explications sur la question des augets et de leur emplacement. M. ROLLANDO fait remarquer qu'au point de vue géologique, l'ancienne île du PECHIT est constituée dans sa régidn sud-ouest par une crête de gneiss, adaptée à la structure armoricaine. Elle se prolonge en direction nord-ouest par une plate-forme rocheuse située presqÜe au niveau des hautes mers actuelles (0,40 m),
Cette situation a permis aux tempêtes de suroît de regagner temporairement l'ancienne plature et de déblayer la mince couche argilo-terreuse du gisement, A l'Est, dans une 'petite anse, les gneiss passent à des mécachistes très délités, tandis que le sol s'abaisse graduellement vers les marais septentrionnaux. Il ajoute que la hauteur de ces vestiges gallo-romains découverts : Le Péchit ,0,40m; Ilur 1,40 m; au dessus des hautes marées permet d'affirmer que pendant une partie de la période gallo-romaine et au IVème siècle, la mer n'avait guère dépassé son niveau actuel.
Au sujet de l'utilisation des augets, les deux savants admettent sans toutefois s'y rallier absolument, l'hypothèse admise par M. QUILGARS, à savoir qu'ils avaient pu servir à la récolte du sel. Ils constatent qu'il n'a pas été trouvé d'augets ni de fours en dehors du littoral, au contact de la mer et que si les augets ne servaient pas à récolter le sel, ils étaient pour le moins fabriqués et utilisés par une population maritime vivant des produits de la mer.
En ce qui concerne leur âge, bien qu'au voisinage on ait parfois relevé des silex néolithiques, des briques à rebords et des poteries grises, on peut admettre qu ils datent de l'époque gallo-romaine ...Il y a lieu de noter le nombre reospectable de briquettes à gros éléments qui accompagnent les dépôts de MOUSTERIAN.
Les constatations faites à MOUSTERIAN, à ILUR aussi bien qu'à MONTSARRAC paraissent indiquer que le mode de cuisson suivant a été utilisé : four en plein air, c'est-à-dire à ciel ouvert, les augets étant déposés sur un lit de briquettes reposant elles-mêmes directement sur le sol rocheux qui a conservé des traces de l'action du feu. Le gisement de MONTSARAC est particulièrement intéressant en ce qu'il recèle d'assez !:>eaux spécimens d'augets.
Dans le bulletin mensuel ce la société polymathique du Morbihan de juillet 1964, le Docteur J. LEJARDS qui habitait SENE a résumé, en reprenant le titre de l'importante communication d'Henri QüILGARS en 1902, les découvertes et l'étude faites sur ce sujet. Yves COPPENS avait déjà dressé, en 1954, l'inventaire de ces installations industrieiles proto-historiques, mais, en l''espace de dix ans, l'inventaire de ces instatiations s'était enrichi de deux nouvelles stations sur le territoire de SENE :
-une de 6 fours, à la pointe sud de l'île de Boëd ;
-l'autre, simple dépôt, à CADOUARNE.
En outre, les installations de MOUSTERIAN qui, à l'époque, ne relevaient que 3 fours, en comptaient en 1964, neuf dans la tranche de la falaise, sans compter trois autres mises à jour sur le dessus de cette falaise et une treizième découverte en 1964.
Dans son étude des stations connues en 1963 sur la commune de SENE, le Dr LEJARDS ne fait que frôler le problème de l'utilisation de ces augets. Il croit que leur appartenance à l'industrie du sel ne fait plus de doute, Il signale :
A - les stations de CARIEL et d'ER BILL ou MONTSARAC dont ~l ne reste plus aucune trace, la mer les ayant détruites.
B - la station du Peschit, découverte par le Dr LE PONTOiS en 1948, étudiée par le Commandant BAUDRE et Y. ROLLAND en 1949, puis par Y. COPPENS en 1954. Attaquée par la mer, elle était également en passe de disparaître. Voici la description que le Docteur LEJARDS en fait :
"Située sur une micro-falaise de 40 à 50 cm de hauteur, eile mesure de 5 à 6 m de développement dans le sens Nord-Ouest - Sud-Est, c'est-à-dire parallèlement à la côte. Elle paraît avoir été installée sur des terrasses à 3 niveaux différents. Le niveau inférieur, encore atteint par les hautes mrs, n'est plus représentée que par une zone circulaire de 0,60 m de diamètre, faite de gneiss fendillés e rougis par le feu avec, épars aux alentours et parmi les fissures de la roche des fragments d'augets. Environ 1,50m en arrière, une terrasse argileuse, présentant des traces nettes de cuisson, se développe à environ 30cm au¬dessus du niveau du précédent, sur cette terrasse, une couche d'environ 7 cm d'épaisseur faite de nombreux fragments d'augets mêlés de terre. Ce niveau peut être suivi sur 40 cm de largeur environ.
Une troisième terrasse argileuse lui succède qui présente sur 4 à S cm d'épaisseur de nombreux débris d'augets, intimement mélangés à de la terre végétale. La largeur moyenne de cette dernière terrasse semble d'environ 2,50 m. Les trois niveaux n'ont rien livré d'autre que des fragments d'au~ets et des morceaux informes d'argile mal cuite".
C - La station de CADOUARNE.
C'est une station de minime importance, située dans la petite falaise qui s'étend face à l'île de BOEDE, à gauche du chemin joignant le village de CADOUARNE aux installations ostréicoles, environ à 150 m vers le gué dit du moulin. La station c'est visible que comme une mince ligne de débris d'augets s'étendant sur environ 2 m de long à 25 cm sous la surface du sol cultivé et à 60 cm au-cessus de la plage actuelle. Cette station n'est fourni que des fragments d'augets, à l'exclusion de tout autre objet.
D - La pointe sud de l'île de BOEDE.
Elle est riche de 6 fours disposés en un groupe de trois et trois fours isolés : une fosse en auge avec de nombreux fragments d'augets; une fosse triangulaire remplie d'argile ; une troisième de même forme contient des briques, des plaques de schiste et des augets.
E - Le complexe industriel de MOUSTERIAN.
Il ne s'agit plus ici d'une station d'augets, ni même d'un four, mais d'une véritable usine de poterie comprenant 12 fours actuellement connus. Un treizième découvert par le Dr LEJARDS en 1964 à proximité, contenait des augets à faces parallèles n'ayant subi qu'un début de cuisson; ils étaient de teinte noire. Dans le voisinage, débris d'augets et morceaux de charbon ont été recueillis. Une superficie d'environ l a 50 ca, contigü à la zone des fours, est délimitée par les vestiges de substructions de murs en grosses pierres ! Sur le pcan cadastral, elle s'étend sur les par~ celles n•s 530, 3-1, 34 et 35 de la section G, la majeure partie se trouvant sur la parceile n° 531 appartenant à M. LE BRETON commerçant à VANNES. Les augets les plus nombreux sont tronc-prismatiques, en terre cuite très fine.
Quelques fragments appartiennent à des augets parallélépipédiques en forme de cornets d'après Y. COPPENS, dans les "annales de Bretagne 1 953", p. 360). Deux exemplaires existent intacts au musée de CARNAC. Ce sont des augets à faces parallèles. Enfin, deux fragments d'augets à fond semi¬circulaire. On a trouvé dans le même lieu des vases.
Comparaison des différentes stations entre elles.
Il est probable que les stations aujourd'hui disparues de CARIEL et d'ER BILL étaient comparables sinon identiques à celles du PESCHIT et de C.ADOUARNE. Le Dr LEJARDS voit dans ces stations, les lieux d'utilisation des augets fabriqués dans les installations plus complexes de MOUSTERIAN et de la pointe de l'île de BOEDE. Ces deux dernières comportent en effet un grand nombre de fours qui semblent avoir eu des spécialisations diverses pour la fabrication de tel ou tel type de poterie. La zone qui entoure les fours serait le premier dépôt de ces produits à leur sortie des fours.
Les stations plus modestes de CADOUARNE et du PESCHIT ne donnent que des augets tronc-prismatiques. Au PESCHIT, ces augets semblent avoir été disposés sur trois terrasses bien nivelées, se présentant en gradins et recouvertes d'argile plus ou moins cuite.
Problème de datation exacte de la civilisation industrielle des augets de terre.
On n'a jusqu'à ce jour que trois certitudes :
1° Il n'y a dans ces stations absolument rien de gallo-romain...
Aucun vestige de cette période n'existe dans cette partie de la commune de SENE. Par contre, le dolmen ruiné de GORNEVEZE, voisin d'ER BILL et l'ensemble mégalithique de la côte.
2° La poterie assez jolie a été faite sans le seccours du tour et est d'origine indigène, faite pour un usage local. Sa grossièreté contraste avec la finesse et la bonne qualité des augets qui durent servir à L'exploitation comme emballages des pains de sel.
3° Tous ces fours ont été abandonnés précipitamnent, en catéstrophe pourrait-on dire. Tous les fours de MOUSTERIAN étaient encore plein de leur charge...A BOEDE-sud, un seul des 6 fours était vide, les 4 autres étaient dans le même état que ceux de MOUSTERIAN. Il a falluu un grand cataclysme naturel ou social pour provoquer un tel abandon précipité.
Trois hypothèses ont été émises :
a) Celles du Dr FROMOLS et RAKOWSKI = installation gallo-romaine. Abandon précipité du aux premières invasions saxo-normandes datant de ia fin du IIIème siècle de notre ère ... Mais, une poterie si abondante, industrielle et commerciale aurait été faite au tour et surtout dans une "usine" si importante que celle de MOUSTERIAN. De plus, les poteries gallo-romaines auraient utilisé, après trois siècles d'occupation (-56 à +450), la technique romaine comportant l'emploi de la brique pilée.
b) Si nous datons l'abandon de ces fours de la fin du Ier siècle avant l'ère chrétienne, le cataclysme social l'ayant provoqué nous paraît ne pouvoir être que l'invasion des "civilisateurs" de CESAR, l'orgueilleux pro-consul qui devait difficilement tolérer dans la "Pax Romana : la paix romaine", la survivance d'une civilisation indigène aussi peu "barbare" que celle des Vénètes.
c) Reste à envisager l''hypothèse du cataclysme naturel : séisme ayant entraîné l'effondrement de ces points du golfe et ayant si gravement endomnagé ces installations qu'elles furent totalement et définitivement abandonnées, A quelle époque fixer cette catastrophe naturelle? Sûrement avant la fin du IIIème siècle puisqu'en certain6 points des constructions gallo-romaines sont sous-jacentes à certaines installations d'augets.
A l'occasion d'une conférence faite le vendredi 22 mai 1970 au Palais des Congrès de LORIENT, par M. GOULETQUER de RENNES, docteur ès-sciences, attaché au Centre National de la Recherche scientifique et au laboratoire d'Anthropologie préhistorique sur le thème" des fours à augets du littoral", M, MANSION a avancé une autre hypothèse sur les hommes constructeurs de ces fours et sur l'usage possible des augets. Il a en effet relevé des coïncidences curieuses dans les dates et les faits rapportés par le conférencier.
1 - Une hypothèse sur les hommes.
Les lieux d'implantation des fours et des stocks d'augets, l'absence de traces d'habitations à leurs abords laissent planer peu
de doutes sur l'état des hommes qui ont construit et utilisé ces ouvrages. Ces hommes n'étaient pas des indigènes ou habitants du pays ; vraisemblablement ils venaient de la mer. C'étaient des marins qui vivaient sur leurs pateaux, ne descendant sans doute à terre que pour la recherche de l'argile et sa cuisson. Il est même possible qu'ils n'aient pas pris contact avec les populations vivant en ces lieux. Les fours retrouvés sont éloignés des lieux habités et le combustible qu'ils utilisaient semble indiquer qu'ils ne se sont pas enfoncés dans les terres, même à quelques kilomètres, y ramasser le bois pouvant alimenter leurs foyers.
Quels peuvent donc être ces marins qui ont fréquenté nos côtes entre les années -300 et - 50 ? On sait de façon certaine que les Carthaginois et les Tyriens sont descendus sur nos rivages à ces époques reculées, Ils allaient chercher en Grande-Bretagne, en longeant les côtes atlantiques, l'étain absolument indispensable à la fabrication du bronze. Rien d'étonnant donc à ce qu'ils fassent escale sur notre littoral qu'ils avaient exploré dès 460 avant J.Christ (flotte d'HANNON), Le fait que la construction et l'utilisation des fours aient cessé vers l'an -50 apporte un élément favorab le à cette hypocnese. C'est en l'an -56 que les Romains s'installèrent en Armorique, après leur victoire navale sur les Vénètes au large du Golfe. Les Romains étaient les ennemis des Carthaginois et des Tyriens, et ceux-ci cessèrent alors de fréquenter nos côtes.
2 - Une hypothèse sur l'usage des augets.
Les augets ou débris d'augets recueillis ne présentent aucune trace d'utilisation sur place, fait qui vient à l'appui d'une idée lancée par M. MANSION dé leur usage dans un autre lieu et pour une autre denrée que le sel. Ces petits récipients d'argile cuite étaient de dimensions et de formes variables n'excédant pas les suivantes: longueur et largeur de l'ouverture 140mm x 76; longueur et largeur du fonds: 100 rmn x 43 - hauteur environ :38 mm pour la forme rectangulaire.
Ces ustensiles de forme réduite étaient-ils bien destinés à la fabrication et au transport du sel marin ? De toute évidence, si la thèse des honnnes venant de la mer est retenue, celle du sel est à êliminer. Ils en avaient à profusion à leur disposition dans leur pays d'origine car ils n'étaient pas sans avoir observé le phénomène nàturel de l'évaporation de l'eau de mer. Et puis, le sel s'obtient sur de grandes surfaces et se transporte dans des récipients plus grands que des centaines de petits godets d'argile.
Mais pourquoi ces navigateurs qui se rendaient en Grande Bretagne, à des milliers de kilomètres de leurs ports pour y trouver un métal qui leur était indispensable : l'étain, ne se seraient-ils pas arrêtés sur nos côtes où ils savaient trouver l'argile à l'état presque pur, pour y fabriquer les augets qu'ils stockaient tout près de la mer et pour les embarquer dès la fabrication terminée?
Arrivés sur la côte Sud de la Grande Bretagne , où l'on a aussi trouvé quelques fours à augets, ils auraient fondu le produit
de leurs prospections et versé l'étain en fusion dans les augets, L'étain fond à 228°C, température que ces récipients d'argile pouvaient facilement supporter. Il est très facile à démouler, n'adhérant pas aux parois du récipient qui le contient. Obtenant ainsi des lingots d'étain, ils les auraient transportés avec ou sans les augets laissés sur place, à TYR ou à CARTHAGE ... Quant aux augets retrouvés sur les lieux de stockage ou dans les fours, ils auraient été abandonnés là peut-être parce qu'il s'agissait d'une mauvaise fabrication, peut-être aussi parce qu'une tempête ou un ennemi avait poussé les marins à un départ précipité.
En dépit des nombreuses et diverses hypothèses qui ont été formulées, on pense généralement que les augets et fours à augets de SENE et d'ailleurs sont en rapport avec l'industrie du sel (fabrication ou préparation au transport). M. Yves COPPENS considère l'industrie des augets comme une industrie gauloise ou vénète qui a dûse poursuivre sous l'occupation romaine, mais qui n'a aucun rapport avec cete civilisation.
Cependant, le De J. FROMOLS écrivait à ce sujet le 28 avril 1953: "la tecnnique de la fabrication des augets, leur forme rectangulaire, l'extrême minceur des parois qui se joignent à angle aigu et indiquent la fabrication au moule, leur cuisson à haute température, tout cela est typiquement romain et conforme à la technique gallo-romaine des 1er et 2ème siècles de notre ère". (Bulletin Société Polymathique du Morbihan 1953-54 - Procès-verbal p.32).
La voie reste ouverte aux recherches et aux discussions et chacun est libre de se faire une opinion à propos des mystérieux augets.
1. LA PREHISTOIRE DES CELTES
Séné s'illustre par une liste impressionnante de monuments mégalithiques dans la Préhistoire, par cet insoluble problèrne des augets dans la période celtique.
Cinq dolmens ruinés à Boëd (découverts en 1878), entourés d'une enceinte de gros blocs, et qui furent sans doute couverts d'un tumulus ; un lech abîmé à Michotte ; un lech en forme de pyramide, de 1,15 m de haut, près de Bindre
un lech hémisphérique à Balgan ; quatre dolmens à Auzon (déjà disparus en 1884) ; un dolmen à Gornevéze; Voilà un bilan dont toute commune ne peut se vanter!
Plus intéressants, ont été découverts, à la suite de fouilles dans une butte, une hache en fibrelithe, des éclats de silex, des fragments de poteries, et, d'un autre côté, deux blocs de terre cuite dont l'un percé de deux trous parallèles; on y a encore trouvé des tessons de poteries néolithiques, gauloises et gallo-romaines.
Ainsi, malgré de mauvais entretiens et la perte de plusieurs vestiges, on constate une vie assez intense sur le territoire de Séné, pendant la Préhistoire : c'est encore confirmé par la question des augets.
On a découvert des fours à augets et des piles d'augets à fleur de terre, en plusieurs endroits de la commune. L'auget est une petite poterie de terre très fine (remarquable pour l'époque), de forme cubique, évasé vers le haut. De quelle époque sont-ils? A quoi servaient-ils? D'où venait cette technique?
On a pensé que les augets étaient gallo-romains : Mr le Dr Lejards soutient au contraire qu'ils sont antérieurs à l'invasion romaine, ce qui serait plus vraisemblable. La question reste ouverte.
On a trouvé des augets dans le Finistère, dans le Morbihan, en Loire¬Atlantique, en Vendée même, et toujours près de la côte. Ils sont donc liés à une activité maritime. On a avancé qu'ils servaient à ramasser le sel, ou, moins probable, à conserver le saumon. La question est encore posée.
Problème complexe, d'autant plus qu'on en a découvert une quantité importante un peu partout ; d'autant plus qu'on parle d'augets à cornets, qui ne sont pas précisément des augets ; d'autant plus qu'on trouve des fours où la dernière cuisson n'a pas été otée : pourquoi? L'invasion romaine aurait-elle arrêté la fabrication?
La lumière n'est pas encore faite!
Pour nous, une certitude : la présence de l'homme dans ce fond du golfe de nombreux siècles avant Jésus-Christ.
DOCUMENTS : LA PREHISTOIRE A SENE
Nous reproduisons dans ce bulletin, un document presque centenaire tiré du Bulletin de la Société Polymathique de Vannes et relatif aux monuments anciens de la commune de Séné :
FOUILLES EXECUTEES LES 12, 13 et 14 DECEMBRE 1878 à
L'!LE DE BOED et au DOLMEN DE GORNEVEZE en Séné
A/ ILE DE BOED
1. Le premier monument visité se trouvait dans le pré dit Le Fozic, cadastré sous le numéro 730 de la Section H de Cadouarn en Séné et appartenant à l'époque au Capitaine Allain. Le monument placé à 3,65 m du rivage et orienté du Sud au Nord, avait une longueur de 12 m sur 7,50 m de large ; son point culminant s'élevait à 1 ,20 m au-dessus de la surface de la prairie. C'était un monument préhistorique bouleversé, dont les débris reposaient sur le roc et le sol naturel. Dans cet amas de terre, de pierres, les chercheurs firent malgré tout une petite récolte d'objets variés : un "celtae" ou hache préhistorique en fibrolithe, des éclats de silex et des fragments de poterie, des morceaux de briques romaines, deux blocs de terre cuite, un quartz, des morceaux de charbon avec traces de l'action du feu sur plusieurs pierres, C'était une tombelle d'assez grandes dimensions, dont la destruction devait être assez récente,
2. Dans une lande située à l'est de la maison neuve de l'île, portant le numero 639 de la même Section H du cadastre et appartenant à M. du Bodan, on voyait un groupe de DOLMENS ruinés dont un encore recouvert de sa table et muni d'une partie de sa galerie ; un autre, à 10 m du premier, qui laissait apparaître les sormnets des supports de sa chambre.
Dans le premier, les fouilleurs eurent la bonne fortune de trouver : deux monnaies romaines, des fragments de briques et de poteries romaines. Le second présentait une chambre rectangulaire de 3,50 m sur 2 m, parfaitement dallée de pierres plates de moyenne dimension. Son exploration procura : des éclats de silex, des fragments de poterie gauloise et de briques romaines.
B/- DOLMEN DE GORNEVEZE
Entre le village de Gornevez et le bord de la mer qui en est très rapprochée, dans la propriété de M. et Mme Penvern, se trouve un dolmen ruiné qui dut être de très grande dimension à en juger par sa partie postérieure qui subsistait seule vers -1845. Il était recouvert d'une table de 4 m. de longueur sur 2,30 m. de largeur. Ce monument a été remis en valeur il y a quelques années. Il se voit du bord de de la route du village. Ce dolmen, au siècle dernier, se trouvait dans un pré dit"Boh-Iliz" (=bois de l'église), portant le numéro 495 de la section H de Cadouarn et appartenant, en 1878, à Mr Charles du Bodan.
Le Dolmen en question est une chambre carrée, recouverte d'une grande table et dont les supports qui restent ne montrent aucune trace de signes gravés. La chambre fut vidée par les chercheurs jusqu'au sol naturel, mais ils n'y rencontrèrent que des débris d'objets modernes. Elle avait déjà été fouillée par une foule de curieux. D'après les gens du village, le dolmen avait même servi, au corrnnencement du XIXème siècle, d'habitation à un pauvre tailleur étranger qu'un vieillard affirmait y avoir vu pendant de longues années et qui dut y mourir. Pour donner à sa chambre une hauteur suffisante, le tailleur se vit obligé de vider le monument.
Malgré tout, les spécialistes purent recueillir, au milieu des débris, des fragments de briques et de poteries romaines, des morceaux de chaux, et même deux pièces métalliques en fonte provenant sans doute de la marmite brisée du pauvre tailleur.
NOTE.- Les tumulus à l'Est de l'île de Boëd avaient déjà été fouillés en 1867 par MM. de Cussé et Louis Galles et avaient donné:
un silex taillé, ébauche d'une pointe de flèche un petit anneau en verre
des fragments d'un grand vase en terre brune
tous objets exposés au Musée de la Société Polymathique de Vannes.
I. ASPECT GEOGRAPHIQUE : SENE ECARTELE
Au fond du Golfe du Morbihan, voici Séné, ou plutôt le PAYS SINAGOT. Vannes n'est pas bien loin, à peine 4 kms du bourg. L'histoire de Séné est celle d'une lutte qui devint amitié et s'achève à présent en lassitude ; une rencontre entre la terre et l'eau dont le pêcheur sinagot fut le fruit.
Déjà depuis plusieurs millénaires l'homme s'est interessé à ce coin de terre ; les traces de son implantation en font foi ; mais il s'y est fixé.pour y entendre l'appel de la mer comme à un renoncement de son sol. Ailleurs, l'homme fils de la terre, s'est lancé à la conquête des eaux. Et si le pêcheur breton estime la mer, c'est en vieil adversaire implacable.
A Séné, les deux lutteurs se sont vite pris d'amitié. La Nature le veut ainsi ; car l'Océan ici, c'est le Golfe, et le Golfe, c'est l'Océan se faisant terre ; surgissement de dizaines de petites îles comme un fruit de la mer elle-même.
Intime compénétration ; la terre à son tour se veut mer, et le Pays Sinagot s'achève en Boëde et Boëdic que les eaux, à mi-temps, environnent, échange de l'amitié, don éternellement restitué, au rythme même des marées.
L'alliance est dans le sang mêlé ; les eaux pénètrent profondément à l'intérieur des terres ; les rivières de Vannes et de Noyalo sont l'étreinte de la mer. Où commence la terre? Où finissent les eaux? Nul ne saurait le dire. La vie bouscule les barrières, la côte joue avec les eaux, et avec l'aide de l'homme, la terre reprend parfois quelques hectares, non comme un droit, ni même comme une nécessité, Mais comme une réponse à un amical défi ; sans insister d'ailleurs lorsque la mer franchit l'obstacle avec un sourire.
Pourtant ce jeu de l'amitié a souvent été rude. Le Sinagot a mené son destin à celui du Golfe ; mais le drame éclate parfois lorsque sous l'impulsion du vent, la mer perd son contrôle. Ses terribles accès sont alors redoutés. Le coup de vent de Noël est pour le marin du XVIIIème siècle, l'épreuve de l'amitié. Ses compagnons sont morts en mer, mais il n'en accuse pas sa vieille amie ; l'ennemi, c'est le mauvais temps qui rend les eaux malades ; c'est le ciel jalloux, jalloux de cette alliance entre la terre et l'eau. Et c'est le ciel que le marin implore.
Mais la crise passée, l'homme de la terre se retrouve l'homme des eaux...
Il en a été longtemps ainsi. Le Sinagot a labouré le Golfe. A Séné, on était marin, même si parfois l'on cultivait la terre. Mais pour beaucoup, la tentation fut forte ; face à l'insécurité de la mer, la terre inspirait confiance.
Et un beau jour de nombreux hommes se réveillèrent surpris; la mer leur paraissait étrangère, ils sont devenus paysans.
Ce fut une nouvelle étape. Le coeur de Séné était divisé. La terre lui offrait ses légumes et la mer son poisson. Tant bien que mal, on prit son parti de l'existence de ces deux Séné. Une cohabitation pacifique s'établit entre la ligne des villages côtiers : Bellevue, Langle, Cadouarn, Moustérian...et les fermes de l'intérieur que le bourg regroupait tant bien que mal. La fusion ne fut jamais complète et maintenant encore le Paysan Sinagot, bien que profondément attaché à son sol et à ses traditions, est un frère étranger.
Un troisième appel est dernièrement venu remettre en question cet équilibre de compromis : Vannes, la puissante voisine, qui jusque là avait gardé ses distances, fait maintenant entendre sa voix, et, comme pour être sûre d'être mieux entendue, elle vient à la rencontre de Séné. Lentement une nouvelle fusion s'amorce. La mer, jadis, s'était mêlée au sol sinagot ; la ville maintenant s'y essaie à son tour. Nouvelle étreinte, mais qui n'est plus celle de l'amitié. Séné commence à étouffer, la respiration se fait courte ; déjà, de Vannes, on envisage des réalisations communes. L'usine Michelin touche au nord du territoire sinagot, les faubourgs de Vannes gagnent sur la commune. La ville est là, et ce qu'elle représente de notre monde moderne, bousculant la tradition.
Forces contradictoires d'un Séné, qu'un petit bourg actif essaie de maintenir dans l'unité. Mutation entreprise dont on ignore le terme.
La terre et l'océan, l'agriculture et la pêche, face aux poussées des villes porteuses de nouvelles valeurs, cet affrontement tourne parfois en Bretagne à la tragédie.
Séné n'a pas attendu le XIX° siècle pour prendre place dans l'histoire des hommes. L'homme se manifeste dans ce coin du Morbihan avant même la période historique. De multiples signes permettent de l'affirmer ; puis en sautillant comme par jeu, Séné avance dans l'histoire. Nous relevons les traces de ces bons : menhirs, dolmens, vestiges de voies romaines, restes d'augets et de poteries, bulle du pape, supplique des marins, saint non canonisé, prêtre réfractaire, refus de livrer des otages au Directoire... Bilan luxueux pour le chercheur ; mais aussi que d'incertitudes entre deux bonds.
C'est une histoire en pointillés. Les grandes lignes d'une silhouette se dégagent, mais pas encore l'expression d'un visage.
Joseph LE ROCH
30/06/1923 Baud - 18/01/1988 Vannes
Recteur de Séné 1968-1980
Joseph Albert LE ROCH était natif de Baud. Il fut ordonné prêtre le 30 juin 1947 à Vannes par Monseigneur Le Bellec. Il était titulaire d'un baccalauréat Lettres & Philisophie. Il débute sa vie d'écclésiastique comme vicaire instituteur à Plescop où il est nommé dès le 18/10/1947. Il devient recteur de l'ïle d'Arz, le 28 août 1966, avant de de prendre la tête de la paroisse de Séné le 20 septembre 1968.
En 1976, sous son magistère, fut entrepris la restauration des vitraux de l'église Saint-Patern (lire article). Le 25 juillet 1980, après 12 ans passés à Séné, il est muté à Le Tour du Parc. Il décède à Vannes le 18 janvier 1988, à l'âge de 65 ans.
Joseph LE ROCH a laissé un fort souvenir dans notre parroisse. La commune disposait d'un bulletin paroissial dont le tout premier exemplaire date de de janvier 1908.
Dès sa prise de foncion il relance le bulletin paroissial. En janvier 1971, il refait une nouvelle maquette, d'abord au format A4 paysage puis sous un format portrait. Chaque année, il prenait soin de changer la couverture du mensuel.Fort d'un atelier de photocopies au sein même du presbytère, il était devenu, en marge de son activité de prêtre, "imprimeur, rédacteur, gérant" un 'auto-entrepreneur', rédacteur en chef du mensuel "Le Sinagot", véritable "organe de presse local".
A côté de pages consacrées à la vie religieuse de la paroisse, il faisait vivre le carnet paroissial avec de belles photos de baptêmes et de mariages et ne manquait pas d'insérer des pages consacrées aux activités sportives à Séné, aux associations, AVLEJ de Mousérian, Club Vermeil et aux multiples pélérinages ou excursions de ses paroissiens. Il "couvrait" les événement locaux tels les kermesses ou les courses à Cano. Il voulait toucher, tel un bon pasteur, un grand nombre des habitants de Séné au travers de sa publication. Il savait aussi écrire des "petites nouvelles brèves de chez nous", petites anecdotes sur la vie sinagotes. "Page rétro", mots-croisées et dessins humoristiques "à la Jacques Faisant" agrémentaient son bulletin. A l'écoute de la population, il savait réaliser des articles sur des personnalités locales, sur la sociologie des Sinagots, notamment les marins qu'il affectionnait et pour lesquels il "baptisait"' leur bateau. Il réalisa un très beau portrait de Jean Marie LE GUIL, dit P'tit Jean ou de l'institutrice Mlle Marguerite. L'abbé Le Roch mettait à la porté de tous, la richesse de l'histoire de notre commune. Ces articles sur la "Bataille des Vénètes" et sur l'histoire de Séné furent réunis dans un seul polycopié. Wiki-sene reproduit dans ces pages leur contenu.
En introduction à ce polycopié voilà ce qu'écrivait Joseph LE ROCH " Sous le titre, "LE SINAGOT" va reprendre durant toute cette année et les années suivantes, l'étude du Pays Sinagot parue dans les bulletins paroissiaux à partir du mois de novembre 1968...en tenant compte autant que possible des modifications survenues depuis ces 8 dernières années...Cela permettra aux 720 abonnées (410 en 1968) de connaître Séné - son Histoire et ses histoires, sa population, sa vie...Merci à tous ceux qui pourraient nous fournir documents et photos (même anciennes) sur notre pays sinagot !"
Quelques mois avant sa mutation pour la paroisse de Le Tour du Parc, il réussit l'exploit de convier la télévision régionale en juin 1980, à l'époque FR3 et Antenne 2 pour un reportage en couleur, et en version originale breton, - qu'il parlait parfaitement - sur les derniers pêcheurs sinagots.
Ethnologue, journaliste, prêtre, il avait gardé de ses études de lettres et de philosphie une "bonne plume", utile à la rédaction de ses homélies et de ses articles de presse. Il était le premier historien local de Séné, une référence et une source d'inspiration pour les suivants.
Au printemps de 1980, le dynamique abbé Joseph LE ROCH réussit à faire venir la télévision à Séné pour réaliser un reportage sur les derniers sinagos. Le film de 23 mn, intitulé, SINAGO BOTEU PLAD E LAK E VERH DE RUANNAD", réalisé par Franco Calafuri et Alain Bienvenu, fut diffusé deux fois sur les chaines nationales Antenne2 et FR3 e, juin 1980. Il annonça l'événement dans le bulletins paroissial et fit après sa diffusion un débreiffing de cet diffusion. Le reportage comportait des prises de vues extérieures sur la Golfe du Morbihan et des interviews au café de Bellevue de vieux marins de Séné auxquels s'était jointe Ernestine MORICE.
SENE au petit écran
Dans le dernier Bulletin, nous vous annoncions une prochaine émission, sur FR3, devant relater en 23 minutes un aperçu sur la vie des marins sinagots ... Les prises de vue sont terminées. A vous, chers lecteurs, d'être à vos postes un de ces samedis sur FR3, à 13 H 30 ... Titre de l'émission : "BREIZ O VEVA" ... Cette même émission sera retransmise sur ANTENNE 2 , mais à une date que nous ne pouvons vous donner aujourd'hui. Consultez donc les programmes sur les journaux de fin Avril ou début Mai ... Voici le texte que vous entendrez (nous y avons mis en regard sa traduction).
Ni zo aman è Siné, anuèt Sénac én amzer goh; chetu perag é vé groeit "Sinagiz" ag en dud e chom énni; hag er gir-se en des reit "Sinagots" è galleg er hornad.
Nous sommes ici à Séné, qui s'appelait autrefois Sénac. Les habitants se sont donc appelés les "Sénageu", mot qui a donné les "Sinagots".
A viskoah, Sinagiz e zo bet "tud¬er mor" , én arbenn ag o hornad douar boud gozig gronnet ged en deur é penn pellan er Mor Bihan étré stér Gwéned hag hani Noaleù. Boud int bet a viskoah MORAERION ha PESKETERION, rag aveid biùein ha desaù liéz mat ur famill stank, é vezé red grons kavouid àr en tachad er bouéd rekiz. Ha mor Gwéned ( anùet breman er Mor Bihan) e oé sanset tad magér en dud-man. Betaf nandeg kant daou ha hanterkant (1952), Sinagiz o doé bageu-pesketa dishanval braz doh ré ar mor braz, hag e vezé anùet "sinagot" é galleg. Ur bamm o gwélet ken plomm àr en deur ! Groeit e oent ged koed derù, liùet liésan ged goultron du ; ha ged bihan deur édanté, é hellent heb riskl erbed douarein mem àr er lizeù. O gouélieù e oé karré a getan; met goudé, éh es bet chanjet er blein anehé, hag er stumm kaèr-sé on-es ni anaùet. Gwéharall, éh oé groeid er gouélieu ged krohen-loned tenaù, hag arlerh ged liénkrenn tiù, a liù ru. Hag er besketerion en-em anaué étrézé a ziabell àr èr mor doh liù en daboneù gouriet arnehé.
Les Sinagots, de tous temps, se sont tournés vers la mer : le découpage des côtes, la situation de Séné au fond du Golfe, entre la Rivière de Vannes et celle de Noyalo l'y prédestinaient. Toujours, les Sinagots ont été un peuple de marins, de pêcheurs. Pour vivre, bien souvent pour survivre, pour nourrir une famille nombreuse, il fallait bien tirer sa nourriture de ce que l'on trouvait sur place. Et ici, c'est la mer, la petite mer, c'est-à- dire le Mor Bihan, le Golfe. Pour pêcher, on utilisait jusqu'en 1952 un bateau typique le "Sinagot". C'était un bateau qui tenait admirablement la mer. Sa coque en chêne, construite autour d'un solide carénage et peinte généralement au col tar noir, exigeait peu de profondeur dans les eaux du Golfe, et lui permettait même de s'échouer sur les vasières sans aucun risque. Leurs voiles, carrées pendant longemps ont vu leur forme modifiée au sommet, et ont pris la belle allure que nous avons connue. D'abord en peau souple, elles furent ensuite taillées dans une toile solide, teintée en rouge,...et la plupart du temps, les pêcheurs se reconnaissaient sur le Golfe aux pièces rapportées et cousues, mais de couleurs plus ou moins foncées.
Boud e oé é nandeg kant seih ha daou uigent (1947) naù bag "sinagot" ha daouuigent. Ni bé chonj anehé er "Vas-Y-Petit Mousse", er "Sans-Gêne", er "Brér¬Bras". En tri ré devéhan : "Vers le Destin", "Mon Idée", "Rouget de l'Isle" e zo bet disarmet è nan dek kant tri ha tri uigent (1963). En devéhan é labourat e zo bet er "Pauvre de nous". Ne chom mui hiniù nameit tri, gloestret d'er plaisans, ha gellein e hrér ou guélet é porh Gwened.
En 1947, on comptait 49 sinagots, et leurs noms sont encore dans nos mémoires le"Vas-y-Petit¬Mousse", le "Sans-Gêne", le "Bér¬Bras". Les trois derniers sinagots: "Vers le Destin", "Mon Idée", "Rouget de l'Isle" ont été désarmés en 1963...et le dernier armé a été le"Pauvre de nous". Actuellement, il n'en reste plus que trois, armés "en plaisance"...On peut les voir au port de Vannes.
Ha boud éma bageu sort-sé e zo bet distrujet dré en tan ged Jul Cézar ér blé huéh ha hantér kant (56) éraok Jézuz¬Krist, dirag gouriniz er Ruiz??? Perchans ya, mar krédam ataù er péh en-des éan skriuet dem a zivoud en emgann-sé én é lèvr "De bello gallico". Bageu Siné e oé bageu dré lién, a pe gerhé ré er Romaned ged ruâneu Ha chetu ma arsavas en avél én un taol. Ne oé ket bet diéz d'er Romaned dispenn ha trohein ged felhiér hir fardaj bageù gwénédiz.
Est-ce que ces bateaux sinagots ont fait partie de la flotte que les trirèmes de Jules César a exterminée par le feu en 56 avant J.C, au large de la presqu'île de Rhuys?? Sans doute que oui, si l'on en croit Jules César lui-même qui a relaté son forfait dans son livre "Commentaires sur la Guerre des Gaules". Le vent était indispensable aux bateaux sinagots pour manoeuvrer...Mais le vent tomba, et les bateaux à rames des Romains n'eurent pas beaucoup de peine à couper, à l'aide de longues faux, le gréement de nos bateaux à voiles.
En avél .... Henneh e zo bet berped en dra rekisan de vageu Siné. Met arlerh er brezel devéhan, chetu deit er rnoteurieu. Achiù geté er bageu dré lién. Ar o lerh érna deit "pinassenneu", de lared é pikol tignoleù é sturnm ur V, seih-naù metr a hirded dehé. E nandeg kant daoù ha hantér kant (1952) é en des er bag "Ca me suffit" kernéret léh er "sinagot" dré lién "Ca me va" ... Ha houdé uigent vlé, ur hant pinassen bennag e zo bet lakeit é servij àr mor bihan Gwéned ; ha mé me-unan, a houdé daouzeg vlé, m'em es benniget ur pemzeg bennag anehé.
Le vent...Il a été toujours l'élément essentiel pour le bateau à pêche sinagot. Mais quand le moteur est apparu vers les années d'après guerre, le bateau à voile a été remplacé par des "pinasses": grosses plates en V de 7 à 9 mètres de long...C'est en 1952 que le bateau à moteur "Ça me suffit" a pris la relève du sinagot à voile "Ça me va". Depuis 20 ans, une centaine de bateaux-plates, en V ont été mis en service dans le Golfe du Morbihan, et moi-même, depuis 1968, j'en ai bien "baptisé" une quinzaine.
D'er prantad-sé, ur hart ag en dud e viùé diar er pesketereh pé en istr, ha kernentrall e labouré àr er lestri-komers pé er lestri-pétrol. Bihanneit mad endes breman en nivér anehé, ha nen des mui nameid tri-huéh tri uigent (78) a dud enskrivet àr roll en "dud a vor". Memès tra aveid er besketerion: deit int ur lodenn vihan ag er barrez. Ne faot ket bout souéhet a gement-sé, pe huélam tud ag en Argoed é toned de chorn ér gumun a gandeù. Pesketerion Siné e ya dré rah er Mor bihan ha betag iniz Houad, er Gerveur, Kiberén, de dapoud er pesked ged ur roued braz anùet "chalut" e stleijant àr o lerh. Lakat e hrant hoah kavelleù a gandeù eit tap morgad d'en nevé-han, ha de gourseù zo éh ant tré betag fardell Arzal de besketa silied bihan anùet "civelle". Lod kaer hoah e cherr en istr ged ravanelleù, eid o desaù arlerh én o farkeù-istr.
A ce moment, le quart de l apopulation vivait de la pêche et de l'ostréiculture, tandis que la même proportiuon naviguait sur les bateaux de commerce et les pétroliers. Maintenant, ce pourcentage est très inférieur, et on compte 78 inscrits maritimes. Lès pêcheurs sinagots sont devenus minoritaires dans la commune, d'autant plus qu'il y a eu un très grand apport de morbihannais de l'intérieur du département. Les marins-pêcheurs parcourent tout le Golfe et vont jusqu'à Houat, Belle-Ile, Quiberon. Ils utilisent le filet droit", c'est-à-dire le chalut. Ils posent également leurs casiers par centaines pour les "morgates" au printemps. Certains mois, de nuit, ils se rendent à Arzal, à l'embouchure de la Vilaine pour pêcher la "civelle". Un grand nombre enfin font la drague de l'huître et pratiquent l'ostréiculture.
Rag é Siné, gwazd ha mouézi, rah en dud e labour. Laret e vé
"Sinago boteù plad"
"e lak é verh de ruanad".
Gwir é. Ar lehidégi, er lennvor, étré Bouéd ha Bouédig, é Billerbon, é Monsarrag, hui o gwél, mouézi Siné é toug ur ré boteù iskiz: diw blankenn staget doh o zreid ged lérenneù, chetu "boteù-planch". Grés dehé, é hellant mont ha dont a dreuz er fang-mor de cherrér bélured ha kregad a ben sort, trawalh d' ober ur pred a féson. Ha bét sur: na Jorjet, na Poled pé Mari, pe za ur benérad geté, hâni ne ankouéha ou ferson. Epad en amzér-sé, er wazed e vé àr vor ...
Car tout le monde, hommes et femmes travailent à Séné et il y a un dicton qui dit : "Le Sinaqot à sabots plats" "Met sa fille aux avirons".
Oui, sur l'immense vasière du Golfe, entre Boëde et Boëdic, à Billerbon, à Montsarrac, les femmes de Séné portent une curieuse paire de chaussures deux planchettes avec des lanières de cuir, ce sont les "boteu-planches" qui leur permettent de parcourir les vasières à la recherche des palourdes, et de faire souvent ainsi de bonnes "godailles", et aucune d'elles, ni Paulette, ni Georgette, ni Marie n'oublie leur recteur, quand elle a fait une bonne pêche. Pendant ce temps, les hommes vont au large.
Boud e oé kant peder (104) bag é nandek kant dek ha tri-uigent (1970). E nandek kant tri-huéh ha tri-uigent (1978) ne chomé mui meid hanter kant (50) . Kalz a besketerion e zo bet red dehé, ged ké, klask ur labour bennag arall é uzinieù Gwéned pé ér Prad. Ur rézon e zo de gement-sé: priz er pesked ne des ket heuliet priz er vuhé, hag er pesketour n'hell ket mui biùein ken éz él agent. 0hpenn, en artizanted¬mor o devé poén braz é kaoud ur blank bennag a berh er Stad ; henne e zisko boud berped pih eid dakor presteù argand dehé a p' o des dobér. Er lézenneù a vrenan zo groeit kentoh eid rein harp à' er vistri-pesketerion, er ré e bieù bageu brasoh eid deuzek mètr. Met chetu: ne vé ket mui kavet hâni kin a ré sort-sé é Siné ... ! ! !
Anaù e hret breman bro Siné ... ,buhé en dud a Siné. Dèit d'on gwélet pe gareet ... N'ho-po ket ké ... Un dégemér ag er gwelan e vo groeit deoh ...
En 1970, il y avait 104 bateaux de pêche à Séné... En 1978, it n'y en avait plus que 50. Vous voyez que, si dans les années 65/70 on a construit beaucoup de pinasses, leur nombre a bien baissé, et nombre de pêcheurs, à contre-coeur, ont dû prendre un travail dans les usines de Vannes ou au Prat. Ceci vient du fait que le prix du poisson n'a pas suivi la hausse du coût de la vie, ce qui a entraîné une baisse du pouvoir d'achat du Pêcheur. De plus, les pouvoirs publics ne viennent pas, ou peu, en aide aux petits pêcheurs et n'accordent des crédits qu'aux patrons-pêcheurs, propriétaires de bateaux de plus de 12mètres, que l'on ne trouve pratiquement pas à Séné. Voilà Séné...Voilà la vie des Sinagots...Venez nous voir...Vous ne le regretterez pas!!
Voici la liste des 49 sinagots qui naviguaient à Séné en 1947
"Vengeur du Trépas" - "Jeune Chanto"- Petit Vincent" - "Les Trois Frères"¬-"Ca me regarde" - "Le Coq du Village"- -"Gracieuse" - "Patrie" - "Soyons amis" - "Vas-Y-P'tit Mousse" - "Jeune Alice" - "Coureur des Côtes" - "Aviateur Le Brix" - "Jean et Janine" --"La Déesse des Flots - "Voe Victis"- -"Ca me va" - "J.M.J.P." - "Méfie-Toi" - " Sans-Gène" - "Joseph et Thérèse" - " Vainqueur des Jaloux"¬-"Fleur de Printemps" - " Renée-Marguerite" - "Saint-Jacques" - "Avenir du Pêcheur" - " Vers Le Destin" -"L'Yser" - " Léonie Ma Chère" "Jeune Odette" - "Ma Préférée" - "Marguerite" -"On les aura" -" Capricieuse" -" Léonor et Marianne" -"Jouet des Flots" -" Brér bras" -"L'Idée de mon Père" - "Souviens-Toi" -" Aventure" -" Souvenir de Jeunesse" - "Mon idée" -"Cours Après"-"Va de Bon Coeur"- "Célestin et Louis"-"Pierre et Marie"-Le Drapeau de la Mer"--"Pauvre de Nous (le dernier armé) Pierre et Louis"-- ...
Une suggestion à l 'intention de nos édiles qui réclament des propositions lorsqu'il s'agit de donner des noms aux nouvelles rues du quartier marin de Séné : Pourquoi ne pas donner à ces rues les noms de ces ancien sinagots .. Cela serait sûrement préférable à ces noms passe-partout que l 'on constate atuellement ici où là ? ?
Dernière heure : Cette émission de FR3 passera sur l'antenne début JUIN (sous toutes réserves). Nous vous tiendrons au courant
Après la diffusion de ce reportage, l'abbé Le Roch publie dans le bulletin paroissial ce texte agrémenté de capture d'écran ici reproduite avec autant de fidélité que possible et en couleur.
APRES LE PASSAGE DES SINAGOTS à L'ANTENNE
C'est le samedi 21 Juin sur FR3 à 13 Hres et le mercredi 25 Juin sur Anbtenne 2 à 11Hres30 que nous avons pu regarder l'émission "SINAGO BOTEU PLAD E LAK E VERH DE RUANNAD", émission de Franco Calafuri et d'Alain Bienvenu.
Pierre Louis CADERO
Ce passage au petit écran a plu d'emblée à tous, aux "acteurs" comme aux spectateurs. Le montage
des séquences a peut-être surpris, mais avouons que c'était parfait comme réalisation, d'autant plus que les couleurs du film (le rouge et le noir des bateaux sinagots, le bleu du ciel, l'aspect verdâtre dé l'eau, du Golfe, le jaune des cirés de nos marins, les lumineuses couleurs des vitraux de l'église, .. Etc .. ) étaient bien rendues, et que le tout était projeté sur fond musical "envoûtant" ( Eh oui ! près de 25 personnes nous ont demandé le disque il s'agit de l'Opéra Sauvage" de Frédéric Rossif, disque que l'on trouve à Vannes ).
Après un exposé fait par un marin du Bono, exposé qui nous a permis de mieux saisir les différences ( barre, tirant d'eau, roof, voiles ) entre le "forban" (bateau du Bono) et le Sinagot (bateau de Séné), nous avons pu suivre les conversations, au Café René JACOB de Bellevue, savoureusement locales entre Pierre MIRAN, René JACOB [13/8/1924-12/5/2016] , Pierre-Louis CADERO [23/05/1904-30/03/1980], Louis LE FRANC, dit"MOUSSE" (tous les deux décédés depuis ( hèlas!) Jean Marie LE GUIL [16/2/1903-20/8/1983] dit P'tit JEAN, Jean DANET, Patern GREGAM et Ernestine MORICE [9/11/1909-24/10/1999] { me garikel ! hiniù en dé !).
Joseph LE FRANC
Nous avons été les témoins des évolutions du "VAINQUEUR DES JALOUX" au large de Lerne, avec, à la barre, Henri LE FRANC, et comme matelots, Théo RIO, Emile NOBLANC, M.Georges RIDEAU des Scouts Marins. (N.B.= Le "Vainqueur des Jaloux" était gréé ce jour-là avec les voiles du Nicolas-Benoit).
Nous avons apprécié la beauté, la poésie de la complainte de ' "ER VORAERION" (LES MARINS) de Jean-
Pierre CALLOC 'H, chantée et accompagnée à la harpe celtique ( nous reproduisons plus loin cette complainte en compagnie de nos pêcheuses de palourdes déjà citèes ici en Mai, par Dominique GICQUEL, de Bézidel...
Jean-Marie-LE GUIL, dit P'tit Jean, passeur en retraite et René JACOB, patron du café La Bellevue
Puis ç'a été la scène de NINI, avec sa carte postale près de l'église, celle de Mr. le Recteur dans son "Vatican", ... tout ce monde voulant nous faire revivre les merveilleuses années de vie (ou mieux ... de"survie") des marins-pêcheurs des années - 30-40 à Séné. L'émission finissait par quelques séquences tirées du film relatant, en couleurs, les dernières régates des Sinagots en 1952 (Ah, "LI K" !, Ah, 27 Bateaux !) ... Une des photos de ce film est reproduite par la couverture de ce Bulletin ... BRAVO! Chacun a pris un grand plaisir à voir son pays ... Evidemment, on y parlait breton .. Mais ! ... mais, .. cela prouve qu'on parle encore (trop peu !) ce breton chez nous, la preuve ... ! .... cela prouve que, sur le plan culturel, nous avons un atout supplémentaire (qui voudrait nous le reprocher?)...ignoré des autres! (tant mieux pour nous! dommage pour les autres ! )... cela prouve que si la Télé, bien souvent, trop souvent! ... ,nous propose des émissions où l'on entend parler ou chanter uniquement dans une langue étrangère, ( et cela ... pendants des heures d'affilée cette Télé est aussi capable de faire du bon travail, et du TRAVAIL INTERESSANT (= c'est-à-dire qui nous intéresse ) .. et que pendant une petite demi-heure (c'est notre reproche que faisons aux responsables...Hélas .. ils n'y sont pour rien!)le "petit écran" est capable de nous redonner un moment de fierté à voir LE PAYS SINAGOT et les SINAGOTS !
Pierre MIRAN
NOUS VOULONS AJOUTER QUE:
-1-Les Eclaireurs de France de Vannes, dans le cadre de l'année du Patrimoine, ont été retenus pour reconstruire un sinagot .. La construction de ce bateau est commencée au chantier du GUIR à l'Ile-aux-Moines. Sa mise à l'eau est prévue pour fin Octobre.
-2-L' émission a été magnétoscopée ainsi, les personnes qui le désirent peuvent la revoir ... S'adresser
à M. le Recteur (2 conditions avoir un poste-télé couleurs et un appareil émetteur (qu'on peut louer) s'appelant magnétoscope.
-3-Cette émission passe oendant tout l'été dans le cadre de l'exposition sur le Golfe à la Cohue à Vannes(face à la Cathédrale
-4-Des copies du film des Régates de 1952 se trouvent au Presbytère (films en couleurs 16 m/m muet).