Le Haut commandement français ne se resous pas à l'occupation de la France par les armées allemandes. Que cela soit en Artois en décembre 1914, en Champagne en hiver 1915, les offensives n'ont pas apporté de résultats tangibles. L'Argonne n'échappe pas au "mythe" de la percée à tout prix....Entre Champagne (Marne à l'Ouest) et Woevre (Meuse à l'Est), on décide une autre offensive....
Le soldat LE BARBIER Joseph Marie est "tué à l'ennemi" le 6 avril 1915 dans une attaque mal préparée autour du village de Vauquois en Argonne.
Il nait le 24/02/1887 à Lorient comme nous l'indique son extrait de naissance d'un père préposé des douanes et d'une mère sans profession. On y lit que les parents se sont mariés à Séné, sa mère née DANET est de Séné.
La famille s'établit au village de Langle sur Séné qui compte alors plusieurs casernes de douaniers. Tout "naturellement" le fils commence une vie de marin comme les gars de son âge et on retouve sa fiche d'inscrit maritime. De 1902 à 1905, il est mousse puis matelot.
Cependant, en juin 1905, il opte comme son père pour entrer dans l'administration des douanes.
Au dénombrement de 1906, il est préposé des douanes à la caserne des Quatre-Vents à Séné..
De la classe 1887, il fait sa conscription en 1907 au 3° régiment de Zouaves puis au 2° régiment d'Infanterie coloniale.
Quand éclate la guerre, il intègre le 42° Régiment d'Infanterie Coloniale. L'historique du 42°RIC indique bien son décès au sein de ce régiment, comme son acte de décès, alors que la fiche Mémoire des Hommes" indique par erreur le 22°RIC.
Le soldat LE BARBIER meurt dans les tranchées dites en "V" sur le territoire de Vauquois. Malgré la préparation de l'attaque, le pilonage de l'artillerie, son bataillon prend puis reperd des tranchées ennemies sous le feu des mitrailleuses....
Cette attaque est bien décrite dans l'historique du régiment et les commentaires a posteriori du rédacteur méritent lecture. L'extrait est ici retranscrit accompagné de photographiers de Vauquois :
"L’ordre d’opérations n°77/c de la 10°D.I. prescrit pour la journée du 4 avril une attaque portant sur toute la région ouest de Vauquois.
Le 1er bataillon mis à la disposition de la 19° brigade, reçoit comme objectif d’attaque l’ouvrage du V de Vauquois. Il devra occuper le 4 avril à 4H30 les emplacements suivants :
Une compagnie dans les tranchées face à l’ouvrage du V ;
Une compagnie dans le boyau reliant le bois Noir à ces tranchées
Deux compagnies dans les tranchées du Bois Noir.
Mais, en raison d’une pluie continue, l’attaque projetée est remise au 5 ; le 1er bataillon va coucher à Neuvilly ; le 2° bataillon est utilisé à l’est de Vauquois.
Le 1er bataillon quitte son cantonnement pendant la nuit du 4 au 5 pour se porter sur ses emplacements. L’attaque doit être déclenchée à 17H30.
Le chef Ruben, commandant le bataillon, donne ses instructions de détail aux unités : la 16° compagnie attaquera la première ligne de défense allemande, organisera la position conquise et établira un barrage de manière à arrêter les renforts allemands venant de la direction de Boureuilles.
La 15° compagnie appuiera la droite de la 16° ; elle repoussera si possible son mouvement en avant de façon à enlever la deuxième ligne de tranchées ennemies ; elle fera une conversion à droite pour attaquer l’ouvrage intermédiaire.
Elle sera renforcée suivant ordres du chef de bataillon par la 13° Compagnie.
La 14° Compagnie reste à la disposition du Chef de Bataillon.
La préparation d’artillerie est intense et bien conduite, elle dure de 15H30 à 17H30 ; son action doit être complétée par l’explosion d’une mine creusée sous les tranchées allemandes/
Cette explosion ne se produisant pas, le chef de bataillon donne à 17H30 le signal de l’attaque.
Les deux sections de gauche de la 16° compagnie enlèvent brillamment, sans trop de pertes, la fraction de ligne ennemie devant elles ; l’ouvrage a une profondeur de 2 mètres avec des parois à pic du côté de l’ennemi ; une fusillade assez vive part des abris souterrains ; le sous lieutenant Traineau fait lancer quelques grenades, les défenseurs au nombre de 31 se redent.
Les deux sections de droite de la 16° compagnie sont arrêtées avant d’aborder la posiiton par un large entonnoir de mine et soumise à un feu de mitrailleurs provenant de l’ouvrage intermédiaire ; elles subissent de grandes pertes, le sous lieutenant Couderc est tué.
La 15° compagnie se porte en avant par fractions ; au débouché de la tranchée de départ, un feu extrêmement violent de mitrailleuses arrête net son élan : deux chefs de sections sont tués ; toute nouvelle tentative de progression est arrêtée.
A 17H40, le chef de bataillon Ruben, blessé, est obligé de passer son commandement au Capitaine Vialatte.
A 17H45 les deux sections de la 16° restées en arrière réussissent à pénétrer dans la posiiton ennemie très réduite, elles sont renforcées par 15 hommes de la 15° compagnie.
L’organisation de l’ouvrage conquis est immédiatmeent commencée : une demi compagnie du génie, mise à la dispositon du bataillon, amorce le boyau devant le relier à notre parallèle de départ.
A 19H15, deux sections de la 14° compagnie pénètrent à leur tour dans la tranchée allemande ; le boyau de communication est terminé à 23H15 et occupé immédiatement per deux sections de la 13° compagnie qui s’est rapprochée, prête à intervenir en cas de contre-attaque.
A 3H15, l’ennemi prépare une contre-attaque par un tir extrêmement nourri et très ajusté de mortiers de tranchée.
Les projectiles tombent à profusion sur la droite de la tranchée conquise ; faisant de grands vides parmi les occupants ; notre droite fléchit et est contrainte à un repli. L’infanterie allemande profite de cet instant de désarroi pour franchir le barrage hâtivement construit ; elle prend d’enfilade les défenseurs qui sont obligés d’évacuer la tranchée.
Arrêtés un instant dans l’entonnoir de l’ouest, ils en sont chassés par le bombardement ; en définitive, ils doivent replier dans la tranchée de première ligne après avoir coupé le boyau de communication dont ils conservent la possession.
Une contre-attaque immédiate ordonnées par le capitaine Vilatte en peut amener la réoccupation de la tranchée ennemie/
Le 6 avril à 17H30 après une très courte préparation d’artillerie, un nouvel effort est tenté.
A 17H35, le capitaine Vialatte, blessé, doit céder son commandement après avoir donné ses instruction au sous lieutenant Traineau qui se trouve à ce moment près de lui.
La 13° compagnie est chargée de mener l’attaque ; dans un premier élan elle réussit à progresser jusqu’à l’entonnoir précédant la positon ennemi : là elle est fixée par des feux violents d’artillerie ; de mitrailleuses et surtout d’infanterie. Les Allemands se sont renforcés en cours de nuit précédente ; la tranchée ennemie est garnie de nombreux défenseurs ; des fractions de la 13° Compagnie réussissent à tenir cependant jusqu’à la nuit, toutes les tentatives faites pour les renforcer échouent ; les feux nourris et ajustés fauchent ceux qui tentent de franchir l’espace découvert.
Malgré l’allant et la ténacité des officiers et de la troupe, le 1er Bataillon n’a pu obtenir et compléter les résultats de la veille : les hommes étaient extrêmement fatigués par trois jours et trois nuits passés sur les positions d’attaque, et précédés seulement de deux jours de repos au cantonnement après une rude période.
L apluie continuelle avait détrempé le terrin et rendait la progression très difficile, occasionnant des éboulements. La boue avait pénétré jusque dans les mécanismes des armes, nuisant à leur bons fonctionnement. Enfin l’attaque avait été précédée d’une préparation d’artillerie trop courte, absolument inefficace, de sorte que le 1er bataillon attaquant pour la troisième fois, alors qu’il avait perdu la moitié de ses effectifs s’est heurté à des tranchées intactes dont les moyens matériels de défense étaient augmentés, occupés par un ennemi renforcé et dont le moral n’avait subi aucune atteinte.
Telles sont les causes de l’échec, malgré la vaillance et l’entrain de tous ; le rôle du 1er bataillon fut des plus honorables, bien que le succès n’ait pas couronné ses efforts.
Il atait remplacé dans la nuit du 6 au 7 par par le 89° R.I. ; la relève fut des plus malaisés, certaines fractions ne rejoignait le cantonnement d’Aubreville que dans la matinée du 7.
Les pertes étaient graves par comparaison avec l’effectif engagé : 4 officiers dont 2 tués, 239 hommes de troupe dont 42 tués.
Ajoutées à celles du mois précédent, elles équivalaient à la moitié de l’effectif total présent du régiment officiers et troupe/.
L’ordre du régiment n°75 du 25 avril énumérait les braves cités à l’ordre de l’armée à la suite de ces brillantes et rudes actions ; l’ordre n°76 de même jour apprenait que la médaille militaire venait récompenser l’héroïque conduite de l’adjudant Page Ernest des sergents Belle Gilbert et Galy Huppolyte.