Histoires des salles obscures de Vannes
De la pratique du roller au début du cinéma muet...
Vers 1910, le patin à roulette est un sport à la mode.

Un club de roller skating voit même le jour à Lorient. A Vannes, on organise des séances de skating à la Halle aux Grains.

Cet articles de presse datée de 1911, nous indique que M. Dupont est propriétaire de la salle du Roller Skating sise rue Pasteur à Vannes et qui accueille du roller skating et des représentations de théâtre en complément du Théâtre Municipal de Vannes située à La Cohue et dont la capacité est réduite.

M. Dupont cèdera en 1920 le Roller Skating devant notaire et il déclinera son nom complet : Gabriel Auguste Dupont. A partir de ce nom, on peut faire des recherches sur la presse numérisée des Archives du Morbihan. On trouve ainsi ce faire part de mariage qui nous permet de consulter sur le site des archives municipale de Vannes, l'acte de mariage.

On apprend que Gabriel Auguste Dupont est née dans la Haute-Vienne, le 17/6/1884 à Bussière Poitevine. Après son service militaire, il s'établit à Vannes où il est loueur de voiture comme indiqué sur son acte de mariage. Cette coupure de presse donne vraisemblablement l'origine de l'ouverture du Roller Skating. La mairie de Vannes, lui refuse le renouvellement de son bail de stationnement. Il va réorienter son activité et utiliser le garage à voitures de la rue Pasteur pour y développer du roller skating à la mode à Vannes. 
Le 28 septembre 1912, le "roller skating" se diversifie et accueille le 1er cinéma de Vannes, à l'enseigne Pathé Cinema. Ce cinema changera trois fois de nom : Universal, puis Comedia et enfin Eden avant de tomber le rideau.

Après guerre, la programmation reprend. La salle du "Roller-Skating" laisse place à un vrai cinéma au nom de Universel Cinema toujours avec la programmation de Pathé.
Gabriel Dupont est marié avec Hélène Le Prado, fille d'un transporteur de vannes et ils auront deux enfants nés à Vannes. En juillet 1919, Gabriel vend deux maisons sise au n°489 et N°49bis de la rue du Commerce à Vannes. En juin 1920, le cinema Universel est cédé à M. Damilot. En juin 1921, les époux enregistrent devant notaire une séparation de biens. Le couple divorcera le 9/2/1927.

Un deuxième cinéma à Vannes à l'initiative de l'enseignement privé;
Cette année 1919 ou 1920, l'Abbé Guillaume, professeur de dessin de l'enseignement catholique au collège François-Xavier, inaugure le Cinéma de la Garenne.dans une ancienne salle de patronage dite salle Saint-François appartenant au collège Saint-François Xavier. (source patrimoine.bzh) Le cinéma de la Garenne subira plusieurs phases de travaux mais ne changera pas de nom et demeure encore rue du Pontois, près des jardins de la Garenne.

L'abbé Guillaume est un passionné des nouvelles techniques de projection. Dès 1908 et 1909, il organise des conférences avec projection d'images.

Un troisième cinéma Rue du Mené

Le samedi 6 mars 1920, le Cinéma de la Paix (nous sommes 2 ans après l'Armistice) est inauguré au 30 rue du Mené par M. Louis Dauteuil propriétaire. Il s'appuie sur les production de la Gaumont. Ce cinéma deviendra plus tard Le Royal avant d'être désaffecté et transformé en un autre lieu de culutre, la Librairie Cheminant.

Louis Georges DAUTEUIL [29/10/1893 Mouy - 23/9/1963 Vitry ] est natif de l'Oise. Il a étudié en Angleterre et parle l'anglais. En 1917, il est envoyé au camp de Meucon comme instructeur auprès des soldats américains venus en France. Il rencontre sa future épouse Angèle Marie RAIFFE [11/12/1900 Rennes-22/12/1994 Plaisir 78] qui'l épouse le 6 novembre 1918. Les jeunes mariés s'installent à Vannes au 30 rue du Mené où ils gèrent Le Café de la Paix et le cinéma éponyme. Leurs enfants, Louis et Jacqueline naissent à Vannes. En décembre 1922, ils recentrent leur activité sur le seul cinéma et cède le Café de la Paix. Selon sa fiche de matricule, il repart vivre à Mouy sa commune de naissance, puis à Clichy, Rouen et enfin Vitry sur Marne.


On retrouve encore la présence du Cinema de la Paix sur l'annuaire Le Tout Cinema en 1925. Mais est-ce une inscription reconduite sans vérification? En effet, les nouveaux propriétaires, Réné Alphonse VAUTHIER et son épouse Lucienne Marchar tiendront au 30 rue du Mené une boutique de confection qu'il revendront en 1926. Sur l'édition de l'annuaire de 1928, le cinema de la Paix n'est plus répertorié.
lLfaudra attendre 1937-1938 pour que la rue du Mené, rebaptisée sur sa partie haute, rue Jospeh Le Brix accueille un cinéma, le Royal.

L'Universel Cinema est repris en 1920 par M. Damilot, artiste-peintre et décorateur,
Le 8 juin 1920, auprès de l'étude de Maitre Théret, 24 Bd Saint Denis à Paris. M. Jules Charles Robert Damilot, né à Saint-Ouen (Seine) le 15 juillet 1889. peintre-décorateur domicilié au 324 rue des Pyrennées à Paris, Mme Alphonsine Lydie Watremez propriétaire domiciliée au 117 Ae des Batignolles à Saint-Ouen veuve de M. Emile Joseph Damilot et Gaston Henri Alexandre Damilot architecte demeurant au 117 Avenue des Batignolles à Saint-Ouen, forment une société commerciale en commandite simple dont le but est l'acquisition et l'exploitation d'une proprété à Vannes à usage de cinéma dont le siège est 7 rue Pasteur à Vannes et la raison sociale Damilot et Cie. (source Geneanet)
Le 9 juin 1920, en l'étude de Me Diagre à Vannes, Damilot & Cie achète le cinéma Universel à Gabriel-Auguste Dupont.
Robert Damilot a travaillé avec des artistes majeurs comme Modigliani et Utrillo. Il a décoré de nombreuses salles, dont le Moulin Rouge.


Le cinéma Universel sera également connu sous le nom de Cinéma Pathé, Universel Pathé ou Saking Palace. M. Damilot charge l'année suivante l'architecte Edmond Gemain, maître d'oeuvre de cette salle en 1911, d'effectuer les transformations nécessaires. C'est l'entrepreneur Antoine Ronco qui effectue les travaux et un certain Maxime, ouvrier décorateur qui exécute le programme décoratif pour la façade proposé par Robert Damilot lui-même. La façade porte la signature de cet ouvrier ainsi que celle de l'architecte. Les aménagements des années 1980 ont supprimé toutes traces des décors intérieurs de cette époque. (source patrimoine.bzh)
Cette façade du cinéma rue Pasteur nous est parvenue. Il s'agit d'un très bel exemple de référence au mouvement Art Déco qui régit alors avec le Mouvement Moderne l'architecture de cette période. Elle fait d'ailleurs l'objet pour cette raison d'une illustration dans l'ouvrage "Architectures de cinémas" qui fait le point sur la question. Cette façade appartient aussi à une époque révolue, celle du muet que l'oriel en façade, destiné à la cabine de projection, symbolise. C'était aussi, concernant les intérieurs, un beau rappel à une architecture spécifique par ses volumes et ses formes mais qui n'existe plus aujourd'hui.

Face à l'engoument du cinéma, la municipalité de Vannes invente une taxe sur la billetterie. Cette même année on interdit de fumer dans les salles obscures vannetaises.


M. Damilot en véritable directeur artistique, bien inséré dans la vielocale, prête sa salle lors d'assemblées générales d'associations, comme la Société Mozart d'art lyrique à Vannes ou pour des représentations théatrales ou des spectacles.

Ainsi le 24 octobre 1924, l'Universel accueille une conférence de Mme Germaine Malaterre-Sellier en faveur du droit de vote des femmes.

Le 8 mai 1928, Robert Damilot se mariera à Alforville avec Melina Juliette Boncour [Alfortville, 26/12/1892 - 26/11/1958 Vannes]. Il exposera aux Artistes Français en 1938. Il décède à Vannes le 21/5/1976.

Robert DAMILOT (1889-1976) - "Vannes en hiver", gouache et pastel sur papier
signé et daté 1938 en bas à gauche. 46,5 x 62 cm
La mouvance catholique modernise leur cinéma

L'évêché a rapidement compris l'intérêt de posseder un cinéma aux côtés d'une presse engagée comme le rappelle cet article de La Croix daté de 1928.


Au printemps 1925, le Cinéma de la Garenne créé par l'abbé Guillaume reçoit des travaux.Le cinéma s'agrandit et se dote d'une nouvelle salle parallèle et contiguë à l'ancienne. C'est l'abbé Guillaume qui en fut dit-on l'architecte et le directeur des travaux. Cette salle occupe une partie de la cour du bas de l'école des Frères que les parkings d'aujourd'hui ont remplacée. Cette salle comportait 1000 places assises et fut inaugurée en 1925.Les murs de la salle étaient décorés de panneaux évocateurs de sites et de monuments morbihannais (calvaire de Guehenno) peints par l'artiste vannetais Victor Guesde.

Le cinéma de la Paix devient le Royal

En 1934, Fernand Léonce rachète le cinéma de la Paix en haut de la rue du Mené.

De son vrai nom, Henri Fernand LIETS [30/3/1893 Vienne - 1942 Cannes], fils de Henri Léonce, artistique dramatique; dont il emprunterra le prénom pour son nom de scène, Fernand Léonce. Il est natif de Vienne, dans l'Isère. Lors de son service militaire, il vit à Rennes et déclare l'activité d'artiste dramatique. Après guerre, on le retouve à Saint-Servan près de Saint-Malo. Il épouse à Dinan le 14/2/1928 Suzanne Le Dru [6/11/1892 Mourmelon - 21/10/1983 Elven] Le couple s'installe un temps à Fougères. En mai 1930; ils achètent le cinema Molière situé à Ploaré, près de Douarnenez. Il déclare au notaire la profession d'impresario. En mai 1937, il cèdera son établissement de Douarnenez pour ne gérer que celui de Vannes qu'il va profondément rénover.

Il choisit l'ingénieur Jean Meyer de Vannes pour construire une structure en béton. Le nouveau cinéma Le Royal, est inauguré en 1936. La salle était accessible au bout d'un long couloir, elle pouvait accueillir 600 spectateurs et possédait un balcon.
Fernand Léonce décède à Cannes en 1942.

Son cinéma est gérée par la suite par son épouse. En juillet 1949, elle organise un congrès du cinéma; en 1952, l'annuaire du cinéma indique qu'elle gère le Royal et une salle polyvanente à Locminé. Cette même année elle fait installé une enseigne lumineuse Luminux. Mme Léonce, née Le Dru finira ses jours à Elven.

L'activité cinématographique du Royal cesse officielement le 23 octobre 2001. Le bâtiment est acquis par la librairie Cheminant qui quitte la rue Thiers à Vannes pour un espace commercial plus ample et moderne qui a fort heureusement conservé la belle façade de M. Léeonce.
En 1937, l'abbé Le Goualo dirige le cinéma de La Garenne. En 1938 le cinéma catholique est dirigé par l'Abbé Gadio..


A la Libération, comme après chaque conflit, les cartes économiques sont rebattues. Le cinéma Universel de M. Damilot est placé sous séquestre ar l'administration fiscale en juillet 1948.

En 1951, on procède à la mise en sécurité de l'entrée du cinéma de La Garenne qui n'était pas en conformité avec le décrèt du 7 février 1941. Cette mise en conformité est confiée à l'architecte Guy Caubert de Clery et donne lieu à l'aménagement de l'entrée avec foyer-bar et magasins.
En 1966, le cinéma Universal, rue Pasteur, est vendu à la famille Beau qui le rebaptise Le Comédia. Ce couple espérait beaucoup de la venue des tournées Baret dans leur salle mais la construction du Palais des Arts ruina leur projet.

Avant 1970, la SOREDIC devient propriétaire de la salle de cinéma La Garenne. Aujourd'hui le Cinéville La Garenne comporte 5 salles de 316 à 75 fauteuils.
En 1981, la Société Holley, propriétaire du cinéma Le Celtic à Brest rachète le cinéma Comedia rue Pasteur et le divise en trois salles tout en conservant la façade antérieure ; c'est à cette époque que le cinéma a été allongé vers le sud et rehaussé et rebaptisé L'Eden. Il fermera définitivement fin 2003. Il sera réaménagé en logements.

Le 18 novembre 2005, a lieu l'ouverture du Cinéville Parc Lann avec ses 7 salles. Le complexe en compte 9 aujourd'hui. La marque Cinéville surtout présente dans le Grand Ouest, est une filiale du groupe Soredic, basé à Vern/Seiche, créé en 1965 par des réseaux de cinémas associatifs. Il compte désormais vingt-trois cinémas et 270 salariés (équivalent temps plein). Avec plus de 6,3 millions de spectateurs en 2024, le groupe se place au 6ème rang national du secteur.
La Soredic a passé une convention entre la mairie de Vannes et l'association Cinécran (crée en 1998) afin de promouvoir la programmation d'Art et Essai , qualité et VO ». En contrepartie, la ville de Vannes aidera fiscalement et financièrement l'association Cinéécran dans l'organisation de manifestations.
En 2023, la façade du Cinéma de La Garenne est relookée. Dans le cadre du réaménagement de la rive gauche du port de Vannes, il est prévu de déplacer le Cinéma de La Garenne.

