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Les Archives du Morbihan conserve les archives des Assises et des tribunaux de Vannes. Finalement, depuis la Révolution, les Sinagots auront été un peuple pacifique. On ne conserve de trace que de quelques crimes parmi lesquels l'infanticide commis par Marie Anne LE DORIOL de Montsarrac.

Titre assises Infanticide

1841 famille LE DORIDOUR x COCARD v2

Marie Anne LE DORIOL nait au village de Monsarrec le 27/9/1840. Son père, Jean Pierre  est marin. Sa mère, Marie Vicente COCARD est ménagère. La famille est pointée lors du dénombrement de 1841. Mais il faut noter l'erreur de l'employé qui enregistre la famille sous le patronyme LE DORIDOUR. 

L'aîné de la famille est Jean Louis [7/07/1835-18/06/1854] qui sera marin comme son père. Le deuxième enfant, s'appelle Olive qui décèdera en bas âge [1838-1842]. La famille était déjà endeuillée par le décès du papa à l'hôpital de Pointe à Pitre en Guadeloupe, alors qu'il était embarqué sur La Renaissance. Séné détient un nombre élevé de marins péris en mer et sans doute un nombre tout aussi élevé de marins décédés de maladie contractée à bord...

Anne et Jean Louis se retrouvent orphelins au décès de leur mère en 1850. Jean Louis continue sa carrière dans la marine qui le conduit à bord de La Semillante pendant la Guerre de Crimée. Le matelot de 3° classe décède de maladie à bord, au large de l'île de Furusund en Suède. La Sémillante aura un destin tragique au large de Bonifacio en février 1855 où périront d'autres marins sinagots.
Famille Le Doriol Cocard

Marie Anne LE DORIOL se retrouve seule  à l'été 1854 au village de Montsarrac, elle a 14 ans à peine. Si la jeune Marie Anne a été scolarisée, elle a peut-être suvi les cours de la toute première institutrice, Anne DANET, présente sur la commune de 1835 à 1854, date de l'arrivée de Soeur Esther et des Filles de la Charité, à l'initiative du recteur Toumelin.

Elle déclarera le métier de lingère qu'elle a dû apprendre par apprentissage sur Vannes.

Un métier va suivre le même développement et le même déclin que celui des coiffes, c'est celui de lingère. D'une activité de simple entretien de linge au début du siècle, il va devenir une activité de création nécessitant un long apprentissage et des doigts d'or.

"Au début du XIXe siècle, les lingères entretiennent le linge, surtout le blanc. Elles lavent, repassent, amidonnent jupons, bonnets, chemises, les mettent en forme. Mais ce métier va exploser au cours du siècle avec le développement des coiffes. Les lingères qui jusque là travaillaient dans les maisons nobles et bourgeoises vont se voir solliciter par les paysannes qui ont désormais accès aux dentelles et à la soie, matériaux qu'elles ne savent pas entretenir. 

En effet on ne s'improvise pas lingère. On accède à ce statut après un apprentissage de trois ans. Une condition pour devenir apprentie, c'est d'avoir les ongles longs pour réaliser le fameux plissé à l'ongle. Une vieille grand-mère de 90 ans se souvenait encore il y a dix ans de son émerveillement, quand elle était petite, devant la longueur des ongles de la lingère. Ceux de l'index, du majeur et de l'annulaire mesuraient au moins 1 centimètre et elle les voyait encore saisir prestement deux plis qu'ils bloquaient et tiraient. Puis elle les repassait par petite surface, environ 4 cm2 après 4 cm2. Il fallait aussi avoir le souci de la perfection sinon gare aux coups d'aiguille à tricoter sur les doigts."

Temoin proces infanticide

Quelques temps avant son accouchement, elle est accueillie par Mme Veuve LERAY, née Louise Tréhondart [17/6/1823-17/9/1903]. Il s'agit de la soeur de Julien Tréhondart, marin, Chevalier de la Légion d'Honneur, qui se noiera dans le Golfe avec sa fille Marie Jeanne. C'est aussi la soeur de Jean Louis Tréhondart, marin décédé lors de la Guerre de Crimée. Louise LERAY sera témoin lors du procès avec 5 autres personnes : "quelques jours avant la foire de Saint Laurent qui a lieu dans le mois de spetembre, la nommée Marie Anne Le Doriol vint demeurer chez moi dans une petite chambre .... attenante à celle où je demeurrai moi même, je ne lui avais demandé aucun frais pour la location et s'était par amitié que je l'avais accueillie chez moi comme elle était lingère qu'elle allait souvent en journée et qu'elle en revenait que le soir, je ne m'imaginais pâs qu'elle fut enceinte."

Louise Trehondard, une ami eintime de l'accusée déclarera avoir ignorer que son amie était enceinte. Ainsi au village de Montsarrac, Marie Anne LE DORIOL réussit a masquer sa grossesse.

Selon l'adjoint au maire Le Douarin, François Surzur, qui deviendra maire également, il s'agissait d'une fille coquette. Lors de l'année de ces 20 ans, elle rencontre un marin qui la met enceinte. Lors de sa déposition, elle avouera qu'elle devait épouser un préposé des douanes et pour cette raison, elle cachera sa grossesse au village de Montsarrac.1864 décembre infanticide

Elle accouche d'une petite fille le 12 novembre 1864. Elle tombe malade à la suite de cet accouchement clandestin. Elle ira quémander un vomitif à Soeur Esther quelques jours après avoir donné vie à un enfant dont elle abandonnera le corps dans un puits et qui sera retouvé par des enfants le 8/12/1864. Aussitôt, la maire Le Douarin en informera la justice. 

Le chef d'accusation précise les circonstances de l'infanticide: "Le huit décembre 1864, deux enfants ayant aperçu flottant à la surface d'un puits xxxx, près du village de Montsarrac en la commune de Séné un paquet assez volumineux, avertirent Guilllaume Le Digabel et François Le Didrouch qui le retirèrent de l'eau. Le paquet dont l'enveloppe en grosse toile était cousue avec soin de tous les côtés, contenait avec une chemise de femme tachée de sang, le corps d'un enfant nouveau né, la tête était entièrement recouverte d'un tablier que l'on avait fortement attaché autour du cou au moyen d'une lisière de laine. Le médecin chargé de l'autopsie constata que cet enfant, bien qu'il fut venu au monde un peu avant terme, était né vivant et viable et qu'il avait succombé par suite d'une asphyxie déterminée par la constriction qui avait été opérée sur la bouche et sur le cou. La mort devait remonter à trois semaines environ.
Marie Anne Le Doriol, jeune fille de vingt quatre ans, qui habitait avec la femme Leray une maison située au village de Montsarrac, s'était trouvée malade à l'époque correspondant à celle de la naissance de cet enfant. Après quelques dénégations, cette fille déclara qu'après une grossesse de huit mois, elle avait été prise le onze novembre 1864 des premières douleurs de l'enfantement et avait accouché le lendemain pendant l'absence de la femme Leray. Elle avait baptisé son enfant et lui avait enveloppé la tête dans un tablier qu'elle avait serré avec force autour du cou dans le but de lui donner la mort.
Elle avait ensuite déposé son cadavre dans une armoire et après l'avoir mis dans un morceau de toile qu'elle avait cousu de tous les côtés, elle était allé huit jours après le jeter dans le puits où on l'a trouvé. Elle a persisté dans cette déclaraiton en maintenant toutefois qu'elle n'avait pas entendu son enfant crier et quelle ne savait s'il avait vécu. Elle ajoutera avoir baptisé l'enfant né.
En conséquence, Marie Anne Le Doriol est accusée d'avoir le douze novembre 1864 commis un homicide volontaire en la personne de son enfant nouveau né.

infanticide motif

Marie Anne Le Doriol ajoutera qu'elle acceptait sa maternité et pour preuve avait confectionné quatre bonnets pour son futur enfant. C'est la perspective d'épouser un préposé des douanes qui la convainc de se débarasser de son enfant.

Le gendarme la questionna rudement: "

D:Quelques jours avant votre accouchement n'allâtes-vous pas trouver les Soeurs de la Charité au bourg de Séné, en leur disant que vous aviez mal au ventre et que vous aviez les jambes enflées, et ne leur demandates vous pas un vomitif qu'elle vous donnèrent?

R: ce en fut pas avant mon accouchement que les Soeurs de la Charité de Séné me donnèrent ce vomitif mais le dimanche lendemain de moin accouchement. (Cette réponse fut confirmé par Soeur Esther qui fut entendu comme témoin.)

Le procès se tient aux Assises de Vannes, le 7 mars 1865. 12 jurés sont choisis parmi une liste de 36 nomùs. Elle sera accusée à la majorité d'assassinat sur son enfant et condamnée à 6 ans de travaux forcés, bénéficiant de circonstances atténuantes. Elle sera incarcérée à la "maison centrale" de Vannes. Par un recours en grâce déposé le 28/5/1869 et accepté le 9/08/1869, elle bénéficera d'une remise de peine de un an.

Cependant, Marie Anne LE DORIOL décède le 19/9/1869 à la prison de Vannes.

 

 

 

La naissance d'un enfant n'a pas toujours eu lieu au sein d'une maternité et sous l'encadrement de chirurgiens obstétriciens et de sages-femmes. Qui s'est intéressé à la généalogie de sa famille a certainement découvert parmi ses aiêux, des enfants morts en bas âge ou décédés lors de l'accouchement. Parfois la mère décédait également des suites d'un accouchement difficile.

Si la vie de nos villages était rythmé par les baptêmes, les mariages ou les fêtes religieuses. Les enterrements et les enterrements d'enfants morts en bas âge ou le jour de leur naissance, rappelaient aux Sinagots leur dure condition humaine. La vie continuait et on oubliait vite la courte existante d'un enfant ...

A Séné comme dans tous nos villages, l'accouchement d'une femme enceinte était un évènement difficile et dangereux pour la mère et l'enfant à naître. Dans nos villages, des femmes accompagnaient les futures mères à cette épreuve: donner la vie. Ventrières, matrones, accoucheuses, leur désignation évolua vers le nom de sage-femme et depuis que cette profession s'est ouverte aux hommes, maïeuticien. Cet article tente de retracer l'histoire des ces femmes sinagotes dont la tâche était d'aider d'autres femmes enceintes à donner la vie à leur enfant.

Où rechercher des informations sur les sages-femmes en exercice à Séné?

Ondoiement BIUSanté

Ondoyement fait à l'enfant aussitost sa naissance quand on le trouve en danger de mort, gravure du XVIIIe siècle. 
A droite, une femme verse de l'eau sur la tête de l'enfant à l'aide d'une aiguière.

La consultation des actes des registres des décès antérieurs à la Révolution Française est à ce titre riche d'enseignements. En effet, aux premières loges lors d'un accouchement, elle procédaient à un ondoiment ou un rapide baptême de l'enfant né quand sa vie semblait chancelante. Pour peu que l'homme d'église en charge de rédiger l'acte de décès de l'enfant ait bien écrit et renseigné l'acte, on peut trouver des informations intéressantes. Tel est le cas sur la période du magistère du recteur Pierre Le Nevé

1723 LE FUR anonyme par Perrine LE CERF

Ainsi sur cet acte de décès peut-on lire: Ce jour treizième de juin mil sept cens vingt et trois a été enterré dans le cimetière de Séné, le corps d'une petite fille née le matin du jour du légitime mariage de Vincent Le Fur et de Guillemette Nicolas du village de Langle et décédée aussitôt après avoir été baptisée à la maison par une femme nommée Perrine Le Cerf qui a assisté reconnais avec Vincent Le Fur son père et Allain Nicolas qui ne signent. Pierre Le Névé, recteur de Séné

On pressent que la fillette est peut-être morte-née ou bien les témoins jugeront qu'elle cria afin que l'être vivant fut baptisé avant sa mort. Il était important dans le rite chrétien que le baptême fut donné du vivant du nouveau né. Dans le cas contraire, son âme n'accédait pas au Paradis mais errait dans les Limbes. Cet acte montre que le Recteur de Séné, acceptait que le baptême fut donné par un laïc en cas de force majeure.

1725 Benois anonyme Recteur Le Neve

Dans cet acte de 1725, le recteur en personne fut convié à l'accouchement, pour lequel on avait de mauvais pressentiments, et il put lui-même baptiser l'enfant né avant son décès: "Ce jour neuvième de mars mil sept cens ving cinq a été enterré dans le cimetière de Séné le corps d'une fille née la nuit dernière du légitime mariage de Guillaume Benoit et Anne Marin au village de Kerdavy décédée après avoir été baptisée par nous, soussigné recteur; on assisté au convois Michel Marin, femme Perrine Yvonne Marin et Vincent Laudrin qui ne savent signer. P. Le Névé recteur de Séné."

1725 Benoit anonyme sage femme ANIET Nicole

Cet autre acte de 1725 nous apporte un élément intéressant: Le second jour de décembre mil sept cens vingt cinq a été enterré dans le cimetière de Séné, le corps d'une fille née hier au soir du légitime mariage de Joseph Benoit et Marie Le Doriol du village de Monsarac et décédée aussitôt après avoir été baptisée à la maison par une sage femme nommée Nicole Daniel. ont assité au convois Jospeh Benoit son père, Pierre Danet et Jean Benoit qui ne savent signer. P. Le Névé Recteur de Séné

1732 Benoit anonyme sage femme

Sur cet autre acte de décès d'un enfant du village de Monsarac daté de 1732, on lit que la sage-femme était de Vannes, laissant entendre que les habitants de Séné pouvaient bénéficier de compétences existant dans la ville du diocèse. D'autres actes mentionnent plusieurs fois la sage-femme, Olive Le Didrouc. 

1748 LE DIDROUC Olive

Cet acte de décès nous renseigne sur Olive Le Didrouc décédé en 1748, sage-femme qui officiait à Séné du temps du recteur Pierre Le Névé. Un site de généalogie nous en apprend un peu plus sur la vie de la sage-femme sinagote, deux fois mariée et mère d'au moins 7 enfants. 1748 LE DIDROUC Olive sage femme

Dans ces actes de décès d'enfant, rapidement baptisés, le recteur Le Névé prend soin de préciser si le baptême fut donné par une "femme" ou une "sage-femme", indiquant ainsi que la sage-femme pouvait ne pas avoir le temps d'accourrir à tous les accouchements.

Sur d'autres actes, on lit le nom de la sage-femme: Marie Lefranc (acte décès Le Floch du 5/12/1739), Vincente Rolland (acte décès Uzel, 3/3/1740), Françoise Le Du (acte décès Pierre du 22/02/1743). Tevene Loiseau (acte décès Uzel le 11/10/1748); Perrine Mollé [26/8/1695 Batz sur Mer-9/2/1767 Séné] (acte décès Le Duc 17/2/1752 , acte de baptême de Jean Landay 17/11/1757, acte de décès Trebossen le 2/12/1758); Perrine Lefranc (acte décès Noblan 28/12/1757); Jeanne Lepiniec (acte baptême Le Baro 26/3/1758); Marie Pierre (acte décès Lehellec 12/4/1769, acte décès Monfort 29/3/1770); Mme Jouannic (acte décès Laurent 9/11/1773)

1742 LE PICHON chirurgien

L'acte de décès de l'enfant Le Pichon indique que le "sieur Guilloux, maître chirurgien à Vannes" baptisa l'enfant avant son décès. Pierre Patern GUILLOUX était maître chirurgien et juré au Rapport de Vannes. Il baptisera également l'enfant mort-né de la famille Roux le 9/3/1764 et le petit Laudrein le 9/12/1775.

On arrive également à idientifier Nicole LE LOUEDEC de Moustérian [5/11/1686-10/5/1756] qui sera également sage-femme à Séné.1756 LE LOUEDEC sage femme

 1756 BENOIST anonyme Perrine Le Franc

 Cet acte de décès de 1756 ne parle plus de baptême mais d'ondoiment: Le dixhuitième jour de juin l'an de grâce mil sept cens cinquante six a été inhumé dans le cimetière de Séné, le corps d'un enfant mâle ondoyé à la maison en cas de nécessité par Perrine Lefranc qui a déclaré ne savoir signer, décédé cette nuit chez Julien Benoist de Monsarrac pescheur charpentier & Vincente Rozo son épouse légitime. Celui-là a assisté à l'enterrement avec Pierre Lefranc, Mathurin Noblan & Julien Rolland qui ont déclaré ne savoir signer. Guillaume Le Jallay Recteur de Séné.

1761 LOIZEAU Catherien Sage femme

Cet acte de baptême nous rappelle que la naissance de jumeaux était toujours à craindre. Ainsi le 1/02/1761, la sage-femme Catherine LOISEAU s'empresse de baptiser "en cas de nécessité" à leur naissance François et Renée NOUMAN de Cressignan.


1778 Leroux anonyme chirurgien

Sur cet acte dé décès de 1778, on notre que le maître chirurgien Parseitte a remplacé Pierre Patern GUILLOUX.

Mais comment expliquer une si abondante mention de nom de sage-femmes?

Il faut d'abord rendre grâce au Recteur Le NEVE, qui n'oublie aucun décès de chrétiens à Séné, même quand il s'agit d'une enfant  mort-né. Mais la principale raison réside dans les mauvaises conditions dans lesquelles avait lieu les accouchements. Les sage-femmes étaient désignées par l'ensemble des femmes et le curé de la paroisse en raison de leur moralité et de leur foi chrétienne. Elles ne disposaient d'autres formations que celles issues d'observations et des conseils d'anciennes accoucheuses. A cette époque, seuls 25% des nouveau-nés avaient une chance d'arriver à l'âge adulte.

Le siècle de Pierre LE NEVE terrible pour les enfants à naître, va prendre fin avec la Révolution. Les successeurs JALLAY et COLENO n'auront pas la même attention à inscrire toutes leurs oiailles sur les registres de décès surtout quand elle vécurent qu'un bref instant. Par la suite, l'Etat Civil sera géré par la commune et l'aspect religieux, le fait de savoir si une sage-femme avait ondoyé ou baptisé un enfant mort-né n'est plus important. Leur nom n'est plus mentionné. D'ailleurs à Séné, les actes de décès de la Révolution à l'Empire ne comportent que très peu d'actes d'enfants morts "anonymes". La période est trouble et on s'apitoie peu.

Cependant, un texte législatif sera voté en 1803 et un décret publié en 1810 pour que la profession de sage-femme soit définie et impose une formation théorique et clinique assortie d'un diplôme.

C'est avec le début de la presse à partir de 1848, et les journaux parvenus jusqu'à nous, numérisées par les Archives du Morbihan, qu'on peut trouver de nouvelles sources évoquant l'activité des sage-femmes.

 

 

 

 

 

En se promenant sur la presqu'île de Séné, on est interpelé par des décorations qui ornent certaines maisons. L'auteur de ces décorations est Léon TREMBLE, platrier de son métier et mosaïste à ses heures perdues.

Léon Louis TREMBLE [23/9/1908-19/9/1988] nait à Vannes, au 34 rue Thiers. Son père, Marcel [17/5/1876- 11/02/1963], natif de Nantes, est plâtrier et s'est marié à la Vannetaise, Germaine Fougeray à Vannes le 18/7/1903. On pense que le plâtrier nantais en a fait la connaissance à Vannes alors qu'il était venu travailler. Sa fiche de matricule militaire nous indique que le plâtrier réside en 1902, Rue du Mené, et en 1905, rue Saint-Salomon. A la naissance de Léon, Mme TREMBLE a déjà la charge de son frère aîné, Marcel [19/7/1904-4/1/1969] né, Place du Marché au Seigle. Il sera plâtrier comme son père et son frère Léon.

Vannes Place du Marché au Seigle

Son père, Léon Marcel [17/5/1876-11/2/1963] fait acte de courage en 1909, comme nous le relate le Journal Officiel, en sauvant des flammes une fillette. Le couple bas de l'aile et divorce le 17/12/913, les enfants ont respectivement 9 et 5 ans. S'en suit la guerre. Le père est mobilisé. La mention de son acte de sauvetage et de la médaille reçue, semble lui avoir épargné le front.

1910 Tremble père sauvetage

Au sortir de la guerre, le père se remarie à Nantes le 7/11/1922 avec Julie Déabbera. Il est diplômé en 1933, lors de l'Exposition Régionale du Travail. Il décèdera à Nantes en 1963.

Les enfants suivent la voie de leur père et seront plâtriers. Léon Louis entreprend à partir de 1925 un compagnonage. Pendant l'été 1926, le jeune plâtier sauve un baigneur à Conleau, comme nous le relate cet article de l'Ouest Républicain.1926 tremblé sauvetage conleau

 Son apprentissage le conduit à travailler pour différentes entreprises.."C'est ainsi qu'à chaque étape, Léon enrichit son savoir faire de techniques nouvelles, de Paris à Angers, de Saint-Nazaire à Lyon, de La Baule à Marseille" (1). Pour son examen, Léon TREMBLE présente une façade de cathédrale en staff et la réplique miniature d'un temple grec. Il est reçu à Angers le 25/8/1928 et baptisé par ses pairs, "Vannetais va sans crainte".

Tremblé diplome v2

Il se marie à Vannes le 5/9/1931 avec Germaine DEMARQUET. La famille loge en 1932 au 20 rue des Vierges. Le métier de plâtrier n'est pas sans risque, comme en témoigne cet article de l'Avenir du Morbihan de 1931.

1931 Tremblé accident travail

En 1936, il fait construire une demeure ruelle du Pont Vert, maison toujours visible à Vannes. "Cette maison reste le témoignage le plus remarquable de sa production. Tous les motifs décoratifs ont été conçus et réalisés par lui. A l'entrée on peut lire Mon Trimard, nom de travail. Sur la façade de la ruelle, nous découvrons une multitude de motifs géométriques et colorés, parfois exhubérants, dans la tradition artisanale de l'art moresque ou de l'Espagnol Gaudi".

L'entrée est orné de jardinières de mosaïque, rouge, vert, bleu, un oiseau décore la boite aux lettres. Ces productions sont d'autant plus remarquables que l'ensemble a été exécuté à la main. Sur la galerie du balcon trône un globe terrestre, l'imposte de la porte figure un homme sous lequel est inscrit "Mon Trimard".

Parralèlement à ces motifs géométriques simples, Léon Tremblé nous offre à voir un répertoire animalier, plutôt aquatique, avec des animaux tel que la pieuvre, la grenouille, la méduse qui ornent le portail de l'entrée. Le thème de l'eau revient fréquemment comme le montre l'installaion dans la cour donnant sur la rue et dans le jardin à l'arrière de la maison, de fontaines, jets d'eau et bassins".

TRTEMBLE portrait

Léon TREMBLE s'illustrera également dans la décoration de nombreux magasins, comme la poissonnerie rue Saint Nicolas, le fronton du Café de la Pointe à Séné et de nombreuses maisons sinagotes.

Léon TREMBLE décède à Vannes le 19/9/1988.

 

 

 

Les Marins de Séné sous le joug de la Monarchie aux 17e et 18e siècle

J’ai voulu explorer cette période de l’histoire maritime de Séné, car elle n’a jamais été traitée.

Le titre lui-même représente le contexte historique, c’est une période charnière qui débouchera sur la révolution française. La tutelle de l’état monarchique est de plus en plus lourde à supporter par le peuple, dont les marins de Séné.

Si la période moderne à partir du 19e siècle offre beaucoup d’archives, celles de l’ancien régime sont plus restreintes, la numérisation de celles-ci par les archives départementales du Morbihan et leur accès sur leur portail dédié, ont facilité néanmoins mes recherches.

C’est sur le site en ligne Gallica qu’on trouve l’archive la plus ancienne des inscrits maritimes de Séné, elle date de 1661. Sur l’inspiration de Colbert est créé le service des classes dans les différents ports et évêchés du royaume. Les sièges d’amirauté recensent tous les marins de leur ressort. On leur attribue un numéro de classe, afin de servir par roulement sur les vaisseaux du Roi. Jusqu’alors le recrutement des matelots sur les navires se faisait selon le système arbitraire dit de la presse, c’est-à-dire qu’un sergent accompagné d’hommes en armes venait prendre un ou plusieurs marins et les enrôlaient de force sur les navires.

Les marins de Séné feront des campagnes sur des navires livrant des combats célèbres : combat naval de la Hougue, blocus de Dantzig, combat naval de Pondichéry, etc. Certains auront pour capitaine des hommes célèbres : René Duguay-Trouin, de Coëtlogon, le chevalier de Ternay, Rochambeau etc.

Passé l’obligation de servir sur les vaisseaux du Roi, les marins de Séné vont choisir leur carrière, certains deviendront capitaines ou matelots au cabotage, navigant de Vannes à Nantes, Bordeaux, en Espagne, les ports de la Manche. Jean Le Franc fera même avec son équipage un voyage à Marseille. D’autres s’embarquent au long-court à la Compagnie des Indes de Lorient, sur les navires de commerce dont les négriers vannetais et nantais. D’autres pratiqueront la pêche sous différentes formes, ce sont eux qui subiront le plus la pression constante du contrôle des pêches exercée par l’amirauté de Vannes, les amenant parfois à la révolte, comme celle du village de Montsarrac.

Les nombreuses guerres en Europe, en Nouvelle-France, aux Antilles, aux Indes, vont faire subir aux marins de Séné de graves préjudices comme pendant la guerre de 7 ans avec l’Angleterre, certains seront emprisonnés sur les sinistres pontons anglais, de véritables sépulcres flottants.

Mais les marins de Séné ne se résignent pas, ce sont des hommes de caractère. L’amirauté de Vannes déclare même dans un de ses rapports qu’un certain Olivier le Grégam est une espèce de fou très vigoureux et craint dans son village de Montsarrac, et qu’il ne fait d’autres métiers que celui des pêches défendues. Certains matelots de Séné n’hésitent pas à faire le coup de poing sur le port de Vannes quand on touche à leur honneur.

L’ouvrage contient plus de 450 noms de famille des gens de mer de la paroisse de Séné, leur carrière de marin y est détaillée individuellement, le livre est également truffé d’anecdotes sur les difficiles relations entre l’amirauté de Vannes et les pêcheurs pirates de Séné.

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Notre commune est riche de ses associations et notamment de ses clubs sportifs. Parmi nos équipements, certaines salles portent le nom d'une personne: salle Allanioux, salle Chantal Daniel, salle Denis le Nechet, salle Claude Prunier. Tachons de dresser le portrait de ces personnes et d'éclairer les circonstances qui amnenèrent nos associations à rendre ainsi hommage à une personnalité locale.

LA SALLE ROGER ALLANIOUX

Lors de la construction de la nouvelle école de la Grenouillère au Poulfanc, l’ancien maire Albert GUYOMARD, récupère les anciens préfabriqués qui servaient de salles de classe. Il offre le premier préfabriqué au quartier de Saint-Laurent où il est toujours visible.

Allanioux pre fabrique

Le deuxième est attribué à la toute jeune association sportive US Séné. Il s’agissait alors d’un club de football. L’US Séné deviendra par la suite une association omnisport comptant jusqu'à 6 associations avant que le football reprenne son indépendance en 1999.

Le préfabriqué est démonté vers 1977 et stocké chez le déménageur Bernard Lescoublet qui n’est autre que le président de US Séné Foot. En 1979, le préfabriqué est remonté sur le plateau sportif Le Derf. L’employé municipal, la maçon Garnec donne un coup de main au montage. Le préfabriqué est aménagé par les bénévoles. Eugène Le Gallic, autre dirigeant du club,  se défait du comptoir de son bar qu’il avait place de l’église et l’offre à l’association sportive.

En juillet 1981, le nouveau maire, Daniel Mallet inaugure officiellement la salle qui ne porte pas encore de nom.

Allanioux inauguration

A l’étroit dans ce préfabriqué, la ville de Séné décide en févreier 1998 de démolir le préfabriqué et de reconstruire à la mêm eplace une nouvelle salle. Le 29 août 1998, Marcel Carteau inaugure le nouvel équipement qui est toujours présent au complexe Le Derf.

Allanioux 1998 Carteau

Elle prendra le nom de Roger ALLANIOUX en 198x.

Roger ALLANIOUX [16/5/1923-   1977  ] nait u village de Cadouarn. Ses parents sont pêcheurs comme beaucoup de familles du village. Après la Libération, il effectue son service militaire et s’engage dans la marine nationale. Il devient infirmier militaire. Il est envoyé en Indochine à bord de La Marseillaise, navire hopital militaire. Il revient en métropole et il est affecté à Lorient puis à la base américaine de Rochefort sur Mer.

De retour à Séné, Roger ALLANIOUX particpe à la création du premier club de football de Séné dans les années 1965. Tout naturellement, de part sa formation d’infirmier, il s’occupe de la santé des joueurs. Il devient leur soigneur à la fois coach, kiné et masseur.

"Les premiers matchs se tenaient à Cariel", se souvient Gérard, son fils. "Il y avait une équipe de sénior et une réserve des 18-20 ans."

Vers 1975, Roger ALLANIOUX arrête le bénévolat après 10 ans passés à soigner les footballeurs sinagots.  Il décède d'une logue maladie en 1977.

Les dirigeants du club propose son nom à la mairie pour la nouvelle salle .

Jean Marie LE HAY nait le 10 aout 1910 à Moustérian. Sa mère Marie Louise HUDE a épousé son père l'année dernière le 6 octobre 1909 à Séné. Son père est maçon comme l'atait son grand-père. La famille apparait lors du dénombrement de 1911.

LE HAY famille 1911

Le destin de la famille bacule lors de la Première Guerre Mondiale. Son père est mobilisé. Alors qu'il est au front, son épouse accouche en 1915 d'un enfant nommé Auguste. Blessé , il est ensuite hospitalisé et on lui détecte la tuberculose. Il quitte l'hopital militaire en mars 1917 et regagne son foyer à Séné où il décède le 9 juillet 1917. Il est inhumé à Séné le 10 juillet où sa tombe est encore visible au cimétière. 

Le 29 juillet 1919, le jeune Jean Marie est "adopté par la Nation. Sa mère et ses 2 garçons son recencés en 1921. Elle ne se remariera pas.LE HAY famille 1921

Comme son père et son grand-père, Jean Marie sera maçon. Le 9 septembre 1934, âgé de 24 ans, il épouse Hélène Marielle Renault au Cours (56).

LE HAY Jean Marie

Lorsque la France déclare la guerre à l'Allemagne nazie, il est âgé de 29 ans et il est mobilisé au sein du régiment de Chars de Combat RCC de Tours. Il est affecté à la surveillance et à l'entretien des chars à Périgeux. Dès novembre 1942 il rejoint un groupe de résisitants et mène différentes actions (lire ci-dessous). A l'été 1944, il participe à la libération de Périgueux.

Plusieurs mention à son dossier : "A participé activement au camouflage d'armes de l'armée d'artmistice (armée de Vichy) , a travaillé admirablement à l'organisation de l'ORA locale [Organisation de Résitance  d'l'Armée] , se trouvait à l'hôpital le 6 juin, a rejoint le maquis sans attendre la fin de sa convalescence, a fait preuve de qualités d'energie d'ordre et d'une grande expérience des hommes. Chef de tous, très dynamique, est au dessous de toute éloges".

Démobilisé, il vit un temps à Marseille en 1948. Il finit par rejoindre Séné.

Il décède à Séné le 24 septembre 1964. 

 

 

Son dossier de résitant conservé aux archives de Vincennes renferme son témoignage:

"A la démobilisation de l'Armée en novembre 1940, j'ai sorti et camouflé chez des particuliers une grande quantité de matériel de couchage, d'ameublement et tout l'outillage des ateliers.
Ce matériel a été en partie distribué aux services de la place Bergerac, la garde mobile et l'intendance a emporté tous les draps. Le reste du matériel (800 couvertures et 60 matelas) ont été camouflés chez M. Hertzog, notaire rue du Pont Saint-Jean à Bergerac. J'ai fait remettre une centaine de ces couvertures à un groupe du maquis (M. Belin ébéniste à Bergerac) et le reste du groupe Joseph.
Entré à la résistance au groupe militaire du Commandant Paquette ex-chef du bataillon du 3/26 RT en novembre 1942.
J'étais particulièrement chargé de l'entretien et du camouflage du matériel d'armement et des munitions qui se trouvaient en dépôt dans le bois de M. Durteu près de Pombonne.
Quelques temps avant le débarquement, j'ai effectué sur l'ordre du Comandant Paquette, le transport de dépôts d'armes chez M. Imbert Henri à Buade, commune de Ginestet où avec l'aide des camarades Guyon, Chauvin, Begin et Lenne nous avons procédé à leur remise en état.
Le dépôt comprenait alors 20 mitrailleuses Hochkies, 9 mitrailleuses allemandes, 24 mitraillettes anglaises, 60 lances grenades de 50 et une quarantaine de révolvers.
Avec la capitaine François 1er (Feyri) et la camionnette de M. Gardcette, nous avons fait l'échange des boites de chargeurs de F.M.24 détenus au dépôt Garcette à Bergerac par le groupe civil de M. Bergerte actuellement sous-préfet à Bergerac.
Croyant les opérations de débarquement des Anglais imminentes, j'ai procédé toujours sur l'ordre du Commandant Paquette à la distribution des révolvers à tous les membres du groupe connaissant bien la mitraillette anglaise, j'avais prélevé sur le dépôt du groupe un engin que je transportais à tour de rôle chez les camarades et l'instruction terminées, je l'ai remise au groupe. A.L. (M. Wyrth) avec lequel j'étais en liaison.
Egalement chargé des transports, j'ai été mis en relation avec mon collègue du groupe civil M. Berthomeu, peintre à Bergerac pour coordonner le travail des deux groupes.
J'étais également en liaison directe avec l'Adjudant-Chef Courdesse dit Bernard chargé du service camouflage de Matériel(CDM).
J'ai participé aussi à l'instruction du groupe de résistance de Peymylou (Père Brunet et M. Chambon).
Avec le Chef de Bataillon Santraylle, j'ai participé à des déplacement de nuit sur les terrains de parachutage.
Etant en relation avec MM Belin et Fournier, j'ai participé au camouflage des réfractaires au STO en les dirigeant vers les maquis.
En services au gardiennage du 3/26°RT à Bergerac, je servais de relais entre le Commandant et les camarades sous-officiers du groupe, de ce fait j'ai effectué de nombreuses missions de liaison parfois éloignées surtout lorsqu'il fallait aller chez le Colonel Paquette au delà de Montpont en Dordogne occupée Menesplet.

Les Boches ayant réquisitionné le garage Sygala à Bergerac, j'ai sorti et camouflé chez moi une moto CDM. Le Service CDM m'avait bien promis les papiers qui attesteraient que cette moto m'appartenait en propre, mais ils ne m'ont jamais été remis et ma famille n'a pas été à l'aise lorsque les Boches ont occupé ma maison quelques jours après le 6 juin 1944.
Le garage ne devait sans doute pas les intéresser car ils n'y ont pas mis les pieds.
Entré à l'hôpital militaire et opéré d'une fistule à l'anus le 3 juin, je suis néanmoins sorti clandestinement de ct établissement 4 jours après et fait de la moto pour aller livrer un dépôt de 6400 litres d'essence aux forces de la résistance. Ce dépôt était dans la propriété de M. Durieu à Saint-Sauveur.
Dès ma guérison, je suis entré au maquis à Saint Julien de Crempse avec le commandant Santrailles. Le Colonel Adeline, par l'intermédiaire de l'Adjudant-Chef GYOT, m'avait fait savoir au 6 juin qu'il me considérait comme faisant partie des troupes de la résistance mais qu'il m'interdisait de sortir de l'hôpital avant ma complète guérison.
Affecté au groupe Michel comme adjoint au chef de groupe, j'ai participé aux opérations du secteur Nord-Ouest de Bergerac, à la prise de Bergerac et aux opérations devant Rpyan jusqu'au 1er décembre 1944.
A la formation du 26°RI à Bergerac, le 1er décembre 1944, le groupe Michel qui était devenu Compagnie Michel du Bataillon Joseph a été transformé en 12Cie.
Le 22 janvier, le bataillon quittait Bergerac pour participer aux opérations devant La Rochelle ou nous nous trouvons toujours.
ASP 53223, le 24 février 1945
Le Lieutenant LE HAY (FFI°
Signé LE HAY.

Le lieutenant Pupat, comandant la 12° compagnie du 26°RI, certifie exacte les déclarations du Lieutenant Le Hay en ce qui concerne son activité au maquis depuis son entrée au Groupe Michel. Ayant le Lieutenant Le Hay comme adjoint, depuis cette date et sans interruption, c'est à dire depuis plus de 7 mois, je ne peux que m'en féliciter;
Excellent chef de section et sachant commander, possédant les connaissances militaires nécessaires pour commandes une compagnie et l'ayant fait à maintes reprises, je ne regrette qu'une chose, c'est qu'il n'ait pas encore été homologué car il a effectivement exercé ces commandements;
Signé Pupat.

 LE HAY parcours

LE HAY parcours 2

 

LE HAY parcours 3

 

A

1ère déclaration de Léontine LE YONDRE le 25/10/1944 (texte en noir) complété par sa 2° déposition du 2/11/1944 (texte en bleu

Déclaration de madame LE YONDRE Léontine, femme LAFOURNIERE, née le 4 novembre 1905 à Vannes, sans enfant, sans condamnation.

Depuis le 24 septembre 1940, je tiens le café de ‘’La Belote’’ rue de Strasbourg à Vannes. Pendant un an et demi, j’ai vécu en bonne intelligence avec mon mari. Depuis nous sommes séparés de corps ; par la suite j’ai eu plusieurs amants dont un nommé Hans HEINTZ, sujet allemand (ou Alsacien selon sa maitresse) , il travaillait comme chauffeur à la Kriegsmarine. Cela a duré environ 7 à 8 mois. Ensuite, j’ai fréquenté un nommé Georges DEBLED, gendarme à la gendarmerie maritime qui occupait le château de Boloré à Arradon.. (Sur la photo ci-dessous, Léontine et Hans devant la porte du café de la Belote)

HEINTZ Hans LE YONDRE

L'inculpée, Léontine Eugénie Joséphine LE YONDRE:

La tenancière du bar de la Belote est la fille ainée de Marie Madeleine LE MEITOUR [1/4/1878-7/1/1943] et de Jean Marie LE YONDRE [24/5/1876 Ploeren-6/3/1944 Vannes]. La fratrie comptera 4 soeurs et 2 frères sur les 9 enfants mis au monde par leur mère. Sa jeune soeur Odile, témoignera lors du procès en rappelant que son père, ''un homme violent et sujet à l'intempérance'', l'avait contraint à quitter le foyer dès quelle le put, comme plus tard deux autres membres de la famille.

Dès sa naissance, Léontine est placée en nourrice à Plougoumelen, chez une tante, la dame LE MOUROUX, qui l'a élevée pendant onze années. C'est à Plougoumelen qu'elle est scolarisée dans une école de soeurs. A l'âge de 11 ans, ses parents qui habitaient alors rue de Bel-Air à Vannes, la reprennent auprès d'eux. Ils l'envoie d'abord à l'école des soeurs Jeanne d'Arc, puis à l'école publique Sévigné, rue Le Hellec qu'elle quitte à l'âge de 14 ans environ, après avoir obtenu le Certicicat d'Etudes Primaires Elémentaires. Quelques mois après sa sortie de l'école, Léontine est placée en apprentissage chez Mme Picard, née EPAUL Victorine, demeurant à Vannes, place de l'Hôtel de Ville. Elle est apprentie couturière puis tailleuse pour hommes. Sa soeur dira d'elle qu'elle avait un caractère très changeant et plutôt faible qui la pousse à de mauvaises fréquentations d'hommes algériens rencontrés à l'Hotel du Cheval Noir. Elle perd son emploi et décide de "monter à Paris".

Lafourniere velo

En région parisienne, elle rencontre Lucien Léon LAFOURNIERE, né le 16/7/1908 à Bautain en Haute Marne, alors courreur cycliste professionnel. Elle vivra avec lui 16 ans en concubinage avant de l'épouser dans la commune des Lilas en banlieue parisienne, le 17/9/1940. En tant que femme, elle ne doit pas pouvoir reprendre en son nom la gestion du Café de La Belote a son père, si bien qu'elle se trouve un mari pour l'occasion. Sa mère décède en janvier 1943. Elle divorce le 8/6/1943, lassé de ses infidélités et n'ayant plus l'utilité pour conserver son commerce [vérifier ces points]. Son père décède l'année suivante en mars 1944, avant la Libération de Vannes à l'été 1944.

Vannes Cafe Belote

Pendant toute l’Occupation, mon café était surtout fréquenté par des Boches.

Le dimanche 30 juillet, vers 13H30 il est venu me chercher en me disant de le suivre et m’a emmené au bois de Kerluherne, en passant par le café de l’Océan, Place Gambetta et le café tenu par Mme RUAULT à la Madeleine où nous avons consommé. De là nous nous sommes dirigé vers Sainte Anne. Avant d’arriver au Pont de Kerluherne, MATEL m’a fait entrer dans le bois qui est à gauche de la route. Nous avons atendu un bon moment, il fallait parait-il avoir l’ordre du lieutenant..

Dans le bois, le nommé MATEL a déniché une mitraillette, il me la fait voir et voulait s’en servir pour me descendre ; depuis notre départ il attendait l’ordre de son lieutenant ; ne l’ayant pas reçu et ne voulant pas me descendre, il a recaché sa mitraillette. Il était environ 17H.

Il a profité de la circonstance pour abuser de moi et m’a demandé une somme de 20.000 frs. Ensuite m’a relâchée en me donnant rendez-vous chez moi vers 19H. Je suis parti seule et me suis arrêté en cours de route au café RUAULT, déjà précité, et où j’ai pris une consommation. Je suis rentré chez moi, 18 Heures.

A ce moment, j’ai ouvert le café, ma bonne étant là, c’était elle qui servait quant à moi, je restais au comptoir à côté d’elle.

J’ai vu toujours vers 19 heures arriver MATEL, qui était suivi de  LE CAM et MAHE, sont venus le rejoindre. MAHE je l’avais déjà remarqué au café RUAULT à la Madeleine; Un des trois hommes a demandé à ma bonne à quelle heure je fermais mon café et se sont intéressés au départ des militaires allemands.

.A ce moment, j’ai eu peur car ils étaient ivres j’ai demandé à ma vosine Mme Préjean d’avertir ma bonne et qu’elle vienne me rejoindre à la Feldgendarmerie. Quant à moi, je suis partie téléphoner aux Feldgendarmes depuis la Caserne de la Bourdonnaye. J’ai dit au téléphone que l’homme qui était venu m’attaquer chez moi était dans mon café et consommait avec ses camarades, les nommés LE CAM et MAHE. Je suis resté à la Bourdonnaye environ ¾ d’heure puis je me suis rendue à la Feldgendarmerie. J’ai trouvé la bonne dans une pièce au 1er étage ma bonne y était déjà, plus tard dans la soirée, on m’a mis en présence de Mme RUAULT. A ce moment là je lui ai dit « que je défendais ma peau ayant été attaquée à main armée dans la journée ». Ma bonne et moi avons couchées ce soir là à la Feldgendarmerie.

La Feldgendarmerie à Vannes était située rue des Fontaines, certainement à la place de l'hotel Desne-Dolo, à l'opposé de l'église de saint-Patern. Léontine LE YONDRE et sa bonne Simone PASCO pouvaient dormir dans les anciennes chambres de l'hôtel.

719 001

Le lendemain matin, lundi, je n’ai pas bougé de la Feldgendarmerie nous sommes parties ma bonne et moi avec les feldgendarmes à Auray. Nou sommes passsés par Arradon, j’avais du linge à y déposer. A notre retour, il était 12 heures 30 environ, nous avons mangées chez Dréano . Avant de déjeuner, vers 11H30, on est venu me chercher dans ma chambre pour voir si je reconnaissais un homme qui était allongé par terre, la figure tuméfiée, j’ai reconnu l’agresseur de la veille, ensuite nous sommes allé manger ma bonne et moi au café Dréano accompagnée de gendarmes allemands. J’ai dit au feldgendarmes qu’il m’avait sauvé la vie et qu’il avait empêché ses camarades de me descendre.

L’après-midi, vers 15 heures 30, ils sont venus me chercher dans la chambre, Ils m’ont habillé en sous-officier allemand pour aller reconnaître les agresseurs de la veille. , ils donné une capote allemande, une casquette et une paire de lunettes noires. Je suis montée dans la voiture habillée de cette façon, nous avons pris la rue des Fontaines, place Lyautey, rue du Mené, rue Hoche, toute de Sainte Anne, et nous nous sommes arrêtés au pont de Kerkuherne.

Il y avait deux voitures allemandes et neuf boches. Ils ont commencés à fouiller le bois, après m’avoir demandé où se trouvait la mitraillette de MATEL, nous avons fait des recherches dans tout le bois  mais je n’ai pu retrouver l’endroit ; voyant que l’on ne trouvait rien nous sommes allés à la ferme Le ROUX à Kergrain que je connaissais pas  qui se trouvait pas loin de là.  

Mme LE ROUX était au champs avec deux ou trois personnes ? Je suis allé moi-même lui demander si son fils n’était pas lieutenant. J’ai ajouté ‘’pourtant les Allemands disent qu’un lieutenant terroriste loge chez vous. Mme RUAULT a nié.  Les Allemands lui ont demandé de les suivre à la ferme. Auparavant ils avaient cerné celle-ci. LE ROUX ne se trouvant pas à la ferme, ils sont allés le chercher et l’ont ramené Alors que nous nous trouvions les Allemands et moi dans la cour, le fils LE ROUX est arrivé. Les Allemands l’ont frappé et l’ont contraint à ce mettre  contre un mur les bras en l’air, tout cela c’est passé en ma présence. C’est à ce moment qu’une personne agée que je ne connaissais pas est venue demander à Mme LE ROUX s’il elle pouvait lui prêter une charrette et un cheval pour emmener une bête qui était malade. Les Allemands ont cru qu’ils complotaient. J’ai dit à l’interprète que les paroles de ces personnes étaient correctes. Ils ont appelés la belle-fille, Mme LE ROUX et la personne âgée et les ont placé contre le mur, dans la même position que le fils. Ensuite ils ont fouillé la maison. Pendant ce temps j’étais dans la cour avec deux Allemands. Ils ont demandé au fils LE ROUX ses papiers, quel métier il exerçait, il a reconnu de lui de menuisier. L’Allemand lui a demandé à plusieurs reprises s’il était Lieutenant, à chaque fois il a répondu « Non ». ils l’ont encore frappé puis l’ont remis au mur. Tout cela se passait en ma présence. Lors de la perquisition, les Allemands ont trouvé un costume de soldat de couleur kaki, ils lui ont demandé d’où il provenait l’ont obligé à la prendre et à les suivre. LE ROUX marchait devant moi vers les voitures, il est monté dans la première, moi dans la seconde avec trois Allemands et nous nous sommes rendus à la Feldgendarmerie. Ils m’ont demandés si je connaissais le nommé LE ROUX, je leur répondis que non, ils ont fait monté LE ROUX dans la voiture en le frappant et en le bousculant ; quant à moi, je suis montée dans la seconde et nous avons fait la route vers la Feldgendarmerie.

En cours de route, j’ai enlevé l’uniforme boche que je portais. A notre arrivée, j’ai quitté le costume de sous-officier allemand. Le soir, moi et ma bonne avons soupé au Café Dréano et couché à la Feldgendarmerie. Le mardi, j’ai déjeuné chez Dréano. Vers les 15 heures environ je me suis rendu accompagnée d’un Allemand chez Choubert. Le soir après diner, je me suis rendu vers les 20 heures, et accompagné de duex Allemands, chez moi, en traversant la cour de la gare. Nous avons rendu visite à Mme MAHE qui habite rue de Strasbourg prolongée, pour prendre la gérance du café ; Mme MAHE nous a offert une consommation et nous avons trinqué ensemble, m abonne m’accompagnait. Le soir, j’ai couché au Cheval Noir avec ma bonne.

Le soir je me suis rendu, accompagnée de ma bonne et d’un Allemand chez Dréano où nous avons déjeuné. Après déjeuner, je me suis rendue à la Feldgendarmerie, pour leur demander de me conduire à Arradon. Ils ont alors accepté car ils se rendaient à Auray, et afin de me rendre service, repassèrent le soir à Arradon. Nous sommes rentrés vers 18 heures, avons soupé le soir chez Dréano et couché au Cheval Noir.

Le jeudi, nous sommes allées, ma bonne et moi, à la Feldgendarmerie pour y prendre son vélo, car elle avait l’intention de se rendre chez elle, c’est alors qu’un Allemand est venu la chercher pour la conduire à l’hôpital parce qu’elle avait contaminé un soldat allemand. J’ai déjeuné seule chez Dréano, vers 14 heures. L’après-midi, je me suis rendu seule, rue Pasteur, afin d’essayer de trouver une occasion pour partir, j’ai quitté Vannes par un camion dont je ne connaissais pas le chauffeur. Je suis allé à Paris où j’ai pris en gérance un café, au 7 rue Victor Hugo à Charenton où l’on est venu m’arrêter le 18 octobre 1944.

Je regrette tout ce que j’ai fait, je l’ai fait sans aucun ordre je n’ai jamais touché d’argent et ne suis inscrite à aucun parti politique.

A Vannes le 23 octobre 1944.

Lu persiste et signe.

La Liberté du Morbihan, samedi 10 mars 1945

La patronne de “La Belote” devant la Cour de Justice

Vers la fin de juillet 1944, un homme – Robert MATEL – entrait au bar de «La Belote” vers midi. La patronne du café, Léontine LE YONDRE, épouse séparée de l’ex-coureur cycliste Lucien LAFOURNIERE, sort peu après en sa compagnie. Il la conduisit au Café de la Rabine, puis au-delà du café tenu par Mme Vve RUAULT à la Madeleine. Elle le suivit sur la route de Sainte-Anne. Au cours de leur traversée du Bois de Kerluherne, il lui fit voir une mitraillette, puis ils semblèrent oublier l’un et l’autre ce qui les avaient amenés au sein de cette verte solitude et ils en profitèrent à la manière banale de bien des couples d’amoureux. Chacun des partenaires donnera sur ce voyage une version psychologiquement différente. Quant à ce qui se passa, ce fut aussi simple que cela.

Pourquoi l’accusée eut-elle le désir de repasser seule au retour au débit de Mme Vve RUAULT ? Pourquoi le maquisard MATEL retourna-t-il le soir en compagnie de deux camarades à «La Belote”? Là-dessus les thèses s’affrontent. Ce qui est certain, c’est que la visite au débit RUAULT fut suivie de l’arrestation de la débitante par la feldgendarmerie et que la venue des trois amis au bar de la femme LAFOURNIERE provoqua une opération de police et par conséquence, l’arrestation des deux amis de MATEL. D’autre part, le lendemain de la promenade au bois de Kerluherne, la ferme de Kergrain fut perquisitionnée d’une manière brutale et crapuleuse par la feldgendarmerie et la famille LE ROUX, famille paisible de braves gens, eut gravement à souffrir de cette sauvage descente de police, à laquelle participa en uniforme allemand la tenancière de « La Belote ».

Ce fut le 31 juillet vers midi que MATEL engagea rue du Mené un combat à mort avec les Allemands, après qu’un coup de feu eut été tiré sur lui par un feldwebel alors qu’il se trouvait en compagnie du Lieutenant LE FLOCH.

Cet officier de la résistance devait succomber ce jour-là à une blessure au ventre. Notons que son témoignage aurait peut-être permis d’éclaircir, au cours des débats, certains points demeurés obscurs en dépit des efforts de M. Mérour, le consciencieux magistrat à qui revint la lourde charge d’instruire cette affaire dont le caractère s’aggrave de cette circonstance douteuse que deux des jeunes gens tombés aux mains des Boches, les jeunes MAHE et LE CAM, ont été fusillés à Arradon et que deux de leurs camarades n’ont dû qu’à un miracle de surhumaine énergie d’échapper à leurs bourreaux.

Fixé par tous les yeux, Léontine LAFOURNIERE va rapidement s’asseoir à l’extrémité du box, la plus rapprochée du siège du Commissaire du Gouvernement, occupé par M. GUERIN-VILLAUBREUIL. Elle semble en proie à une brusque émotion dès que ses premiers regards se portent sur la Cour. M. le Président JACQUES a pour assesseurs MM. LE BOULCH, JOLLIVET, PRASLON et MARTIN, aux côtés desquels deux juges suppléants, MM. THEBAUT et TAMAREILLE sont venus prendre place.

Elle a à répondre de trahison, d’entretien en temps de guerre et sans autorisation du Gouvernement, de relations avec des agents de l’Allemagne, de dénonciations.

Elle écoute attentivement l’appel des témoins. Sa servante et accusatrice Simone PASCO ne répond pas. Elle ne viendra pas déposer. Une récente maternité la retient à Rennes.

Le Président évoque l’enfance de l’accusée, aînée de six enfants. Jusqu’en 1940, son père a tenu le café de «La Belote ». "Ca fait juste un an aujourd’hui qu’il est mort", fait-elle remarquer.

De son passé elle n’est pas fière.

D-- Les renseignements qu’on a recueillis sur votre compte vous sont défavorables.

R--Ce n’est pas de ma faute. M. le Président.

D--Votre conduite et votre moralité ne sont pas exemplaire.

R--Faut savoir comment j’ai été élevée.Et elle ajoute en baissant le ton : "je mérite les reproches qu’on peut me faire."

Elle estime que son café n’était pas un plus mauvais lieu que quelques autres établissements de Vannes. Elle y recevait dit-elle des femmes qui travaillaient avec les Allemands. L’accusation lui reproche aussi d’avoir reçu des femmes de prisonniers.

Si elle a été condamnée à six mois de prison pour vol elle fait ressortir que c’est avec sursis en même temps qu’une amie principale coupable qui, elle a eu une peine de deux ans d’emprisonnement. Sa première condamnation pour violences lui a été infligée à l’occasion d’un échange de coups avec une maitresse de son mari. La seconde c’était pour avoir frappé l’infidèle.

On revient en arrière. Dans son enfance elle ne fut pas heureuse avec son père qui lui préférait ses sœurs. C’est la raison qui l’a poussée dit-elle à quitter Vannes à seize ans après avoir fait un apprentissage chez une tailleuse pour hommes.

D--Là vous avez sombré dans la débauche et la prostitution puis vous avez connue LAFOURNIERE coureur cycliste qui est devenu votre amant. Vous avez vécu avec lui. C’était un amant complaisant ? L’accusé ne répond pas.

-Il a profité de l’exercice de votre séduction. Pendant 16 ans, vous avez partagé avec lui vos ressources – si j’ose dire – Au bout de 16 ans vous vous êtes mariée avec lui…Pourquoi ?

-Parce qu’en 1939, ma mère, étant malade, m’a offert de prendre la suite du café. Mon mari y voyait un intérêt. Moi j’avais une occasion de me racheter. L’affaire se fit le 24 septembre 1940.

D-Les Boches étaient déjà là ?

R-« Ils » étaient déjà là…Le café était déjà fréquenté par les Allemands. C’était près de la gare et il n’y avait pas beaucoup de civils. Le café était très coquet. J’avais fais des frais.

Le Président fait allusion au mari dont l’accusée vit aujourd’hui séparée. Coureur, il courait dans le sillage d’un autre coureur quelque part du côté de Pluvigner. Cela ne plaisait pas à son épouse.

-Ce n’était pas par jalousie, précise-t-elle, mais il partait à Paris « faire la foire » emportant l’argent de la maison.

Léontine LAFOURNIERE se défend d’avoir dénoncé son mari aux Allemands. Elle dit n’avoir jamais su qu’il avait été prisonnier et avoir été victime d’une vengeance d’intérêt. A ce propos elle se hâte de généralise : « Il n’y a que des vengeances dans ce procès ! ».

Quand le Président lui fait observer que le café de «La Belote” était le quartier général de la Feldgendarmerie elle proteste : "Quand la Feldgendarmerie vient dans un café, les autres clients s’en vont…"

Pourtant, elle trouva une occasion de fréquenter la Feldgendarmerie. Son café ayant été fermé par suite d’un bal clandestin elle intervint – en vain d’ailleurs –auprès des Allemands pour faire reporter cette mesure. Ca prouve, triomphe-telle que je n’étais pas aussi bien qu’on le dit avec les Allemands qui à trois reprises m’ont dressé contravention.

On fait allusion à la vie intime de l’accusée.

-Vous avez été la maitresse d’un Allemand : Hans Heintz. Alsacien, M. le Président.

Le Président proteste. Elle réplique :"Moi, je dis ce qu’il m’a dit."

Cette liaison dura un an, Heintz fut remplacé par un Français.

Il est question de quelques policiers boches de marque que la patronne de «La Belote” dit ne pas avoir connus plus particulièrement. Et elle ajoute: "J’avais aussi la police Pétain qui venait dans mon café."

Elle se défend d’avoir été une indicatrice. L’interrogatoire porte ensuite sur les menaces dont elle a été l’objet. Il lui est reproché de na pas en avoir saisi la police française.

Elle n’était pas armée répond-elle.

Ses excellentes relations avec une dame vertejaune, indicatrice des Allemands luis sont rappelées. Elle affirme n’avoir connu son rôle que quand à son retour de Paris elle a appris que cette femme avait été abattue par les patriotes. Elle avoue n’avoir donné, pour sa part, aucun renseignement aux Allemands. Pourtant l’accusation retient contre elle la dénonciation du jeune Marcel OUDAGE et de ses deux amis qui avaient exprimé leur indignation de la voir si intime avec les Boches. Elle discute les faits les plus amples qui vont tout à l’heure être rappelés par le témoin et se prétend étrangère à cette dénonciation.

Enfin, il est question de la visite du jeune MATEL . C’était le 30 juillet 1944, un dimanche matin. L’accusée venait d’Arradon où elle couchait depuis les bombardements du camp de Meucon.

« Quand il est entré, dit-elle il a commandé un vin blanc, puis demandé qui était Mme LAFOURNIERE. Quand il a su que c’était moi, il m’a dit "j’ai un ordre de vous descendre". Je l’ai fait pénétrer dans la cuisine. Je lui ai déclaré que j’étais innocente. Il m’a commandé de faire ma prière braquant sur moi un révolver. Je l’ai supplié de ne pas mettre la menace à exécution. J’ai eu très peur. Ma bonne était là. Elle s’est mise à crier. Il a fermé toutes les portes. On a discuté. J’ai réclamé des preuves. Il a parlé d’un Lieutenant dont il n’a pas cité le nom. Il m’a fait voir la pochette en dentelle bretonne me questionnant pour savoir si elle était à moi ou à ma bonne. Je lui ai répondu que cette pochette n’était pas à nous et je l’ai invité à déjeuner avec nous. Il a refusé disant qu’au maquis on mangeait mieux que cela. Pendant que nous déjeunions il a bu deux ou trois vins blancs puis il m’a donné l’ordre de le suivre pour voir disait-il son lieutenant sur la Rabine et me prévenant que si je faisais un signe de la tête ou du regard il m’abattrait comme une bête. Dans la rue de la Fontaine nous avons croisé une patrouille allemande et nous sommes passés devant la Feldgendarmerie. Ca m’aurait été facile alors si j’avais voulu de la « donner » comme vous le dites. Je ne l’ai pas fait parce que j’avais peur. Je n’ai jamais pensé que c’était un patriote. J’ai pensé qu’il voulait m’entrainer dans le maquis…

D-Vous ne vous sentiez pas tellement en danger ? constate le président.

Léontine LAFOURNIERE resta seule pendant vingt minutes au café de la Rabine. Puis MATEL revint la chercher. Il la ramena à "La Belote” où il reparla du mouchoir de dentelle. De "La Belote” il la fit l’accompagner  à la Madeleine, au café RUAULT Ils passèrent par l’Avenue Victor Hugo, la rue et l’avenue Hoche. Chez Mme RUAULT le malheureux MAHE vint rejoindre MATEL puis ce dernier parti alors seul vers la route de Sainte-Anne avec l’accusée.

Nous nous sommes arrêtés dans le bois de Kerluherne. Là, il a sais une mitraillette qui était cachée sous la fougère. Il m’en a menacée. Le voyant monter et démonter cette mitraillette après m’avoir emmenée jusque là, j’ai eu l’impression que c’était un fou. Nous avons aperçu un couple. Il a aussitôt tiré un coup de feu en criant aux promeneurs : »Vous fermez vos gueules ». Ces gens ont répondu »Vous pouvez y aller ». A ce moment il m’en a menacée (sic) de sa mitraillette. Je l’ai supplié de ne pas tirer lui disant que je ne méritais pas la mort car je n’avais dénoncé personne. Il m’a répondu qu’il avait un ordre de l’abattre, mais il adit aussi :’Je ne veux pas vous descendre parce que je ne vois pas mon lieutenant ». Je ne comprenais plus rien. Il a alors caché sa mitraillette et n’a gardé que son révolver à la main. En marchant il m’a fait une déclaration d’amour. Le reste vous le savez ».

Le Président : « C’est vous qui avez joué la scène de la séduction.

Léontine: Non, Monsieur le Président.

Le Président : C’est vous qui lui avez proposé vos faveurs.

Léontine: C’est lui qui…

Le Président: Enfin cela revenait à la même.

Léontine: Ah non Monsieur le Président. Il m’a dit que c’était malheureux de me descendre. Il m’a demandé de l’argent. Et c’est pour réclamer 20.000 Frs qu’il est revenu le soir à mon café.

D-Pourquoi êtes vous retournée au café de Mme RUAULT ?

R-Pour voir quelle physionomie (sic) elle aurait fait en me revoyant seule.

D-Vous vouliez savoir le nom de MATEL.

R-Non, je n’ai rien demandé à Mme RUAULT. Dans le bois MATEL m’avait dit qu’il s’appelait ROGER.

Quand le soir il revint au bar de «La Belote” avec ses camarades, l’accusée l’a assure-t-elle entendu dire à ceux-ci : « Elle ne perd rien pour attendre ». Elle a pensé qu’il attendait le départ des Allemands pour mettre à exécution ses menaces.

Penboch Caserne Bourdonnaye

Prise d’affolement, je suis allée à la Caserne de La Bourdonnaye où j’ai dit au chef de poste qu’il y avait un terroriste qui me menaçait dans mon café.

D-Vous avez fait état de trois terroristes.

-D’un seul.

D-Vous avez dit trois.

C’est à la suite de cette démarche que MAHE et LE CAM furent appréhendés près du pont de chemin de fer, tandis que MATTEL qui avait un vélo, réussissait à s’enfuir.

-Je ne suis pas responsable de ces arrestations, proteste l’accusée.

-Pourtant, réplique le Président, après cette arrestation vous avez, selon votre bonne répété aux Allemands : »Très bon, très bon ».

Interrogée par les Allemands sur ce qui s’était passé au cours de la journée, la femme LAFOURNIERE a fait le récit complet de ce qui s’était passé, d’où l’enquête de la feldgendarmerie. Les témoignages en marqueront les étapes.

A cours de la confrontation avec Mme RUAULT, cette débitante rappelle l’accusée m’a traitée de garce et m’a giflée.

Le Président- On ne peut pas dire que cette gifle vous l’avez volée.

Le soir, la patronne de «La Belote”fut l’hôte choyée de la feldgendarmerie qui désormais allait veiller sur elle au point de l’emmener à Auray. Sa présence y fut constatée au café Josso à l’heure même où éclatait à Vannes la fusillade dramatique de la rue du Mené et au cours de laquelle le témoin MATEL crut reconnaître une femme parmi les uniformes allemands qu’il apercevait dans la bagarre. Cet alibi de l’accusée, indiscutablement prouvé par l’instruction, constate le Président, fait la lumière sur un incident important, une partie de la presse ayant imprimé que c’était la femme LE YONDRE qui accompagnait les Allemands au moment où l’un de ceux-ci ouvrait spontanément le feu sur MATEL.

L’accusée s’est bien travestie en militaire allemand mais ce fut pour accompagner les enquêteurs de la feldgendarmerie à la ferme des LE ROUX, près du bois de Kerluherne. Elle avait mis des lunettes noires.

--Ils m’avaient fait boire du Cognac, explique-t-elle et j’avais ce jour-là autant peur des Allemands que la ville j’avais peur de MATEL.

Elle assure que ce n’est pas elle qi a mené les Allemands à la ferme dont elle déclare n’avoir pas connue l’existence. Ce sont eu, dit-elle, qui l’ont conduite à cet endroit.

--Je suis innocente de la dénonciation des LE ROUX.

Elle précise qu’elle n’a pas, comme on le lui reproche procédé elle-même à un interrogatoire. Elle prétend avoir seulement répété les questions posées et être restée pendant la perquisition sur le seuil de la porte.

Le Président –Vous avez dans cette double mort une incontestable responsabilité morale : votre part de responsabilité est écrasante, car c’est à cause de votre intervention que ces deux jeunes gens ont subi leur sort tragique. S’il y a eu cet enchainement d’évènements, c’est que vous aviez peur. Si vous aviez peur il fallait partir. »

--Je n’avais dénoncé personne, je n’avais donc pas à partir.

D—On vous soupçonnait d’être une indicatrice.

R—Il n’y a aucune preuve. Je suis innocente.

L’interrogatoire, qui a duré trois heures et demie se termine sur l’évocation de l’arrestation de l’accusée à Paris. L’audience est suspendue. Tenant compte des avertissements du Président, l’auditoire très dense n’a cessé de demeurer calme et digne. Il fera preuve du même sang-froid pendant les dépositions.

Pendant deux heures les témoins vont se succéder à la barre.

Le lieutenant Michel LE BOUCHER, 39 ans de la sécurité militaire, ayant découvert la retraite à Charenton de l’accusée, a obtenu l’autorisation d’aller l’arrêter. Il la ramena à Vannes. Elle lui a dit-il, offert près de 100.000 Frs pour qu’il la laisse libre.

--Je n’ai jamais proposé d’argent, répond la femme LAFOURNIERE.

M. Jean LAIGO, 38 ans, rédacteur au CCRB dit qu’ayant entendu dire par un cheminot que la patronne de «La Belote”était dénonciatrice, il l’a lui-même signalée à MATEL qui recherchait le propriétaire d’un mouchoir e dentelle. Il ne peut dire le nom du cheminot.

Voisine du café de « La Belote », Mme PREJEAN, née Parisot, a vu l’accusée dans une auto allemande, mais n’a jamais entendu dire qu’elle avait dénoncé des patriotes.

C’est au milieu de l’attention générale que Robert MATEL, 27 ans, poseur de voies, s’avance vers la cour. Il parle lentement. La blessure qu’il s’est faite à la gorge pour échapper aux Allemands, le jour de la fusillade de la rue du Mené le gêne. Mais il ne semble pas y avoir que cette gêne physique. S’il donne des détails précis sur le combat des rues de vannes au cours duquel il déclare avoir tué plusieurs Allemands et en avoir blessé un aussi grand nombre, il est d’une extrême discrétion sur la façon dont il persuada l’accusée de l’accompagner au bois de Kerluherne et sur les choses hors du sujet qui s’y passèrent.

C’est le 29 juillet alors qu’il faisait l’enquête sur la provenance du mouchoir de dentelle que le témoin LEGO l’a orienté vers le café de «La Belote”où il est allé à onze heures puis à midi pour rencontrer la patronne.

--Elle disait qu’elle n’était pas une dénonciatrice. Nous autres on ne peut rien faire sans ordre.*C’est pourquoi il tenait à voir le lieutenant LE FLOCH qu’il ne trouva pas.

D—Vous ne lui avez pas dit que vous vouliez la descendre ?

R—Non, il m’était impossible de le dire à ce moment. En face du café il y avait un train en gare.

Au banc de la défense Mes Bourdon et Droalen s’étonnent que les choses se soient passées si facilement. On parle de la pochette de dentelle.

--Cette pochette avait été portée par une dénonciatrice de patriotes que nous voulions identifier.

Il a laissé l’accusée au café de la Rabine pour aller voir si le lieutenant LE FLOCH en présence de qui il voulait la xxxxxx  était au café des Colonies.

De quoi a-t-il été question dans le bois ? De somme offerte, d’après le témoin qui ajoute que, quand le couple passe, le coup de feu partit seul.

D—Vous n’avez pas menacé la femme LE YONDRE de votre mitraillette.

R—Je l’avais sur le dos. Je lui ai dit que je n’avais pas l’ordre de la descendre. Et le témoin MATEL confirme que ce qu’il savait sur la femme LAFOURNIERE il le tenait seulement du témoin LEGO.

Il faut bien en venir à la bagatelle. Elle me l’a proposée elle-même, explique le jeune caporal-chef.

Pourquoi est-il retourné le soir même à «La Belote”? « C’était un peu risqué » constate le Président. Quand il a vu l’accusée s’éclipser il a lui-même dit à ses camarades : « ça sent mauvais ».

La défense veut connaître le casier judiciaire du témoin.

On apprend qu’il a deux minimes condamnations et qu’actuellement il est détenu en vertu d’un extrait de jugement du tribunal de Nantes le condamnant à 13 mois de prison pour avoir acheté 900 Fr un vélo volé.

Le Président oppose à cette ombre les cinq balles dont a été atteint le témoin, les tortures qu’il a subies et la condamnation à mort à laquelle il n’a échappé que par le départ précipité des Allemands.

Après Mme RUAULT du café de la Madeleine et son fils qui furent maltraités par les feldgendarmes, on entend le jeune Marcel OUDAGE qui, consommant à «La Belote”et ayant devant les Allemands traité la patronne de « viande à Boches » fut avec deux camarades signalés par celle-ci à une patrouille allemande, alors qu’il était réfractaires et maquisards. Ils furent tirés d’embarras par leur employeur.

Mme LE ROUX et son fils, qui raconte la scène de Kerluherne et leur  arrestation montrent l’accusée travaillant à l’enquête en collaboration avec les Allemands.

La femme LAFOURNIERE nie en bloc la sincérité de tous les témoignages ce qui ne semble pas servir sa cause.

L’audience est levée à 20H15.

Repris à 11H cet après-midi les débats sont consacrés au réquisitoire et aux plaidoiries. L’arrêt semble devoir être rendu en fin d’après-midi.
1945 Presse Le Yondre

EPILOGUE : L'article de presse ci-dessus, reproduit pour en faciliter la lecture, indique de Léontine LE YONDRE fut condamnée à l'issue du procès à mort et à être fusillée. Ses biens devaient lui être confisqués au profit de l'Etat. Elle est incarcérée à la prison de Rennes. Elle se pouvoit en cassation el 10 mars 1945.

LE YONDRE prison

Cependant, le Général De Gaulle la gracie par décret du 24 mars 1945 et sa peine de mort est communée en une peine pour travaux forcés en peprpétuité.

1947 Peine perpetuite travaux

Léontine Eugénie Joséphine LE YONDRE bénéficie d'une grâce le 25/4/1951 et ses biens confisqués lui furent restitués. Elle quite la Bretagne?

1951 LE YONDRE grâce

Léontine LE YONDRE née à Vannes le 4/11/1915, divorcée de Lucien LAFOURNIERE, se remariera en 1965 à Ormes (71). Sa dernière adresse connue était à Revigny (Jura). Elle décède à l'hôpital 2 rue Regard de Lons Le Saulnier (39)  le 13 décembre 1977.

 

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