Camille Rollando, dans son livre intitulé "Séné d'Hier et d'Aujourd'hui", nous donne une liste des recteurs de Séné. Pour la période révolutionnaire, on lit que Guillaume Jallay, recteur à Séné de 1750 à 1789, décédé le 14 décembre 1789 à Séné, ne connut que très peu les soubresseaux de la Révolution.
Son successeur, Pierre Coléno, natif de Billiers, fut nommé le 17 décembre 1789. Rollando nous dit "qu'il disparut en septembre 1792 [à éclairicir]. Maintenu à la tête de sa paroisse après le Concordat, il prêta serment entre les mains du préfet le 15 octobre 1802. Il mourut en 1822."
Cependant, la liste des recteurs ne tient pas compte des autres éclésiastiques en poste à Séné. Ainsi les registres paroissiaux nous montrent la signature de Le Bail, de Le Tual et d'un certain Le Toullec, curé ou prêtre à Séné.
Dans son ouvrage, "Les prêtres du Morbihan victimes de la Révolution (1792-1802)" le chamoine LE FALHER (J.) rédige en 1921, une biographie des 24 guillotinés, des 18 déportés et des 21 prêtres assassinés, accompagnée de documents officiels. Le chanoine Le Falher fut l'auteur d'études majeures sur la chouannerie dans le Morbihan, de monographies chouannes et aventures de guerre civile.
Dans cet ouvrage numérisé sur Internet, on peut à l'aide du mot clef "Séné" retrouver deux biographies de prêtres martyrisés, victimes de la Terreur révolutionnaire, en lien avec notre commune Séné.
Vincent BENOIT, vicaire de Sulniac [17/02/1745-30/08/1794] et curé à Séné en 1772-75.
Louis LE TOULLEC, vicaire à Séné [7/04/1762 - 2/06/1794]
avec pour autre point commun, d'être mort en déportation à Rochefort dans les geôles révolutionnaires.
Avant de dresser leur portrait et leur destin tragique, on mentionnera le sort de Michel EVENO. D'après l'ouvrage publié en 1989, à l'occasion du Bicentenaire de la Révolution, sous la driection d'André MOISAN, abbé et conservateur de la Bibliothèque des Archives Diocésaines, à l'Eveché de Vannes, intitulé EGLISE ET REVOLUTION dans le Morbihan, on apprend que Michel EVENO natif de Séné, mourut en exil.
Michel Eveno nait le 8 avril 1752 à Kernipitur en Séné fils de Julien et Marie La Chaussée. Il est tonsuré en 1778 et devient titulaire la même année de la chapellenie de l’Isle en Noyalo. Il est sous-diacre et âgé de 40 ans quand il déclare, à la citadelle de Port-Louis, le 9 septembre 1792 qu’il veut se déporter dans la partie septentrionale de l’Espagne. Le 18 septembre il sort de Port-Louis, il est embarqué avec 26 autres prêtres sur la goélette La Flèche, capitaine Joseph Petit en baie de Cardelan en Baden est signalé après juin 1797. Il serait mort en exil.
Vincent BENOIT, vicaire de Sulniac [17/02/1745-30/08/1794]
L'abbé Vincent BENOIST est né le 17 février 1745 au village de Cariel en Séné, fils de Joseph, capitaine de barque, et de Nicolle Rolland comme nous le confirme son extrait de naissance. La fratrie comptera 9 frères et soeurs installés à Cariel.
Le jeune Vincent BENOIT fut ordonné sous-diacre à Notre-Dame du Mené le 22 septembre 1770, diacre le 16 mars 1771, il est ordonné prêtre le 21 septembre 1771 par Monseigneur Charles-Jean de Bertin. Il devient vicaire chargé de la frairie Sainte-Marguerite de Sulniac.
Chapelle Sainte Marguerite à Sulniac
Quelques actes civils sur les registres témoignent de son affectation à Séné entre 1772-1775. Pendant la période révolutionnaire, il fut détenu à la Retraite des femmes à Vannes en octobre 1782?, puis arrêté le 11 octobre 1793 comme insermenté :
"Nous avons saisi chez lui un prêtre caché dans le grenier, et revêtu de son costume; nous l'avons jugé de bonne prise ainsi que sa chambrière, qu'il nous a dit être sa sœur; après d'autres perquisitions chez lui, nous y avons apposé les scellés", dit le rapport du citoyen Bosquet.
On comprend, que sa soeur, l'a suivi dans sa vie d'écllésiastique, comme il arrivait souvent au sein des familles nombreuses.
Ecroué de nouveau à la Retraite des femmes de Vannes, il est du nombre des dix-sept prêtres embarqués à Vannes sur "Le Patriote" le 3 mars 1794.
Arrivé à Rochefort le 26 mars il est transféré dans une des prisons-pontons, des bateaux désaffectés, dont on avait retiré mats et voiles, et qui servaient de prison flottantes.
D'abord sur "La Nourrice", puis transféré sur "Les Deux Associés", un ancien vaisseau négrier.
"Ces hommes étaient rayés du livre de la République, on m'avait dit de les faire mourir sans bruit..." Capitaine Laly, du ponton les Deux Associés.
Trois pontons ancrés en rade de Rochefort servent également à emprisonner et faire disparaître 829 prêtres réfractaires pendant la période de la Terreur, durant la Révolution française. Initialement prévus pour déporter les internés vers les bagnes de Guyane, ces pontons sont finalement restés ancrés devant l'île d'Aix à partir du printemps 1794.
Les trois pontons avaient pour noms : Washington, Deux-Associés et Bonhomme Richard. 64 prêtres martyrs ont été béatifiés par Jean-Paul II en octobre 1995 et sont célébrés à différentes dates par l'Église catholique romaine, sous le vocable générique de martyrs des pontons de Rochefort.
Les pontons :
Le commandement des navires fût assuré par Laly pour les Deux-Associés et Gibert pour le Washington. Ils appliquèrent avec leurs équipages, les consignes de sévérité avec rigueur, les aggravant même parfois : pas de prière, injures, menaces, brimades physiques, nourriture infecte, pas de conversation. Mais les prisonniers continueront dans le secret une activité religieuse.
Les décès dus aux conditions de détention s'accélèrent, le scorbut, le typhus font des ravages. L'épidémie est telle qu'enfin les prisonniers valides sont transférés sur un troisième navire, l'Indien, tandis que les plus malades sont débarqués sur l'île citoyenne (l'île Madame) où beaucoup périront. L'automne 1794 est particulièrement rude, et en novembre, le vent renverse les tentes de fortune de l'hôpital installé sur l'île, les survivants sont alors à nouveau embarqués sur les navires. Les conditions matérielles de détention s'améliorent quelque peu tandis que la neige et le gel s'installent.
Vincent BENOIT meurt le 30 août, il est âgé de 50 ans et fut inhumé dans l'île Madame. Bien que martyrisé par les "Révolutionnaires", ilne figure pas dans la liste des béatifiés.
Louis LE TOULLEC, vicaire à Séné [7/04/1762 - 2/06/1794]
Sources. — Archives départementales, L. 1571, 1544, 862, 266,
Texte orginel avec quelques rajouts et illustrations.
Louis LE TOULLEC naquit à Quiberon au village de Kerdavy, le 9 avril 1762, d'Olivier Le Toullec et de Renée Le Boulair.
Il fut ordonné prêtres Vannes en 1790 par l'évêque Sébastien-Michel Amelot de Chaillou et immédiatement nommé vicaire de Séné. Hélas ce ne fut pas pour de bien longues années, car, l'orage révolutionnaire soufflant, M. LE TOULLEC crut meilleur de fuir devant lui.
Les registres de Séné montrent en date du 15 août 1792, le dernier acte signé de la main de Louis LE TOULLEC.
Le 30 août le recteur Coléno signe son dernier acte paroissial. Ces derniers échoient désormais au premier maire de Séné, Marc Besnoit. (Lire Histoire des maires de Séné).
Le 22 septembre 1792, il prit donc à Quiberon son passeport pour l'Espagne (2) et cinq jours après le 27, s'y embarqua sur le chasse-marée la Sainte-Anne. Mais Dieu ne voulait pas de l’exil pour M. LE TOULLEC, il lui réservait un autre sacrifice ; les vents contraires ne cessant pas, force fut en effet au jeune prêtre de renoncer à son voyage, de reprendre terre et pour éviter les vexations, de se cacher dans son pays (3).
Pendant un an il y fit le bien, d'une main un peu rude, si l'on en croit la tradition, ce qui n'empêcha d'ailleurs ni l'estime ni même la vénération de l'entourer comme d'un voile qui le dérobait à ses ennemis.
(1) Registres de l'état-civil de Quiberon,
(2) Arch. dépt,, L. 1571, Extrait des registres de la municipalité de Quiberon.
(3) Arch. dépt., L. 1571. Extrait des registres de la municipalité de Quiberon, O, M. I. ) *
Pourtant il devait succomber.
Une nuit, celle du 7 au 8 novembre 1793, comme il traversait la campagne, un fanal à la main [fanal = Feu ou lanterne placé(e) en un endroit élevé pour servir de repère ou de signal dans la nuit],, pour annoncer sans doute à ses pieux prosélytes quelque réunion religieuse, il tomba dans une patrouille bleue [Garde Nationale en uniforme bleue] qui ne manqua pas de s'en emparer. La scène se passa tout près du village de Keraud (l).
On jeta M. LE TOULLEC aux prisons d'Auray, puis à celles de Lorient, et, le 4 décembre, il comparut devant le Tribunal criminel séant en cette ville (2).
Chose curieuse, ce sanhédrin de guillotine et de sang se donnait la coquetterie de la légalité, et, quoiqu'il décidât, prenait soin, presque toujours, de s'appuyer sur des interprétations officielles de la loi.
D'abord il reconnut que M. LE TOULLEC n'avait prêté aucun serment et que dès lors il était manifestement atteint par la loi du 26 août 92. Seulement une difficulté surgissait pour son application, car elle venait d'être horriblement expliquée par la loi du 30 vendémiaire (21 octobre) qui condamnait, il est vrai, tous les insermentés à la peine de mort, mais dont l'article 14 portait : que l'ecclésiastique dans ce cas avait dix jours, après la publication ile la loi dans son département, pour se présenter devant les Administrations et demander qu'on le déporte. Or M. LE TOULLEC avait été arrêté le 8 novembre ; c'était bien près du 21 octobre, et partant ne convenait-il pas de demander au Département quel jour la loi avait été publiée à Vannes? Le Tribunal s'arrêta à cette solution et remit M. LE TOULLEC sous les verrous jusqu'à plus ample informé. Vannes consulté notifia que la loi du 21 octobre n'avait été promulguée que le 29 et alors le Tribunal, constatant que l'accusé n'avait pas eu dix jours pleins pour satisfaire à la loi, décida qu'il n'était point passible de mort, mais de déportation, 31 décembre 93 (1).
Jl) Arch. dép. L. 1571, Registre d'écrou de la prison d'Auray (Extrait).
(2) Arch. dépt., L. 1544. Sentence du Tribunal criminel da 14 frimaire lI.renvoyant l'affaire LeToullec jusqu'à plus ample înformé.
A la suite de cet arrêt, M. LE TOULLEC fut mis à la disposition du Département, qui, le 19 mars 1794, l'expédia à Rochefort par la Roche- Sauveur et Nantes (2). Nous savons, grâce au récit d'un confrère échappé aux horreurs des pontons, que, dans cette dernière ville, M. LE TOULLEC rencontra un convoi de prêtres Briochins, comme lui condamnés et auxquels il fut adjoint (3). Il ne devait plus s'en séparer. Car, avec eux, parvenu en rade d'Aix sur le Sphinx, il y tomba malade.
On le soigna avec humanité, affirme le confrère que je continue de citer; les chirurgiens du bord, fait digne de remarque, le traitèrent comme il convenait ; mais Dieu l'ayant trouvé mûr pour le ciel, l'appela à Lui dans sa miséricorde. M. LE TOULLEC mourut le 2 juin 1794. « Ses confrères lui creusèrent eux-mêmes son tombeau ; leurs mains le « descendirent dans la fosse. C'était la première fois « qu'ils mettaient les pieds sur cette île d'Aix qui « déposera à jamais contre les atrocités » qu'ils endurèrent. M. LE TOULLEC avait 32 ans.
En liberté dans notre District. Je m'empresse de vous informer que ce jour j'ai fait incarcérer le nommé Le Toullec, prêtre, qui nous a été conduit par une garde de Quiberon.
Il y a été saisi dans un champ pendant la nuit un fanal à la main. Sans doute ce fanatique cherchait ses prosélytes.
Mais heureusement il n'a rencontré que des sans-culottes qui s'en sont emparé. Je l'ai chargé sur le registre d'écrou des prisons de cette ville, en attendant que vous nous disiez ce qu'il faut en faire;
Arrestation de M. Le Toullec.
(Lettre du Procureur Syndic du district d'Auray au citoyen Procureur-général syndic du département du Morbihan).
Auray, 1 8 brumaire ILCitoyen, nous avons un contre-révolutionnaire de moins
(1) Arch. dépt. L. 1544. Sentence du Tribunal criminel du 11 nivôse u, condamnant M. Le Toullec à la déportation.
(2) Arch. dépt,, L. 862. Deux pièces.
(3) Bulletin de la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord tome XLIX. 1911. Art. signé Le Masson.
Bibliographie :