Récits de Marins
- MAHE chez la Reine de Nosy Bé, 1841
- LE FRANC, le rescapé, fonde Nouméa 1854
- NOBLANC perd la vie au cap Levi 1863
- MORIO écourte son tour du monde 1870
- HERVE, malgré le courage des sauveteurs de Roscoff,1889
- MALRY, englouti avec la Framée, 1900
- CLOAREC, naufragé à Ouessant, 1902
- TREHONDART, nickel contre glace, 1903
- LE DORIOL et la catastrophe du IENA 1907
- Marins charbonniers, PIERRE, 1912, JEAN, 1916
- LE FRANC naufragé avec L'Afrique 1920
- DANET sauve les réfugiés à Smyrne,1922
- ROLLAND, morutier péri au Groenland, 1931
- COCART, coulé par une mine Républicaine, 1939
- LE FRANC périt sur le Samouraï, 1962
- LE BOURVELEC et LE VEUT et l'incendie du PORT MANECH, 1965
Récits de Marins
MAHE chez la Reine de Nosy Bé, 1841
Le site GenWeb répertorie des nécropoles, des cimétières militaires, des monuments aux morts et parvient à rassembler des millions de noms de soldats qui perdirent la vie dans des guerres, des batailles ou des conflits.
En sélectionnant, le conflit à Madagascar et en restreignant la recherche aux seuls des ressortissants du département du Morbihan, on tombe sur une liste réduite de fiches, qu'avec un peu de patience, il est possible d'ouvrir une à une et de consulter.
Un nom breton attire l'attention de l'historien local : MAHE. Bingo ! Il est bien Breton et natif de Séné !
Qui est donc Jean Pierre MAHE, et que fait-il en 1841 à Madagascar?
La fiche GenWeb donne sa date de naissance, le 13/09/1817 à Séné et la date de son décès le 3/05/1841, visiblement en mer, alors qu'il est embarqué sur la corvette de transport, La Dordogne, navire de la flotte, non du Second Empire [1852 - 1870] mais de la Monarchie de Juillet, du Roi Louis Philippe [1830-1848]
Jean Pierre MAHE est un marin Siangot qui comme tant d'autres a navigué dans des mers lointaines, loin du rivage du Golde du Morbihan.
Son acte de naissance consultable sur le site des Archives du Morbihan, nous indique que son père, Sylvestre, était journalier au bourg de Séné et sa mère Julienne BEUVIT, ménagère.
Jean Pierre MAHE est mort en mer alors qu'il est sur le Dordogne. On pressent une mort par maladie, le corps jeté à la mer au large de Madagascar.
La recherche débute avec comme indices; le nom du bateau, le Dordogne, une date, 1841, une zone géoragraphique, Madagascar. De fil en aiguille, en "surfant" sur Internet, on finit par accumuler des extraits de livres, des informations diverses sur le Dordogne pour enfin tomber sur un article complet..
Certes, le chercheur amateur aime à débusquer la pièce, le document que personne n'a encore trouvé. Mais parfois, il vaut mieux s'incliner et laisser la place à des professeurs qui avec patience et plus de talent, ont déjà fait des recherches et rédigé une histoire.
Tamin KARIMBAHY, connait bien l'histoire de Nosy-Bé. Il a écrit dans la Collection Plumes au bout des doigst, un livre intitulé Nosy-Bé, Âme malgache, Coeur français.
Cet extrait, publié en nov-2013, présenté ici légèrement écourté et enrichie de quelques cartes et photographies, va nous éclairer sur le voyage de Jean Pierre MAHE.
Histoire : Annexion de l'île de Nosy-Bé à Madagascar et le lien avec l'Histoire de La Réunion. Clin d'oeil à l'Amiral de Hell et à la Reine Sakalava Tsiomékou.
C’est vrai que lorsque l’on lit les manuels scolaires, les encyclopédies anciennes ou récentes, les anecdotes sur l’annexion de l’île de Nosy-Bé en 1841 sous la Monarchie de Juillet, n’apparaît nulle part ou presque (le sujet n’est parfois qu’effleuré, même par les grands spécialistes de l’histoire coloniale.
La cession et l’annexion de l’île de Nosybé qui devient française, sous la Monarchie de Juillet du roi des Français, Louis Philippe 1er, est une histoire très peu connue et inexistante dans les écrits sur l’histoire coloniale…(1837-1841)
Historiquement parlant, l’île de Nosybé a connu une histoire assez mouvementée. D’une manière panoramique, trois phases peuvent être discernées au niveau de l’évolution chronologique de cette île :
-d’abord, une période de cessions et de prise de possession par la France, qui va de 1841 à 1896,
- puis une période d’annexion et de rattachement, qui va de 1896 à 1960, pendant laquelle Nosy-Bé est intégrée à Madagascar, alors Colonie française,
- et enfin, une troisième période, qui va du 26 juin 1960 à nos jours (2009), qu’on peut appeler « l’après décolonisation ».
Les roitelets locaux (Mpanjakas) et les reines se succédèrent à Nosy-Bé comme dans les autres villages aux XVIIIème et XIXème siècles, voire tout au long du XXème siècle.
Ces roitelets étaient d’ailleurs aussi des chefs de villages, des chefs de clans et des valeureux guerriers. La société entière leurs devait le respect. Cela ressemblait fortement à la société féodo-vassalique tant connue en Occident au Moyen Age ! Le roitelet existe encore aujourd’hui, dans les villages malgaches. Celui de Nosy-Bé s’appelle aujourd’hui, Amada Andriantsoly. Le pouvoir des roitelets est héréditaire et trouve sa légitimité dans le lien de sang, de filiation. Le pouvoir et le protocole se transmettent de père en fils.
Le roitelet a un pouvoir davantage spirituel et symbolique que réel et temporel. Il est consulté lors des grandes décisions pour la sagesse de ses conseils. Il est aussi un guérisseur à sa manière. Il joue encore, en cas de conflit ou de guerre civile ou interethnique, un rôle de médiateur et de négociateur. Il a aujourd’hui un rôle plutôt pacifique. Il recommande généralement la tolérance, la solidarité et le pardon. A Nosy-Bé, les roitelets habitaient tous dans une forteresse dont la vue surplombait la baie. De là-haut, le souverain et sa famille pouvaient regarder les arrivées et les départs des boutres. Dans le quartier d’Andavakotoko, les vestiges de cette maison royale en ruine, existent encore. A l’époque, les reines et les roitelets étaient des chefs de guerre et commandaient les clans et les tribus.
Par ailleurs, vers 1836, à Nosy-Bé, la jeune reine (du terme malgache, Mpanjaka) Tsioméko, qui avait été élue la reine des Sakalavas, originaire du village malgache de Vohémar, en 1836, alors âgée de huit ans, s’était réfugiée depuis 1837 avec ses ministres, ses conseillers et ses sujets sakalavas, à Nosy-Bé, pour s’y mettre à l’abri des pressions, et des attaques des Mérinas des Hauts plateaux, envers lesquels elle refusait de faire acte de vassalité.
Binao, Reine Sakalava Bemihisatra, descendante de la Reine Tsiomeko, vers 1895
En 1837, Tsioméko se tourne vers le sultan de Zanzibar et l’imam de Mascate, Seyid-Saïd, pour lui demander de l’aide militaire. Ce dernier voyait surtout en réalité, une œuvre d’islamisation à accomplir. En échange d’un droit de suzeraineté, il s’était aussi engagé à chasser les Mérinas du Nord-ouest.
Malheureusement, les secours que Tsioméko avait demandés à Seyid-Saïd ne reçurent qu’une satisfaction temporaire, et avaient consisté plus en paroles qu’en opérations.
Il est à noter que cette différence, et je dirais même, cette divergence culturelle et politique, entre d’un côté, les populations côtières descendantes des clans et des tribus africaines, et la population des hauts plateaux, qui elle serait la descendante des Indonésiens et des Malaysiens, date d’avant la colonisation française. C’est aussi cette divergence entre ceux qu’on appelle couramment les « Côtiers » et ceux qu’on appelle « les Hauts plateaux » qui expliquerait aussi, mais pas exclusivement, les instabilités politiques dont est souvent victime la Grande île de Madagascar, et… dans la foulée,…la petite île de Nosy-Bé.
Anne Chrétien Louis de Hell [1783-1864]
A la même époque, et plus précisément à La Réunion, le Contre Amiral de Hell, d’origine alsacienne, avait été promu Gouverneur de l’île. Il était arrivé le 5 mai 1838 à La Réunion, et remplaçait le Gouverneur Cuvillier. En octobre 1841, il fut remplacé par le Gouverneur Bazoche. Pour la petite précision, nous sommes en France sous la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe 1er, Roi des Français depuis 1830. Cette monarchie de Juillet va prendre fin en 1848. L’Amiral de Hell donnera son nom à deux villes : Hell-Bourg à Salazie (île de La Réunion) fondée en 1841, tant connue des Réunionnais et… une autre, peut-être un peu moins connue…….Hell-Ville, sur l’île de Nosy-Bé ! Cette anecdote historique est vraiment captivante, pour tous ceux qui veulent comprendre l’Histoire complète de l’océan Indien, sans se focaliser uniquement sur l’île de La Réunion.
Pour l’Amiral de Hell, une nouvelle exploration des côtes malgaches, restait à réaliser, complétée par des prises de contacts avec les populations du littoral, et en particulier de la côte occidentale.
Il dépêcha alors le Capitaine d’infanterie de marine, Passot, aide de camp du gouverneur. Passot parti le 9 juillet 1839 sur le brick le Colibri, pour remplir cette mission de recherches. Il fut accompagné par le missionnaire Dalmond. Ce dernier, qui avait beaucoup voyagé, surtout vers l’île de Sainte-Marie (à l’Est de Madagascar, voir carte ci-dessus), avait comme préoccupation essentielle, l’évangélisation, car il connaissait bien le pays et le dialecte local.
Le Capitaine Passot, accompagné de l’abbé Dalmond, a jeté l’ancre devant Nosy-Bé, le 29 septembre 1839. Ils reçurent les doléances de la jeune reine Tsioméko, de ses ministres Boba et Mangala, et des chefs sakalavas.
Ces derniers étaient tourmentés par les Arabes prosélytiques de Seyid-Saïd, et les Mérinas de Tananarive, pouvaient quant à eux, d’un moment à l’autre, attaquer Nosy-Bé, qui ne constituait en soi, qu’un refuge précaire. Tsioméko adressa donc une demande de protection opportune aux Français. Cette demande alléchante remplissait entièrement les vues du gouverneur de La Réunion. Depuis l’échec de Fort Dauphin en 1642( port au sud-est de Madagascar, aujourd'hui Tolanaro) et les tentatives avortées du Comte de Maudave au XVIIIème siècle, la France cherchait évidemment une porte d’entrée solide et fluide vers Madagascar, pour redonner vie à toute l’idéologie coloniale définie depuis des lustres, par Richelieu, puis Louis XIV.
En effet, Nosy-Bé parut présenter aux Français un intérêt tout particulier. D’une part, à cause de sa position insulaire en plein canal du Mozambique, qui la mettait à l’abri d’une attaque anglaise par surprise, et d’autre part, Nosy-Bé pourrait servir dans « l’avenir de base de départ éventuelle, si la France manifestait de nouveau l’intention de faire valoir ses anciens droits sur Madagascar ». Le Capitaine Passot revient à La Réunion, à la fin de l’année 1839. Il rend compte à l’Amiral de Hell, des résultats favorables de sa mission. Il retourna à Nosy-Bé, le 13 avril 1840, sur la corvette La Prévoyante, avec les instructions du gouverneur, en vue de dresser avec les chefs locaux, un acte de cession de leur île à la France.
Le 14 juillet 1840, la reine Tsioméko et ses chefs de clans sakalavas, signaient en échange d’une protection de Nosy-Bé par la France contre les incursions mérinas, un acte de cession « au roi des Français, Louis-Philippe, des îles de Nossi-Bé et (sic) Nossi-Komba (sic)» et leurs droits sur la côte ouest de Madagascar.
La capitale de l’île de Nosy-Bé a pris alors le nom de Hell-Ville.
C’est ainsi que par arrêté du 13 février 1841, et en accord avec le Ministre de la Marine et des Colonies, que Monsieur de Hell, organisa et prononça la prise de possession de l’île de Nosy-Bé. La prise de possession sur le terrain eut lieu le 5 mars 1841. « Elle fut faite en grande cérémonie. La députation française comprenait MM. Jehenne, capitaine de corvette commandant la gabare Prévoyante, président, Gouhot, capitaine d’artillerie de marine, et Passot, assistés de M. Noël, consul de France à Zanzibar, servant d’interprète, et Rébat, commis d’administration remplissant les fonctions de secrétaire.
Etait également présent le lieutenant de vaisseau Guillain qui commandait la corvette la Dordogne » , et ajoute cet auteur : « en fait, on sentait que cette prise de possession devait être le plus possible justifiée, et qu’elle pouvait l’être non seulement par les cessions des chefs territoriaux, mais aussi par l’exercice du droit qui était né dès 1635, quand notre pavillon fut arboré pour la première fois à Madagascar ».
La corvette La Dordogne
L’île se trouva alors pourvue d’un commandant, chargé des fonctions d’administrateur. Il était assisté d’un lieutenant d’infanterie de marine commandant la place, d’un médecin, d’un officier de marine, commandant du port. La garnison comprenait soixante hommes, plus six matelots. Cette anecdote de l’annexion de Nosy-Bé par la France, ne figure pratiquement dans aucun livre, ni encyclopédie et reste inconnue du grand public.
L’étude des toponymes est très intéressante sur Nosy-Bé. Les noms des rues (ex. rue principale du Général de Gaulle, rue du Père Raimbault, Rue Lamy, Boulevard de l’Indépendance, rue du Docteur Mauclair, rue Cours de Hell, rue Albert 1er), les noms des écoles (ex. Ecole Lamartine) mais aussi les canons sur le littoral, la prison, le dispensaire, les maisons au style colonial, rappellent aussi et encore la France.
Passot va immortaliser son nom, lui aussi, sur Nosy-Bé.
En effet, à une vingtaine de kilomètres du grand village d’Ambatoloaka, on peut atteindre le point culminant de l’île (330m). Un point culminant d’où on peut observer un superbe coucher du soleil et l’admirer la nuit tombée. Et au loin, vraiment au loin, on peut voir aussi scintiller les lumières de Mayotte ! Ce point culminant où on peut admirer le coucher du soleil surtout en hiver austral, et également des plantations de teck et de sisal, s’appelle le Mont Passot, du nom du fameux Capitaine ! On peut de la même manière découvrir, sept lacs de cratère, la côte ouest de l’île et même l’île de Nosy-Sakatia. Ces lacs sont considérés comme étant sacrés par les Malgaches, qui viennent pour leurs cérémonies religieuses. Il est interdit d’y faire ses besoins et d’y jeter des choses. Ils sont, par ailleurs, remplis de crocodiles et de choses mystérieuses que les Malgaches croyants appellent Bibis...
Mont Passot : plateforme avec vue sur la Canal du Mozambique
Le 4 mai 1888, Nosy-Bé fut séparée de Mayotte, et rattachée du point de vue administratif à Diégo-Suarez (Nord Ouest de Madagascar) , où fut installé un gouverneur. Pendant tout ce temps, les droits de la France sur la côte nord-ouest de Madagascar étaient discutés par les Mérinas. En 1889, ces derniers occupèrent officiellement les îles Nosy-Faly et Nosy-Mitsio. Les premières évacuations d’Européens commencèrent en novembre 1894. « Les colons et commerçants d’Ankify et du Sambirano sont repliés sur Nossi-Komba (sic); les Indiens viennent se réfugier à Nossi-Bé. De leur côté, les Mérinas se fortifient ».
Les menaces se précisent. Petit à petit, les Français attaquent et occupent Tamatave et Majunga. Le 30 septembre 1895, Tananarive est prise par les Français. (Lire article sur les rapatrié de Madagascar). Cette nouvelle arrive le 22 octobre 1895 à Hell-Ville. « Ce brillant fait d’armes, écrit l’administrateur principal au ministre, a produit dans toute la région une émotion intense, les Hovas ayant répété que les Français n’atteindraient jamais leur capitale ».
La pacification de Madagascar est alors terminée. Le calme revient à Nosy-Bé. Le 3 novembre 1895, le poste de défense devenu inutile, est évacué. Le 10 décembre 1895, Nosy-Komba est aussi évacuée. Pour la petite histoire, cette île s’appelle ainsi à cause de la présence d’une communauté de lémuriens dont le mâle est noir et la femelle est rousse.
A partir de 1896, « l’histoire de Nossi-Bé, se confond avec celle de l’île de Madagascar. Le décret du 28 janvier 1896 rattache l’établissement à Madagascar. »
Le 28 juillet 1885, dix ans après l’Amendement Wallon et les lois constitutionnelles de 1875 qui légitimaient la IIIème République, Jules Ferry relançait la conquête du Tonkin et de Madagascar. Luttant contre un certain Georges Clemenceau - fervent défenseur des deux filles de la France « l’Alsace et la Lorraine » et voulant faire de la récupération de ces deux régions une priorité nationale - Jules Ferry réussit à donner vie à l’idéologie coloniale et à faire renaître le rêve de la conquête de Madagascar.
En 1885, un traité de paix établit le protectorat de la France sur Madagascar et lui concéda Diégo-Suarez. Le premier Résident Général de France, Le Myre de Villiers s’installa en 1886 à Tananarive. Bien que les Malgaches aient signé à contrecœur, les conflits s’accumulent en 1894, et le Résident Larrouy avait dû quitter Tananarive. Le projet d’une expédition militaire fut alors envisagé. L’administrateur Laroche ne parvenant pas à réduire les soulèvements dans les provinces, le Général Gallieni a été choisi pour prendre en main la Colonie de 1896 à 1905.
Article culturel et géopolitique rédigé par Tamim KARIMBHAY professeur, historien et romancier auteur d'une monographie culturelle et historique d’un espace culturel et touristique insulaire dans l’océan Indien et le canal du Mozambique : Nosy-Bé : Âme malgache, Coeur français et du roman autobiographique et géopolitique : un hypertexte polyvalent et visionnaire : Année 2043 : Autopsie D’une Mémoire à contre courant.
AINSI, on comprend que Jean Pierre MAHE arrive à Nosy Bé sur la corvette La Dordogne du capitaine de vaisseau Guillain. Après avoir quitté NosyBé pour l'île Bourbon (la Réunion), une épidémie de dysenterie sévit sur la Dordogne. Plusieurs marins sont jetés à la mer comme le marin Tréguer François René.
Tout porte à croire que Jean Pierre MAHE, dont le corps est jeté à la mer est mégalement mort de dysenterie typhoïde.
Aujourd'hui, l'île de NosyBé est une destination touristique qui abrite des vestiges de la présence française qui date de 1841.
Pour en savoir plus : http://agir.avec.madagascar.over-blog.com/2016/01/nosy-be-c-etait-hier.html
Vue d'une palge de rêves à Nosybé
Edifice colonial à Hellville et ancien phare.
Maison de style colonial Hellville
LE FRANC, le rescapé, fonde Nouméa 1854
Comme aime à le rappeller Jean@Richard, les marins sinagots ont été de toutes les aventures, de tous les voyages sur tous les continents...
Le temps efface les mémoires, peu d'archives subistent de leur périple. Parfois, une mort dans des ciconstances particulières loin des rivages du Golfe du Morbihan et alors apparait un bout de fil que l'on a envie de démêler pour connaitre le destin dramatique d'un Sinagot. Le témoignange indirect d'une époque.
Tel est le cas de Pierre LE FRANC [24/03/1813 - 16/07/1854]. Son acte de décès interpelle l'historien local à la recherche d'un récit à raconter.
On lit sur ce document numérisé par les Archives du Morbihan que Pierre LE FRANC était embarqué comme marin sur le vapeur Prony, qu'au moment de son décès, il est en subsistance sur la corvette La Constantine et qu'il décède le 16 juillet 1854 à l'hôpital provisoire de Port de France.
Un tour au archives de Lorient pour récupérer sa fiche d'Inscrit Maritime. Et là que constate-t-on ? La photocopie est un peu floue mais on peut décrypter l'essentiel de son parcours maritime.
"...sur la corvette L'ALCMENE à Rochefort - 1851 - 1er novembre exclus débarqué de la dite corvette pour suite de naufrage
...embarqué sur la corvette La Sérieuse comtant à Brest- 1852 - 6 avril débarqué à Brest
avril admis à la Division de Brest provenant de la corvette La Sérieuse - 182 - 14 mai congédié à Brest... pour Brest sur La rido-
25 Juin admis à la campagnie des matelots canonniers n°187 où il compte jusqu'au 25 juillet...sur la corvette La Fortune.... 11 Août débarqué. Division de Toulon du dix au 17 même mois.... sur la corvette à vapeur LE PRONY, comptant à Toulon - 1841 15 Juillet décédé."
On comprend que Pierre LE FRANC a été marin sur la corvette ALCMENE, que ce bateau a fait naufrage, que par la suite il rejoignit Brest pour embarquer sur la Sérieuse, puis La Fortune avant d'être à bord sur le PRONY, son dernier navire.
Mais comment L'ALCMENE a fait naufrage et combien eut-il de rescapés, dont notre Sinagot Pierre LE FRANC,
Une recherche sur Internet permet de trouver des documents sur le naufrage de la corvette L'ALCMENE en 1851.
L'ALCMENE
En allant de Tasmanie à Wangaroa, en Nouvelle Zélande, où elle devait charger du bois de Kauri pour mâture, cette corvette naufragea totalement entre Hokianga et Kaipara (en fait en baie de Baylys sur la grande île Nord des la Nouvelle Zélande), le 3 juin 1851 (pendant l'hiver austral).
Douze hommes de l'équipage furent noyés. Le commandant de ce navire de guerre, le Comte d'Harcourt, s'égara, et ne trouvant pas lui-même l'anse pour abritr son navire, ordonna de l'échouer sur une plage.
Bruno Jean Marie, comte d'Harcourt (Paris, 14 octobre 1813-Paris, 2 novembre 1891) est un navigateur français, explorateur de la Nouvelle-Calédonie qui est indirectement à l'origine de l’installation de la France dans l'archipel.
La mer démontée se brisait sur la côte, et l'échouement se termina en tragédie; douze marins de son équipage se noyèrent et un bon nombre d'autres furent sérieusement blessés. Lorqu'ils furent sur la côte, des Français se savaient pas dans quelle direction aller et ils ignoraient dans combien de temps ils seraient recueillis; ils décidèrent aussitôt de construire quelques abris sommaires avec des madriers pris sur l'épave. Une bonne quantité d'approvisionnements fut aussi récupérée dans l'épave et les naufragés n'étaient pas en danger immédiat de famine. Lorsque le campement provisoire fut installé, un détachement eut l'ordre d'aller chercher de l'aide.
Cheminant le long de la côte, ce détachement arriva à la pointe Nord, et alors remontant le cours de la rivière et arriva en vue du village d'Okaro, qui était sur l'autre rive et abritait une centaine de Maoris. Le jour où les naufragés arrivèrent au village était un samedi et le lendemain étant le "Ra Tapu" ou "jour sacré", les Maoris ne désirèrent pas organiser immédiatement une expédition de sauvatage.
Ils proposèrent cependant d'envoyer une estafete à cheval qui les avisera par écrit du lieu du naufrage, et ce projet fut accepté.Tôt le lundi matin, une équipe de secours partit du village. Deux jours plus tard, les naufragés et leurs sauveteurs Maoris revinrent au vilage, les blessés et une femme étant transportés sur des brancards. Du village, les Français furent conduits à Auckland par bateaux et canoës et furent pris en charge par le gouvernement. Plus tard, les Maoris reçurent paiement et remerciements pour tout ce qu'ils avaient fait pour ces marins, de la part du gouvernement français.
Le capitaine de l'Alcmene affreta le navire américain "Alexander" pour rapatrier les rescapés à Tahiti puis pour la France. L'Alexander quitta Auckland le 1er août 1851 avec 192 survivants de la corvette (dont Pierre LE FRANC). L'Alcmene était un navire à trois mâts armé de 36 canons. Une grosse mer et de grandes marées sur les plages de la côte ouest de l'île du Nord, durant plusieurs jours, au début de 1934, mirent à jour les restes de l'épave de l'Alcmene à Baylys Bay, lieu de l'échouage.
Plusieurs vestige de L'ALCMENE sont aujourd'hui conservés dans un musée. et d'autres resurgissent encore dans les dunes.
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Frédéric LE GRIP -1853 -"Le naufrage de la corvette l'Alcmène"
Un timbre a été édité pour commémorer la disparition de la corvette et des 16 marins et un livre retrace l'épopée des marins de l'ALCMENE.
De retour en France, la marin sinagot Pierre LE FRANC embarque sur la vapeur LE PRONY pour un voyage qui le conduit vers la Nouvelle Calédonie.
Quelques clics sur un clavier et on apprend que Port de France n'est autre que l'ancien nom de Nouméa, préfecture de la Nouvelle Calédonie. Quelques autres clics et les Archives nous donne son acte de naissance. Fils du laboureur de Falguérec, Joseph LE FRANC et de Françoise Le Luherne son épouse, Pierre est né le 24 mars 1813 sous le 1er Empire, et à 41 ans il est à bord d'un navire de la marine du Second Empire.
Le vapeur Colbert similaire au Prony
(on distingue les cheminées et les voiles sont gréees)
Son dernier bateau le Prony est une corvette avec une coque de bois de plus de 60 m, fonctionnant grâce à 4 chaudières qui alimentent 24 roues pour un déplacement de 1345 T. Il a été mis en service en 1849. Bateau à vapeur, il est également grée en brick et déploie 1144 m² de voile. Il est armé de canons. On lit sur son acte de décès que Pierre LE FRANC est Quartier Maitre Cannonier de 1ère classe à bord du Prony depuis au moins décembre 1852 comme l'indique le site dossiersmarine.org où les voyages du Prony sont résumés :
Le 3-3-1849, le Prony appareille de Brest vers Toulon avec 400 passagers.
31-12-1849 : départ de Constantinople (CF Bosse).
2-1-1850 : escale à Ourlac.
10-1-1850 : arrivée à Toulon.
12-4-1850 : arrivée à Montevideo, venant de Toulon -station à Montevideo.
20-4-1850 : de Montevideo à la Plata.
17-10 (ou 20-12 ?)-1852 : appareille de Toulon pour Rio.
23-11 au 12-12-1852 : sur rade à Rio, en route pour les Mers du Sud.
24-9-1853 : débarque à Balade avec le Phoque et proclame la Nouvelle-Calédonie française (CA Febvrier-Despointes).
27-9-1853 : prise de possession de l'île des Pins.
11-10-1853 : appareillage de Tahiti (CC De Brun).
30-10-1853 : arrivée en Nouvelle Calédonie.
28-12-1853 : arrivée à l'île des Pins
9-1-1854 : sur rade à Balade.
5 au 7-1-1855 : expédition contre les indigènes qui ont massacré l'équipage d'une baleinière anglaise allant de Balade à Nouméa.
Le Prony quittera la Nouvelle Calédonie sans Pierre LE FRANC courant 1856. Après escale à Valparaiso il rejoint Toulon. Il sera désarmé en septembre 1859. Il fera naufrage en novembre 1861 au large de la Caroline du Nord (USA).
Ainsi le périple de Pierre LE FRANC le conduit de Toulon à Rio au Brésil avant d'atteindre la Nouvelle Calédonie en automne 1853 en baie de Balade au nord est de l'ïle où avec les navires français, le Phoque et le Catinat, il proclame la Nouvelle Calédonie française. Ce fait historique sera commémoré par l'émission d'un timbre.
Revendiquer un nouveau territoire est une chose. Il faut l'occuper pour se l'approprier et le mettre en valeur. Le Second Empire n'aura pas recours à des esclaves mais établira un bagne en Nouvelle Calédonie..
Après la prise de possession de l'île, le 25/06/1854, les troupes françaises choisissent d'établir une ville dans une baie au sud de l'île qu'ils baptisent Port de France. Ce nom pouvant faire confusion avec Fort de France en Martinique, la nouvelle cité prendra le nom de Nouméa le 2/06/1863.
Quant au Constantine sur lequel Pierre LE FRANC est en subsistance, il est arrivé à Port de France le 15/06/1854.
Que sait-il passé ? L'acte de décès indique une mort dans l'hôpital provisoire à Port de France le 16/07/1854 sans préciser si Pierre LE FRANC est mort de blessure ou de maladie.
De septembre 1852 à juillet 1854, Pierre LE FRANC mouille avec son équipage en Nouvelle Calédonie. Il a certainement effectué des escursions, des reconnaissances à terre pour trouver de l'eau, du bois, des matériaux. Les troupes françaises feront connaissance avec les "naturels, comme on appelle à l'époque les habitants de l'île.
L'arrivée des Français sur l'île va changer la vie du peuple mélanésien d'origine hawaïenne, les Kanaks installés sur le caillou depuis 3000 ans.
La colonisation de peuplement, tant pénale (avec la présence d'un bagne de 1864 à 1924, la déportation s'étant arrêtée en 1894) que libre, est à l'origine de la population d'origine européenne, fortement métissée. Plus tard, l'exploitation minière du nickel et les secteurs liés (la métallurgie mais aussi le bâtiment et l'énergie) a entraîné l'apport de mains-d'œuvre asiatiques d'abord (indonésienne, vietnamienne et japonaise) à partir de la fin du XIX°s et pendant la première moitié du XX°s.
Les colons français s'pproprient les terres. En 1878, les kanaks se révolteront. Les violences causeront la mort d'environ un millier de mélanésiens et 200 européens, chiffres considérables pour un territoire alors peuplé d'environ 24 000 autochtones et de 16 000 européens.
Un siècle plus tard, de nouvelles revendications des Kanaks pour préserver leur culture et leur identité éclateront sur l'île. L'accord de Matignon en 1988 mettra fin à ces violences et en 1998, l'accord de Nouméa, prévoit un référendun en 2018 sur le devenir de la Nouvelle Calédonie.
NOBLANC perd la vie au cap Levi 1863
Il y en a des marins de Séné disparus en mer ou morts pour la France, à toutes les époques. Les familles de pêcheurs de Séné, les fils de maîtres de cabotage établis à Séné, étaient des recrues prédestinées à servir dans la "Royale" avant de rentrer au pays.
Il a est ainsi de Vincent Marie NOBLANC [17/12/1842-5/12/1863]. Son acte de décès est plus long que les autres dans le registre des décès de l'année 1864. On s'y attarde, on a envie d'en savoir plus sur les circonstances de sa mort.
On apprend à la lecture de l'acte de décès, que Vincent Marie NOBLANC est décédé dans le naufrage de la chaloupe de la frégate La Couronne à Cherbourg le 5 décembre 1863. L'administration de Napoléon III fonctionne bien. L'acte a été transcrit le 14 janvier 1864 à Séné. Que s'est-il passé ce jour là à Cherbourg ?
Vincent Marie NOBLANC était né à Moustérian le 17 décembre 1842 dans une famille de pêcheurs. En 1855, à l'âge de 13 ans, il commence le métier de pêcheur comme nous l'indique sa fiche d'incrit maritime. En 1863 il passe sous les drapeaux d'abord à Lorient puis sur Brest et Cherbourg. Il embarque quelque temps sur le Saône puis il est affecté le 18/09/1863 sur la frégrate La Couronne, vaisseau école des canonniers et timoniers.
La Couronne est le premier Trois Mâts dont la coque est cuirassé de fer. Il fonctionne à la voile et à la vapeur, une chaudière à charbon alimentant un moteur.
Dimensions 80.85 x 16.70 x 7.80 x 9.70 (C) m
Déplacement 6.428 T
Vitesse12.77 n
Effectif 570 h - en école de canonnage : 1.200 h
Propulsion :
Vapeur : machine horizontale à bielles renversées Mazeline (2 cylindres : d = 2,08 m ; c = 1,27) - chaudière Indret 8 corps 32 foyers950 chn, 2900 chi - 1 hélice à 6 ailes de 5.80 mcharbon : 650/1000 t
Voilure : 1621 m² (3 mâts carré)
La poursuite des recherches sur la presse numérisée par les Archives du Morbihan permet de retrouver un article de presse d'époque qui éclaire sur les circonstances du naufrage. Le nom de Vincent Marie NOBLANC apparait bien dans la liste des marins noyés et inhumés à Cherbourg.
Journal de Vannes du 12 décembre 1863 : "Un évènement affreux vient d'attrister la ville de Cherbourg. Le mercredi 2 décembre, à trois heures du matin, l'Argus, navire du commerce de Granville, s'échoua à l apointe N.O. de l'île Pelée. Le temps était horrible. En entendant les cris de désespoir de l'équipage, le commandant de la frégate cuirassée la Couronne, mouillée dans le nord de l arade, fit mettre à la mer le grand canot du bord monté de dix-huit hommes et commandé par M. Fernand de Besplas, lieutenant de vaisseau. No sbraves marins se portèrent avec un dévouement admirable au secours de l'Argus, et, après des efforts inouïs, parvinrent à le relever.
Pendant qu'ils en opéraient le sauvetage, le drirecteur des mouvements du port envoya sur les lieux le petit vapeur de rade la Navette, qui donna la remaoruqe à l'Argus et au canot de la Couronne. Il était huit heures du matin, lorsqu'un coup de vent furieux et instantané se déclara, cassa les remorques et rejeta au large le navire de commerce et le canot de La Couronne. La mer était terrible, acune force humaine ne pouvait lutter contre elle. Le canot, emporté par le vent et par le courant près du Cap Levi, se brisa sur les rochers de Fermanville; M. le lieutenant de vaisseu de Besplas, qui commandait, et les marins qui le montaient ont péri, à lexception de trois d'entre eux qui avaient été mis à bord de l'Argus. L'équipage de ce navire a été sauvé; M. Deslandes, son capitaine a seuil péri.
En apprenant cet événement, S. Exc. le ministre de la marine a envoyé l'un de ses aides de camp, M. Dumas, auprès de M. de Besplas, père du jeune officier, qui habite les environs de Mantes, pou rlui exprimer toute la part qu'il prend à sopn malheur. M. le contre-amiral de La Roncière le Noury, chef d'état-major du ministre, est parti hier au soir pour Cherbourg.
Cet événement affreux a produit la plus profonde impression, et la ville entière doit assister aux obsèques de l'officeir et des marins victimes de leur courage et de leur dévouement. M.le lieutenent de vaisseua de Besplas était un officier d'un grand mérite et d'un coeur excellent. Sa mort excitera, dans la marine, les regrets le splus vifs et le splus profonds -- A. Renauld."
On apprend que le 2 décembre 1863, le navire de commerce, L'Argus, s'est échoué sur l'ïle Pelée, en baie de Cherbourg à cause du temps exécrable qui régnait sur la Manche. Afin de sauver son équipage, le commandant du navire de la marine impériale, La Couronne, qui se trouve au mouillage en baie de Cherbourg, donne l'ordre à une chaloupe de porter secours.
18 marins courageux prennent la mer avec une chaloupe qui parvient à hauteur de L'Argus. La Navette, un vapeur du port de Cherbourg, (la SNSM de l'époque), se porte également à sa hauteur. Le vapeur met à la remorque la chaloupe et L'Argus. On comprend que l'équipage de L'Argus, à l'exception du capitaine Deslandes, monte sur le vapeur ainsi que 3 des marins de la chaloupe. Le sauvetage semble réussi, quand la tempête fait céder les remorques et la chaloupe comme L'Argus sont rejetés au large. Entre temps, le capitaine Deslandes est monté sur la chaloupe avec 15 autres marins. Ils luttent contre une mer en furie, dérivent et leur chaloupe finit par se briser sur les rochers du cap Levi.
Les archives du département de La Manche ont retrouvé dans le fonds du Tribunal de Commerce et maritime de Cherbourg, un rapport du nommé Lubert, second du sloop "L' Argus".
La lecture de cet acte nous apprend que 'L'Argus était parti du Havre à destination de Granville avec diverses marchandises dans sa cale. Le 1er décembre, il atteint Barfleur puis dans la nuit, il tente de gagner le port de Cherbourg. Vers 11 H du soir, un épais brouillard l'empêche de voir les feux et à 1 H du matin, il s'échoue sur l'île Pelée où il reste accroché jusqu'à 9 heures du matin (2 décembre).
Les secours viendront; l'équipage sera sauvé; le capitaine de L'Argus a participé au sauvetage de son équipage et est monté sur la chaloupe, liant son sort à celui de la chaloupe dans la tempete...
15 des marins dépêchés par La Couronne perdront leur vie au large du cap Levi, dans la chaloupe qui portait secours à L'Argus. Parmi ces marins, Vincent Marie NOBLANC, marin de Séné âgé de 21 ans. Comme l'indique son acte de décès à Cherbourg, son corps ne sera retrouvé que le 5 décembre, date officielle de son décès.
Le Petit Journal 9 décembre 1863 : Nous avons annoncé avant-hier, d'après une dpêche particulière de Cherbourg, que les obsèques des courageux naufragés de la Couronne avaient eu lieu samedi avec une grande solennité. Les journaux de Cherbourg nous apportent des détails sur cette triste cérémonie.
Les corps avaient été déposés dans une des alles de l'hôpital de la Marine transformée en chapelle ardente. Le cortège parti de l'hôpital à onze heures et demie, est arrvié à midi à l'église de la Sainte-Trinité. Il se composait des clairons de l'infanterie de marine, d'un peloton de gendarmerie maritime; d'une section d'artillerie maritime, d'une compagnie des équipages de la flotte, d'un demi-bataillon d'infanterie de marine avec le drapeau etla musique du régiment; de M. de Barmon, capitaine de frégate, second de la Couronne, et M. Boucher-Rivière, aide-major général; du clergé de toutes les paroisses de la ville.
Puis venaient les dix-huit cercueils, recouverts du pavillon tricolore et portés par des marins de la flotte et parmi eux le cercueil du lieutenant de vaisseau de Besplat, sur lequel étaient déposés les insignes de son grade et se décorations;
Un clergé de deuil, composé des aumôniers de la flotte et de la marine; M. le capitaine de vaisseau Penhoat, commandant la Couroone, et son état-major; M. l'amiral Roze, majoir général, préfet maritime par interim; M. Bordez, sous-préfet; M. Asserlin, président du tribunal; M. Ludé; maire, précédant un immense cortège d'officiers appartenant aux différents corps de la marine; l'état-major du navire confédéré le Georgia; M. Théologue, colonel du 18° de ligne, et tous les offciers de son régiument, etc..
Des détachements d'artillerie et d'infanterie de marine et des équipages de la flotte, sans armes. La marche était terminée par un demi-bataillon d'infanterie de marine. des troupes de toutes armes formaeinr la haie, et sur tout le parcours du cortège se pressait une foule silencieuse, tête nue, les larmes aux yeux. Depuis huit heures du matin, la frégate cuirassée la Couronne tirait un coup de canon de demi-heure en demi-heure. Tous les navires de l'Etat et les bâtiments de commerce, en rade et dans le port, avaient leur pavillon en berne et leurs vergues en pantenne.
Après le service funèbre, le cortège s'est remis en marche dans l'ordre qeu nous venons d'indiquer jusqu'au cimetière. La population en rangs serrés témoignait de sa douleur par son attitude consternée. Au moment où les cercueils ont été déposés dans la terre, M. le contre-amiral Roze, majour général de la marine, qui remplissait les fonctions de prefet maritime par interim, a prononcé le dicsours suivant:"
Deux autres discours ont été prononcés; l'un par M. Barlez, sous-préfet, l'autre par M. le capitaine de vaisseau Penhoat. Après les dernirs honneurs militaires rendus aux victimes inhumées côte à côte, la foule vivement impressionnée s'est retirée silencieusement.
Voici, d'après la Vigie de Cherbourg, les noms des victimes du naufrage de l'embarcation de la frégate la Couronne, dont les cadavres ont été retourvés et inhumés le samedi 5 décembre.|[figure Noblanc Vincent Marie]. Il rste encore à retrouver les corps de treize marins, dont voici les noms. [ ]. Deux matelors seuls ont échappé au désastre, le snommés Olivier et Rebillard, qui après avoir trouvé les meilleurs soins chez les habitant du hameau de Percy, où ils avaient été d'abord recueillis, ont pu être transportés à Cherbourg. Ces matelots sont maintenant hors de danger. La population de Cherbourg, vivmeent émue du triste spectacle de ces obsèques, a spontanément ouvert une souscription pour venir en aid eaux familles des malheureuses victimes du devoir accompli.
MORIO écourte son tour du monde 1870
La consultation méthodique des registres de l'etat civil peut se révéler interessante pour "l'historien local", notamment les régistres de décès. On guettera les mentions marginales ou les transcriptions d'un jugement laissant présager une mort particulière et peut être un récit à raconter.....
Tel est le cas de l'acte de décès de Louis Sylvestre MORIO que l'on peut consulter sur le site des Archives Départementales du Morbihan.
On y apprend que ce marin de Séné, Louis Sylvestre MORIO est mort en novembre 1870 alors qu'il était sur le bateau "Le Sybille", armé à Toulon. On a envie d'en savoir plus. Qui était-il ? Quel a été son périple ? D'où venait Le Sybille.
La consultation de son acte de naissance nous indique qu'il est né le 2 janvier 1847 au village de Montsarrac dans une famille de pêcheurs. Il a 23 ans lors de sa disparition sur le Sybille.
La Sybille ayant été armée à Toulon, on s'adresse au Service Historique de la Défense de Toulon pour solliciter quelques données sur ce navire et le marin MORIO. Celui-ci communique des pièces qui précisent les informations de l'acte de décès.
Ainsi, le journal de bord du Sybille nous indique que Sylvestre MORIO est mort le 9 novembre 1870 à l'hôpital de bord du navire et que sa dépouille fut immergée en mer le lendemain à 6 heures. On note qu'il ne faisait pas partie de l'équipage du Sybille mais qu'il était sur le bateau en tant que passager.
Le journal des mouvements du Sybille nous relate le périple effectué par ce navire. Il est parti de Toulon en janvier 1870, a fait escale aux îles Canaries avant de traverser l'Atlantique et d'atteindre le port brésilien de Bahia. Ensuite, il a gagné Nouméa en Nouvelle Calédonie. Sur sa route du retour vers la métropole, La Sybille fait une longue escale à Papeete à partir du 17 juillet 1870 jusqu'au 4 août.
Un autre document du Sybille nous indique qu'avant d'embarquer à Papeete, le marin sinagot MORIO était en poste sur un autre navire, l'Astrée. C'est à Tahiti que MORIO change de bateau le 4 août 1870 pour gagner la France plus rapidement. On pressent que son état de santé le pousse à rejoindre la Métropole au plus vite.
Jusqu'en 1870 la France vit sous le Second Empire. Louis Napoléon Bonaparte après son coup d'état de 1852 est devenu le 2° Empereur des français. En septembre 1870, la défaite de Sedan face aux Prussiens scellera la fin du régime. Les lois de l'époque condamme nombre de citoyens au bagne. La Sybille avait dans ses soutes environ 200 bagnards à destination de la Nouvelle Calédonie. Le bagne de Nouméa abritait alors environ 2.600 bagnards.
Mais notre Sinagot n'était pas marin sur le Sybille. Il avait embarqué sur un autre navire, l'Astrée.
Quand a-t-il embarqué sur l'Astrée et que faisait ce bateau à Papeete en août 1870 ?
Cette fois rendons nous au SHD de Lorient consulter la fiche d'inscrit maritime de Louis Sylvestre MORIO.
Celle-ci nous indique que dès l'âge de 10 ans, le jeune Sylvestre MORIO est embarqué sur le Sainte Anne pour du "bornage". (à expliquer). Le jeune Sinagot a très tôt le goût de la mer !
A partir de février 1865, à l'âge de 18 ans il embarque sur le "Sylvestre Marie". Il reste fidèle à ce bateau jusqu'en mai 1868 quand il doit effectuer sa conscription de marin. La fiche d'inscrit maritime porte une précieuse mention.
"Levé à sa demande le 19 mai 1868 bien qu'ayant deux frères au service". On comprend qu'à l'âge de 21 ans en 1868, Sylvestre MORIO a deux frères déjà engagés sous les drapeaux. Il peut donc ne pas effectuer sa conscription. Cependant le jeune marin a soif d'aventure. Depuis l'âge de 10 ans qu'il a les pied sur un pont de bateau !
Il s'embarque sur l'ASTREE le 1er Juin 1868 au départ de Lorient.
Que nous apprend Internet sur la frégate l'Astrée ?
Frégate l'Astrée
La frégate mixte l’Astrée a été sortie de l’anonymat par la découverte, dans une malle familiale, d’un journal personnel du lieutenant de vaisseau Ange Edmond Bourbonne par son arrière petit fils Louis Bienvenüe. Ce journal était accompagné d’un album de plus de 100 photos d’escales qui se sont révélées avoir été prises, pour la plupart, par Paul Emile Miot.
Mise sur cale à Lorient en 1845 sur plans de l’ingénieur Legrix, l'Astrée ne fut mise à l’eau que le 24 décembre 1859: entre temps, sa coque avait été rallongée de cinq entre-axes de sabords (16,40 m), son avant et son arrière modifiés (plans Sollier), pour recevoir une machine à vapeur de 600 chevaux nominaux et ses 6 corps de chaudières. Dotée d’un puits d’hélice et d’une hélice relevable, sa coque en bois est habillée de plaques de cuivre dans ses oeuvres vives; elle a un gréement de frégate complet (gréement dormant en torons de fil de fer zingué), elle fut armée en transport de troupes en 1862 lors de la guerre du Mexique (Lorient – Fort de France – Vera- Cruz et retour).
De 1863 à 1866 elle fit partie de la station navale du Brésil et de la Plata (Capitaine de vaisseau Jouslard, contre-amiral Chaigneau). A Rio de Janeiro elle reçut l’empereur du Brésil Pedro II (gravure de Lebreton).
De 1868 à 1871, elle porta le pavillon du contre amiral Georges Cloué, commandant la station navale du Pacifique. Celle-ci se composait de la frégate mixte Astrée, des avisos La Motte-Picquet et d’Entrecasteaux et du transport la Mégère.
L’Astrée était commandée par le capitaine de vaisseau Peyron, futur contre amiral et ministre de la marine. Le capitaine de frégate Miot était chef d’état-major de l’amiral. Il s’était déjà distingué lors de campagnes à Terre-Neuve en faisant de la photographie. Il en laissera des collections (Musée de l’Homme de Paris, Archives du Canada, Archives de la marine de Vincennes, collections particulières Jean-Yves Tréhin, Serge Kakou, Louis Bienvenüe).
Après escales aux Canaries, à Saint Vincent du Cap Vert, à Montevideo, elle passa par le canal de Magellan et les canaux latéraux de Patagonie, où elle s’endommagea la quille et l’étrave sur une roche. Suivent ensuite des escales sur les côtes d’Amérique du Sud. Au Pérou, à Callao, on répara les dommages sur le dock flottant. C’est ensuite Panama, San Francisco (visite de l’amiral américain Farragut). L’etat major visite le fort d’Alcatraz et ses canons géants. On fait escale ensuite à Esquimalt Bay (île de Vancouver, Colombie Brittanique), puis c’est à nouveau San Francisco, et enfin Papeete.
Notre "aïeul" sinagot Sylvestre MORIO, a donc fait tout ce long périple, débarqué lors de toutes ces escales et visité tous ces ports ! C'est sans doute le premier Sinagot avoir mis pied à terre en Afrique, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Océanie. Quel voyage !
L’Astrée y séjourne trois mois à Papeete. Paul Emile Miot prend de nombreuses photos. Bourbonne devient le « tayo » d’Ariiaué, le futur Pomaré V « …en connaissant mieux mon nouvel ami, je découvris chez lui un bien grave défaut, mon cher tayo est un ivrogne, plusieurs fois nous l’avons ramené couché dans le fond de la voiture… » Visite et séjour à Atimaono, à la plantation Steward. Cloué complète l’hydrographie de la côte entre la Pointe Vénus et Papenoo, on précise les contours du « Banc de l’Artémise », où Laplace endommagea sa frégate en l’échouant, en avril 1839.
Pendant le séjour de l’Astrée se place l’épisode « La Roncière » : «Le Commissaire Impérial La Roncière, demi-frère de l’amiral La Roncière Le Noury, convaincu de détournements et turpitudes diverses, est évincé et lui et ses complices sont embarqués sur la frégate à voiles l’Alceste le 17 novembre 1869 pour être jugés en
France » (*).
L’Astrée reviendra encore à Tahiti, en revenant des Marquises. Elle séjournera à Papeete du 22 juin au 1° septembre 1870. Aux Marquises le "reporter" MIOT prend des photos :
C'est ici que s'arrête le voyage de Sylvestre MORIO sur l'Astrée. Lors de cette escale à Papeete, il embarque le 4 août sur la Sybille pour regagner la France. Déjà deux ans que le marin sinagot fait son tour du monde. L'Astrée quant à elle continue son périple...
L'Astrée au mouillage à Papeete :
Pendant le second séjour, Papeete reçoit la corvette russe Almaz (Diamant), la corvette américaine Resaca, la frégate à voiles Sibylle, les avisos d’Entrecasteaux et La Motte-Picquet. Le transport la Mégère part pour la France, le transport à voiles le Chevert arrive de San Francisco et annonce à la colonie l’état de guerre entre la France et la Prusse. Le 15 août 1870 l’Astrée reçoit la reine Pomaré. Le même jour a lieu une course de pirogues. L’Astrée quitte définitivement Tahiti le 1° septembre 1870.
Elle navigue le long des côtes d’Amérique du Sud, dans une inaction qui pèse sur l’équipage, sans rencontrer de navire de guerre prussien ni sans arraisonner de navire marchand. Elle rentre en France le 21 janvier 1871 depuis Valparaiso, passe le cap Horn, relâche à Dakar et arrive à Lorient le 8 avri 1871.
Elle est définitivement désarmée le 27 du même mois. Elle figure encore sur la liste de la flotte de 1877 à « bâtiments maintenus provisoirement auxquels on ne travaillera qu’au fur et à mesure des besoins ».Elle est rayée des listes à la fin de la même année et restera comme ponton, rasée, la guibre enlevée révèlant une étrave droite, jusqu’à sa démolition en 1923. Depuis 1913, elle s’appelait « ponton magasin n°2 », son nom ayant été donné à un sous-marin. Elle servit à Lorient comme ponton-caserne et comme poste d’armement de la direction du port.Elle a une importante voie d’eau en 1911.
Elle est vendue à M. Ferrand, de Vannes, pour la somme de 96.213 f. Le 17 février 1923 elle quitte Lorient pour St Nazaire, remorquée par l’Audax, pour sa démolition définitive.
Louis Sylvestre MORIO, à l'âge de 21 ans a préféré faire le tour du monde que de rester à Séné. Il contractera sans doute une maladie lors de ce long périple autour du monde.
Des photographies de l'Astrée témoigne de ce voyage. Est-il sur une de ces photographies ?
Plus...
HERVE, malgré le courage des sauveteurs de Roscoff,1889
Cet acte de décès recèle de multiples précisions sur la disparition de Joseph Pierre Marie HERVE [18/06/1870 Langle 3/02/1889].
On comprend que le marin, natif de Séné, a péri lors du naufrage du vapeur VENDEE. Le navire du capitaine Pierre Regent et les 13 hommes qui formaient son équipage, a disparu corps et bien non loin de Roscoff, près de la grève Santec, dans la nuit du 3 au 4 février 1889.
On retrouve la famille HERVE dans le registre du dénombrement de 1886 établie au village de Langle. Le père est douanier à Séné, son épouse est mère au foyer composé de 7 enfants. Joseph HERVE, est l'ainé et déclare l'activité de marin.
Sa fiche d'inscrit maritime consultable au Service Historique de la Défense à Lorient, nous dresse le parcour du jeune marin. Il débute en tant que mousse le 18 mars 1883, à l'âge de 13 ans, sur la goélette LA DEBUTANTE à Vannes. Le 16 avril 1888, il est novice sur le trois mâts CONFIANCE et il embarque sur le vapeur VENDEE le 24/09/1888.
Le registre des armements de Rouen confirme la disparition du bateau à vapeur VENDEE au large de Roscoff.
Le vapeur VENDEE est un navire de cabotage de 467 tonneaux construit en 1875 Forges et Chantiers de la Méditerranée à La Seyne pour le compte de la Société des Chemins de Fers de Vendée puis acheté par Flornoy, armateur à Nantes, en janvier 1887 pour la somme de 70.000 francs. Sa coque à 64 m de longueur sur 8 m de large il est équipé d’une machine d’une puissance de 300 chevaux. Au moment du naufrage il fait route depuis Pasajes, au pays basque espagnol (Pasaja en basque) pour Rouen avec un chargement de vin espagnol en barrique et d’alcool.
Une recherche sur la presse d'époque permet de retrouver des articles qui relatent le naufrage du vapeur VENDEE. On comprend que des sauveteurs au départ de Roscoff ne réussirent à rejoindre le navire qu'à la 2° tentative, le lendemain vers 4 heures du matin. Le bateau gisait sur le rocher Reyer Doun près de la grève de Santec.
On poursuit nos recherches sur Internet et on finit par trouver un site qui relate les efforts des sauveteurs pour atteindre le vapeur VENDEE ce 3 février 1889.
https://www.histoiremaritimebretagnenord.fr/gens-de-mer/gens-de-mer-1/
Le 3 février 1889, le naufrage du vapeur Le Vendée dans les roches de Santec.
Esprit Le Mat [1838-1905] Pilote et patron du canot de sauvetage de Roscoff.
Rapport du comité de Roscoff à la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés, sur les deux sorties faites par le canot de sauvetage de Roscoff dans la soirée du 3 et la nuit du 3 au 4 février pour porter secours au vapeur français Vendée de Nantes, naufragé sur les rochers de Santec, commune de Roscoff.
Première sortie :
Le dimanche 3 févier, courant à cinq heure du soir, monsieur le commissaire de l’Inscription Maritime à Roscoff recevait une dépêche des guetteurs du sémaphore de l’île de Batz, signalant un vapeur en détresse à trois mille dans le N-O et dérivant sur l’île de Batz.
Le comité aussitôt prévenu fit lancer le canot à cinq heures quarante-cinq. Il ventait en tempête du N.N-O, et le fort courant de flot de grande marée, poussé encore par la violence du vent rendait la sortie des plus difficiles. Néanmoins le canot de sauvetage, longeant la jetée de Roscoff, fit route à l’aviron pour essayer d’atteindre l’entrée ouest du chenal ; jusqu’à sept heures du soir l’équipage lutta et fit des efforts désespérés pour doubler la pointe du fort Lacroix, mais la force des grains de grêle et de neige était telle que le canot n’avait pu gagner au vent que huit cent mètres environ.
Esprit Le Mat (1838-1905) Pilote et patron du canot de sauvetage de Roscoff
Le patron LE Mat, voyant ses canotiers exténués, se décida à revenir à l’abri de la jetée pour leur donner du repos, remplacé les plus fatigués et attendre le renversement du courant.
L’équipage était composé pour cette première sortie de : 1 Le Mat Esprit, patron ; 2 Roignant Charles 2ème patron ; 3 Saout Louis ;4 Créach Paul ;5 Masson Joseph fils ; 6 Auttret Victor ; 7 Le Mat esprit fils ; 8 Creignon Pierre ; 9 Kerenfors Jérôme ; 10 Le Duc Hervé ; 11 Grall Ollivier ; Provost Jean
Une partie de l’équipage du canot de sauvetage
Esprit le Mat fils, Joseph Masson, Louis Saout, Joseph Corre Esprit le Mat père et Charles Roignant
A six heure cinquante-cinq, nouvelle dépêche des guetteurs de l’île de Batz ainsi conçue : « Perdu de vue vapeur signalé en détresse à deux milles S-O Dérive sur l’île de Sieck : perte presque certaine »
Deuxième sortie
La nuit et les grains de plus en plus fréquents rendaient la situation de plus en plus critique ( à la nuit les guetteurs avaient perdu de vue le vapeur). Essayer de franchir à cette heure les brisants de la passe ouest, c’était exposer à une mort certaine l’équipage du canot. Il n’y avait donc en l’état que deux partis à prendre : ou laisser le canot à l’abri jusqu’au jour ou profiter des dernières heurs de jusant pour atteindre l’entrée du chenal ; ce dernier parti n’était pas sans danger pour les sauveteurs, mais il offrait une dernière chance de salut pour les malheureux en détresse. Le patron Le Mat et son vaillant équipage insistant pour le prendre, le comité local fut unanime pour l’approuver.
A dix heures et demie du soir, après avoir laissé à terre les trois canotiers Le Duc, Grall et Provost (que leur fatigue extrême rendait incapables) et les avoir remplacés par les nommés Frout Baptiste, Saout François et Guyader François, le patron Le Mat reprenait la mer avec les autres hommes du premier équipage dans lesquels il avait toute confiance et le nommé Le Mat Jean-Marie.
A deux heures du matin le canot atteignait la pointe Ouest , côté sud de l’île de Batz ; aucun feu n’indiquait la position du navire, il y avait impossibilité absolue, du reste, à franchir dans l’obscurité les brisants de la passe ouest. Le patron Le Mat se décida alors à jeter l’ancre à l’entrée d’une petite crique dite Pors Reter et y attendre le jour. On avait parcouru trois milles. Mais à ce moment le vent sauta N. N-E, l’ouragan se déchaina dans toute sa force, l’ancre commença à chasser et les lames du brisant poussée par un ressac furieux, venait briser continuellement sur l’arrière du canot. La position devenait critique, l’ancre fut levée et sans hésitation le patron dirigea son canot dans l’intérieur de l’anse où il mouilla par une brasse d’eau.
Au jour profitant d’une espèce d’accalmie le patron le Mat put se rendre compte de la position du vapeur qu’il aperçut coulé dans le sud des récifs du toc (Rocher de Santec) en Roscoff. Sa mâture (Goélette latine) émergeait à trois mètres au dessus de la pleine mer, son fanal de position, éteint, pendait au mât de misaine et son pavillon français en berne flottait en loques à son grand mât. Un mille et demi environ séparait le canot de sauvetage du navire naufragé, qui d’après les renseignements fournis depuis par les guetteurs dut faire côte vers huit heures du soir. Le vent hala le N-E et l'ouragan reprit toute sa force. Le ressac balayait les rochers sur lesquels le canot de sauvetage eût été broyé s’il eût essayé de les explorer. Tout était fini, nos sauveteurs avaient fait leur devoir.
Le patron Le Mat et ses canotiers interrogèrent une dernière fois l’horizon, ils ne virent rien, il était alors huit heures du matin. A neuf heures le canot était assez heureux pour atteindre sans avaries, par une mer affreuse, le port de Roscoff ; il n’était que temps. Les familles et le comité ne voyant rien paraitre au jour n’étaient point sans inquiétudes. L’équipage épuisé, presque anéanti par le froid, était à bout de forces.
Neuf heures et demie -La tempête continue, le canot a été monté dans sa maison abri et tout est prêt pour une nouvelle sortie si quelque navire en détresse était signalé. Le canot s’est bien comporté et l’équipage a toute confiance.
Midi -L’état de la mer ne permet pas d’approcher l’épave qu’on suppose être Vendée de Nantes, d’après quelques notes trouvées à la côte, allant de passage à Rouen.
Une heure - La côte est couverte d’épaves (barrique de vin).
Le président du comité,
Ludovic le Dault
Le Service Historique de la Défense à Brest conserve le "rôle d'équipage" du Vendée, c'est à dire la liste des matelots embarqués.
Après le naufrage, l'administration maritime s'est attachée à régler les salaires des marins péris lors du naufrage, si bien que l'on peut déduire de ce document qui comporte 21 noms de marins, la liste des 15 matelots embarqués lors le dernier voyage du VENDEE.
Parmi ces noms figure un marin de Séné, Joachim LE DORIOL [21/05/1858 - 2/02/1889]. On lit sur le rôle d'équipage, qu'il fut débarqué au port de Pasajes et conduit à l'hôpital de la ville. Il échappa ainsi au naufrage mais il mourut de maladie à l'hôpital. Son acte de décès sera retranscrit à Séné. Ainsi parle-t-on de 14 marins naufragés.
Epilogue :
Le corps du capitaine Pierre Régent fut rendu par la mer sur la côte de Saint Pol de Léon où il fut authentifié par son fils et inhumé.
Le lendemain du naufrage, une barque du Theven, à la faveur de la marée basse, put atteindre l'épave et recueillir les corps de trois hommes réfugiés dans la cuisine du navire. Agés d'environ 18 ans, 26-27 ans et 28-30 ans, mentions sur les actes de décès, ces malheureux ne purent être identifiés à l'époque. Sur ordre du maire de Roscoff, les vêtements des noyés furent empaquetés, déposés à la mairie de Roscoff et les dépouilles placées dans des cercueils marqués 1,2,3 puis inhumées.
Un mois plus tard, Adrien Caroff, cultivateur au Jugant, en Santec, découvrait sur les Reyer Doun le corps non identifiable d'un homme de 20 ans qui, ayant échappé à la noyade, avait trouvé un refuge précaire sur les rochers et y mourut de froid. (Source Jean-Claude le Goff).
Peut-on déterminer qu'elle est l'identité des 4 corps de marins inhumés avec celui de leur capitaine?
Le "role d'équipage" transmis par le SHD de Brest comporte la liste des 14 marins payés jusqu'à la date du naufrage ainsi que leur date de naissance.
Pierre Marie Victor REGENT né en 1848, capitaine
François Firmin Chrsitophe RAVILLY né en 1842, second
Elie Charles CHANTREAU, né en 1863, lieutenant, âgé de 26 ans
Adolphe DUCOURNEAU né en 1849, 1er mécanicien
Emile SEGUIN, né en 1855, 2° mécanicien
Léon BAILLY né en mars 1874, mousse de 15 ans.
Yves Marie L'ECUYER, né en 1848, matelot
Pierre Marie JAOUEN, né en 1864, chauffeur, âgé de 25 ans
Jules Isidore FIQUET né en 1864, chauffeur, âgé de 25 ans
Jean Marie HELLO, né en janvier 1868, matelot âgé de 21 ans. En rapprochant deux documents, rôle d'équipage et acte de décès, le numéro d' inscrit maritime permet de déduire que la marin HELLO était dans les cuisines et son corps fut donc retrouvé et inhumé.
Yves LE PENNOU, né en 1859, âgé de 30 ans, etait le cuisinier à bord. Son âge et sa fonction laissent pensé que l'un des trois corps retrouvés dans les cuisines du VENDEE est bien le sien.
Alexandre Joseph BERNIER né en mai 1869, est un des chauffeurs à bord du VENDEE. Il est âgé de presque 20 ans. HELLO du même âge ayant été identifié, BERNIER semble donc être le marin qui put se réfugier sur le rocher Reyer Doun.
Quant au 3° marin retrouvé dans les cuisines, il est décrit comme ayant 18 ans.
Deux marins répondent à cette description: Joseph Pierre HERVE, né en juin 1870, matelot âgé d'un peu plus de 18 ans et Armand Ernest BINDEL né en février 1872, âgé de 17 ans, à moins que cela soit vraiment notre Sinagot, Joseph Pierre HERVE [18/06/1870 Langle 3/02/1889].
MALRY, englouti avec la Framée, 1900
Il y a beaucoup "d'anonymes" dans les registres de l'état civil. Il faut une mention marginale particulière, un acte de décès plus long que d'accoutumé pour retenir l'attention de l'historien local en quête d'un récit à raconter.
Tel est le cas du décès de Aimé Louis Marie MALRY. La mention marginale énonce un jugement confirmant son décès. On lit dans l'extrait que le marin de Séné a péri dans le naufrage de la Framée. On a envie d'en savoir plus sur le destin singulier d'un jeune marin sinagot....
Avec méthode on rassemble des documents pour retracer le parcours du marin. Son acte de naissance nous indique qu'il nait le 8 octobre 1868 à Cadouarn. Son père est alors cordonnier et sa mère ménagère. Cadouarn est un village de pêcheurs....
Aimé MALRY choisit de devenir mousse comme la plus part des jeunes gars de Séné sur la presqu'île. Sa fiche d'Inscrit Maritime aux archives de Lorient nous indique qu'il débute comme mousse sur le canot "Armand" le 18 janvier 1885. Il devient matelot le 18/10/1886 et d'inscrit provisoire, il passe à inscrit définitif.
Au dénombrement de 1886, Aimé MALRY est recensé avec ses parents. C'est l'ainé et le seul garçon de la fratrie.
A l'âge de 20 ans, en octobre 1888, il débute sa conscription qui prend fin en octobre 1892. Il rentre sur Vannes pour quelques mois puis s'engage pour 3 ans en mars 1893. Il navigue sur le Requin, le Turenne, Le Cassini, loin des canots du Golfe du Morbihan. En novembre 1896, il repart pour 3 ans et est embarqué sur le Terrible, l'Indomptable pour des séjours plus longs. En octobre 1898, il renouvelle son engagement de marin. Il est à bord du Kerguelen puis le 6 février 1900 il s'embarque sur la Framée.
Sa fiche d'inscrit maritime indique qu'il disparait avec le contre torpilleur Framée dans la nuit du 10 au 11 août 1900.
Quelles furent les causes du naufrage du contre torpilleur Framée ? Comment périt Aimé Louis Marie MALRY dans cette nuit du 10 août 1900 ?
Une série d'article de presse et de témoignage d'épqoue raconte cet accident maritime qui fit 47 victimes, dont Aimé MALRY de Séné et d'où survécurent 14 marins.
"Plusieurs hommes de la Framée ont dû être surpris par la mort dans leur plein sommeil"
"mes pauvres camarades enfermés ont dû être étouffés sans transition entre le sommeil et la mort."
Un monument à la mémoire des marins disaprus lors du naufrage due la Framée a été érigé à Lorient. Il est toujours visible au cimetière de Carnel.
ARTICLE DU 26/08/1900 extrait du PELERIN accompagné d'une illustration en couleur pour accentuer le caractère dramatique de cette nouvelle.
Le Pelerin : Dessin paru dans LE PELERIN du 26 août 1900
Dans la nuit de 10 au 11 août 1900, l'escadre de la méditerranée passait au large du cap Saint-Vincent, au sud du Portugal, se dirigeant vers le détroit de Gibraltar. Le temps était superbe et la lune éclairait l'immense horizon.
Vers minuit, l'amiral FOURNIER, commandant de l'escadre, à bord du cuirassé Brennus, fit dire au contre-torpilleur Framée de se rapprocher du vaisseau-amiral pour recevoir des ordres.
La Framée s'avança aussiôt vers le Brennus et commença l'échange des signaux à bras lumineux.
Les deux navires ayant une direction convergeante, le commandant de vaisseau de Mauduit-Duplessix, commandant de la Framée, commanda de porter la barre 20 degrés à gauche. Par des circonstances que l'on ignorera toujours, l'ordre fut mal compris, le contre-torpilleur vint au contraire sur la droite et se précipita sur l'étrave du cuirassé.
L'officier de quart du Brennus s'étant aperçu du danger, il avait donné ordre de faire machine en arrière. Mais il était trop tard, le choc se produisit, le contre-torpilleur se coucha d'abord sur le flanc, puis se retourna, la quille en l'air, tandis que les hélices continuaient à tourner dans le vide. Quelques minutes après, la Framée sombrait par 850 mètres de fond.
La plus grande partie de l'équipage avait été surpise dans son sommeil, les chauffeurs et mécaniciens dans la chaufferie. Un matelot avait réussi à sauter sur la plage avant du cuirassé.
Le quatier-maître RIO, du Brennus, avait, en s'accrochant au bossoir13 intérieur, tendu sa ceinture de cuir au commandant de Mauduit-Duplessix. L'officier refusa : "Tout à l'heure", dit-il, et il se tourna vers ses hommes pour les engager à se sauver. L'officier-mécanicien voulant, lui aussi, s'occuper du sauvetage de ses hommes, les deux héros furent engloutis.
Quatorze marins*, bons nageurs, purent échapper aux remous terribles produits par la catastrophe et se maintenir sur des épaves, jusqu'à ce qu'on vint les recueillir du Brennus.
Les recherches, ordonnées par l'amiral FOURNIER, durèrent jusqu'à trois heures du matin, elles furent vaines.
La Framée avait fait ses essais à Brest le mois dernier. Les bons Français doivent une prière aux âmes de ces marins, morts dans l'accomplissement de leur devoir. En réalité on comptera 47 victimes et 14 survivants.
Remerciement a www.sourdaine.org
TEMOIGNAGE DE L'ASPIRANT de majorité Jean CRAS, qui servait à bord du BRENNUS, dans une lettre en date du 12 août 1900 (Avec l'aimable autorisation de la famille CRAS)
Dimanche 12 août,
Mes chers amis,
Je vous écris sous le coup de cette horrible catastrophe que vous apprendrez sans doute par les journaux avant que ne vous arrive cette lettre.
Je vais vous raconter exactement comment nous avons coulé la Framée car il se glissera sans doute bien des erreurs sous la plume des Caradec et autres. Nous avons doublé vendredi soir le cap Saint Vincent et nous nous dirigions vers Gibraltar que nous devions passer le lendemain matin à 8 heures.
Vers 1h 1/2 la Foudre et les petits torpilleurs, qui étaient partis après nous de Royan nous rejoignent. La Framée et la Hallebarde naviguaient déjà de conserve avec nous. On appela la Framée par signal pour lui communiquer un signal à bras lumineux à transmettre à la Foudre arrivant loin derrière. (Dites à la Foudre de prendre la queue de la ligne et aux torpilleurs ralliant de se placer à côté de leurs cuirassés).
La Framée qui était par le travers du Charles Martel se rapprocha et vint apercevoir notre signal en se tenant à environ 50 mètres par le travers de notre passerelle arrière (celle où la majorité se tient). On commença le signal qu'elle interpréta.
Puis tout à coup elle nous gagna un peu en se rapprochant de nous à la hauteur de notre passerelle avant, se jeta sur la droite en filant à toute vitesse pour venir s'appliquer sur notre étrave. Tout cela se fit en un temps si court qu'on ne peut l'estimer.
Lorsque l'officier de quart avait vu que la Framée se rapprochait très vite de nous, il avait mis "toute à droite" et "en arrière toute vitesse", mais notre masse de 12 000 tonnes n'avait pas eu le temps de dévier de sa route et de s'arrêter sensiblement que la pauvre Framée était déjà éventrée. Pendant quelques secondes (peut-être 30 secondes, peut-être une minute) notre étrave la supporta presque droite. Mais le torpilleur en travers de nous et la machine battant en arrière avaient cassé notre axe, et la Framée tourna, la quille en l'air, en abandonnant notre avant. Pendant cinq minutes elle flotta, puis tout disparu.
J'étais à peine couché, quand tout ceci arriva, ayant passé la soirée à blaguer avec Tinot de télégraphie sans fil. Je ressentis le choc et la trépidation de la machine battant en arrière ; presque aussitôt d'ailleurs un timonier venait nous prévenir de la catastrophe. En un clin d'œil j'étais sur le pont : la Framée était déjà par le fond.
Tout autour de nous d'horribles cris d'angoisse déchiraient le cœur, et les projecteurs éclairaient des têtes surnageant, des espars jetés à la hâte, des bouées, des planches...
En toute hâte des embarcations furent amenées, l'escadre stoppée, et le signal "Abordage, demande de prompt secours" - Oh ! Les cris : "Au secours ! Au secours, je me noie..." Quand un projecteur éclairait une tête il semblait que sa voix devenait joyeuse horriblement "Oui ! Ici, ici !, Au secours..." Quelques hommes étaient à peine à 20 mètres du bord. L'un d'eux criait et se débattait à peine 10 ou 15 mètres : mais la houle était trop forte pour songer à se jeter à l'eau. Celui-ci avait d'ailleurs à un mètre de lui - pas plus - une planche salvatrice. Mais il ne la voyait pas, n'entendait pas. Il leva les bras en l'air, et disparut. Et toujours les mêmes cris d'angoisse, et l'eau entrant dans les gosiers qui râlent. Nos embarcations revenaient, l'une après l'autre. 3 hommes avaient réussi à sauter à bord, lorsque la Framée était encore sur notre étrave. La 1ère baleinière revint avec 6 hommes, une autre avec 3, une autre avec 1 et enfin le Canot major avec un dernier heureux. 14 en tout, sur 61... ! Les embarcations repartaient, mais en vain. Les cris peu à peu s'étaient éteints et l'on sentait que tous coulaient les uns après les autres. Le silence fut bientôt complet - quand il fut bien sûr que tout le reste avait sombré, un coup de canon fit rallier les embarcations. C'était fini.
Gravure parue dans l'Illustration
Le Dunois et le Galilée reçurent l'ordre de rester sur les lieux jusqu'au jour, et l'escadre repartit.
D'après le rapport des hommes sauvés, voilà comment il faut expliquer cette catastrophe inimaginable.
On conçoit en effet qu'un torpilleur, essayant de passer devant un cuirassé, calcule mal et s'accroche au passage : mais lorsque la Framée était à la hauteur de notre arrière, voyant parfaitement nos signaux, pourquoi augmenter de vitesse, comment est-il possible qu'elle ait pu gagner 100 mètres, et venir brusquement se jeter sur nous ?
Or voici les commandements qui furent faits : la machine marchant à 105 tours, le Commandant commanda : "Plus vite" et la machine fut mise à 150 tours. Sans doute il voulait se rapprocher un peu de nous, et pour ne pas se laisser culer, il fit ce commandement de "plus vite". Mais de 105 à 150, cela fait 3 nœuds et la Framée, obéissant vivement aux quelques degrés de barre qu'on avait sans doute mis à droite et à la machine tournant plus vite, se rapprocha assez vite de nous en gagnant. Le Commandant dût donc tout à coup s'apercevoir qu'il était très près de nous et qu'il allait nous aborder. Vous savez que les distances s'évaluent très mal la nuit.
De plus la Framée n'avait jamais navigué en escadre, son Commandant [le commandant de vaisseau de Mauduit-Duplessix] venait d'embarquer après plusieurs années d'un poste à terre. Il est donc certain qu'il ne s'aperçut que très tard qu'il était très près de nous. Brusquement il commanda 20° à gauche. L'homme de barre mit 20° à droite. Le Commandant voyant que son bateau ne venait pas à gauche mit à toute vitesse pour accélérer l'évolution. La barre était mise à droite, la Framée pivota de ce côté en filant en avant et c'est alors que l'accident se produit.
Lorsque la Framée était encore accrochée à nous, un gabier tendit sa ceinture au Commandant et lui dit : "Par ici, Commandant" - Il répondit par un signe qui voulait dire : "Tout à l'heure" et une seconde après le torpilleur chavirait la quille en l'air. Le mécanicien principal (Couppé) était sur le pont. Le remous l'a dû entraîner. Le second (l'enseigne Epaillard ?) était dans sa chambre. D'ailleurs sur les 60 hommes d'équipage il y en avait tout au plus sur le pont 10 ou 12 et ceux qu'on a sauvés, à part 1 ou 2, étaient en effet tous de quart. Les autres se sont trouvés coincés, avec la quille au-dessus d'eux... et je ne peux songer sans horreur à ce qu'ils ont dû souffrir d'angoisse pendant les cinq minutes que la Framée surnagea.
Un chauffeur eut le temps de s'échapper. Son camarade qui chauffait en même temps que lui le suivit. Il était à moitié hors du panneau de la chaufferie quand le collecteur de vapeur éclata : il retomba dans la chaufferie...
On ne saura jamais d'ailleurs toutes les scènes d'angoisse qui se sont passées pendant ces quelques minutes ou 47 hommes se sont noyés.
Nous avons tous été très frappés de cette grande catastrophe et ce n'est vraiment pas de chance que l'amiral finisse ainsi son commandement, bien qu'il ne soit en rien responsable d'une fatalité.
"J'ai vu bien des naufrages, bien des catastrophes" disait le Commandant, "mais jamais une pareille noyade ! "
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LA PERTE DE LA FRAMEE Texte du "MONITEUR DE LA FLOTTE et le JOURNAL DU MATELOT (Réunis)" du Samedi 18 août 1900
Une douloureuse nouvelle parvenait dimanche matin au ministère de la marine :
Le contre-torpilleur Framée de l’escadre de la Méditerranée avait été coulé par le cuirassé amiral Brennus. Une faible partie de l’équipage seulement avait pu être sauvée. Le nombre de morts était de quarante-huit ; c’est le Cassard qui avait été envoyé par l’amiral Fournier à Cadix pour télégraphier la catastrophe.
Le terrible accident a eu lieu au large du cap Saint-Vincent, dans les circonstances suivantes, d’après le récit qui et a été fait par des officiers du Brennus :
On sait qu'après avoir quitté Brest le 1er août, l'escadre de la Méditerranée était arrivée le lendemain, partie à Royan, partie à Bordeaux et à Arcachon. Le 7, elle avait opéré son ralliement à Royan pour rentrer à Toulon.
La catastrophe s'est produite dans la nuit du vendredi 10 août au samedi 11 vers minuit. L'escadre de la Méditerranée se trouvait à environ 70 milles au sud du cap Saint-Vincent, par le travers du cap Santa-Maria.
L'escadre était en ligne de file, faisant route vers le détroit de Gibraltar à la vitesse de 10 nœuds. Il faisait calme avec un peu de houle sud-est. La pleine lune éclairait l'horizon. On y voyait comme en plein jour. Tous les feux de navigation étaient allumés.
Vers onze heures quarante-cinq, le croiseur porte-torpilleur Foudre, qui était resté en arrière, ralliait l'escadre, et son retour était aussitôt annoncé à l'amiral Fournier. A ce moment, le commandant en chef voulut communiquer un ordre à la Foudre, désireux de lui demander si elle avait pu ravitailler ses torpilleurs. Il choisit pour transmettre cet ordre le contre-torpilleur Framée.
Mais la Framée ne parut pas comprendre les signaux qui lui étaient faits ; c’est alors – il était exactement onze heures quarante-cinq – qu'on donna l'ordre d'appeler la Hallebarde. Elle était près du Brennus, il suffit à l'officier de quart de l'appeler par son nom Hallebarde !
Elle arriva aussitôt : "Allez dire à la Framée de venir prendre un ordre verbal de l'amiral ; qu'on l'appelle depuis une demi-heure sans réponse".
La Hallebarde fila, transmit l'ordre, et la Framée, qui se trouvait à environ 400 mètres derrière elle, augmenta aussitôt sa vitesse et prit celle de 16 nœuds pour venir se placer à environ 50 ou 60 mètres à gauche du Brennus, par le travers de sa passerelle arrière, mais trop loin pour prendre l'ordre verbal. C'est alors que l'officier de service de la majorité, le lieutenant de vaisseau de Lapérouse fit communiquer avec le contre-torpilleur à l'aide de signaux lumineux à bras.
Le signal à transmettre était le suivant : "Pourquoi n'avez-vous pas répété ?" En d'autres termes : "Pourquoi n'avez vous pas signalé : aperçu ?"
D'abord, a dit un officier à un rédacteur de l'Echo de Paris, le signal "pourquoi" est exécuté deux fois avant que la Framée ne le comprenne. Le contre-torpilleur qui fait route parallèlement au vaisseau amiral signale enfin : Aperçu. Le Brennus passa au suivant : "N'avez-vous pas." La Framée signale : "aperçu" ; on arrivait au mot "répété", complétant ainsi la phrase interrogative, lorsque le maître de quart du Brennus, voyant le danger que courait la Framée qui s'approchait de plus en plus, quitte précipitamment le signal et va prévenir le lieutenant de vaisseau de Lapérouse, l'officier de service : "Voyez la Framée se rapproche considérablement – Ah ! bon, il faut faire attention !" Et le lieutenant de vaisseau de service alla prévenir l'officier de quart, M. le lieutenant de vaisseau Dumesnil.
Le lieutenant de vaisseau de Mauduit-Duplessix, commandant la Framée, était à ce moment sur le pont. Son second, l'enseigne Epaillard, était de quart sur la passerelle.
A un moment donné le commandant de Mauduit trouvant que la Framée se rapprochait trop du Brennus, arrivant sur bâbord, tout près de l'arrière, monta sur la passerelle et commanda : "vingt degrés à gauche ! ". Ce commandement, dit d'une voix forte fut parfaitement entendu des hommes de quart du Brennus. Le quartier-maître de mousqueterie Le Bail, qui se trouvait à côté du commandant et qui a été sauvé, se rappelle fort bien avoir entendu cet ordre qui est du reste bien parvenu, assure-t-on, à la machine de bâbord ; quant à celle de tribord aucun homme n'ayant survécu, on ne peut savoir si cet ordre a été exécuté.
Que se passa-t-il, au reste ? Il est difficile de le savoir, car l'homme de barre de la Framée n'a pas survécu, lui non plus. Toujours est-il, hélas ! que la Framée, au lieu d'obliquer à gauche, obliqua à droite et vint se précipiter sur l'étrave du cuirassé.
C'est en vain que, ayant vu la Framée venir si dangereusement à proximité du Brennus, l'officier de quart du cuirassé-amiral, le lieutenant de vaisseau Dumesnil, avec beaucoup de décision, mit immédiatement le gros navire à 10 puis à 20 degrés sur la droite, pour s'écarter et renversa ses machines. Tout cela, malheureusement, ne pouvait empêcher l'abordage.
Le commandant de Mauduit en eut l'immédiat pressentiment ; on l'entendit donner à la Framée l'ordre de marcher en avant à toute vitesse, pour tenter d'éviter le cuirassé. Cet ordre ne put être exécuté.
En moins d'instants qu'il ne faut pour l'écrire, la Framée était atteinte par l'étrave du cuirassé, à tribord, à la hauteur de la troisième cheminée sous une incidence de 30 degrés environ ; le Brennus avait à ce moment la barre toute à droite. Le petit navire se coucha instantanément sur le côté, chavira, la quille en l'air, et sombra au bout de deux ou trois minutes, ses hélices continuant encore à tourner. La collision s'était produite exactement à minuit sept.
Le personnel des machines et des chaufferies ainsi que les deux tiers de l'équipage de la Framée se trouvèrent emprisonnés sous l'eau, sans qu'aucun secours ne pût leur être porté ; l'escadre, en effet, était en route sans faire aucune manœuvre ; l'amiral, tenant compte des efforts et des longues heures de quart supplémentaires depuis la constitution de l'armée navale, n'avait imposé pour la rentrée à Toulon que le service ordinaire ; l'équipage était donc couché, en dehors des hommes de service qui se trouvaient sur le pont et qui, pour la plupart, ont pu se sauver.
Quant au lieutenant de vaisseau de Mauduit-Duplessix, à qui la perte du navire placé sous son commandement ne peut être imputée, il est mort volontairement et héroïquement, refusant de quitter son navire qui sombrait.
Le patron de la baleinière n°1 du Brennus, un quartier-maître de manœuvre nommé Rio, voulut sauver le commandant de la Framée, que l'on apercevait debout sur la muraille de son bâtiment. Il est parvenu à approcher du commandant de Mauduit-Duplessix et lui offrit sa ceinture de cuir. Il suffisait au commandant d'accepter pour être sauvé et sauter sur la plage-avant du Brennus ; il refusa avec la plus vive énergie : "Courage, mes hommes, dit-il en se tournant vers ceux qui surnageaient, tâchez de vous sauver. Adieu ! " et, comme lié à son navire dont il voulait partager le sort, il fut englouti dans les flots.
Les cris partis de la Framée et du Brennus avaient amené bientôt sur le pont du vaisseau-amiral un grand nombre d'officiers et de matelots qui purent organiser rapidement le sauvetage de quelques naufragés de la Framée qu'il paraissait possible d'arracher à la mort.
Malgré les bouées, les ceintures et les avirons qui leur furent jetés, beaucoup d'hommes se noyèrent dans les tourbillons et les remous provoqués par le chavirement de la Framée et le brusque mouvement en arrière du Brennus. Les quatre embarcations du Brennus ne purent recueillir que quatorze hommes, excellents nageurs ; le drame n'avait pas duré dix minutes.
L'officier mécanicien de la Framée, M. Jules Coupé, est mort non moins héroïquement que son commandant. Dès qu'il eut la notion de la catastrophe, il pensa à assurer, autant qu'il était possible de le faire, le sauvetage de ses camarades. Il aida notamment ceux de ses hommes, dont le chauffeur breveté Le Cayonnec, à sortir de la machine. Il leur fit revêtir la ceinture de sauvetage, grâce à laquelle ils purent se jeter sans danger dans l'eau. Mais les instants étaient comptés, et lorsque l'officier mécanicien pensa à lui, il était trop tard ! La Framée l'entraîna au fond. M. Coupé était marié et père de quatre enfants ; c'était le fils d'un entrepreneur de Saint-Quentin.
Le quartier-maître mécanicien est mort presque aussi tragiquement. Il avait fait remonter sur le pont ses ouvriers auxiliaires, les mécaniciens Bardinet et Emile Cornille, deux jeunes gens de dix-sept et dix-neuf ans, et à peine ceux-ci furent-ils sauvés que le bateau s'enfonçait.
Plusieurs hommes de la Framée ont dû être surpris par la mort dans leur plein sommeil. Le quart avait été pris à onze heures du soir, et certainement ceux qui avaient été relevés avaient dû s'endormir profondément. Parmi ceux qui ont échappé par miracle à l'engloutissement on cite le quartier-maître distributeur Joubeau, qui, raconte-t-on, s'était tenu couché au panneau le long du mât dès que le navire eut chaviré ; il s'en échappa, surnagea et fut recueilli saint et sauf.
Un officier du Brennus a expliqué à notre confrère de l'Echo de Paris comment la catastrophe a pu faire tant de victimes :
Nous avions eu une forte houle qui avait balayé l'avant des bateaux et obligé ceux-ci à fermer les panneaux ou écoutille et leurs sabords, ce qui faisait que l'air intérieur des navires était surchauffé surtout avec la chaleur dégagée encore à l'intérieur par les machines. A bord des grands bateaux comme le nôtre, c'était déjà un supplice, mais dans l'intérieur des torpilleurs, c'était atroce ; les gens devaient donc, comme d'habitude, coucher presque nus et être en transpiration dans leurs hamacs étroits ; ceux qui ne sont pas morts étouffés ont dû être congestionnés au contact de la mer.
Parmi ceux qui se sont distingués au cours de cette horrible catastrophe il faut signaler, parmi tant de sauveteurs courageux, le chauffeur auxiliaire Burguin, qui se fit attacher par les aisselles et, à plusieurs reprises, plongea dans les profondeurs causées par les remous ; il réussit ainsi à sauver un des hommes de la Framée que l'on considérait déjà comme perdu ; un autre matelot chauffeur était parvenu, grâce à Burguin, à se sauver de la chaufferie ; mais il ne put rester cramponné à la coque de la Framée, ayant les bras et les jambes brûlés ; il disparut en criant : "Sauvez-moi ! "
Un second-maître mécanicien de la Framée, qui nageait péniblement, entendit la voix d'un de ses amis du Brennus, un quartier-maître, lui cria : "Sauve-moi, Riaud ! " et disparut aussitôt.
Le quartier-maître distributeur de la Framée qui était couché dans son hamac au moment de la catastrophe, est un des rares parmi les hommes endormis au moment de la catastrophe qui ait pu se sauver.
Le secrétaire du commandant Mauduit, le 2e maître fourrier Gicquel, couché aussi dans son hamac, dut son salut à un besoin pressant qu'il allait satisfaire au moment de la collision. Excellent nageur, il fut recueilli sur l'eau.
Un de nos confrères a pu l'interviewer :
Il faisait une chaleur épouvantable dans le poste ; nous étions couchés lorsque tout à coup un besoin de la nature me fait lever et monter sur le pont. Tout d'un coup, avant de pouvoir me retourner, je me sens précipité dans la mer. Le commandant, à quelque distance, refuse une ceinture que lui envoie un homme d'une embarcation. Comment avons-nous fait notre compte pour sombrer ? Je suis incapable de le dire. Je n'étais plus moi-même, tellement le coup avait été brusque ; mes pauvres camarades enfermés ont dû être étouffés sans transition entre le sommeil et la mort.
A côté de moi, pendant que je criais au secours, j'entendais un fusilier me crier en saisissant un coffre dont il avait eu le sang-froid de couper les retenues à l'aide de son couteau : "Eh bien ! mon vieux, nous sommes propres. Je crois que c'est notre dernière heure, dis ! ". Je ne rigolais pas, m'accrochant à tout ce que je trouvais ; lui se tenait sur l'eau grâce au coffre. Ah ! le moment de transe que nous avons passé ! J'ai été hissé dans l'échelle d'avant…"
On cite des détails horribles : des malheureux, soit qu'ils aient perdu la raison, soit à bout de forces, n'ont pu saisir les objets qu'on leur présentait à la portée de leurs bras. "Accroche-toi vite", dit un homme du Brennus à un camarade. Le malheureux essayait de s'accrocher, mais sa main n'avait plus de force, il lâcha prise : "Je suis foutu ! " dit-il ; et, dans un remous il disparut. C'était horrible : on voyait leur corps zigzaguant dans l'eau avant de couler comme des plombs. D'autres criaient : "Par ici, la baleinière (10); par ici, le canot(11) : je n'en peux plus, venez vite, sauvez-moi ! " Les embarcations faisaient des efforts inouïs, mais il s'est passé si peu de temps entre l'abordage et la submersion que sauver plus de monde était impossible.
Dans la nuit silencieuse et claire on entendait retentir les cris et les plaintes des naufragés : "Oh ! Brennus, Brennus, au secours, sauvez-moi ; Brennus, à gauche, à droite, par ici ; mes chers enfants ! "
Tous ces cris déchirant s'entrecroisant dans la nuit calme, faisaient monter des larmes aux yeux des marins qui assistaient impuissants à la mort de leurs frères d'armes. Les projecteurs éclairaient les épaves où s'étaient cramponnés les quelques survivants permettant ainsi aux embarcations d'aller les secourir. De magnifiques actes de courage se sont produits, mais, hélas ! de tout l'équipage, quatorze hommes seulement ont pu être sauvés, la mer avait englouti tout le reste.
L'amiral Fournier laissa deux croiseurs jusqu’au jour sur le lieu de la catastrophe, le Galilée et le Dunois, mais personne ne reparût de ceux que la mer venait d’engloutir.
Sur les signaux du Brennus, dès qu’avait eu lieu la fatale rencontre, tous les navires de la force navale avaient ralenti, puis arrêté leur marche ; dès que le signal " abordage grave nécessitant de prompts secours " fut fait par le Brennus, les chaloupes(12) arrivèrent, celles du Charlemagne en tête ; en moins de cinq minutes les deux baleinières du Brennus volaient au secours des victimes.
L’escadre resta cependant plus de deux heures et demie sur les lieux. Les embarcations fouillèrent opiniâtrement l’horizon, les bâtiments lançaient de multiples projections électriques. Vers trois heures du matin, plus rien n’étant découvert à la surface, l'amiral Fournier dut, à regret, abandonner le lieu où venait de disparaître tant d’énergies humaines !
Le Brennus, dit le journal de bord d’un officier que publie le Figaro, tire un coup de canon pour renvoyer les embarcations à leurs bords respectifs puis signale de remettre en marche. Les recherches sont finies.
Y a-t-il des morts ? A ce moment-là nous l’ignorons.
Le patron de notre baleinière, en accostant à bord, nous dit que c’était bien la Framée qui a été coulée ; mais, avec l’insouciance professionnelle du marin, tout occupé qu’il était à recueillir les débris, comme on lui en avait donné d’ordre, il n’a même pas songé à demander combien d’hommes avaient été sauvés.
La ligne de l’escadre se reforme, dans la nuit calme ; et la lune impassible continue à faire papilloter ses reflets sur la mer inhumaine ; combien de malheureux celle-ci a-t-elle enseveli à jamais dans son linceul profond ? Que nous sommes donc peu de choses ?
...Vers six heures du matin, la brise s’est levée, assez forte : une mer courte et hachée moutonne à l’horizon. Nous avons le cap sur le détroit de Gibraltar. Au jour, la sœur de la Framée, la Hallebarde, parcourt la ligne des cuirassés, demandant à chacun d’eux, par signal à bras : " Avez-vous sauvé des hommes de la Framée ? Si oui, signalez leurs numéros matricule ".
Et la réponse, hélas ! est uniforme : " Nous n’avons sauvé personne ".
Ainsi s’évanouit déjà le bien faible espoir qui nous restait de savoir tout l’équipage sain et sauf.
Une heure après, le Brennus fait le signal suivant :
Le commandant en chef a la douleur d’annoncer à l’escadre la perte de la Framée, dans les circonstances suivantes : Ce contre-torpilleur était par le travers du Brennus pour interpréter un signal à bras ; son commandant, se voyant arriver trop près, commanda : " Augmenter la vitesse " et mit 20 degrés de barre à gauche pour s'écarter ; mais la barre fut mise à droite et le bâtiment se jeta avec violence sur l’avant du Brennus, qui renversa immédiatement sa marche, sans pouvoir éviter l’abordage. La Framée coula rapidement, 14 hommes seulement purent êtres sauvés ; ils ont donné l’explication précédente. "
C’est la lettre de deuil.
On estime que la Framée a coulé par 760 mètres de fond, mais elle n’a pas dû atteindre plus de 60 mètres de fond et la sinistre épave au funeste équipage flotte entre deux eaux au gré des courants sous-marins jusqu’à ce qu’un fond propice s’offre où elle s’échoue.
L’amiral Fournier a été interrogé par un rédacteur du Gaulois sur les causes de l’accident.
" Tous les officiers, dit-il, s’accordent à dire que l’accident est dû très probablement aux défectuosités du servo-moteur, ainsi que les organes de transmission d’ordre, qui étaient installés d’une façon insuffisante à bord de la Framée et ne permettaient pas au commandant de contrôler l’exécution de ses ordres. "
De son côté, M. le lieutenant de vaisseau de Cuverville, aide de camp de M. l’amiral Fournier, a fait la déclaration suivante à un rédacteur du Journal :
Visitant la Framée, à Brest, je m’étonnais que de Mauduit put manœuvrer un pareil navire. Le malheureux officier répondit qu’il avait à maintes fois signalé le fait sans rien obtenir. Entre Royan et Saint-Vincent, pareille erreur d’interprétation s’était produite deux fois ; la barre était sans doute bloquée.
La catastrophe est donc due très probablement à une mauvaise interprétation des ordres et au système de transmission qui était défectueux. "
L’escadre de la Méditerranée a mouillé le 14 en rade de Toulon. Les 14 survivants du naufrage du contre-torpilleur Framée, recueillis par le Brennus, ont été maintenus à bord du vaisseau-amiral. Ils n’ont pas communiqué avec la terre jusqu’à ce que le conseil d’enquête se soit réuni, ce qui a été chose faite mercredi, à bord du Charles-Martel. Le conseil d’enquête était présenté par le contre-amiral Roustan, commandant en second de l’escadre, assisté des deux plus anciens capitaines de vaisseau commandant en escadre, les commandants de kertanguy et Leygues. Ce conseil, après avoir entendu tous les témoignages, a établi un rapport documentaire détaillé sur les circonstances de la douloureuse catastrophe ; ce rapport sera porté à Paris par M. le vice-amiral Fournier.
En dehors des 14 naufragés qui, malheureusement, n’ont pu fournir que de vagues indications, les principaux témoins et acteurs du drame entendus ont été : le capitaine de Vaisseau Boué de la Peyrère, commandant du Brennus ; le lieutenant de vaisseau Dumesnil, de quart au moment de l’abordage ; l’enseigne de vaisseau Ferret, officier de quart en sous-ordre, du Brennus.
Le conseil a interrogé également le lieutenant de vaisseau de Lapérouse, aide de camp de l’amiral, qui vint avertir le lieutenant de vaisseau Dumesnil du danger.
Ont aussi été appelés à déposer devant le conseil :
- 1° Le deuxième maître de timonerie Hemme, chef de quart à bord du Brennus ;
- 2° Le deuxième maître de timonerie Minoux, chef de quart aux compas ;
- 3° Le quartier-maître de timonerie Moisan, sous-chef de quart à la veille ;
- 4° Le quartier-maître de timonerie Bonny, sous-chef de quart à la timonerie.
Le conseil a entendu la déposition de tous les matelots timoniers de service, hommes du bossoir(13) chargés de la surveillance extérieure du bâtiment.
Enfin, pour bien se rendre compte de la manœuvre du Brennus pour éviter la catastrophe, les membres enquêteurs ont entendu M. Pons, officier mécanicien de service dans la nuit du 10 au 11 et consulté son journal de machinerie.
L’officier mécanicien a prouvé, son livre à l’appui, que tous les mouvements de machines avaient été ordonnés et exécutés pour prévenir l’abordage.
CLOAREC, naufragé à Ouessant, 1902
Un extrait singulier dans le registre de l'état civil de Séné permet de mener un autre enquete sur le marin Jean Marie CLOIREC. On lit difficilement le nom du bateau sur lequel il était embarqué et sur lequel il périt le 31/01/1902.
On poursuite la recherhce pour trouver son acte de naissance qui nous indique qu'il naquis au village de Montsarrac le 3/04/1873. Patiemment, on finit par repérer dans le dénombrement de 1891 la composition de la famille CLOAREC.
Comme tous les marins, il a un dossier au Service Historique de la Marine à Lorient. On y apprend qu'à l'âge de 12 ans, le 19/02/1885 il est mousse sur le Valérie Victoire, un canot de Vannes. Il deviendra novice le 5 mai 1891 sur le lougre Adrien. En juillet 1893 est rejoint le 3° Dépôt des Equipages à Lorient pour y accomplir sa conscription. Il sera mis "en congé illimité" le 24/07/1898.
Son doisser nous indique également quel furent les derniers bateaux surlesquels il fut marin. Le 24 janvier 1902, il embarque sur la trois mats CHARANAL pour un voyage qui doit amener le bateau de Nantes vers Port Talbot en Cornouilles en Angleterre.
Fort de ces précisions sur la vie du marin CLOAREC, on part à la recherche sur internet du naufrage du bateau CHARANAL en janvier 1902. Rapidement on retrouve une page internet où un pasionné d'histoire maritime nous livre le compte rendu de l'unique survivant de ce naufrage avec moulte détail sur la manoeuvre des voiles du trois mats.
"Au large d'Ouessant, le trois-mâts français Chanaral (1420 tx) en route sur lest vers Port Talbot, se retourne dans la tempête et disparaît avec 21 membres d'équipage. Il n'y a qu'un seul survivant, le Second qui, dans son rapport de mer, décrit les circonstances de la perte du navire.
Je soussigné Le Grand, second capitaine du navire Chanaral, du port de Dunkerque, appartenant à MM. Antoine-Dominique Bordes et Fils, armé de 22 hommes d'équipage, le grand panneau condamné, déclare être parti de la rade de Saint-Nazaire le jeudi 30 janvier dernier, à destination de Port-Talbot. Ayant à bord 700 tonnes de sable comme lest, avec un bardi soigneusement fait au milieu, nous sommes partis de Saint-Nazaire à 4 heures du soir à la remorque et sous la conduite d'un pilote.
Il ventait forte brise du Nord-Est et le baromètre était très haut.
A 6 heures du soir, après avoir largué le remorqueur et débarqué le pilote en dehors des passes, nous établissions les trois fixes, le grand foc, le petit foc et les voiles d'étai majeures. Pendant la nuit, rien d'anormal, tout étant en ordre à bord et saisi en cas de mauvais temps. A 11 heures du soir, nous étions dans l'Ouest du feu de Belle-Ile.
Le lendemain, 31 janvier, à la pointe du jour, le capitaine fait établir la misaine et l'artimon. Toujours forte brise du Nord Est qui tend à hâler l'Est. A 9 h 30 du matin, nous apercevons le phare de l'île de Sein et vers midi, le vent fraîchissant toujours de plus en plus, serti le grand foc, la misaine, les voiles d'étais, le perroquet de fougue et nous restons en cap tribord amures, sous nos deux huniers fixes, le petit foc et l'armiton.
Dans la soirée, il vente en tempête et la mer grossit de plus en plus. Le baromètre se maintient toujours très haut. Le navire en cape donnait de violents coups de roulis, mais se comportait très bien et rien ne nous laissait prévoir le dénouement fatal qui nous attendait quelques heures plus tard. Le maître d'équipage se trouvait de quart de 8 heures à minuit lorsque vers 10 heures et demie du soir, le navire se trouvant à environ 70 milles dans le Nord-Ouest de l'île d'Ouessant, il vient nous prévenir, le capitaine et moi, que le navire était engagé et que nous nous trouvions sur trois quilles.
Aussitôt le branlebas fut ordonné pour tout le monde et manoeuvrant nous essayâmes de virer de bord lof pour lof. Mais le navire était déjà tout chaviré sur bâbord et ne voulut obéir ni à son gouvernail ni à l'effet produit par les vergues brassées dans le vent. Le navire se couchait de plus en plus et une heure plus tard toute manoeuvre devenait impossible, la mâture étant déjà dans l'eau.
On s'occupa alors des embarcations, seul moyen de salut qui nous restait, mais hélas, sur quatre il n'en restait plus qu'une.
Lorsque vers 11 h. 30 du soir, le 31 janvier, le navire coula et que je me cramponnais à la baleinière de sauvetage qui s'était dégagée de ses saisines, nous étions six réunis sur la quille de cette embarcation, dont trois matelots, un mousse, le 2eme lieutenant et moi.
Enfin après une nuit terrible de lutte et de souffrances, auxquelles mes compagnons n'ont pu résister, je me suis vu sauvé le lendemain. 1 février, à 11 heures du matin, par le vapeur norvégien Victoria, capitaine Andersen, duquel je n'ai qu'à me louer pour les services qu'il m'a rendus pendant que j'étais à son bord. Le vapeur, allant de Valence à Liverpool, a relâché à Falmouth pour charbonner et c'est dans ce port que j'ai été débaqué le 3 février, à 10 heures du matin. Tel est mon rapport véritable et sincère pour servir et valoir ce que de droit.
Fait à Falmouth le 4 février 1902. Signé Jean LE GRAND.
La nouvelle du naufrage est parvenue en Morbihan par la presse qui renseigne sur le rôle d'équipage et les ciscontances du naufrage. Le Charanal était parti chercher du charbon à Port Talbot au Pays de Galles et pour tenir sa gite emportait du ballast. Il devait après gagner le port chilien de Tocopilla sans doute pour y charger du guano.
Par mi les victimes du naufrage deux mousses et le marin sinagot Jean Marie CLOAREC.
TREHONDART, nickel contre glace, 1903
A l'origine de ce récit, une mention marginale dans une page du registre d'état civil de Séné pour l'année 1903.
Par jugement en date du 24 septembre mille neuf cent sept, le Tribunal civil de 1ère Instance de Nantes a dit et déclaré que le Me Tréhondart, Ange Marie, célibataire né à Séné le onze octobre mil huit cent soixante treize, fils de feux Jean Louis et de Noblanc Marie Joséphine, profession de capitaine au long cours inscrit au quartier de Vannes, domicilié à Séné, faisant partie de l'équipage du tois mâts "Lamoricière" est décédé en mer le quatre novembre mil neuf cent trois
Pour mention, ce premier février mil neuf cent huit.
Le Maire
La mention est riche de détails qu'on va vérifier avant d'essayer d'en savoir plus sur la disparition en mer de Ange Marie TREHONDART et du trois mats barque LAMORICIERE.
Son acte de naissance nous indique qu'il était né à Cadouarn d'une mère ménagère et d'un père maître de cabotage.. Il choisira également la marine marchande pour devenir "Capitanie au long court".
La famille Tréhondart apparait au dénombrement de 1891. Deux filles et deux garçons dans une famille sans doute aisée qui emploie une domestique.
On lit sur sa fiche d'Inscrit Maritime à Lorient, que le jeune TREONDART fait l'école de la Marine Marchande à Brest vers 1895. Le 30/08/1896, ayant épuisé tous ses possibilités de sursis, il rejoint le 3° Dépôt de Lorient pour sa conscription et il est "mis en congé" le 30/08/1897.
Il gravit alors les échelons d'officiers de la marine marchande. Lieutenant en mars 1898 puis Capitaine en second en juin 1901.
On sait par son acte de décès qu'il sera Capitaine au long Cours sur un navire du nom du Général Lamorcière, qui pris part à la conquête de l'Algérie.
Quelques clics sur Internet et on découvre que le LAMORICIERE est un trois mâts barque ayant une fonction de vraquier et qui avait comme "sister-ship" (navire identique sous un nom différent), le GENERAL MELLINET, et le LOUIS PASTEUR. Ces noms de navires vont nous permettre de trouver une photo non du Lamoricière mais du Général Mellinet.
On retrouve ses dimensions et l'identité de ce trois mats barque. :
longueur hors-tout : 81.29 m
longueur entre perpendiculaires : 76 m
Largeur : 11.20 m
Creux : 6.60 m. Au pont : 7.30 m
Tirant d'eau en charge : 6 m
poids lège : 1 490 t
port en lourd : 2500 t
déplacement 3 650 t
Jauge brute : 1 940 tx
Jauge nette : 1 500 tx
Voilure: 2 500 m2
DESCRIPTION : Construction rivée. Mâts de hune en un seul morceau, avec les bas-mâts, en acier. Mâts de 37 m. de hauteur, sans compter le mât de perroquet, en bois. 22 hommes d'équipage.
CONSTRUCTEUR : Société des Ateliers et Chantiers de Normandie Laporte et Cie, spécialisé dans les "Caps Horniers". La construction de la coque du navire est achevée en cinq mois.
ARMATEUR : Marine marchande française, Société des Voiliers Nantais, Nantes.
DATE DE POSE DE LA QUILLE SUR CALE : 15.04.1895
DATE DE LANCEMENT : 07.09.1895 Sous un soleil de plomb, le voilier joue un mauvais tour à sa marraine, Mme Pergeline, épouse de l'administrateur des Voiliers Nantais : il glisse sur son ber avant que cette dernière n'ait eu le temps de trancher la corde.
DATE DE DEPART DES CHANTIERS :15.10.1895. Le premier voyage du LAMORICIERE dure deux ans : Chili-Californie-Afrique du Sud-Nouvelle-Calédonie. Le capitaine Crequer en prend ensuite le commandement au Havre.
Cet article du Ouest-Eclair de 1904, nous apprend que la compagnie d'assurance La Lloyd, le considère perdu. On apprend qu'il parti en novembre 1903 de Nepoui en Nouvelle Calédonie avec un chargement de minerai de nickel qu'il devait livrer à Glasgow en Ecosse empruntant une route passant par le Cap Horn...
L'article ajoute qu'il était commandé "par un excellent marin du Morbihan, le capitaine Tréhondart qui périt en mer avec son équipage de 21 marins
La même source
http://www.culture.gouv.fr/culture/inventai/itiinv/chanthnor/lamo.htm
ajoute :
"Alors qu'il devait être vendu à la Société Bordes, le voilier est porté disparu sur la ligne de Nouvelle-Calédonie en novembre 1904, lors d'un transport de nickel. On pense qu'il aurait heurté un iceberg..."
1874 Frederic Edwin Church-1826-1900-The Iceberg
LE DORIOL et la catastrophe du IENA 1907
Cette plaque mortuaire est visible sur une tombe de notre cimetière. On y lit :
Jean Marie DORIOL
Second maître - 41 ans - Mort à la catastrophe du Iéna - Toulon 12 mars 1907 - In pace
Qui était le marin Jean Marie DORIOL et dans quelles circonstances a-t-il péri lors de cette catastrophe ?
Une recherche dans les registres de l'état civil à la mairie de Séné nous permet de préciser l'identité du marin.
Il s'agit de Jean Marie LE DORIOL né le 8 avril 1865 dans une famille de pêcheurs de Kerdavid. Il perdra ses parents Julien LE DORIOL le 3/03/1871 et Marie Anne LE FLOCH le 1/10/1878. Après la mort de sa mère, il choisit de devenir mousse, comme nous l'indique sa fiche d'inscrit maritime.
De 1886 à 1893, il navigue sur différents bateaux "civils" avant de rejoindre la "Royale" en janvier 1893.
Pendant cette période de marin "civil", Jean Marie LE DORIOL s'est marié le 25 juillet 1891 avec Jeanne Marie LE ROUX native de Cariel le 24/07/1867.
Jeanne est l'aînée des enfants issus de l'union de Julien LEROUX avec Jeanne Françoise LE FRANC. Cette dernière décède en 1877. Julien LEROUX se remarie avec Marguerite GAYET. De ce second mariage naitront les frères LE ROUX, morts pour la France pendant la 1ère Guerre Mondiale. Mme Jeanne Leroux mariée Le Doriol perdra en ce début de XX°s son époux en 1907 et ses frères, Jean Marie Leroux de maladie le 25/04/1918 et Joseph Marie le 22/08/1920 de tuberculose.
Les archives départementales du Morbihan nous donnent la fiche de matricule de Jean Marie LE DORIOL et on apprend que depuis 1881, à l'âge de 16 ans, il est engagé dans la marine.
Le SHD de Lorient nous livre sa fiche d'inscrit maritime. On y apprend que le 12 décembre 1905 il embarque sur le cuirassier le IENA. La fiche comprend la mention de son décès le 12 mars 1907 lors que la catastrophe du IENA.
L'annonce de sa mort parmi les victimes de la catastrophe du IENA suscita un gros émoi à Vannes où il résidait avec sa femme rue du Four près de l'église Saint-Patern.
Ces obsèques furent un moment de recueillement pour toute la population de Vannes et de Séné.
La famille était dans l'attente de la restitution de la dépouille. Le cercueil "bardé de fer" arriva dans un wagon des chemins de fer le vendredi 22 mars 1907 en gare de Vannes.
Il fut amené par un corbillard jusqu'à l'église de Séné bondée de personnalités et habitants, comme le rapporte cet article de presse d'époque. Il fut inhumé au cimetière de Séné. Il laissait une veuve, et deux filletes, Marguerite née le 9/11/1898 et Marie Eugénie née le 12/04/1898.
Pour l'anecdote, le maire de Séné Louis Joseph LAURENT vient de décéder le 1 mars 1907. Le prochain, Joseph LE MOUELLIC ne sera élu que lors du scrutin partiel du 14 avril 1907. C'est sans doute Patern SIMON, premier adjoint qui représente la ville de Séné lors de ces cérémonies.
source wikipedia :
L’Iéna est un cuirassé d’escadre pré-dreadnought de 12 750 tonnes. Lancé en septembre 1898, l’Iéna était, en 1907, une des unités les plus récentes de la flotte française ; il portait le nom d’une des plus grandes victoires de Napoléon dont on venait juste de fêter le centenaire en grande pompe, la bataille d'Iéna. Le Suffren, lancé le 25 juillet 1899, sera un modèle dérivé de l’Iéna.
Mardi 12 mars 1907, l’Iéna était entré depuis quelques jours dans un des bassins de carénage de Missiessy - dans le port militaire de Toulon - pour une visite de sa coque. Les travaux étaient presque achevés, tout était normal ; vers une heure passée de l’après-midi, les hommes d’équipage regagnèrent leur poste, les ouvriers de l’arsenal n'étaient pas encore revenus à bord. Une première explosion se produisit. Une grande flamme jaillit d'une cheminée et du monte-charge de la soute tribord. L’incendie gagna rapidement les autres soutes et les torpilles, les explosions se succédèrent.
Les toitures de trois ateliers furent soufflées. Le Suffren, qui se trouvait dans un bassin proche, se coucha presque complètement sur tribord. Des éclats furent projetés à des centaines de mètres, blessant des passants et tuant même un enfant dans les bras de sa nourrice. Les dégâts furent considérables. Des débris humains furent dispersés dans un rayon de 200 mètres.
Sur un équipage de 630 hommes, officiers compris, le bilan officiel fut de 37 blessés, dont l’amiral Henri-Louis Manceron légèrement blessé, et de 118 morts, dont sept officiers parmi lesquels le capitaine de vaisseau Adigard qui commandait le navire et le marin sinagot Jean Marie LE DORIOL.
La presse du Morbihan a relayé l'information comme en témoigne cet extrait d'article :
Le jour même, le ministre de la Marine, Gaston Thomson, partit pour Toulon où il arriva le lendemain. Dans un contexte international toujours tendu au lendemain de la crise de Tanger l’émotion fut vive. Les messages de sympathie affluèrent du monde entier. Le roi Édouard VII d’Angleterre et l’infant d’Espagne se rendirent sur les lieux et visitèrent l’épave.
Les obsèques nationales eurent lieu le samedi 23 mars sur la place d’Armes à Toulon en présence du Président Armand Fallières, des différentes personnalités dont Mgr Guillibert évêque de Fréjus et des corps constitués. Les cercueils des victimes étaient portés par des prolonges d’artillerie et le long cortège funèbre défila devant les survivants réunis.
Une enquête parlementaire sur l’origine de la catastrophe fut immédiatement ouverte. Le gouvernement Clemenceau constitua une commission mixte, la Commission scientifique d'étude des poudres de guerre créée le 6 avril suivant par décret du président Fallières. L’enquête mit en cause la poudre B. En vieillissant, la poudre B se décomposait, devenait instable et s’auto-enflammait. C’est ainsi que débuta la fameuse « affaire des poudres », qui opposa violemment Léopold Maissin, alors directeur de la poudrerie du Moulin blanc au Relecq-Kerhuon près de Brest et Albert Louppe, alors directeur de la poudrerie de Pont-de-Buis qui se rejetèrent réciproquement les responsabilités. Cette polémique dura jusqu’en 1914, ravivée en novembre 1911 par l’explosion du cuirassé Liberté.
En 1908-1909, l’Iéna fut amarré en baie d'Alycastre à Porquerolles pour servir de cible de tir pour la Marine. Il servit en particulier à la mise au point des obus perforants, devant exploser seulement après avoir traversé le blindage de la cible.
Une plaque à Toulon rappelle cette tragique exploision.
La polémique sur "l'affaire des poudres" trouvera un rebondissement en ...2017.
Jean Yves LE DRIAN Minsitre de la Défense prend conscience que les arméees françaises utilisent des munitions produites à l'étranger et décide de relancer la production nationale et bretonne de poudre plus d'un siècle après l'explosion du IENA.
Marins charbonniers, PIERRE, 1912, JEAN, 1916
Le transport de charbon était un maillon important de la révolution industrielle. Au débuut de XX°siècle, des compagnies de transport maritime assurent le transport de charbon depuis le Roayume Uni vers la continent ou les îles.
Le récit de ces deux marins charbonniers, péris en mer, nous montre que l'activité n'était pas sans danger.
PIERRE Ange Marie [24/05/178 Kerarden 04/03/1912 ] Vapeur Belle Ile
Georges Marie JEAN [ 22/01/1878 Ile d'Arz 18/11/1916 ] Charles LE BORGNE
PIERRE Ange Marie [24/05/178 Kerarden 04/03/1912 ] Vapeur Belle Ile
Une mention marginale sur le registre de décès de Séné interpelle l'historien local. On y apprend que Ange Marie PIERRE est déclaré par le Tribunal de Nantes disparu en mer en date du 4 mars 1912. Il laisse une veuve Marie Julienne KERIO épousé le 9/1/1905. On lit qu'il était chauffeur sur le vapeur BELLE ILE.
On vérifie avec méthode son acte de naissance qui comporte bien la mention marginale de son marriage.
L'identité du marin vérifiée, on cherche a en savoir plus sur le vapeur BELLE ILE. Le jugement a eu lieu à Nantes, aussi on recherche dans les Archives de Loire Atlantique une mention du BELLE ILE. Ces archvies ont mis en ligne une base de données sur les matricules des navires. En quelques clics, on retrouve l'identité du vapeur BELLE ILE et les différents voyages entrepris.
On lit qu'il est parti de Penmarth près de Cardiff au Pays de Galle le 4 mars 1912. Cette date sera retenue pour date de décès. On note la compagnie de trnasport : Société des Chargeurs de l'Ouest.
Muni de ces informations on se lance dans une recherche sur la presse numérisée. Ouest Eclair semble le support plus adapté que la presse du Morbihan. En tapant le mot clef "chargeur" pour l'année 1912, on réussi à trouver un article de presse qui nou slivre le rôle d'équipage et quelques précisions sur le dernier voayage entreprise par le vapeur BELLE ILE.
Sa veuve, Marie Julienne KERIO se retrouve avec plusieurs enfants en bas âge. Elle décède le .Son enfant, Ange PIERRE [7/9/1910-1/06/1192], orphelin est recueilli par son oncle, le pêcheur de Séné, Hyacinthe KERIO qui vit avec son épouse Léonie LE DORIOL. Celle-ci accouchera de triplées. [Lire portrait des Kerio].
Sa petite-fille, Catherine PIERRE précise : Ange Marie PIERRE naquit le mercredi 07 septembre 1910 à 17h à Montsarac commune de Séné, il est le fils d’Ange PIERRE et de Marie Julienne KERIO. Il a deux ans quand son père péri en mer. Au décès de sa mère, il est recueilli par son oncle et sa tante. il refusera d'être pupille de la marine, naviguera avec son oncle sur "Léonie ma chère". Il rentrera dans la marine de commerce du Havre et naviguera sur le Valmy, sur le Normandie qui fit naufrage dans le port de New-York et sur le Liberté à partir de 1950. il est décédé en 1992 à Vannes.
Georges Marie JEAN [ 22/01/1878 Ile d'Arz 18/11/1916 ] Charles LE BORGNE
La Première Guerre Mondiale a emporté des marins enrolés dans la marine de guerre. D'autres marins de la marine marchande sont morts du fait d'un acte de guerre et sont déclarés "Morts pour la France". D'autres marins comme Georges JEAN, sont disparus en mer sur un navire qui oeuvrait pour l'effort de guerre de la France.
Georges Marie JEAN était né à l'Île d'Arz en comme l'indique son extrait d'acte de naissance.
Sa fiche d'Inscrit Maritime conservée au Service Historique de la Défense de Lorient nous indique qu'à l'âge de 11 ans il est mousse dans la marine. Le 25/02/1889, il embarque sur le Canot Eugène entre Vannes et l'Ile aux Moines.
Il s'est marié à Séné le 24/10/1906 avec Marie Pascaline Trehondart comme l'indique son extrait de naissance et l'acte de mariage à l'état civil de Séné. Pascaline TREHONDART était la soeur du Capitaine au long court Ange Marie TREHONDART qui péri à bord du CHANIRAL (lire article dédié).
La jeune épouse habite bien au Ranquin comme le montre l'extrait du dénombrement de 1906. La jeune femme et son frère encore célibataires vivent sous le toit de leur soeur aînée mariée à Jean Marie LE FRANC.
Son acte de décès consultable sur les registre de Séné nous indique qu'il disparait en mer le 18 novembre 1916, en rade de Barry au sud des côtes du Pays de Galles.
Georges Marie JEAN était matelot sur la vapeur charbonnier de la compagnie Le Borgne, nonmé le "Charles Le Borgne" qui allait chercher du charbon dans le port gallois de Barry, comme le confirme sa fiche d'inscrit maritime.
LE FRANC naufragé avec L'Afrique 1920
Séné devrait ériger un monument à tous ses enfants qui ont péri en mer, dans la marine marchande, dans la marine de guerre ou sur un bateau de pêche...
Tel est le cas de Stanislas Ange Marie LE FRANC. En parcourant les registres de l'Etat Civil de Séné, on remarque un acte de décès un peu particulier qui attire notre attention. On a envie d'en savoir plus...
Comme nous l'indique son acte de décès Stanislas LE FRANC est disparu en mer lors du naufrage de "L'Afrique" le 12 janvier 1920.
Qui était la marin LE FRANC et dans quelles circonstances L'Afrique a-t-il coulé en mer ?
Stanislas nait le 28 janvier 1900 de père inconnu. Sa mère se nomme Marie Françoise LE FRANC. Son père ne le reconnaitra que lors de son mariage avec sa mère le 15 mai 1905. Pourquoi celui-ci aura tardé 5 ans avant de se marier ? La famille apparait lors du dénombrement de 1911 au village de Moustérian. Deux autres enfants, Léon et François complètent la famille dont le chef est marin pêcheur.
Sa fiche de matricule nous apprend qu'il est "Inscrit Maritime" à Vannes à partir du 8 juillet 1918.
Sa fiche consultée au SHD de Lorient nous indique qu'en mars 1913, il est mousse sur le canot "Parre et Mélanie" et en octobre 1916, novice sur la goëlette "Marie Céline".
En juillet 1918, il est matelot sur le 5 mâts "Vimy"puis sur le vapeur Toulouse avant d'embarquer sur "L'Afrique" en mars 1919.
L'Afrique est un steamer de la Compagnie des Chargeurs Réunis.
L'annonce de son naufrage fait les gros titre dans la presse du Morbihan et bien sur dans la presse nationale.
L'Afrique est un paquebot mixte de 119 mètres de long de 5416 tonneaux construit en 1907 à Newcastle. Il est propulsé par 2 machines vapeurs à triple expansion de 7200 CV, six chaudières et deux hélices. I la été conçu pour 224 passagers et son propriétaire est la Compagnie française des chargeurs réunis.
Le 10 janvier 1920, il quitte Bordeaux pour la destination de Dakar avec à son bord 602 personnes (équipage et passagers). Les très mauvaises conditions météos sont à l'origine du naufrage de l'Afrique très tôt le 12 janvier 1920 aux abords Nord-Est du plateau de Rochebonne. Il n'y aura que très peu de survivants (34) dont un seul passager : que des adultes et hommes.
Un ouvrage relate les causes, les circonstances et les suites de ce sinistre maritime : Roland Mornet, La tragédie du paquebot « Afrique », La Crèche, Geste Editions, 2006.
Initialement, l'Afrique a eu une voie d'eau d'origine inconnue, qui a conduit à l'extinction des chaudières, le navire a ensuite dérivé dans la mauvais temps, ce qui a empêché toute tentative de remorquage par le paquebot Ceylan et il n'y avait d'autre part pas de remorqueur disponible assez puissant à ce moment et en ce lieu. Le navire a dérivé sur le plateau de Rochebonne et c'est l'abordage avec le ponton-feu qui a entraîné une seconde voie d'eau et le naufrage.
Le 7 décembre 1922, le paquebot Lutetia, qui suivait la même route que l'Afrique a eu une voie d'eau sur le banc de la Mauvaise, par le heurt d'une épave sous-marine. C'est peut-être le même cas que pour l'Afrique.
Il y avait à bord de l'Afrique, 192 tirailleurs sénégalais (7 survivants).
L'affaire a fait l'objet d'une séance au Parlement et a abouti quelques années plus tard, a une première organisation de remorqueurs d'assistance unique au monde, avec une subvention de l'Etat.
Le sauvetage en Manche relevait alors de la Société Dunkerquoise de Remorquage et de Sauvetage, et de la Société dee Abeilles du Havre. Le dispositif mis en place comportait un remorqueur à Brest, (Union Française Maritime), un à Saint-Nazaire (Union Française Maritime), un au Verdon (Chambre de commerce de Bordeaux) et un à Marseille (Compagnie Chambon). Mise en place progressivement à partir de 1920, complète en 1923, un peu réduite en 1925 (station de Saint-Nazaire supprimée) l'organisation a quasiment perduré jusqu'à la seconde guerre mondiale.
L'épave git sur la ban de sable du plateau de Rochebonne au large de La Rochelle.
Pour en savoir plus:
http://www.memoiresdelafrique.fr/memoiresdelafrique-histoire.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Afrique_(paquebot_1907)
DANET sauve les réfugiés à Smyrne,1922
Les registres de l'Etat Civil de Séné comportent des écritures "à portée historique" pour peu qu'on y prête attention. Ainsi, les actes de décès des Sinagots Jean Marie CORNO, Vincent BARRO et Alexis DANET retiennent l'attention de l'historien amateur. Le premier décède dans le port d'Oran alors qu'il était embarqué sur l'Edgar Quinet; Le second disparait en mer dans le Bosphore le 31/7/1922 toujours sur l'Edgar Quinet et le troisième à l'hopital Gulhané à Constantinople le 27 mars 1923. Leur proximité de date de décès et de naissance et leur localisation suggèrent des évènements en commun à la mort de ces trois soldats de Séné d'une même classe d'âge.
Qui étaient-ils et dans quels évènements ont-ils perdu la vie ?
On va répondre à cette question en consultant les fiches d'inscrit martime au SHD de Lorient, les données du dénombrement de 1921, de vieilles coupures de presse et quelques documents ou illustrations trouvées sur Internet.
Un petit rappel historique s'impose pour comprendre ce qui amène la marine française près de Constantinople.
A la fin de la Première Guerre Mondiale, l'Empire Ottoman est défait. Le traité de Sèvres de 1920 redessine la possession des territoires en Anatolie et en Trace.
Cependant, ce traité n'est pas accepté par un général turc, Mustapha Kemal, dit Ataturk, le "Père de la Turquie"qui lève une armée et finit par imposer la nouvelle Turquie aux puissances alliées lors du traité de Lausanne en 1923.
Dans ce contexte, la France comme d'autres pays dépêche sur zone leur marine afin de mettre en sécurité leur ressortissants. L'Edgar Quinet est le navire-amiral de la 1ère division légère le 1er juillet 1920, formée avec le Waldeck Rousseau et l'Ernest Renan. Cette division est rattachée à l'escadre de la Méditerranée Orientale en 1921. Ces navires arriveront près des côtes d'Anatolie avec à leur bord deux de nos trois marins sinagots.
Jean Marie CORNO [17/09/1901 - 11/04/1922 ]
Vincent Louis Marie BARRO [24/09/1901 - 31/07/1922]
Alexis DANET [26/07/1901-27/03/1923]
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Jean Marie CORNO [17/09/1901 - 11/04/1922 ]
En effet, Jean Marie CORNO décède dans le port d'Oran, à bord de l'Edgar Quinet, quelques mois avant les évènements de Turquie. Que fait-il en Algérie au printemps 1922?
La fiche d'inscrit maritime de Jean Marie CORNO nous indique qu'il embarque le 6 mars 1922 à bord de l'Edgar Quinet, comme Vicnent BARRO. Ce fils de pêcheur de Cadouarn accompli sa conscription en 1922 comme ces deux camarades.
A partir des archives de l'Ouest Eclair on peut retracer la parcours du cuirassé Edgar Quinet. Le 1er avril, il est à Bordeaux où il embarque le Président de la République de 1920 à 1924, Alexandre Millerand [1859-1943] pour un voyage diplomatique au Maroc puis en Algérie.
C'est à l'arrivée dans le port d'Oran le 11 avril 1922, que le décès du marin Jean Marie CORNO est déclaré par les autorités militaires. Cette coupure de presse de La Dêpeche algérienner nous donne les circonstance du décès. O
Vincent Louis Marie BARRO [24/09/1901 - 31/07/1922]
Vincent BARRO, quant à lui poursuit son périple sur l'Edgar Quinet. Ce natif du village du Gorneveze est bien recensé en 1921 avec sa famille nombreuse qui vit de la pêche.
En juillet 1915, en pleine guerre, le jeune Vincent est mousse sur le canot Sire Le Roy et ensuite il devient novice sur Le Fête Dieu en 1917. Il y restera jusqu'à sa concription en 1921.
En septembre 1921, il gagne le 3° dépôt de Lorient avant de rejoindre Toulon où il embarque sur l'Edgar Quinet le 6 mars 1922.
La presse d'époque rend compte de l'état de la flotte dans ces colonnes et permet de suivre indirectement les mouvements de l'Edgar Quinet.
Le 6/7/1922 : Il appareille de Toulon.
Le 9/07/1922 : Il se trouve à Constantinople.
Le 31/7/1922, Vincent Barro disparait en mer de Bosphore, sans aucun procès verbal n'ait été établi. Accident ou maladie?
Le 3/08/1922 : L'Edgar Quinet participe au sauvetage de la population d'un quartier de Constantinople, Kadikeui en proie à un incendie.
Le 4/9/1922 : Il appareille pour Smyrne.
Le 17/9/1922: l participe au sauvetage des réfugiés français avec le Jean Bart et le Trouville.
Son jeune frère Jules BARRO {1912-1942], marin pêcheur, disparaitra en 1942 au large de Saint- Jean de Luz et sera déclaré "Mort pour la France".
Alexis DANET [26/07/1901-27/03/1923]
Le troisième de nos marins sinagots de la classe 1901, Alexis DANET nait au village de Canivarch. Au dénombrement de 1921, Mme Le Guillanton, est veuve et la famille vit de la pêche.
Comme de nombreux jeunes de la presqu'île, Alexis DANET devient mousse en février 1916 sur le canot Lion d'Or puis sur le Patern & Lucie. Avant sa conscription il est sur le Noëmie.
Il rejoint le 3° dépôt de Lorient en juillet 1921 et il embarque le 16 janvier 1922 sur l'Edgar Quinet. Le 6 mars 1922, il est rejoint par Vincent BARRO et jean Marie CORNO. Ce dernier décède dans le port d'Oran le 11 avril 1922 et Vincent Barro, le 31 juillet 1922, dans la mer de Bosp^hore. Alexis DANET demeure sur l'Edgar Quinet jusqu'au 23 novembre 1922, quand, dans le port de Constantinople, il rejoint le Wladek-Rousseau.
Alexis DANET, sur l'Edgar Quinet participera au sauvetage des réfugiés de Smyrne les 13-14 septembre 1922.
https://www.youtube.com/watch?v=-6YYy9PAee8
Sur cette vidéo de Pathé on distingue les cheminées de l'Edgar Quinet aborant le drapeau français. Le navire, commandé par Eugène Marie Joseph MORRIS (1875 - 1947), accueille des ressortissants français établis à Smyrne et des réfugiés, surtout arméniens, fuyant la ville de Smyrne en proie aux flammes. Il fera deux voyages et débarquera les Arméniens à Marseille.
Sur cette photographie parue dans L'Illustration, on distingue au second plan l'Edgar Quinet qui va recueillir les malades et les soeur de La Charité fuyant Smyrne sur une chaloupe.
Ces sites internet rassemblent plusieurs photographies de cet évènemlent tragique pour les populations.
http://www.levantineheritage.com/fire.htm
http://geckal.blogspot.com/2010/11/oncesi-sonrasyla-1922-izmir-yangn-ve.html
A bord du Waldek-Rousseau, Alexis DANET récupèrera les passagers du navire-hôpital Vinh Long évacués après l'incendie du 16/12/1922.
Au matin du 16 décembre 1922, Vinh-Long se trouve en mer de Marmara en route vers Constantinople. Il a à son bord 495 passagers civils et militaires. Brutalement, un incendie éclate à bord et s'étend rapidement à tout le navire, se transmettant de magasin en magasin.
Le 27 mars 1923, il décède à l'hôpital de Gulhané à Constantinople, sans que l'on sache ce qu'il advint de son corps, probablement enterré à Constantinople dans un carré militaire...
ROLLAND, morutier péri au Groenland, 1931
Quand le marin pêcheur ROLLAND Célestin Aimé Marie [2/07/1887 Cariel 12/10/1931] disparait en ce 12 octobre 1931 dans la mer de Baffin, à l'âge de 44 ans, sur le doris dans lequel il ramait, son capitaine se penchera sur le livret de son homme d'équpage pour noter que Célestin ROLLAND été né à Séné en 1887.
Barque "doris" peint par Winslow Homer : The Fog Warning (1885)
Quand le journaliste rapportera la triste nouvelle à ses lecteurs, c'est sa commune natale qu'il nommera. Les Autorités adresserons au maire de Séné les élements pour transcrire dans les registres, l'acte du décès de l'enfant du pays, mort si loin de son Morbihan natal.
Cet acte de décès nous donne de précieuses informations. On apprend que Célestin ROLLAND était à bord du chalutier ASPIRANT BRUN armé au port de La Pallice, près de La Rochelle, et qu'il disparu en mer "par le travers du banc Fyllas au Groenland".
Sa date de naissance et sa filiation nous permettent de le retrouver au dénombrement de 1891 avec sa famille installée au village de Cariel. C'est le seul garçon d'une fratrie de 4 enfants.
On recherche alors quelques coupures de presse qui nous livreront les circonstances de sa disparition au Groenland.
Cet article de l'Echo du Morbihan rapporte que Célestin ROLLAND, monté sur un doris avec 3 autres marins, allait chercher des vivres sur le navire HEUREUX, arrivé de France pour alimenter la flotte de chalutiers qui pêchent la morue sur la banc Fyllas au large du Groenland, et il devait ramener les vivres à bord de son chalutier, l'ASPIRANT BRUN.
Le doris chavire, les marins tombent dans l'eau glaciale de la mer de Baffin en ce mois d'octobre et disparaissent presque aussitôt, sauf Célestin ROLLAND dont le corps fut ramené, mais sans vie.
L'article ajoute que de nombreux marins bretons vivent à La Pallice, port de La Rochelle. Une étude du Musée Martime de La Rochelle révèle que sur 845 marins embarqués 77% sont des Bretons et 54% des inscrits de Vannes ou Auray. Il y a surement d'autres Sinagots qui pêchent à La Rochelle. Les marins y sont rémunérés à la part. En 1933, La Rochelle est le deuxième port de pêche en France et l'armement Les Pêcheries de France y est installé à La Pallice d'où est parti son chalutier, l'ASPIRANT BRUN.
Le journaliste reprend les coordonnées maritimes 67°30 Nord, 54°10 Ouest, que le capitaine a sans doute renseigné dans son rapport, et qui nous permettent de situer le lieu où pêchaient les chalutiers, ce 12 octobre 1931.
et ou périt Célestin Aimé Marie ROLLAND [2/07/1887 Cariel 12/10/1931].
Source : duboysfresney.fr
Cette source explique la présence de chalutiers français au large du Groenland dans les années 1930.
"En 1930, la pêche à Terre Neuve était mauvaise et la plupart des navires firent route pour le Groenland dans l'espoir de sauver la campagne; après cinq années d'essai, cette année-là marque vraiment le début et de façon continuelle des grandes pêches dans ces parages; dès lors, le Groenland se présentait plus comme une solution de repli que comme une véritable destination; au lieu de perdre un mois de navigation en mai-juin pour aller de Terre-Neuve au banc Fyllas, certains équipages allaient désormais décider de partir plus tard de France et directement au Groenland pour ne plus y bouger jusqu'à ce que les cales soient pleines.
Les méthodes de pêche étaient très proches de celles du Grand Banc, avec une différence toutefois: compte tenu des jours perpétuels de l'été boréal, les tentis pouvaient être posés de jour et de nuit; en outre, la motorisation y était utile pour lutter contre les courants et les icebergs; l'on songeait même parfois à motoriser les doris, à y installer des moulinets pour relever les lignes mais l'arrivée accrue des chalutiers et surtout la survenance de la guerre va tout interrompre…
Cette année-là, la Morue Française envoie de Saint-Malo le trois mâts goélette sans moteur "Navarin" de 225 tonneaux avec 31 hommes à bord dont la capitaine Ollivier qui prendra par la suite les destinées du "Zaza"; le « Marité » de Fécamp joua aussi un rôle important dans la pêche au Groenland ; racheté par un armateur danois en 1930, sa voilure est réduite, il reçoit un moteur auxiliaire et pêche ainsi dans les eaux froides de 1930 à 1935.
En 1931, les nouvelles du Groenland vers Saint-Malo donnaient la présence sur place du « capitaine Guynemer » de « l’Ermite » de « Notre Dame du Chatelet » de « l’Atlanta » et du chalutier « Patrie » (Ouest-France du 17 juillet 1931).
En 1933, vers la fin juin, il y eut 75 voiliers à partie au Groenland contre 39 chalutiers avec en tout 4093 marins; cette année-là, la pêche fût médiocre; elle fût marquée par la disparition du trois-mâts "l'Ermite" de Saint-Malo et aussi celle du brick "La Lilloise" et du lieutenant de vaisseau Jules de Blosseville."
COCART, coulé par une mine Républicaine, 1939
Tout commence avec une simple mention marginale sur le registre d'état civil de Séné. Il ne faut pas se tromper de personne. Quester Vinccent Marie, non. Il s'agit de Jean Marie COCART.
"Cocart Jean Marie disparu en mer le huit mars mil neuf cent trente neuf, acte de décès créé par Jugement du Tribunal Civil de Rouen en date du dix huit octobre mil neuf cent trente neuf. Transcrit le onze novembre mil neuf cent trente neuf. Pour le maire, l'Adjoint délégué."
On comprend que Jean Marie COCART est un marin de Séné, disparu en mer lors d'un évènement tragique.
La date du 8 mars 1939 se situe avant le délanchement de la Seconde Guerre Mondiale. Est-ce malgré tout un militaire ou un marin civil ?
On se rappelle que lors d'une disparition en mer, les tribunaux retiennent souvent comme date de décès, la date du naufrage quand il est avéré et le plus souvent, la date de l'embarquement avant un voyage qui sera interrompu...
Comment trouver un fil et une pelote à démêler ?
La magie d'Internet va encore opérer....
On tape sur Google la date fatidique : 8 mars 1939 et on consulte les pages ainsi sélectionnées par le moteur de recherches.
On découvre un premier lien vers un article du TELEGRAMME daté du 9 décembre 2008 :
http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20081209&article=4325524&type=ar
"Un cargo est resté anonyme de nombreuses années dans le golfe de Rosas (Espagne), après son naufrage en 1939. Les familles des marins disparus, en majorité bretons, ont appris les circonstances du drame 65 ans plus tard. Et ce, grâce à la ténacité des Guillou dont un oncle était à bord. 1939, dernières semaines de la Guerre d'Espagne avant que le dictateur Franco ne prenne le pouvoir.
Dans ce contexte, le SAINT PROSPER, un cargo de 106 m de long et 15 m de large de la Société Navale de l'Ouest, accoste à Alger le 4 mars, après avoir quitté le port de Rouen pour Oran.
L'équipage est composé en majorité de Bretons. Beaucoup sont de la région de Paimpol. Le 8 mars, il appareille pour Marseille, avec du pétrole dans les soutes. Mais, le capitaine du SAINT PROSPER, Jules-Honoré Langlois envoie un message radio informant que son navire est pris dans une tempête et qu'il s'abrite dans la baie de Rosas. Seulement, il va droit sur un chapelet de mines posé par les républicains pour se protéger de bâtiments de guerre. Une mine éclate et le bateau sombre. Rapidement. Il n'y a aucun survivant. En fait, un homme grièvement brûlé, décédé 1 h 30 après avoir pu rejoindre la côte et Rosas, balbutie quelques mots dans une langue inconnue. Certains croient reconnaître du grec. Il est alors établi qu'un pétrolier grec gît dans la baie, par 60 mètres de fond.
Quelques jours après le drame, des débris de bois provenant d'un canot de sauvetage et une bouée du cargo sont retrouvés sur une plage du côté de Ténès, en Algérie. Puis, des taches d'huile et des morceaux d'épave sont signalés dans la région des Baléares. Les familles en sont informées par l'armateur. La thèse officielle : le bateau a disparu corps et biens au large des Baléares. Le temps passe et l'oubli s'installe. Personne ne sait où se trouve le SAINT PROSPER et ses 27 marins.
Juin 1967, il fait bon vivre au petit port de pêche de Rosas. S'il y a beaucoup de poissons à cet endroit du golfe, les pêcheurs pestent souvent d'accrocher leur filet sur le haut du mât du « pétrolier grec ». Satané mât ! Un jour, un plongeur barcelonais, Eusebio Escardibul, rend un service à l'un de ses amis pour décoincer un de ses filets de pêche et examine l'épave. La découverte vaut le détour : le bateau n'est pas grec mais bien français et se nomme le SAINT PROSPER !
Le scaphandrier informe alors Bureau Veritas, registre international de classification de navires, et la Société Navale de l'Ouest est prévenue sur le champ. Mais, cette dernière ne prévient pas les familles sous prétexte qu'il serait « assez pénible de raviver en elles une douleur que le temps a sans doute effacé ».
La famille Guillou, elle, a toujours voulu savoir ce qu'il était advenu de l'oncle François-Marie, chef-mécanicien sur le bâtiment.
Février 2004, Michel Guillou, le neveu, découvre, par hasard, en surfant sur le site internet de Franck Gentili, plongeur passionné de l'épave et celui de Patrice Strazzera, plongeur photographe, qu'il y avait un cargo du nom du SAINT PROSPER.
http://fgentili.net/stprosper.htm
« On veut réparer une erreur de l'Histoire », confie Jean-Marc Guillou, le petit-neveu qui reconstitue l'histoire du navire avec les différentes familles. Il était au côté du Paimpolais Alain Allainguillaume la semaine dernière. Ce dernier a navigué à bord du SAINT PROSPER pendant trois ans mais n'avait pu embarquer cette fois-là, victime d'une pelade, qui finalement lui a sauvé la vie. « Il fallait faire vite pour retrouver les familles des marins », précise Jean-Marc.
Une première commémoration s'est tenue à Rosas, le 27 août 2005, avec trois familles. Une plaque a été descendue sur l'épave ainsi qu'à Ploubazlanec (22). Une dernière commémoration sera organisée à Rosas, le 7 mars 2009. 70 ans après. Aujourd'hui, 19 familles ont été retrouvées, grâce à la ténacité des Guillou.
Mais Jean Louis COCART était-il sur le SAINT PROSPER pour ce voyage ?
Des éléments plaident en ce sens. Les tribunaux retiennent souvent comme date de décès dans une disparition, la dernière date "sure" que l'on connait, date d'emarquement notamment. Le SAINT PROSPER avait un équipage en majorité constitués de marins bretons...
Un autre lien daté du 5/07/2009, nous permet d'y voir clair :
SAINT PROSPER, UN CARGO A CHARGE
Dans un documentaire audio, Philippe Langlois raconte le destin du cargo SAINT PROSPER.
"Le 8 mars 1939, le cargo SAINT PROSPER, (106m) l'un des plus grands bateaux de la marine marchande française sombre corps et biens, quelque part en mer Méditerranée entre Alger et Marseille. A son bord, 27 membres d'équipage. Le dernier message du Capitaine Jules Langlois fait état d'une forte tempête allant s'améliorant et de l'arrivée à Marseille quelques heures plus tard sauf imprévu.
Depuis mars 39, les familles des marins demeurent sans nouvelles de leurs proches et dans l'ignorance la plus totale des circonstances du naufrage. Ce n'est qu'en 2005, 66 ans plus tard, que Jean Marc Guillou, arrière petit neveu du chef mécanicien découvre un site Internet animé par des passionnés de plongée sous marine et qui ont fait du SAINT PROSPER leur épave fétiche. L'épave se trouve à l'entrée de la baie de Roses en Catalogne (Espagne).
Ces éléments soulèvent alors d'autres questions :
Pourquoi le commandant accepte-t-il cette mission supplémentaire alors qu'il se trouve déjà en retraite ?
Pourquoi le Saint Prosper se rend-t-il à Marseille alors que ce n'est pas son trajet habituel ?
Pourquoi transporte-t-il du pétrole alors que le navire n'est pas prévu pour cela ?
A qui est destinée cette cargaison ?
Son navire a-t-il été affrété sous couvert du « secret défense » par l'Etat français pour soutenir la guérilla anti-franquiste ?
Pourquoi la Compagnie Navale de L'Ouest, avertie en 1967 du sort du bateau, refuse alors de prévenir les familles de marins ?
Autant de questions qui demeurent aujourd'hui en partie sans réponse... Les commémorations officielles qui se déroulent à Roses, en mars 2009 pour les 70 ans de la catastrophe, sont l'occasion pour les familles de marins de se rencontrer, de confronter leur mémoire, et tenter de démêler les bribes éparses de leur histoire désormais commune."
L'article finti par un "Avis de recherche" qui éclaire la notre :
AVIS DE RECHERCHE
A ce jour, 20 familles de marins ont été retrouvées, il reste encore 7 familles à identifier : BONCOEUR Pierre, domicilié à Pleudihen, HELIAS Yves, domicilié à Nantes, LEBAS Arsène, domicilié à Nantes, GRAVOT Yves, domicilié à Rouen, CONCART Jean, domicilié à Séné, MASSON Hippolyte, domicilié à Porspoder, Le GOFFIC Roger, domicilié à Ploulec'h. Contacter Jean Marc Guillou.
Ainsi Jean Louis COCART natif de Séné était matelot à bord du SAINT PROSPER qui sombra, victime d'une mine catalane républicaine le 8 mars 1939.
Le SAINT PROSPER fera l'objet de plusieurs articles dans le Ouest Eclair posant des interrogations sur les circonstances de sa disparition.
La découverte de débris en provenance du bateau enlèvera leurs derniers espoirs aux familles. Le SAINT PROSPER sera finalement déclaré perdu corps et biens et une cérémonie sera donnée en la mémoire des marins péris en mer alors que le mystère demeure sur la cause de sa disparition....
Le nom des marins formant son équipage sera publiée et parmi eux, Jean Louis COCART [ 1913 6 8/03/1939], natif du village de Kerarden et fils unique comme nous l'indique le dénombrmeent de 1931.
1937 Escale à Alger
Debout de gauche à droite : Jean ROUXEL,cuisinier, X novice, COCART Jean Marie, Prigent, Yves Le Cavorzin de Prehedel, Alain ALLAINGUILLAUME, Jean Roussel (cuisinier) Richard.
Accroupis de gauche à droite : X, Goffic, Dorothé Bride
EPILOGUE : La politique en France au début de 1939 :
Source Wikipedia.
Le troisième gouvernement d'Édouard Daladier [12 avril 1938 au 11 mai 1939], a succédé au deuxième cabinet du socialiste Léon Blum. Voulant renouer avec la rigueur budgétaire, les radicaux se rallient à la droite, mettant fin de fait au Front populaire.
Janvier :
21 janvier : la France ouvre en Lozère le camp de Rieucros, premier camp d'internement français pour les « étrangers indésirables » désignés par le décret-loi du 12 novembre 1938.
26 janvier : la Chambre approuve la politique étrangère du gouvernement Daladier.
Février :
24 février : la France reconnaît le gouvernement nationaliste de Burgos. À cette nouvelle, Azaña démissionne (28 février).
25 - 27 février : Paris transmet à Berlin un projet français de collaboration économique mis au point par la commission interministérielle à des fins d'apaisement diplomatique ; Paris reconnaît le régime franquiste.
Mars
2 mars : le maréchal Pétain devient ambassadeur de France en Espagne.
17 mars : la France et la Grande-Bretagne entament des négociations avec l’URSS.
19 mars : devant la montée des tensions étatiques en Europe, le parlement fait voter une loi accordant des pouvoirs
Dans ces circonstances, on voit mal le Gouvernement français organiser une mission secrète visant à aider les Républicains espagnols en apportant munitions ou carburant via la Catalogne.
LE FRANC périt sur le Samouraï, 1962
Une carte postale parmi les nombreuses qui figurent dans le livre d'Emile MORIN, Le Pays de Séné.
L'auteur ajoute : "A la cale de Langle, le jeune Guy Le Franc (qui périra noyé en 1961, alors qu'il était à bord d'un sablier) et son futur beau-père, Patern Richard.
L'historien local a envie d'en connaitre plus sur le destin tragique de ce marin de Séné.
On sollicite la mémoire infatigable de Jean Richard. Il se rappelle très bien que son lointain parent était à bord du cargo sablier Le Samouraï et qu'il périt en mer. Ce nom de navire permet de retrouver sur Internet un site internet qui raconte l'histoire des Vedettes Vertes devenues aujourd'hui TMC. Il y est fait mention du Samouraï (80 tonnes de port lourd) qui assurait du cabotage le plus souvent entre Vannes et Nantes pour y charger du sable de Loire.
Comment trouver des précisions sur le naufrage du sablier ?
On poursuit sur Internet et on finit par trouver un article du Télégramme dans lequel Gérard DOUGUET, ancien patron des Vedettes Vertes évoque sa carrière. Par chance, il y a bien sur les pages blanches un Gérard DOUGUET sur Sarzeau. On le contacte et c'est bien lui qui recommande de se rapprocher de Robert LORIC, vieux marin en retraite qui fut contemporain de ce naufrage.
Un vieil annuaire indique qu'il habite à Conleau. Son téléphone ne répond pas. On se déplace, on frappe à l'adresse indiquée. Robert LORIC vit bien là. A 84 ans, il a toute sa tête et percute de suite. Certes ses jambes sont fatiguées mais sa mémoire intacte et précise. Il raconte comme si c'était hier. Il nous apprend que l'’équipage du Samouraï comprenait , le commandant LEGAL de l’Ile aux Moines, le mécanicien Joseph DANET de Cantizac et Guy LE FRANC.
Le Samouraï était un navire sablier qui comme le Roslohan commandé par LORIC, allait charger du sable dans l’estuaire de la Loire. Près du Pont de Pirmil, le Samouraï attend la marée de jusant pour quitter son mouillage chargé à bloc de sable dans sa cale.
Exemple de petit sablier de cabotage ici au port de Quimper sur l'Odet
Le Roslohan démarrera après ; à son bord le commandant Robert LORIC, Joseph NEVEU son mécanicien et les matelots, Marcel ROBERT et Emile CHELET.
Le Samouraï quitte son mouillage avec la bonne marée et le courant de jusant de nuit pour aider ses moteurs. Il navigue une ½ heure devant le Roslohan qui voit son feu arrière.
"Il fallait virer à la troisième bouée après le Grand Charpentier » se souvient Robert LORIC, pour ensuite aller longer la côte vers La Turbale et Le Croisic et tirer vers le phare du Four en direction Port-Navalo.
La Samouraï a fait fausse route. Le barreur s’en aperçoit, DANET et LEGAL font demi-tour, décrivant un arc de cercle trop grand qui quitte le chenal. A marée basse le Samouraï sort du chenal qui est régulièrement dragué et le cargo sablier heurte une épave sans doute de la deuxième guerre mondiale à quelques milles en face Pornichet, non loin de la rade de Saint-Nazaire.
La coque se déchire, cisaillée par l’épave. Le sablier coule très rapidement. Guy LE FRANC est à l’avant du cargo, dans sa couchette. DANET et LEGAL ont le temps de mettre le canot pneumatique à l’eau mais LE FRANC, sans doute terrassé dans son sommeil par l’eau froide, meurt noyé.
Le Roslohan ne s’aperçoit pas que le Samouraï ne le précède plus. C’est en arrivant à Vannes qu’il apprendra la nouvelle. Pendant quelques temps le mât du Samouraï, tel la croix d'une tombe marine, restera visible à marée basse.
Selon 'acte de décès en mairie de Saint Brévin les Pins, le corps de Guy LE FRANC sera retrouvé sur la plage en face le lieu-dit la Pierre Attleée.
Guy LE FRANC [15/07/1929-8/11/1962] laisse une veuve et une enfant de 7 ans.
LE BOURVELEC et LE VEUT et l'incendie du PORT MANECH, 1965
Sources enrichies et complétées :
http://www.la-marine-marchande.com/evenement-mer-port-manech.htm
http://gede-de-le-havre.blogspot.fr/2016/11/ca-se-passe-au-havre_4.html
Merci à Madeleine pour son aide.
Incendie du pétrolier PORT-MANECH le 18 janvier 1965 en rade du Havre
Le lundi 18 janvier, Le Port Manech, armement SOFLUMAR, caboteur de 2800 tonnes de port en lourd, construit en Norvège en 1953 par le chantier Drammen Slip Verksted, ex Elisabeth Amlie, francisé en 1960, avait chargé 2500 tonne de super carburant aux appontements d'Orcher à destination de Caen.
Le pétrolier Port Manech dans l'avant port du Havre face à la C.I..M
Vers 21 h 30, au passage du sas Quinette de Rochemont, pour gagner du temps, le commandant avait libéré le pilote. Le temps était clair et la mer calme, légérement houleuse.
Le cargo U.S Lucile Bloomfield, en provenance de Southampton, faisait route pour entrer au Havre après avoir pris le pilote à l'entrée du chenal.
Le cargo Lucile Bloomfield entrant au Havre, devant le sémaphore et le quai des "Abeilles"
Le Port Manech, commandé part le capitaine René BERTHOLOM, était précédé dans le chenal par le cargo espagnol Picogris et suivi par le bateau pilote Francoyse de Grâce. Vers 21 h 37, le pétrolier approche des bouées A3-B3, le commandant décide de venir en grand sur la gauche pour traverser le chenal et faire route sur les bouées d'Ouistreham à l'entrée du canal de Caen. Il signale sa manoeuvre par deux coups de sifflet brefs qu'il renouvellera cinq fois.
Au même moment, le commandant et le pilote du Lucile Bloomfield qui viennent de croiser le Picogris, aperçoivent le Port Manech qui leur coupe la route. Malgré la manoeuvre désespére effectuée pour éviter la collision, le cargo aborde le pétrolier au niveau du château. Le choc est violent, l'étrave du cargo s'est enfoncée de plusieurs mètres.
"La fatalité voulut que le point d'impact se situât sur le flanc arrière droit, au centre même des citernes" expliquera un journaliste du Neuchatel.
Une explosion se produit, le pétrolier s'enflamme de l'avant du château jusqu' à l'avant du bloc dunette. Le feu se communique rapidement sur le Lucile Bloomfield, jusqu'à hauteur de la passerelle. Les deux navires se séparent. La mer est recouverte d'une nappe d'essence embrasée, elle enveloppe le Port Manech qui dérive.
Le commandant James William Webb, du Lucile Bllomfield, déclarerra plus tard" Immédiatement nous fimes un "arrière toute" pour tenter de nous éloigner du pétrolier, car l'essence s'était répandue sur l'avant et le feu avait pris à bord".
Le commandant René Bertholom du Port Manach organise l'évacuation, une partie de l'équipage est sur l'avant du navire, l'autre à l'arrière qui tente de mettre une embarcation à la mer. A bord, vingt-cinq officiers et marins ainsi que deux passagères autorisées non inscrites sur le rôle d'équipage.
"La collision a surpris toute le monde, j'ai juste eu le temps d'envoyer un bref S;O.S." déclarera l'opérateur-radio qui figurera par mi les rescapés".
Aussitôt l'alerte déclenchée par le sémaphore, plusieurs remorqueurs des "Abeilles" et le canot de sauvetage des "Hospitaliers Sauveteur Bretons" se porteront sur le lieu de l'abordage. Le bâteau-pilote Françoise de Grâce qui suivait le pétrolier met deux pilotines à la mer, assistées par le bâteau-pilote de Rouen, il ramènera à terre dix-neuf hommes et une femme, le bâteau-pilote de Rouen deux hommes, ils seront tous dirigés vers l'hôpital. deux sucomberont à leurs brûlures [François LE BOURVELEC et Mme Coupeaux], cinq seront portés disparus.
Sauveteurs et rescapés à bord du bateau Pilote "Françoyse de Grâce "- Photo collection Michel PEROT
Interrogés le 18 janvier 2015 par l'Actu.fr, deux marins du Havre qui officiaient sur le Françoyse de Grâce se souviennent. Michel Vigouroux et Michel Perot avaient 23 ans, à l’époque.
"Nous étions aux premières loges. Le personnel de quart a même vu l’abordage. Ce fut une chance pour le pétrolier », racontent les deux hommes. À bord du bateau-pilote, une petite douzaine d’hommes. Ils ont été rapidement mobilisés pour procéder au sauvetage de l’équipage du Port Manech. La plupart sortaient du lit. La peur n’a même pas eu le temps de s’exprimer. « Bien que nous approchions du bateau en feu à bord de petits canots équipés de moteurs à essence », précise Michel Vigouroux.
Trois, quatre rotations ont été nécessaires pour évacuer les rescapés du pétrolier et les conduire à terre. Michel Perot, le temps de ce voyage, avait pour mission d’encadrer les rescapés, de les rassurer. « Je me souviens des plaintes d’un jeune maître d’hôtel qui cherchait sa femme, membre de l’équipage également. Elle avait sauté à l’eau, gravement brûlée. Elle est morte sur le bateau-pilote de Rouen », regrette encore le retraité. 22 personnes, néanmoins, ont été sauvées, lors de cette nuit tragique."
Après avoir maîtrisé l'incendie le commandant du Lucile Bloomfield fera route vers le port. Par l'une de ces étranges coïncidences des évènements, c'était la seconde fois que le cargo Louis Bloomfield était impliqué dans une collision au large du Havre, la précédente s'étant produite 16 mois plus tôt, le 2 octobre 1963, entre lui et le cargo norvégien Ronda, sans faire de victimes.
Le Port Manech, tout en continuant de brûler, dérivera vers les falaises de La Hève près d'Octeville où il s'échouera.
Une version de a catastrophe est donné par un journal américain qui relève le mérite du capitaine du Lucille Bloomfleld qui réussit à dégager son navire et sauver son équipage et son bateau.
21 hommes et une femme sont ramenés à terre, 2 succomberont à leurs blessures. 5 seront portés disparus. Les corps de quatre marins portés disparus seront retrouvés à bord, dasn la salle des machines.
Parmi ces victimes, le maître d'hotel, Roger LE VEUT [ 2/10/1926 - 18/01/1965] et le deuxième lieutenant, François LE BOURVELEC [9/03/1928-18/01/1965], tous deux domiciliés avec leur famille à Séné, comme il est écrit sur leur acte de décès retranscrit et sur le dénombrement de 1962. Ils laissent chacun, une veuve avec des enfants à charge.
Le corps de Roger LE VEUX fut rendu par la mer le mardi soir sur les falaises de Dollemard à Sainte-Adresse. L'aide cuisinier René LOISIEL et la matelot Jospeh DUPONT témoigneront. Pris de panique par la vue des flammes, Le Veux s'engouffra dans une coursive où les flammes le rattrapèrent. Il réussit à se jetter à la mer, contre le vent et échappa à la nappe de carburant. Son corps montrait des traces de brûlures relate le journal LE HAVRE LIBRE : "Ses pieds, ses mains, ses avant-bras et son visage n'étaient plus qu'une plaie". Une fois à l'eau , il ne survécut à ses brulûres.
Le Lieutenant LE BOURVELEC pu être soigné à l'hôpital mais ne survécu pas à ses brûlures
Ironie de ce drame, LE BOURVELEC et LE VEUX étaient beau-frères.
L'épave qui contenait encore des milliers de litre d'essence, jugée dangereuse, sera dynamitée le samedi 13 février. Aujourd'hui, les restes de l'épave se trouvent toujours au bas des 534 marches qui descendent au site de l'ancienne base de l'OTAN.