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mardi, 07 avril 2020 20:56

La recontruction de l'Eglise, par l'Abbé LE ROCH

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5. LA PERIODE CONTEMPORAINE

LA RECONTRUCTION DE L'EGLISE ACTUELLE 1878-1887

Introduction 

On ne sait que peu.de chose au sujet de l'ancienne église de Séné démolie en 1878. Selon te Mené, elle était en forme de "Croix Latine, sans ornement, avec une tour carrée au Sud". Les anciens plans cadastraux laissent deviner un édifice plus complexe, tout à fait irrégulier, où l'on a peine à distinguer extérieurement une croix latine. Sans doute avait-il reçu, au cours des âges, des additions successives qui avaient modifié le plan d'origine. Il avait sensiblement le même axe que l'église actuelle et l'entrée principale se situait du côté du mur du presbytère. De toutes façons, il ne présentait pas grand intérêt archéologique, puisque Rosenzweig ne le mentionne pas dans son Répertoire départemental.

Au lendemain de la Révolution, l'église de Séné était en assez bon état. Une enquête de 1810 signale que seule la couverture avait besoin de réparations. Elle lui donne une capacité de 1300 ou 1400 places, ce qui semble notoirement excessif. En effet, à la fin du siècle, elle était devenue insuffisante pour une population en expansion. "Les paroissiens, déclarait, en 1874, le Conseil de fabrique, y sont les uns sur les autres et un grand nombre de personnes, ne pouvant trouver place à l'intérieur, restent dehors auprès des portes et leurs causeries incessantes troublent assez fréquemment l'office divin.

Avec les années, les dégradations s'étaient multipliées et aggravées au point qu'au début de l'année 1875 des planches tombèrent du lambris de la voûte. D'autres menaçaient de le faire mettant en danger ceux qui assistaient aux offices. Comme ce bâtiment vétuste ne pouvait, de l'avis unanime, souffrir ni agrandissement, ni embellissement, la généralité de la population, toujours selon le Conseil de fabrique, demandait à grands cris une église nouvelle et plus spacieuse. C'était, à l'époque une aspiration largement répandue, et de toutes parts s'élevaient des églises neuves.

N. B. Sous le régime concordataire (1802-1905), les églises dépendaient en premier lieu du "Conseil de fabrique" et secondairement du Conseil municipal. Le Conseil de fabrique était une assemblée locale, dont faisaient partie de droit le recteur et le maire, et qui administrait, sous la tutelle de l'évêque et du préfet les biens et le budget de la paroisse (charges du culte, entretien des églises et du presbytère et même à l'origine des cimetières).

I - LES PROJETS DE RECONSTRUCTION
L'ancien cimetière, situé à l'Est de l'église, fut déplacé, vers 1872, et c'est-à-partir de ce moment que l'on
put envisager la construction d'une église plus vaste, capable de répondre aux besoins d'une population accrue. Le recteur François Jourdon et le Maire Le Gallès étaient d'accord, tout comme le Conseil de fabrique et le Conseil municipal. D'autre part, les gouvernements qui se succédèrent, au lendemain de la Guerre de 1870 et de la Commune de 1871, se montraient favorables à l'église. Le moment était donc bien choisi...

1° Le projet Maigné

Le 1er Juillet 1874, l'architecte départemental, Monsieur Maigné, établit un premier projet, dont le devis se montait à 112 000 Francs, y compris l'acquisition d'immeubles à démolir pour agrandir l'assise de la future construction.
Le Conseil de fabrique s'y déclara favorable, se bornant à ajourner la fabrication d'un nouveau mobilier. Le Conseil municipal se montra plus réservé : il remettait à plus tard, non seulement l'ameublement de l'église, mais la construction de la flèche, ce qui ramenàit le devis à 90.000 Frs. Le Préfet lui avait, en effet, signalé que, pour les communes de 2 à 3000 habitants, l'Etat ne subventionnait pas de projet dépassant cette somme. Or la municipalité ne disposait que de 33 000 Francs et la fabrique de 35 000 Francs, ce qui laissait un sérieux découvert.
Fort heureusement, la commune possédait quelques 54 hectares de biens communaux qui ne lui étaient pratiquement d'aucun rapport. Le Conseil de fabrique suggérait de les mettre en vente, ce que le Conseil municipal avait déjà refusé en 1873, et le préfet insistait "sinon il n'y a plus qu'à laisser les choses en l'état, jusqu'au moment où l'église actuelle s'écroulera".
Au mois d'Octobre, l'architecte modifia son plan : pour abaisser la dépense, il supprimait une travée et ramenait à 7 m 50 la largeur de la nef. Grâce à un calque, nous connaissons ce projet. Il prévoyait une église en croix latine, longue de 40 mètres comprenant un chevet semi-circulaire, un choeur flanqué de deux sacristies, un transept de 17 mètres, une nef unique à trois travées, une tour carrée abritant le porche et bordée de deux petites chapelles.
Le dessin était simple et logique mais le coût fut jugé, sans doute, encore trop onéreux puisque l'architecte produisait, en décembre, un troisième plan dont le devis ne se montait plus qu'à 80 000 Francs.
Ces réductions successives n'étaient pas du tout du goût du Conseil de fabrique qui s'était transporté à Theix pour examiner l'église. Dans sa séance du 31 Janvier 1875, il rejeta les projets Maigné : "Nous croyons qu'il vaudrait mieux faire immédiatement une dépense un peu plus forte, dépense à laquelle nous prendrions dans la suite les moyens de faire face, que d'avoir une église dont nous constatons aujourd'hui l'insuffisance et
que l'on regretterait, dans l'avenir, d'avoir construit dans les dimensions que vous proposez. C'est en vain que le Préfet proposa au Conseil municipal le choix entre les trois projets Maigné : les conseillers se rangèrent à l'avis de la fabrique et décidèrent de maintenir le "statu quo" jusqu'à réunir des ressources nécessaires.

Schema eglises

2° La Chapelle provisoire et le projet de Fretay

Cependant le besoin d'une église nouvelle se faisait de plus en plus sentir : la chute de certains éléments de la voûte venait de le rappeler. Bien qu'on eût décidé une réparation de fortune, le Conseil municipal prit une nouvelle délibération en faveur de la reconstruction d'une église et y affecte un crédit de 25000 Francs. Les autorités écclésiastiques déclaraient l'église. actuelle impropre au culte et, en novembre, le Conseil de fabrique demanda la construction d'une chapelle provisoire, atterante au presbytère dans le jardin actuel et susceptible d'être utilisée pendant les travaux.
En Mars 1876, un autre architecte, Monsieur du Fretay proposa un nouveau projet pour une dépense de 100000 Francs. Le Consei municipal l'adopta et même se transporta sur les lieux pour examiner l'implantation de l'édifice. Cependant, plusieurs conseillers auraient souhaité la suppression des bas-côtés. D'autre part, le Préfet mit en garde contre les difficultés et les retards à prévoir si l'on devait procéder à des expropriations. Le Conseil de fabrique semble être demeuré sur la réserve et il n'y eut pas de suites à ce nouveau projet.
Le Conseil municipal avait reçu l'autorisation de procéder à une vente de biens communaux. Aussi revient-il à la charge, le 11 Février 1877. Il se prononce à l'unanimité pour la construction d'une nouvelle église, pouvant contenir 14 à 15 cents personnes, d'un plan simple et convenable, avec des ouvertures en granit.
Au début de l'année avait été nommé, à la tête de la paroisse, un nouveau recteur, Georges Le Buon, qui va prendre à coeur l'oeuvre de la reconstruction.

3°- Le Projet  Deperthes
C'est alors qu'apparut le projet Deperthes "proposé spontanément", sans aucun engagement de la fabrique, le 26 Août 1877. Edouard Deperthes était un architecte parisien qui jouissait d'une certaine renommée.
En 1865, il avait gagné au concours la reconstruction de la chapelle de Sainte-Anne d'Auray et, au lendemain de la guerre de 1870, i 1 fut associé à Ballu pour la réédification de l'Hôtel-de-Ville de Paris, brûlé par la Commune. On le voit mal chercher à s'imposer pour dessiner le plan d'une modeste église rurale. Il a bien fallu le solliciter et cette intervention n'a pu venir que du recteur, avec qui nous le trouvons en correspondance, au moins dès le mois de Juillet. Sa compétence et sa notoriété aidantes, il va enfin donner corps au projet depuis longtemps caressé de doter la paroisse de Séné d'une église nouvelle.

Le plan qu'il souhaitait était de tout point conforme aux voeux du Conseil de fabrique. Il prévoyait un édifice, long de 45 mètres pour une largeur maximale de 30 et une superficie d'environ 1000 mètres carrés, susceptible d'accueillir 1200 personnes. Il comportait un choeur et un avant-choeur avec sacristies latérales, un vaste transept sur lequel s'ouvraient deux absidioles, une nef à trois vaisseaux et, dans le prolongement, une tour surmontée d'une flèche de pierre. Le coût total de l'entreprise était évalué à 130 000 Francs mais l'architecte envisageait déjà l'ajournement de certains travaux : la majeure partie de la tour et sa flèche, les enduits extérieurs, le dallage intérieur et même les vitraux blancs des fenêtres, pour ramener le devis à la somme fatidique de 90 000 Francs.

Eglise Deperthes 1

La fabrique disposait de 38 000 Francs. Elle avait ouvert, parmi la population, une souscription dont elle espérait 12 000 Francs. Le charroi des matériaux serait assuré par des bénévoles, ce qui représentait environ 5 000 Francs. Les propriétaires de carrières offraient gratuitement le moellon, soit 700 Francs. Ainsi le Conseil de fabrique estimait que sa mise se montait à près de 56 000 Francs. Il attendait le complèment des finances communales et adopta donc le projet.

 Le Conseil municipal se réunit le 2 Septembre pour délibérer sur ces propositions. "Le projet, déclare-t-il, a paru approprié aux besoins de la paroisse et est rédigé avec toute la simplicité possible, tout en ayant un caractère tranché sur les constructions qu'on est habitué à voir, en fait d'églises". Il acceptait de prendre à sa charge la différence soit 34 000 Francs. Il y ferait face grâce aux 25 000 Francs placés sur l'Etat, auxquels viendrait s'ajouter le produit de la vente de biens communaux. •

Sans plus attendre, l'architecte établit un dossier complet comprenant le plan, deux élévations, deux coupes, un extrait du plan cadastral, le cahier des charges avec bordereau des prix, le tout accompagné d'un mémorré justificatif destiné au Préfet. Il avait même choisi l'entrepreneur, Monsieur Hippolyte Ruer de Sainte-Anne d1Auray avec qui il avait travaillé à la construction de la basilique. Le Conseil de fabrique approuva ces documents en y apportant de légères modifications : ainsi il souhaitait introduire dans la première tranche de travaux les vitraux blancs qui assureraient la clôt ure de l'édifice. Tout était prêt. Il ne restait plus qu'à obtenir le feu-vert de l'administration de tutelle.

Le Préfet soumit le projet Deperthes à la commission des Bâtiments communaux et départementaux qui se réunit, le 2 Novembre 1877. L'architecte Charier, chargé du rapport, le déclara "remarquable et étudié avec talent" mais il l'estimait trop important . La superficie de 480 m2 réservée aux fidèles était excessive pour une population de 2 600 âmes. "Il en résulte, concluait-il, que l'église pourrait être réduite d'un tiers". Chose curieuse, il s'étonnait du prix anormalement bas de 144 Francs le mètre carré de surface construite, alors que, selon lui, il aurait dû approcher les 300 Francs. La Commission se rangea à son avis et demanda de modifier le projet en diminuant la surface d'un quart. "L'aspect ne pourrait que gagner, si la nef était rendue plus étroite, tout en conservant à peu près la hauteur prévue".
Le Préfet atténua ces exigences, demandant seulement de ramener la superficie de l'espace réservé aux fidèles de 480 à 400 mètres carrés. L'architecte lui donna satisfaction, et à la Commission, de la manière la plus simple : il réduisit la largeur de la nef de 9 m 40 à 8 m, sans toucher au reste de l'édifice, ce qui n'entraina que de légères corrections à l'ensemble du devis. Son montant ne s'en trouva guère diminué dès lors qu'on y introduisait la clôture des fenêtres.

Le 29 Novembre, le Conseil de fabrique donnasBon accor définitif. Le Préfet apposa sa signature sur les documents, le 7 Décembre. Il ne faisait pas d'objection aux choix de l'architecte et ajoutait : "c'est à la fabrique, qui fournit la plus forte partie de la somme qu'incombera le soin d'exiger les justifications et le cautionement. C'est elle aussi qui devra soouscrire le marché à passer avec l' entrepreneur et diriger les travaux, sauf cependant la surveillance de l'administration municipale". On allait enfin pouvoir passer à l'exécution.