Tout commence avec une simple mention marginale sur le registre d'état civil de Séné. Il ne faut pas se tromper de personne. Quester Vinccent Marie, non. Il s'agit de Jean Marie COCART.
"Cocart Jean Marie disparu en mer le huit mars mil neuf cent trente neuf, acte de décès créé par Jugement du Tribunal Civil de Rouen en date du dix huit octobre mil neuf cent trente neuf. Transcrit le onze novembre mil neuf cent trente neuf. Pour le maire, l'Adjoint délégué."
On comprend que Jean Marie COCART est un marin de Séné, disparu en mer lors d'un évènement tragique.
La date du 8 mars 1939 se situe avant le délanchement de la Seconde Guerre Mondiale. Est-ce malgré tout un militaire ou un marin civil ?
On se rappelle que lors d'une disparition en mer, les tribunaux retiennent souvent comme date de décès, la date du naufrage quand il est avéré et le plus souvent, la date de l'embarquement avant un voyage qui sera interrompu...
Comment trouver un fil et une pelote à démêler ?
La magie d'Internet va encore opérer....
On tape sur Google la date fatidique : 8 mars 1939 et on consulte les pages ainsi sélectionnées par le moteur de recherches.
On découvre un premier lien vers un article du TELEGRAMME daté du 9 décembre 2008 :
http://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20081209&article=4325524&type=ar
"Un cargo est resté anonyme de nombreuses années dans le golfe de Rosas (Espagne), après son naufrage en 1939. Les familles des marins disparus, en majorité bretons, ont appris les circonstances du drame 65 ans plus tard. Et ce, grâce à la ténacité des Guillou dont un oncle était à bord. 1939, dernières semaines de la Guerre d'Espagne avant que le dictateur Franco ne prenne le pouvoir.
Dans ce contexte, le SAINT PROSPER, un cargo de 106 m de long et 15 m de large de la Société Navale de l'Ouest, accoste à Alger le 4 mars, après avoir quitté le port de Rouen pour Oran.
L'équipage est composé en majorité de Bretons. Beaucoup sont de la région de Paimpol. Le 8 mars, il appareille pour Marseille, avec du pétrole dans les soutes. Mais, le capitaine du SAINT PROSPER, Jules-Honoré Langlois envoie un message radio informant que son navire est pris dans une tempête et qu'il s'abrite dans la baie de Rosas. Seulement, il va droit sur un chapelet de mines posé par les républicains pour se protéger de bâtiments de guerre. Une mine éclate et le bateau sombre. Rapidement. Il n'y a aucun survivant. En fait, un homme grièvement brûlé, décédé 1 h 30 après avoir pu rejoindre la côte et Rosas, balbutie quelques mots dans une langue inconnue. Certains croient reconnaître du grec. Il est alors établi qu'un pétrolier grec gît dans la baie, par 60 mètres de fond.
Quelques jours après le drame, des débris de bois provenant d'un canot de sauvetage et une bouée du cargo sont retrouvés sur une plage du côté de Ténès, en Algérie. Puis, des taches d'huile et des morceaux d'épave sont signalés dans la région des Baléares. Les familles en sont informées par l'armateur. La thèse officielle : le bateau a disparu corps et biens au large des Baléares. Le temps passe et l'oubli s'installe. Personne ne sait où se trouve le SAINT PROSPER et ses 27 marins.
Juin 1967, il fait bon vivre au petit port de pêche de Rosas. S'il y a beaucoup de poissons à cet endroit du golfe, les pêcheurs pestent souvent d'accrocher leur filet sur le haut du mât du « pétrolier grec ». Satané mât ! Un jour, un plongeur barcelonais, Eusebio Escardibul, rend un service à l'un de ses amis pour décoincer un de ses filets de pêche et examine l'épave. La découverte vaut le détour : le bateau n'est pas grec mais bien français et se nomme le SAINT PROSPER !
Le scaphandrier informe alors Bureau Veritas, registre international de classification de navires, et la Société Navale de l'Ouest est prévenue sur le champ. Mais, cette dernière ne prévient pas les familles sous prétexte qu'il serait « assez pénible de raviver en elles une douleur que le temps a sans doute effacé ».
La famille Guillou, elle, a toujours voulu savoir ce qu'il était advenu de l'oncle François-Marie, chef-mécanicien sur le bâtiment.
Février 2004, Michel Guillou, le neveu, découvre, par hasard, en surfant sur le site internet de Franck Gentili, plongeur passionné de l'épave et celui de Patrice Strazzera, plongeur photographe, qu'il y avait un cargo du nom du SAINT PROSPER.
http://fgentili.net/stprosper.htm
« On veut réparer une erreur de l'Histoire », confie Jean-Marc Guillou, le petit-neveu qui reconstitue l'histoire du navire avec les différentes familles. Il était au côté du Paimpolais Alain Allainguillaume la semaine dernière. Ce dernier a navigué à bord du SAINT PROSPER pendant trois ans mais n'avait pu embarquer cette fois-là, victime d'une pelade, qui finalement lui a sauvé la vie. « Il fallait faire vite pour retrouver les familles des marins », précise Jean-Marc.
Une première commémoration s'est tenue à Rosas, le 27 août 2005, avec trois familles. Une plaque a été descendue sur l'épave ainsi qu'à Ploubazlanec (22). Une dernière commémoration sera organisée à Rosas, le 7 mars 2009. 70 ans après. Aujourd'hui, 19 familles ont été retrouvées, grâce à la ténacité des Guillou.
Mais Jean Louis COCART était-il sur le SAINT PROSPER pour ce voyage ?
Des éléments plaident en ce sens. Les tribunaux retiennent souvent comme date de décès dans une disparition, la dernière date "sure" que l'on connait, date d'emarquement notamment. Le SAINT PROSPER avait un équipage en majorité constitués de marins bretons...
Un autre lien daté du 5/07/2009, nous permet d'y voir clair :
SAINT PROSPER, UN CARGO A CHARGE
Dans un documentaire audio, Philippe Langlois raconte le destin du cargo SAINT PROSPER.
"Le 8 mars 1939, le cargo SAINT PROSPER, (106m) l'un des plus grands bateaux de la marine marchande française sombre corps et biens, quelque part en mer Méditerranée entre Alger et Marseille. A son bord, 27 membres d'équipage. Le dernier message du Capitaine Jules Langlois fait état d'une forte tempête allant s'améliorant et de l'arrivée à Marseille quelques heures plus tard sauf imprévu.
Depuis mars 39, les familles des marins demeurent sans nouvelles de leurs proches et dans l'ignorance la plus totale des circonstances du naufrage. Ce n'est qu'en 2005, 66 ans plus tard, que Jean Marc Guillou, arrière petit neveu du chef mécanicien découvre un site Internet animé par des passionnés de plongée sous marine et qui ont fait du SAINT PROSPER leur épave fétiche. L'épave se trouve à l'entrée de la baie de Roses en Catalogne (Espagne).
Ces éléments soulèvent alors d'autres questions :
Pourquoi le commandant accepte-t-il cette mission supplémentaire alors qu'il se trouve déjà en retraite ?
Pourquoi le Saint Prosper se rend-t-il à Marseille alors que ce n'est pas son trajet habituel ?
Pourquoi transporte-t-il du pétrole alors que le navire n'est pas prévu pour cela ?
A qui est destinée cette cargaison ?
Son navire a-t-il été affrété sous couvert du « secret défense » par l'Etat français pour soutenir la guérilla anti-franquiste ?
Pourquoi la Compagnie Navale de L'Ouest, avertie en 1967 du sort du bateau, refuse alors de prévenir les familles de marins ?
Autant de questions qui demeurent aujourd'hui en partie sans réponse... Les commémorations officielles qui se déroulent à Roses, en mars 2009 pour les 70 ans de la catastrophe, sont l'occasion pour les familles de marins de se rencontrer, de confronter leur mémoire, et tenter de démêler les bribes éparses de leur histoire désormais commune."
L'article finti par un "Avis de recherche" qui éclaire la notre :
AVIS DE RECHERCHE
A ce jour, 20 familles de marins ont été retrouvées, il reste encore 7 familles à identifier : BONCOEUR Pierre, domicilié à Pleudihen, HELIAS Yves, domicilié à Nantes, LEBAS Arsène, domicilié à Nantes, GRAVOT Yves, domicilié à Rouen, CONCART Jean, domicilié à Séné, MASSON Hippolyte, domicilié à Porspoder, Le GOFFIC Roger, domicilié à Ploulec'h. Contacter Jean Marc Guillou.
Ainsi Jean Louis COCART natif de Séné était matelot à bord du SAINT PROSPER qui sombra, victime d'une mine catalane républicaine le 8 mars 1939.
Le SAINT PROSPER fera l'objet de plusieurs articles dans le Ouest Eclair posant des interrogations sur les circonstances de sa disparition.
La découverte de débris en provenance du bateau enlèvera leurs derniers espoirs aux familles. Le SAINT PROSPER sera finalement déclaré perdu corps et biens et une cérémonie sera donnée en la mémoire des marins péris en mer alors que le mystère demeure sur la cause de sa disparition....
Le nom des marins formant son équipage sera publiée et parmi eux, Jean Louis COCART [ 1913 6 8/03/1939], natif du village de Kerarden et fils unique comme nous l'indique le dénombrmeent de 1931.
1937 Escale à Alger
Debout de gauche à droite : Jean ROUXEL,cuisinier, X novice, COCART Jean Marie, Prigent, Yves Le Cavorzin de Prehedel, Alain ALLAINGUILLAUME, Jean Roussel (cuisinier) Richard.
Accroupis de gauche à droite : X, Goffic, Dorothé Bride
EPILOGUE : La politique en France au début de 1939 :
Source Wikipedia.
Le troisième gouvernement d'Édouard Daladier [12 avril 1938 au 11 mai 1939], a succédé au deuxième cabinet du socialiste Léon Blum. Voulant renouer avec la rigueur budgétaire, les radicaux se rallient à la droite, mettant fin de fait au Front populaire.
Janvier :
21 janvier : la France ouvre en Lozère le camp de Rieucros, premier camp d'internement français pour les « étrangers indésirables » désignés par le décret-loi du 12 novembre 1938.
26 janvier : la Chambre approuve la politique étrangère du gouvernement Daladier.
Février :
24 février : la France reconnaît le gouvernement nationaliste de Burgos. À cette nouvelle, Azaña démissionne (28 février).
25 - 27 février : Paris transmet à Berlin un projet français de collaboration économique mis au point par la commission interministérielle à des fins d'apaisement diplomatique ; Paris reconnaît le régime franquiste.
Mars
2 mars : le maréchal Pétain devient ambassadeur de France en Espagne.
17 mars : la France et la Grande-Bretagne entament des négociations avec l’URSS.
19 mars : devant la montée des tensions étatiques en Europe, le parlement fait voter une loi accordant des pouvoirs
Dans ces circonstances, on voit mal le Gouvernement français organiser une mission secrète visant à aider les Républicains espagnols en apportant munitions ou carburant via la Catalogne.