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mardi, 07 avril 2020 21:48

La construction de l'Eglise, par l'Abbé LE ROCH

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II - LA CONSTRUCTION DE L'EGLISE (suite) 1878-1887

1° - La première tranche de travaux

Le 17 Décembre 1877, le Conseil de fabrique, par le moyen de son Trésorier, Joseph Guyot, concLut, avec l'entrepreneur Hippolyte Ruer, un premier marché comprenantt toutes les parties de l'édifice dont les travaux n'avaient pas été ajournés, pratiquement la totalité du bâtiment, à l'exception de la tour. Il se montait à 86.279,25 Frs, non compris les honoraires de l'architecte calculés à 5% sur le prix du devis. La fabrique s'engageait à acquitter la dépense, par acomptes successifs, jusqu'à la réception définitive des travaux.

Eglise vue esterieur
Ceux-ci devaient conmencer, en mars 1878, avec la démolition de l'ancienne église, et se poursuivre, sans interruption pour être achevés, à la fin de l'année 1880. Mais l'entrepreneur promettait de livrer, dans le courant de l'été 1879, le sanctuaire, le choeur, le transept et une des sacristies, sans doute afin de pouvoir les utiliser immédiatement, avant même la construction de la nef.

Ce programme semble s'être déroulé sans accroc puisque le financement était pratiquement assuré d'avance. La souscription lancée dans la paroisse rapporta, en 1878, 8.983 Francs sur les 12 000 escomptés. La majeure partie des offrandes se situait entre 5 et 15 Francs. Les plus pauvres donnaient 1 Franc , 0,50 Franc et même 0,35 franc, l'obole de la veuve; les familles aisées de 20 à 50 Francs, les plus riches 100 Francs et au-delà. Le Maire, Pierre-Marie Laurent, avait promis 600 Francs, de même la famille Gachet. Le Premier Adjoint François Surzur versa 300 Francs comme Marc Pluniau du Versa et Toussaint Le Douarin d'Auzon. L'évêque s'était engagé pour 1 000 Francs, le Député Dubodan pour 500,  le recteur pour 300, les vicaires pour 200 et 100. Des dons étaient venus de l'extérieur, notamment du village de Rosvellec voisin de Séné ; de Vannes et d'ailleurs, ainsi que de plusieurs membres du Clergé. On récolta 2030 Francs en 1879 et 1 923 Frs en 1880, ce qui permit même de dépasser légèrement la somme attendue.

De son côté, la commune avait aliéné 12 hectares de communs qui produisirent 19700 francs, au lieu des 13700 prévus. Comme les charrois n'avaient pas été faits par les cultivateurs, le Conseil municipal demanda de consacrer une partie de l'excédent à couvrir cette dépense. Le Préfet donna son acquiescement mais recommandait de retarder le plus possible la vente des rente sur l'Etat.

Le Trésorier versait régulièrement leurs acomptes à l'entrepreneur et à l'architecte. Il dépensa ainsi 31 000 Frs en 1878, 35 000 en 1879 et 9 000 en 1880.
A cette date, la première tranche des travaux aurait être terminée et le Maire commençait déjà de s'inquiéter. L'entrepreneur n'arrivera au bout de sa tâche que le 4 Février 1881. Appelé de suite, l'architecte eut la désagréable surprise de constater des malfaçons et il refusa la réception des travaux, exigeant la réfection de la couverture du transept, de l'abside et des chapelles, en raison de la mauvaise qualité des chevrons et du voligeage". L'entrepreneur se retourna contre les artisans avec qui il avait sous-traité et dut engager contre eux des poursuites. Il faudra attendre ie 8 Septembre 1882 pour qu'il accepte de se plier aux requêtes de l'architecte. Il ne sera complètement remboursé de ses avances et des retenues légales que le 26 Avril 1883.

2° - La construction de la tour
Entre temps, il avait conclu de nouveaux marchés pour la poursuite des travaux. Mais autant la première série de travaux s'était déroulée conformément au plan prévu, autant la suite s'avéra lente et difficile. C'est que la situation politique a changé aussi bien au plan local qu'au plan national. A partir de 1879, la République passe complètement aux républicains ; les gouvernements se montrent de plus en plus hostiles à l'Eglise et l'administration peu encline à coopérer avec elle. Sur place, des discordes avaient éclaté au sein du Conseil municipal auxquelles la reconstruction de l'église n'était peut-être pas étrangère. En Janvier 1881, eurent lieu des élections au terme desquelles, l'ancien Maire Pierre Laurent fut réélu à l'unanimité mais sans doute cette désignation fut-elle annulée puisque le
17 Juillet, les conseillers votaient à nouveau et, cette fois, François Surzur, jusque là 1er Adjoint, l'emporta par 15 voix sur 20 votants. Il était acquis aux idées et à la politique du gouvernement.

Dès le milieu de l'année 1879, on envisageait la continuation des travaux de la tour, nécessaires pour clore la nef. Le 1er Dimanche de Juillet, le Conseil de fabrique exprime son avis :"Il pense, et c'est d'ailleurs le voeu de tous les habitants, que  la tour devrait être élevée au niveau du faîte de l'église, sinon terminée en même temps que l'église, pour éviter les frais de reprise et d'échafaudages considérables".

Eglise clocher 

Le devis prévoyait pour ces parties une dépense de 17 393 frs qu'il fallait trouver. La fabrique, évaluant sa mise (en y comprenant le prix de la chapelle provisoire et la valeur de la maison qu'elle avait sacrifié pour l'emplacement de l'église) à 55 000 Francs, demandait a la commune de consacrer au financement des travaux le surplus de la vente des communs et de solliciter du département et de l'Etat un secours de 13 000 Frs. Dans sa seance du 20 Juillet 1879, le Conseil municipal émit un voeu dans le même sens: "On ne pouvait, estimait-il laisser la façade de l'église inachevée et ouverte". 
Dans sa session d'Août 1879, le Conseil général accorda à la commune de Séné un secours de 2 000 Francs, mais le 23 Février 1880, la réponse du ministre des Cultes tombait sèche et catégorique: les fonds sont réservés à des églises rurales pauvres et l'on ne saurait en "affecter aucune partie à des travaux de luxe ou, comme dans l'espèce, à des projets d'églises monumentales". Il fallait donc faire appel aux finances communales. Plutôt que d'imposer des centimes additionnels, la municipalité consentit à une nouvelle aliénation de biens communaux, de l'ordre de 25 000 Francs qui fut a ccordée par le Préfet, le 12 Avril 1880.

C'est, semble-t-il, vers cette époque qu'apparurent des divergences entre le Conseil municipal et le Conseil de fabrique. Ce dernier cherchait désormais à réserver ses ressources et la vente de ses biens aliénables pour les consacrer aux aménagements intérieurs, notamment à la réalisation du dallage et à la fabrication des autels et du mobilier. Aussi, la direction des travaux va glisser aux mains de la municipalité.
C'est elle qui conclut avec Ruer, le 9 Mars 1881, un second marché pour "complèter la partie inférieure de la tour jusqu'à une hauteur de 13 mètres, au-dessus du socle". Cette tranche, inscrite au devis pour la somme de 9 206 Frs, correspondait à l'étage de la tribune. Elle sera reçue définitivement par l'architecte, le 31 Mars 1883.
Un troisième marché interviendra, le 14 Mai 1882, ayant pour objet de "terminer la partie inférieure de la tour", moyennant la somme de 9 500 Francs. Les travaux devaient être exécutés dans l'année même, mais lors de sa visite du 4 Septembre 1884, l'architecte signala des défauts à rectifier et la réception définitive n'eut lieu que le 30 Septembre 1886.

Ce dernier marché avait été signé par le nouveau maire François Surzur. Fort de ses appuis préfectoraux, il escomptait mener à son terme la construction de l'église et hisser les cloches dans le nouveau clocher. A peine entré en charge, le 31 Juillet 1881, il fit le bilan de la situation et, estimant épuisées les possibilités locales, solliciter du ministre des Cultes une subvention de 17 000 Francs pour achever les travaux selon le devis initial. Cette demande demeura sans écho.
Et c'est alors que s'envenimera le conflit ouvert ou latent entre la municipalité et la paroisse. Sous prétexte que les murs prenaient de l'eau, le Maire aurait voulu obtenir du Conseil de fabrique qu'il prit à sa charge le crépissage extérieur de l'église qui comptait parmi les travaux ajournés. Le Conseil municipal demanda, à la fabrique le 10 Décembre 1882, de vendre à cet effet une partie de ses biens.

Elle rétorqua que la plupart de ses biens étaient grevés de services religieux et qu'elle était toujours disposée à vendre cinq parcelles de terre mais pour en consacrer le produit aux travaux intérieurs de l'église. D'ailleurs, l'eau qui s'était infiltrée dans l'édifice ne provenait pas des murs mais des vitraux.
Pensant déjà aux élections futures, le Maire avait demandé, dans cette affaire, l'appui du Préfet : "A la tête d'une population de 3 000 habitants et tous clérical (sic), lui écrivait-il, à mon âge et après 50 ans de services, vous comprendrez qu'il serait très contrariant pour moi d'être battu par eux".

Le Préfet ordonna donc une inspection du bâtiment par l'architecte départemental Maigné ; celui-là dont le projet avait été écarté. Son rapport nous donne un aperçu de l'état d'avancement des travaux, au 1er octobre 1883. Restaient à faire les enduits extérieurs et la partie haute de l'édifice (la flèche). A l'intérieur, les enduits avaient été appliqués mais beaucoup d'autres travaux n'étaient pas encore exécutés. Dans sa conclusion, l'architecte estime qu' il faut d'abord réaliser les enduits extérieurs pour mettre les murs à l'abri de l'humidité, puis daller, carreler ou bétonner le sol intérieur, "afin d'éviter la poussière considérable qui doit se produire toutes les fois que le public entre dans cettte église" , ce qui confirme son utilissation pour le culte. 

Le Préfet intervint alors auprès de l'évêque pour obtenir que la fabrique se préoccupe de faire les enduits avant d'entreprendre les travaux extérieurs. Il ne fut sans doute pas entendu car, après une entrevue avec le Maire, il décida de laisser les choses en l'état jusqu'aux élections municipales. Il ne fait pas de doute que le problème de l'achèvement de l'église fut au centre de la campagne électorale de 1884 et il semble que déjà le Maire avait renoncé à construire la flèche pour établir un beffroi de charpente qui permettrait de sonner les cloches.

 

3°- La bataille des cloches

François Surzur sortit vainqueur des élections municipales du 4 Mai 1884 et le 10, il adressait à "son cher Monsieur Le Préfet", une lettre triomphante : "Cette Sainte Patrie ne s'est pas démentie : 415 bulletins émargés, 411 trouvés dans l'urne, 5 ne donnent plus une désignation suffisante, il ne restait que 406. Maire sortant 385, donc à une animité (sic) moins 21 voix, une preuve que tous les votants étaient avec moi".

Eglise Intérieur nef 2

Fort de cette victoire, il croit pouvoir exercer une sorte de chantage sur le Préfet et déclare hésiter à accepter un nouveau mandat tant les difficultés lui paraissent insurmontables ; commune ruinée, tour inachevée, cloches montées sur des tréteaux de bois dehors, et supplie de lui accorder une aide : "Daignez essayer, Monsieur et Cher Préfet, je ne suis pas gourmand, je ne demande que 3000 Frs
pour couvrir ma tour et monter une charpente de bois dans laquelle j'établirai la chambre de mes cloches. Si cette tour viendrait (sic) à prendre de l'eau, toute la population me détesterait" . Si satisfaction lui est donnée : " Je vous promets de na pas les quitter jusqu'à la mort; mais si je voyais mes adminisitrés  retomber aux mains des cléricaux, après mettre donner (sic) tant de peine pour barrer l'exprit (sic) et faire d'eux des républicains, je vous prie de croire que ma mort ne serait pas une mort heureuse".

Il attendait la réponse souhaitée pour le 18, jour de réunion du Conseil municipal et sans doute de l'élection du Maire et la nouvelle d'une subvention de 3 000 Frs aurait été la bienvenue. C'était vouloir aller trop vite en besogne et le Préfet, tout en reconnaissant les sacrifices consentis par la commune et la preuve qu'elle venait de fournir de son attachement aux constitutions de la République, répondit que pour obtenir la subvention, il était nécessaire d'établir une demande en règle, qui serait appuyée par lui en haut lieu.
François Surzur fut réélu Maire mais par 13 voix sur 21 votants, ce qui prouve que l'unanimité ne règnait pas au sein du Conseil municipal. La question du clocher était aussi à l'ordre du jour. Tirant les conséquences du refus de la subvention, le Conseil municipal reconnait "que d'ici longtemps
il ne pourra se procurer les ressources nécessaires pour l'achèvement des travaux" et, doit se borner à faire ce qu'il y a de plus urgent et que pour lui la première chose à faire est l'installation des cloches qui non seulement appellent les habitants aux cérémonies religieuses mais qui de plus sont le seul moyen d'appeler du secours en cas d'incendie. En conséquence, il vote une somme de 500 Francs à cet effet et mandate le Maire pour obtenir du département et du Ministère des Cultes une subvention de 3 000 Francs.
La chambre des cloches était prévue dans la partie inférieure de la flèche et l'architecte consulté indique que son devis pour cette partie se monte à 11 400 Francs. Comme la subvention demandée n'est que de 3 000 Francs, le Préfet, sans doute d'accord avec le Maire, estime qu'il y a lieu de modifier le projet et qu'il serait préférable de s'adresser à un architecte local. C'était écarter Deperthes et renoncer à l'achèvement du clocher. "Je refuserai formellement, ajoutait-il, d'autoriser toute nouvelle dépense de la part de la commune, celle-ci s'étant ruinée dans ia construction de l'église et devant réserver pour les écoles les quelques ressources qui lui restent encore".

Dans sa séance du 23 Juin 1884, le Conseil municipal rejette donc le plan Deperthes et décide que les cloches seront montées sur la tour, à l'abri d'une charpente de bois. Un artisan de VANNES, nommé Borde, établit un devis de 4 761 45 Frs qui est adppté au mois d'Août par les conseillers municipaux.

Cette solution n'est pas du tout du goût ni du Conseil de fabrique, ni du clergé, ni sans doute de la majeure partie de la population. Dans sa session d'Août, l'Assemblée départementale accorda un nouveau subside de 1 000 Francs à la commune, dont on peut se demander s'il était voté pour aider ou pour gêner le Maire car il fut obtenu à la demande d'un conseiller de droite.

Clocher St Patern

De son côté, le Préfet s'adressa au Ministre, le 5 Octobre, pour appuyer la subvention réclamée par le Maire. Ce fut l'occasion pour lui d'exposer la situation et de manifester les motivations de sa politique. "C'est sous l'Ordre moral. écrivait¬il, que fut décidée la reconstruction de l'église de Séné" et le Conseil municipal était a lors entièrement réactionnaire. La direction des travaux fut confiée à la fabrique qui ne les a pas contrôlés. Se disant démunie, elle demande à la commune de tenniner l'entreprise. Bien qu'elle ait consacré 56 000 francs à la dépense, elle conserve encore des immeubles qu'elle pourrait aliéner. La commune, qui a déjà versé 50 000 Francs pour les travaux de l'église, refuse de se déssaisir de ses derniers communs car elle a mieux à faire puisqu'il lui faut absolument agrandir ses écoles devenues insuffisantes et construire celles qui lui sont indispensables.
La municipalité républicaine actuelle n'eut jamais donné son approbatation au projet de la fabrique mais elle souhaite que les cloches soient placées "et en cela elle est l'interprète fidèle de toute la population de Séné". Ce désir est poussé à un tel point que, s'il n'est pas exaucé, le Conseil municipal donnera sa démission qui entrainera forcément celle du Maire et c'est ce que cherchent la fabrique et l'évêque en s'opposant à la réaliration du dernier projet. "Il redoute encore, non sans raison, que ce provisoire ne devienne définitif, ce qu'ils désirent à tout prix éviter car, ayant entrepris une construction luxueuse qu'ils n'ont pu terminer, ils veulent absolument l'achever, mais avec l'argent de la commune, ce que je ne permettrai jamais.

En conséquence, le Préfet insiste pour que soit accordé à la commune de. Séné un secours de 3 700 Francs, "afin surtout de ne pas enlever au Morbihan, où elles ne sont pas dèja si nombreuses, une municipalité libérale et entièrement dévouée au gouvernement de la République".

Aux oppositions déjà manifestées allait se joindre celle de l'architecte, tenu certainement au courant des nouvelles intentions de la municipalité. Le 4 Septembre, il était venu sur place, pour une visite du chantier et, à la suite, avait rédigé un projet réduit qu'il avait sounis au recteur. Le 10 octobre, il écrit au Préfet pour s'étonner qu'on ne lui ait donné aucune suite et que la municipalité ait traité, à son insu, avec un charpentier de Vannes pour l'exécution d'un étage en bois. Il proteste contre cette manière d'agir et s'oppose à la réalisation d'un ouvrage conçu sans son accord et susceptible de compromettre la solidité de l'édifice. Tout en regrettant que l'architecte ne lui ait pas adressé son plan, plutôt qu'au recteur, le Préfet se montre embarrassé et déclare qu'il n'a encore donné aucune autorisation de construire. Monsieur Desperthes lui fait alors tenir son plan, en affirmant son total désintéressement,
en égard à la minceur de 1l'ouvrage et il ajoute : "Il serait regrettable que l'idée de la flèche soit abandonnée à jamais et tout me fait croire qu'un jour viendra où la fabrique de la paroisse pourra faire les frais de ces travaux". Il importait par dessus tout de ne pas engager l'avenir.

Le 10 Mars 1885, arrivait enfin la subvention tant attendue et le Préfet en profita pour demander au Maire de reconsidérer la question puisque la différence entre les deux devis n'était plus que de 1 268 Francs. Le Conseil municipal accepta de consacrer encore 1 800 ou 1 900 Francs provenant de la vente des communs pour l'exécution des travaux de l'église mais exigeait, au cas où cette somme serait insuffisante, que la fabrique comblât le déficit. Il n'était pourtant pas encore au bout de ses peines. Les travaux, mis en adjudication, le 21 Septembre 1885, ne trouvèrent pas de soumissionnaire. Agacé de ces contretemps et mécontent de Ruer qui faisait toujours des difficultés pour compléter son ouvrage, l'architecte s'adressa à l'entreprise Normand de Vannes qui porta le devis à 6 945 Francs. Le Maire fit alors remarquer au Préfet qu'il n'était nulle part question du beffroi intérieur auquel on suspendrait les cloches. L'architecte dut en convenir et compléta son devis qui atteignait, cette fois, 8 049 Francs. Désireux d'en finir, le Conseil municipal vota un crédit supplémentaire le 24 Janvier 1886. Le 1er Mars, Borde obtint l'adjudication avec un rabais de 6% mais les choses n'avaient pas été faites régulièrement et le projet reçut des plaintes auxquelles il dut faire droit. Nouvelle adjudication, le 29 mars, où Ruer l'emporta en offrant 10% de réduction. On allait pouvoir enfin, du moins l'espérait-on, sonner les cloches du haut de la tour.

De son côté, le Conseil de fabrique ne demeurait pas inactif. En 1886, il avait fait exécuter le dallage de l'église et commander au sculpteur Lebrun de Lorient le maître-autel, les dalles et les balustrades. Une certaine détente se produisit puisque le Conseil municipal autorisa la vente réclamée depuis longtemps de quelques parcelles de terre pour construire le portail, l'escalier de la tour et placer les cloches. On préparait activement la consécration de l'église nouvelle.
Elle eut lieu, le 25 Septembre 1887, avec le concours de trois évêques, tous trois originaires du Morbihan ! Monseigneur Bécel, l'évêque diocésain, Monseigneur Trégaro, évêque de Séis, Monseigneur Kersuzan, évêque du Cap Haïtien. La fête fut admirable procession des reliques, cérémonie de la consécration, messe pontificale, vêpres solennelles et bénédiction du Saint-Sacrement, mais les cloches étaient restées sur leurs tréteaux car l'autorisation de vente n' avait pa s été accordée par la Préfecture. Et c'est en vain, semble-t-il, que le Conseil de fabrique se réunit à la fin de l'année pour délibérer sur la continuation des travaux à l'intérieur de la tour.

François Surzur fut réélu maire en 1888. Le 31 Mars, l'architecte avait pu recevoir les travaux du beffroi. IL lui fallut insister longuement et intervenir auprès du Préfet pour obtenir du Maire le règlement àe ses derniers honoraires dont il ne sera payé qu'à l'extrême fin de l'année. Le beffroi était en place, et faute.d'escalier à la tour, il demeurait vide de ses cloches.

4°- Legs de M. de Castellan

Pour que se débloque cette situation plutôt ridicule, il faudra attendre 1892. Un propriétaire de Séné avait légué à la commune 10 000 Francs pour installer des colons en Algérie. Plutôt que de se heurter à un refus du Conseil d.'Etat, son légataire, Monsieur Bouan du Chef du Bos, proposa de consacrer cette somme, moitié par moitié à des chemins vicinaux et à des travaux à l'église. Après avoir accepté la donation, la municipalité décida d'utiliser la part réservée à l'église pour le crépissage des murs extérieurs, dont elle avait fait son cheval de bataille, la construction de l'escalier de la tour et la mise en place des cloches et de l'horloge. Bien qu'il eut préféré, au lieu du crépissage des murs, la construction d'un plancher à la tribune "afin de permettre, comme c'est le désir de tous les paroissiens, de sonner les cloches placées dans la nouvelle tour". Le Conseil de fabrique d onn a son accord.

Monsieur Deperthes établit un devis de 4 455 Francs qu'il souhaitait voir réaliser dans les plus brefs délais. L'adjudication fut passée, le 6 Août 1893, avec le sieur Daniel, entrepreneur à Vannes. Mais le Maire réclamait un plancher à la tribune qui ne figurait pas sur le devis et chicanait sur la longueur des cordes. Lea cloches et l'horloge ne furent sans doute placées qu'en 1894, Encore l'architecte, dans sa visite du 4 Octobre, ne crut pas devoir délivrer le certificat de réception avant la correction de certains détails et l'entrepreneur ne sera payé qu'au début de l'année 1895,

La cabane provisoire des cloches, devenue inutile, fut encore objet de contestations. Le Maire voulait la vendre au profit de la commune mais le Conseil de fabrique en revendiqait la possession. Elle était estimée 26 Francs ... Finalement, le Préfet autorisa sa vente pour en employer le produit à l'achat de cordes pour les cloches et d'une échelle pour accéder au clocher. Ainsi la bataille aura duré jusqu'au bout.
Cependant , Françosi Surzur , le vieux lutteur aura eu, avant sa mort, la joie d'entendre sonner "ses" cloches, du haut de la tour. En 1892, à demi-découragé et devenu mal-voyant, il avait sollicité sa démission, mais finalement était resté en place, secondé par le premier adjoint qui n'était autre que son neveu Jean-Marie Le Rebours. Il devait mourrir, à l'âge de 82 ans, muni des sacrements de l'église, le 18 Janvier 1896.
En guise de conclusion pour ce chapitre "LA BATAILLE DES CLOCHES", voici les inscriptions relevées sur chacune des trois cloches :

1.-GROSSE CLOCHE : "Je suis née grâce aux efforts de la Paroisse de Séné. Je m'appelle ADRIENNE, JEANNE-LOUISE, JOSEPHINE, HENRIETTE, PATERNE. Evêque: EUGENE-JOSPEH LE BELLEC, Recteur : Mr l'abbé JOSEPH GOUZERH, Maire de Séné : ALPHONSE LE DERF Parrain : VICTOIRE GUILLERME; Marraine : JEANNE-LOUISE LE NORMAND NOTRE DAME DU NON VOYAGE fondue en 1960 par Bollet Orléans.

2.- MOYENNE CLOCHE : Fondue 1803 par Chapel; Esvêque : XAVIER PANCEMONT; Desservant : Monsieur COLENO; Maire : Vincent LE LUHERNE; Adjoint : JOSEPH LE RAY; Parrain : FRANCOIS LE GARS; Marraine : Louise CALOH.PIERRE THEILLEC; Marraine : JEANNE GUILLO.

CANTIQUE chanté par les Sinagots lors de la CONSECRATION de l'EGLISE le 25 septembre 1887 et composé par le révérend Père LARBOULETTE, missionnaire : 

"Saùet hunès iliz-nem, Eit hous inourein, Ô men Doué !; Pliject genoh perpet amen, Skuill hou kréseu get larganté".

"Nous avons bâti cette église Pour vous glorifier, Ô mon Dieu; Qu'il vous plaise toujours ici De répandre vos grâces avec abondance".

5°- Le chemin de ronde :

En 1898, un nouveau conflit allait surgir, dans des conditions, il est vrai, assez différentes car l'entente était revenue entre les deux Conseils depuis l'élection, en 1896, du nouveau Maire Jean Gachet. L'occasion, ce fut la construction, par la fabrique, autour de l'église, d'un muret àe protection.

A l'insu du Maire, le premier adjoint Le Corvec écrivit au Préfet pour protester contre cette usurpation d'un terrain communal et le Préfet demanda au Maire d'interdire la continuation des travaux et de réunir d'urgence le Conseil municipal pour examiner s'il y avait lieu de consentir à cette désaffectation. Le Conseil de fabrique justifia sa décision par divers motifs: ce chemin de ronde autour de l'église faciliterait l'exercice du culte en outre il défendrait les contreforts de dégradations déjà visibles et mettrait à l'abri des profanations un terrain rempli d'ossements. Le Conseil municipal, de son côté, émit un vote favorable à la construction d'un chemin de ronde au compte de la fabrique.

Le Préfet prescrivit alors une enquête "de commodo et incommodo" qu'il confia au receveur-buraliste Sévin, nommé commissaire pour la circonstance. Le registre, ouvert à la mairie, le 7 Août 1898, recueillit 53 signatures toutes favorables. Dans son rapport, le commissaire estima inutile ce chemin "produit d'un caprice et d'une fantaisie". De sucroît aucun ossement n'avait été mis au jour ; le muret gênerait les processions et l'accès à l'église et surtout il compromettrait les travaux exécutés pour agrandir une place déjà trop petite les jours de foire et dégager l'église qui avait maintenant belle apparence. " Nous estimons, concluait-il, qu'il y a lieu de donner droit à ces 53 protestataires qui ont démontré suffisamment l'esprit qui anime la population et nous nous joignons à eux pour prier l'autorité administrative de vouloir bien rejeter l'établissement d'un chemin de ronde autour de l'église de Séné".

Réuni en séance extraordinaire, le 15 Août, le Conseil de fabrique réfuta point par point les allégations du commissaire-enquêteur' : les dégradations aux contreforts sont faciles à constater et les ossements découverts sont exposés près de la sacristie ; le chemin n'empiètera pas sur la place publique puisqu'il sera implanté à l'Est sur l'emplacement de l'ancien cimetière, à l'Ouest sur celui de la vieille église, loin de gêner l'exercice du culte, il empêchera saltimbanque et marchands forains de stationner avec leurs voitures trop près de l'église.

Le 21 août, par 11 voix sur 15, le Conseil municipal se prononçait aussi en faveur du cehemin de ronde et il invoquait un avis du Conseil d'Etat du 24 Avril 1807 qui en autorisait l'établissement autour des églises rurales sur l'emplacement des cimetières désaffectés. Il soulignait que, si personne n'était venu approuver le projet, les 53 protestataires n'avaient pas motivé leur refus et ne représentaient que 34 chefs de ménage sur les 610 que comptait la commune. Le silence des autres pouvait être considéré comme un vote positif.
Le commissaire-enquêteur écrivit encore pour maintenir ses affirmations et, le 8 octobre, le Préfet trancha. Il refusait la construction du muret et conseillait l'aménagement d'un dallage ou d'un trottoir qui coûterait peut-être plus cher mais pour lequel on pourrait demander un secours au département.
Nous avons là un parfait exemple de ces querelles futiles et mesquines qui troublent la paix de nos communes dès que la politique y infiltre son venin.

Le Maire François SURZUR était mort en 1896 ; en 1898 disparaissait à son tour l'architecte Edouard DEPER'IHES et, en 1901, le Recteur Georges LE BUON qui s'était dépensé, sans compter, pour tenter de mener à son terme la construction de la nouvelle église de SENE. Entreprise dans l'enthousiasme général, l'oeuvre s'était peu à peu enlisée dans les conflits et les discordes.
Jusqu'à sa suppression, à la suite de la loi de sépiration de 1905, le Conseil de fabrique continua de pourvoir aux aménagements intérieurs. Peu à peu, aux verres blancs des fenêtres se substitaient des vitraux de couleurs. Les premiers posés furent ceux du choeur, suivis sans doute par ceux des absidioles. En 1900, le maitre-verrier de VANNES, LAUMONNIER plaça dans les fenêtres du fond Notre-Dame de LOURDES et Saint Jean-Baptiste. Il faudra attendre 1913 ou 14 pour que soient garnies les grandes rosaces des croisillons.
Après la loi de séparation, l'église devint propriété corrmunale et c'est à la municipalité qu'incombaient désormais les grosses répirations, fréquentes, hélas! dans un pays exposé aux tempêtes de l'Océan. Le 21 Décembre 1911, le beffroi fut durement éprouvé par un ouragan et, une seconde fois, en Décembre 1929. Le tremblement de terre du 9 Janvier 1930 n'ajouta guère aux dégâts qui furent constatés par l'architecte Germain. Ils étaient cependant si importants que le Recteur Pierre OLLIER envisagea l'achèvement de la flèche, soit en pierre, soit en ciment. Finalement, le Conseil municipal recula, encore une fois, devant la dépense mais les répirations se montèrent à 50 000 francs, somme élevée pour l'époque.

Les vitraux avaient aussi souffert et, au lendemain de la première guerre mondiale, l'architecte CAUBERT constatait des manques et des jours dus à l'oxydation et à la déformation des parties métalliques. La Maison UGUREAU de NANTES fut appelée à les reviser et à les restaurer. Plus tard de nouvelles dégradations se produirent rendant nécessaire le remplacement des vitraux du choeur. Désormais,la garniture est complète, chaque génération apportant sa contribution pour construire, entretenir et embellir la Maison de DIEU.