La vie sinagote s'est constituée autour des fermes qui sont devenues au fil du temps des villages ou des quartiers du Séné actuel. Entre le village de Saint Laurent avec sa chapelle et son manoir et le château de Limur, il y avait avant la Révolution une ferme qui prendra le nom de La Poussinière hérité de son premier propriétaire, Charles Louis POUSSIN [13/2/1749 Rennes - 9/10/1804 Rennes]. Vers 1794, il commença a défricher cette lande. Fils du Procureur de Rennes Jean Gilles POUSSIN, il fut Conseiller du roi (1785). Il épouse en 1779 à Vannes Marguerite JOUET [1755-1789]. Lieutenant civil et criminel du siège présidial de Vannes (1785) puis juge au tribunal civil du Morbihan (an VIII) et enfin juge au tribunal spécial de Rennes.
Pendant la Révolution il fut inquiété par les autorités. Lors de son incarcération il adressa une lettre aux administrateurs du département : « Vannes le 20 germinal an 2 de la République {9 avril "1794) Citoyens administrateurs, permettez -moi de vous exposer la situation vraiment critique où je me trouve seul à la tête d'un défrichement assez étendu en la paroisse de Siné, je me verrai forcer d'abandonner une entreprise pour laquelle j'ai fait depuis plusieurs années bien des sacrifices, ce qui a fait vivre une assez grande quantité d'ouvriers, si j'étais obligé de rester en arrestation au petit couvent. Je n'ai même pu me procurer un seul valet de labourage à cause de la réquisition de sorte que je ne puis travailler ma terre que par le moyen de journaliers, ce qui est bien plus dispendieux. Consentez citoyens que des journaliers ont besoin d'être conduits et que je ne puis les diriger, qu'autant que vous me permettrez de retourner à ma campagne. J'y resterai en état d'arrestation si vous le jugez à propos. Mon unique objet étant d'y surveiller les travaux d'agriculture que la saison rend si précieux. Le mauvais temps n'a pas encore permis d'ouvrir la terre que je destine à l'ensemencement des mils et avoines, et cependant la saison prête (à) ces travaux. Je vous prie de considérer qu'ils ne peuvent être faits qu'en ma présence. Je pourrai joindre à cette considération plusieurs raisons également propres à vous déterminer à me laisser au moins pendant quelque temps veiller à mes affaires domestiques. Je n'ai malheureusement personne en ce moment sur qui je puisse me reposer, à qui confier les clefs de mon appartement constamment occupé par des militaires. J'attends citoyens administrateurs, de votre justice et du sentiment intime que vous avez de mon patriotisme depuis 1788 que vous recevrez favorablement la pétition de votre concitoyen Poussin.
Sur cette carte datant de la deuxième moitié du XVIII° siècle, la ferme de La Poussinière est figurée sans être nommée à l'intersection d'une allée venant du château de Limur et de la route qui reliait le bourg de Bohalgo à celui de Séné, future rue du Poulfanc. Les tables décennales consultables sur le site des Archives du Morbihan pour les années après la Révolution [1792-1802], indiquent le lieu de naisance/mariage/décès des personnes. Cependant, le lieu-dit La Poussinière n'y apparait pas.
La cadastre napoléonnien est plus précis et nomme la ferme La Poussinière. Deux bâtiments sont figurés : le corps principal de ferme, toujours visible aujourd'hui et une annexe qui deviendra un gite. Sa position toujours au bout de l'allée venant de Limur confirme la représentation précédente.
Le cadastre de 1845 est encore plus détaillé et confirme le nom de La Poussinière. L'agent cadastral a figuré un étang au nord de la propriété (toujours visible rue de la Mare) et les murs d'enceinte de la propriété. On voit que dans l'allongement du bâtiment principal, une longère a vu le jour s'étendant jusqu'à la rue du Poulfanc.
A cette époque, nous sommes depuis 1830 sous la Monarchie de Juillet avec Louis Philippe 1er, Roi des Français, la ferme de la Poussinière est habitéê par l'ancien Capitaine de Cavalerie, Louis BOUZEREAU de BELLEMAIN et son épouse, Françoise Marguerite Adélaïde Marie DEBELLON, comme nous l'indique le 1er dénombrement de la population à Séné réalisé en 1841.
On retrouve sur Gallica BnF, la trace d'un "Bouzereau de Bellemain". En 1831, il participe en Pologne aux journées de l'Insurection de Novembre contre l'occupation russe, mouvement inspiré par la révolution de 1830, à Paris.
Cet autre source, datée de 1848, semble indiquer, que le militaire a pris sa retraite et s'est adonné à l'agriculture, d'abord à Séné puis à Paris où il est membre d'une Société d'Agriculture. Le document qui suit donne le détail de la vente aux enchères des propriétés de l'ancien Receveur du Morbihan, AVROUIN-FOULON, qui fit faillite en 1859. On en déduit que l'ancien cavalier vendit la propriété de La Poussinière au banquier.
L'acte de publicité notariale donne une bonne description du bien : sur plus de 20 ha, des terres labourables, de la lande, des prairies, une pièce d'eau et des batiments, le tout pour 35.000 frs.
Quelques actes d'état civil montrent que la propriété était habitée par de humbles familles de cultivateurs : FARAUD-Le Cavil; VEILLOT-Huchon. On sent là des noms de journaliers non natifs de Séné placés à La Poussinière par le banquier Avrouin-Foulon. Qui fut l'acheteur de la Poussinière en 1860?
Il y eu une vente aux enchères et la famille PENPENIC se porta acquerreur. En 1868, on retrouve cet extrait de naissance de Marie Philomène PENPENIC, à La Poussinière à Séné, où ses parents demeurent. La famille Penpenic, originaire de Saint-Avé a eu de nombreux enfants nés dans cette commune, à l'exception de Philomène qui permet de dater leur arrivée à Séné courant 1867. On peut penser à plusieurs années de procédure avant de prendre possession de la ferme...
Jean Louis PENPENIC [1/7/1828-12/12/1910 Séné] s'est marié à St-Avé (9/2/1855) avec Françoise Mathurine KERNEUR [1/3/1834-3/8/1870 Séné]. Il perd son épouse en 1870 qui lui aura donné 6 enfants dont 1 mourra en bas âge. La famille Penpenic va demeurer à la Poussinière jusqu'aux années 1960, presque cent ans. Ces 3 articles de presse retrouvés sur le site des Archives du Morbihan relatent des faits divers à La Poussinière: un incendie de fourrage 1887; un vol de choux-fleurs 1897; une rixe au café du Poulfanc 1901; un accident de la route, 1906, sans doute le 1er attesté à Séné ayant entainé la mort d'un enfant de 3 ans, Auguste LEFRAND.
En 1906, la Société d'Agriculture de Vannes décerne un prix à M. Joseph MAHE, ouvrier agricole logé à la Poussinière. Son fils, Auguste MAHE [7/11/1890-19/11/1914] sera un des premiers Sinagots à perdre la vie durant la 1ère Guerre Mondaile.
Le 24/9/1884, une des filles Penpénic, Marie Marguerite PENPENIC [23/8/1862- 1928] se marie avec Jean Pierre GUYODO [2/1/1852-27/6/1903]. En 1921, leur fils Pierre Marie [18/1/1887-1940] s'est installé à La Poussinière. Les deux familles Penepenic et Guyodo et une famille d'ouvriers agricoles cohabiteront à La Poussinière dans les 3 logements et ce jusqu'aux années 1960.
En 1936, Marie Josèphe LE BELLER, veuve de guerre, et Charles Aristide Joseph LEGRIS, [27/10/1892-14/3/1954], son second époux, déclarent la profession d'aviculteurs à la Poussinière...
A partir des années 1960, les terres vont peu à peu laisser place à des pavillons. Les anciens bâtiments toutefois demeurent encore de nos jours. Celui en limite de la rue du Poulfanc abrite un gîte de vacances. Le corps principal de la ferme et sa longère sont des maisons d'habitation. La Poussinière passe ensuite alors en totalité chez les Guyodo qui l'occupent toujours aujourd'hui et louent un gîte aux vacanciers.