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samedi, 04 février 2017 20:11

9/ Offensives de la Meuse

Malgré le peu de succès des principales offensives en Artois et en Champagne, durant l'hiver 1915, il est décidé de poursuivre des attaques en ce début de printemps 1915 dans la Meuse sur une ligne de front qui va de Pintheville aux Eparges et au sud vers Saint Mihiel, croisant la voie forestière dénommée "Tranchée" de Calones (tranchée synonyme ici de trouée et ouverture).

Des soldats de Séné participent à ces offensives et quatre d'entre eux y perdent la vie.

Louis François LE THIEC le 10/04/1915 à Pintheville,

Jean COMBES, le 11/04/15  au Bois d'Ailly en Apremont

Jean François CAUDAL le 29/04/1915 aux Eparges,

Pierre DANO, le 23/05/15 au Bois Haut de Calonne,

Qui étaient des jeunes hommes de Séné et dans quelles circonstances ont-ils perdu la vie ?

 

Louis François LE THIEC le 10/04/1915 à Pintheville

Louis François LE THIEC nait à Saint-Nolff au hameau de Rannuec le 17/02/1890 dans une famille de cultivateurs.

LE THIEC Extrait

Au dénombrement de 1906 on retrouve la famille Le Thiex installée à Séné au village de Cano. La famille compte 6 enfants et héberge également deux domestiques de ferme dont Joachim CORBEL, qui sera également mobilisé et mourra au front comme le fils de son patron (Lire l'article "Les 5 Oubliés de Séné").

LE THIEC Corbel domestique 1906

La fiche de matricule de LE THIEC nous dit qu'il est incorporé pour "son service" militaire au 124° RI le 7/10/1911. Il passe à la réserve le 8 novembre 1913. Au dénombrement de 1911, avant sa conscription, il est enregistré avec sa famille qui est toujours sur Cano.

 LE THIEC Cano

Après la mobilisation, la commission de réforme le rappelle le 13/11/1914. Il rejoint le régiment de Vannes le 3/12/1914 et passe au 120° Régiment d'Infanterie le 6/01/1915.

Lors de l'offensive en Woevre, il est tué à l'ennemi, le 10 avril à Maizeray, petit village à côté de Pintheville près de Verdun. L'historique du 12°RI nous résume cette attaque du 7 au 13 avril 1915 :

LE THIEC avril15

"De nouvelles épreuves attendaient notre héroïque Régiment. La pluie se mit à tomber avec rage, transformant la plaine de Woevre en un véritable marécage. Impossible d'y creuser des tranchées : elles étaient aussitôt remplies d'eau. Il fallait donc se résigner à entasser les uns sur les autres des sacs remplis de terre ou à placer sur le sol des gabions : travail très dur et lent.

Nous avons, en outre, à lutter contre un adversaire installé sur ses positions depuis plusieurs mois. Il a eu le temps de bétonner ses tranchées de première ligne. Il a de puissants réseaux de fils de fer; des observatoires également bétonnés lui permettront de mettre à mal nos batteries de soutien au fur et à mesure que celles-ci viendront prendre leur emplacement de combat.

Aussi, comme cela va être dit, nos efforts n'aboutiront qu'à un échec sanglant sur ce théâtre d'opérations. Quoi qu'il en soit, le Régiment arrive le 7 avril à Pintheville, à environ 3 kilomètres des premières lignes ennemies. .

Les 1er et 2e bataillons s'installent tant bien que mal à 1.500 m à l'est de Pintheville; le 1er au sud, le 2e au nord de la route de Verdun à Metz, axe de notre manœuvre.

Notre objectif principal est le village de Maizeray.

Le Colonel se placera sous la route même (elle est un peu en remblai), dans l'eau comme tout le régiment.

Le 3e bataillon demeure provisoirement en réserve à Pintheville.

Du 8 au 11, nous gagnons du terrain en avant : 600 mètres le 9, une centaine de mètres encore le 10.

Le 11, préparation d'artillerie, mais celle-ci est peu efficace pour les raisons données plus haut, et aucune brèche n'est faite ce jour-là dans les réseaux de l'adversaire.

Le 12, l'artillerie reprend son tir et les trois bataillons sont mis en ligne; dès le matin, le Commandant JACQUET, du 2e bataillon, est tué.

Une attaque générale doit avoir lieu vers 13 heures, mais les réseaux allemands tiennent toujours, et nous sommes voués à l'impuissance. Seule, la 3e compagnie qui dispose d'une brèche. assez étroite d'ailleurs, se porte à l'assaut sous les ordres de son commandant de compagnie, le Lieutenant DÉCHIN. Mais elle est décimée au cours de son avance, et une quinzaine d'hommes qui, entraînés par le brave DÉCHIN, arrivent jusqu'à la tranchée ennemie, y sont entourés et pris. Le Lieutenant DÉCHIN, grièvement blessé, ne tardera pas à mourir, en captivité, des suites de ses blessures. La 3e compagnie est citée à l'ordre de l'Armée pour sa bravoure et son esprit de sacrifice. Le Soldat DESCHAMPS, blessé pour la troisième fois, est aussi cité à l'ordre de l'Armée.

Le 14, le Régiment, à bout de souffle, est relevé par le 147e et va cantonner à WatronvilIe.

Au cours de ces journées, nous avons perdu 131 tués (dont le Commandant JACQUET, commandant le 2e bataillon; le Sous-Lieutenant CHAMBON), et 389 blessés ou disparus (le Capitaine ROUSSEAU; les Lieutenants DÉCHIN, NORMANDIN, BAIGOS sont blessés).

LE THIEC pintheville 1

Jean COMBES, le 11 avril  au Bois d'Ailly en Apremont

Jean COMBES nait rue Fontaine à Vannes le 4 août 1895, fils Jean Marie Combes, chaudronnier et Marie Julienne ROZO, native de Séné.

 COMBES Jean Extrait

La famille viendra s'installer à Séné au village de Cariel, car telle est l'adresse déclarée par Jean COMBES au moment de sa conscription qu'il aurait du faire en 1915.

Le 31/08/1914, il est engagé volontaire pour la durée de la guerre. Il arrive au corps le 3/09/1914 au sein du 56° Régiment d'Infanterie.

COMBES localite

Jean COMBES est tué à l'ennemi le 11 avril 1915 au Bois d'Ailly dans la Meuse, massis situé au sud de Verdun près de Saint-Mihiel. Le croquis suivant donne une vue panoramique sur le théâtre des combats d'avril 1915 que nous relate l'historique du 56°RI.

COMBES croquis bois ailly

"Les journées d’avril compteront parmi les plus glorieuses dans les annales du 56e. Le 5, le régiment doit attaquer ce bois qu’il convoite depuis six mois, où sont accumulés les engins qui tout l’hiver ont semé la mort dans ses rangs. L’attaque, menée par le 3e bataillon sous les ordres du commandant GREINER, se déclenche avec un enthousiasme irrésistible. En quelques minutes d’un combat acharné, l’objectif est atteint et largement dépassé. Mais l’ennemi, qui tient à cette position essentielle pour la défense du camp des Romains, contre-attaque sans arrêt. Dans la seule journée du 7 avril, après un bombardement qui a nivelé tout le secteur, douze contre-attaques viendront se briser contre l’indomptable volonté de nos hommes de ne rien céder. Le succès du 5 et la résistance tenace des jours suivants valurent au 3e bataillon une citation .../...au 56e R.I. : « Attaqué et enlevé, avec la plus brillante ardeur, trois lignes de tranchées allemandes et s’y est maintenu malgré des bombardements intenses et des contre-attaques renouvelées de jour comme de nuit. »

Le mois d’avril est marqué par d’incessants combats à la grenade, l’ennemi essayant chaque nuit de surprendre la vigilances de nos sentinelles. Mais nos hommes, jaloux de leur succès, lui barrent la route jusqu’au 4 mai."

Un autre témoignage relativise le succès de cette attaque :

"Les attaques du Bois d’Ailly viennent en soutien à l’offensive principale que représente la « Bataille de Champagne ». A la corne, les ennemis avaient organisé un retranchement très bien défendu, que nos hommes avaient baptisé « le Fortin ». Dans le bois même, leurs tranchées s’étageaient sur trois lignes de feu communiquant avec l’arrière par une série de boyaux. Après plusieurs jours d’une énorme préparation d’artillerie, le 05 avril 1915, les Français partirent à l’assaut pour conquérir le Bois d’Ailly. Jusque fin avril, ce fut un combat épouvantable, ce bois devint un véritable charnier. «

Depuis plusieurs jours, notre artillerie avait réglé son tir. » Le 5 avril, dans la matinée, elle exécuta sur le Fortin et les trois lignes de tranchées des feux dont l’efficacité fut constatée. En même temps que les obus explosifs du 75 et de l’artillerie lourde, les torpilles aériennes lancées à courte distance bouleversaient les parapets ennemis. On voyait des cadavres déchiquetés, des armes et des mottes de terre projetés en l’air avec la fumée des explosions. Du Bois d’Ailly, ou plutôt de ce qui avait été le Bois d’Ailly, il ne restait plus que de rares troncs coupés à quelques décimètres du sol. C’était un véritable champ de souches moissonnées par les obus. Pas un centimètre de terrain qui n’eût été retourné par l’artillerie. Dans un indescriptible chaos s’entremêlaient les choses les plus diverses. Des pierres, des armes, des cadavres, étaient entassés pêle-mêle. Ici on apercevait des débris de boucliers, là des gabions éventrés, plus loin des effets d’équipement ; partout, une couche de poussière grise recouvrait tout cela en lui donnant une teinte uniforme. Cette région fut, pendant que dura cette affaire, un véritable enfer ; et cependant, malgré cet ouragan de mitraille, nos hommes s’y étaient héroïquement maintenus. Il n’y avait plus d’abris : tous avaient été détruits par l’artillerie. Les tranchées étaient en partie comblées, les parapets s’écroulaient, les boyaux étaient coupés ; et, cependant, les agents de liaison passaient, transmettant les ordres, et les brancardiers, parmi lesquels de nombreux prêtres, impassibles sous la pluie de fer, emportaient les blessés.

Les obus tombaient sans interruption. On voyait des hommes courir de place en place pour éviter des points battus. Ailleurs ils s’étendaient, couchés sur le ventre, au fond de la tranchée, protégés par leurs sacs et serrés les uns contre les autres. Le 10 avril, nos canons exécutèrent, du matin au soir, un tir réglé sur les positions que nous allions attaquer. L’assaut ne fut lancé qu’à 7 heures du soir. Deux bataillons y prirent part, en se portant dans des directions convergentes, et eurent vite fait, cette fois, d’occuper la position en entier. Nous y trouvâmes un nombreux butin : des mitrailleuses, des milliers de grenades à main, des armes, des cartouches, des équipements. L’ennemi contre-attaqua violemment 10 ou 12 fois jusqu’au 23 avril mais ne reprit qu’une très petite partie de terrain conquis depuis le 05. Vers la fin avril, les Français pouvaient annoncer : « Les Allemands sont dès lors bien convaincus de notre supériorité dans ce secteur !

 

COMBES Bois Ailly

 

Jean COMBES meurt le 11 avril, peut être lors de ces nombreuses contre-attaques des Allemands pour reprendre le bois d'Ailly. Son corps sera enterré puis transféré à la nécropole de Marbotte, commune d'Apremont la Forêt, tombe n°1842.

COMBES Marbotte  COMBES Tombe

 

Jean François CAUDAL le 29/04/1915 aux Eparges,

La fiche "Mémoire des Hommes" et la fiche de matricule aux archives du Morbihan nous disent que Jean François CAUDAL est mort "tué à l'ennemi" le 29 avril 1915 aux Eparges et qu'il était soldat de 2° classe au 4° rRgiment de Zouaves.

Le registre d'état civil de Grand-Champ confirme bien la naissance d'un Jean François Marie CAUDAL le 30/03/1895, fils de Mathurin et de Marie Anne Cougoulic tous les deux cultivateurs à Grand-Champ.

CAUDAL JF Extrait

On retrouve la famille Caudal installée au village de Balgan à Séné au dénombrement de 1911.

CAUDAL Balgan

La fiche de matricule nous indique que François CAUDAL devient boulanger.

CAUDAL boulanger

Cependant, si toutes ces sources coïncident bien et "authentifient" l'exitence de Jean François Marie CAUDAL, il y a une incertitude sur le régiment dans lequel il était incorporé.

En effet, d'après son historique, le 4° Régiment de Zouave, régiment décoré de la fourragère" n'a combattu qu'en Belgique autour des mois d'avril et mai 1915.

Les historiques de 2°, 3°, 8° et 9° trouvés en format pdf ou sur Gallica ne mentionnent pas de régiment de zouaves autour de Verdun, dans la Meuse au printemps 1915.

Les fiches "Mémoire des Hommes" donnent un autre Caudal, prénommé Joochim Marie, natif également de Grand-Champs, de la classe 1895 (né le 3 juillet) mort le même jour, ce 29/04/1915, également aux Eparges selon sa fiche de matricule et à Calonne, non loin, selon la fiche "mémoire des Hommes".

Il y a vraiment beaucoup de coïncidences et la même mention du 4° Régiment de marche des Zouaves. C'est le seul cas où l'historique du régiment ne coïncide pas avec le lieu et la date du cédès.

D'autres régiments d'infanteire sont présent à ces dates : le 25°RI, le 67°RI, le 72°RI, le 91°RI, le 132°RI, le 54°RI et même le 106°RI de Vannes.....

Il faudra donc investiguer. Le 4° de Zouaves était-il dans la Meuse en avril/mai 1915 ? Ce site le situe en avril 1915 en Belgique !

http://mascara.p-rubira.com/les_regiments_de_zouaves_1914_19.htm

Jean François Marie CAUDAL figure bien au monument aux mort de Séné et son acte de décès est bien retranscrit à l'état civil de Séné, mort aux Eparges le 29/04/1915.

CAUDAL 1eres lignes Les Eparges 1915

 

Pierre DANO, le 20/05/15 au Bois Haut de Calonne,

Pierre DANO nait à Séné le 1er juin 1885, dans le quartier de la Grenouillère et son père exerce alors la profession de "commissionnaire", sa mère est ménagère, c'est à dire mère au foyer.

 

DANO Pierre Extrait

La famille habite le nord de la commune de Séné, qui accueille plus des familles "mobiles" que celles qui s'installent sur la presqu'île pour des tâches plus pérennes dans la pêche, l'agriculture ou la saulnerie.

Au dénombrement de 1906, difficile de repérer la famille DANO qui a sans doute quitté Séné. A l'âge de la conscription, Pierre DANO déclare vivre d'abord à Vannes où il est briquetier puis ensuite à Saint-Nazaire où il est manoeuvre sur les quais, on dirait aujourd'hui docker.

DANO localités

Sa fiche de matricule nous indique qu'il est réformé en 1906 pour avoir une déformation des orteils au pied droit. Il est également soutien de famille en 1907. Il se marie le 17/06/1911 à Saint- Nazaire avec Marie Françoise SAMSON.

Cependant, après la mobilisation, la commission de réforme le "réintègre" comme soldat en date du 13/11/1914. Il rejoint le régiment d'infanterie de Vannes puis passe le 20/03/15 au 147°RI.

On lit sur la fiche "Mémoire des Hommes" et sa fiche de matricule qu'il est "tué à l'ennemi" le 20 mai 1915 au combat du bois Haut, Tranchée de Calonne.

 

DANO tranchee calonne

L'historique 147°RI nous décrit les journées où le régiment est en position à Callonne du 29 avril au 23 juin 1915, comme suit :

"Après un court repos, le régiment est appelé à combattre dans le secteur de Calonne. Dans la

première période, le régiment fournit un effort considérable pour créer de toutes pièces une

première ligne et quelques boyaux, consolider la défense générale et préparer une prochaine

attaque. Ces travaux durent trois semaines.

Le 16 juin, les travaux sont terminés, la parallèle de départ est prête.

Le 20 juin, les compagnies partent crânement à l'assaut, conquièrent les premières lignes ennemies et s'y maintiennent malgré de violents et puissantes contre-attaques, manifestant une fois de plus la ténacité et la volonté de vaincre qui animent le régiment.

Le 2e bataillon, qui s'est particulièrement distingué, reçoit la citation suivante du Général

Commandant la Région fortifiée de Verdun :

« A attaqué avec un entrain remarquable une position ennemie solidement fortifiée; l'a enlevée et a pénétré d'un seul élan jusqu'à la 3e ligne allemande, malgré des feux violents de mitrailleuses et d'artillerie de front et de flanc. »

Après une semaine de repos, le 147e reçoit l'ordre d'aller occuper le sous-secteur de Mouilly."

 

Pierre DANO a été tué le 20 mai 1915, sans doute lors de la construction de tranchées et de boyaux dans le secteur de Calonne. En effet, les soldats ont alterné des période de permission, de repos en cantonnement, de combats et de tâche de fortification de la ligne de front. Le schéma suivant présente la guerre des tranchées. La photo ci-dessous illustre un bataillon armé de pelles. 

DANO Schema tranchées

 

 DANO soldat pelles