Dans le bulletin paroissial, le recteur Joseph LE ROCH nous livre un long paragraphe consacré au calvaire de Montsarrac. Quelques ajout à l'initiative de wiki-sene.
"Il a été décrit par André Viaud-Grand-Marias dans le bulletin de la société Polymathique du Morbihan, année 1922. C'est l'une des rares croix historiées offrant encore des traces de peinture. Elle est constituée par un pied polyèdre, couronné d'une grosse torsade. Son sommet est carré avec pignon orné de choux et crochets. On voit d'un côté le Christ, de l'autre la mise au tombeau; des saints personnages sont représentés entre des colonnetttes sur les faces latérales. Voici ce qu'en écrit André Viaud dans une conférence sur "Les Anciens Calvaires-Autels de Vannes et de sa banlieue :
La 1ère photo de gauche est issu de l'articl ede l'abbé LE ROCH (années 1970).La seconde photo est un aggrandissement d'une célèbre vue de la collection David (voir ci-dessous), dont on fit plusieurs cartes postales. On note bien que les personnages chrétiens sont peints.
"Lorsqu'au temps de la Ligue, à la fin du XVI° siècle, les Espagnols vinrent au secours du Duc de Mercoeur, ils établirent à Vannes au faubourg Saint-Patern, la croix Cabello, sur la place qui porte encore ce nom aujourd'hui. On prétend qu'il édifièrent à la même époque le Calvaire de Montsarrac ou Montserrec, en souvenir du célèbre pélerinage catalan de "Montserrat" (la montagne sciée). cette origine est douteuse. Quoi qu'il en soit, le nom est exotique : il n'a rien de breton et, fût-il de formation latine 'Mont serratus"; il ne faut pas en chercher l'étymologie dans la situation du lieu qui ne fait que 16 m d'altitude.
Du reste, et c'est nous qui ajoutons cette précision, il n'a été érigée à l'emplacement, qu'il occupe actuellement que vers 1846, sous le rectorat de Mr.Toumelin, lors de la construction de la chapelle de Kerarden. Il viendrait, dit-on, du vieux cimetière du bourg.
La croix de Montsarac est figuré sur le cadastre de 1846, à gauche, sur la grande parcelle Mez er Groés. Sur la cadastre de 1810, rien sur cette parcelle, à moins que la croix fut mal située et corresponde au "bâtiment" parcelle n°538.
Ce calvaire qui mesure 3.50 m est érigé en la paroisse de Séné à 8 kms de Vannes, sur le chemin du passage de Saint-Armel, dans un endroit, d'où l'oeil jouit d'une vue magnifique sur la Presqu'île de Rhuys et le Golfe du Morbihan, avec les riantes découpures de ses côtes et ses îles aussi nombreuses prétend-on que les jours de l'année.
La base actuelle du monument, consiste en un vulgaire massif de maçonnerie, carré à la partie inférieure formant piédestal, plus étroit, circulaire et bombé à la partie supérieure servant de socle à la colonne. Cette colonne, octogonale, plus large en bas qu'en haut est un peu courte (1m environ) aurait, d'après certaines gens, remplacé un fût plus ancien détruit aux jours sombres de notre histoire. C'est également de cette époque que daterait la disparition de l'autel. Le fût est couronné d'une grosse torsade, support d'un sommet en parallèlipipède surmonté de pignons légèrement arqués en contre-courbe, ornés de crosses sur les rempants et terminés par des choux.
Les médaillons, bien que d'une autre facture que ceux de Saint-Colombier et de Ranuec - deux calvaires de Saint-Nolff - offrent les même scènes, avec cette variante que, dans la représentation de Saint-Jean Baptiste "agnifer" (porteur d'un agneau on voit derrière lui, mais plus haut, la tête d'un personnage bardu, le Christ, sans doute, dont Jean est le Précurseur.
Je crois que ce calvaire de Montsarac est postérieur aux deux précédents : ses sculptures manquent de finesse; mais elles sont peu altérées, préservées de l amousse et de la dégradation par les peintures dont elles sont revêtues, reste ou rajeunissement d'un ancien enduit. ce mode de conservation du granit a été observé sur plus d'une croi xdu Finistère...Des calvaires-autels de la banlieue de Vannes, celui de Montsarrac est le seul qui soit peint (cette coutume de peindre est actuellement disparue). Sa peinture est l'un des principaux arguments des archéologues qui attribuent à ce monument une origine espagnole, -en Espagne, la couleur s'ajoutant toujours au dessin et à la ligne,-que les statues soient en pierre ou de bois.
Malgré la rusticité de sa base et ses degrés rudimentaires, le Calvaire de Montsarrac produit bon effet dans la campagne découverte où il se trouve située."
Louis Simonnot, qui a également étudié les Croix Morbihanniases classe celle de Montsarrac dans la catégorie des "croix à panneaux" ou en forme de pignon, dont on trouve quelques rares exemplaires très primitifs en Lore Atlantqiue. Elles se composent, dit-il, d'un fût généralement rond ou à pans coupés supportant un panneau, assis sur une boule en torsade. Ce panneau affecte deux formes spéciales bien déterminées : soit un quatrefeuille soit un pignon dont les côtés, formés de colonnettes, encadrent un saint quelconque et supportent deux rampants soutenant, à leur sommet, une grosse torsade ou une croix. Le chamoine Jérôme BULEON, dans sa langue imagée, les a baptisés : croix bannières à cause de leur ressemblance avec une bannière, ou encore "croix-hosannières parce que l'on chantait généralement devant elles l'Hosanna du Dimanche des Rameaux. Toutes représentent sur une face le Christ encroix entre sa Mère et Saint Jean, et sur l'autre face, une piétà : la Vierge tenant sur ses genoux les corps de son fils descendu de croix. Elles ont une réplique primitive à Maur-de-bretagne. La plus fine de ces sculptures et ayant, seule, la particularité d'être peinte, polychromée, est, d'après Mr. Simonnot, celle de Montsarrac, en Séné.
Du point de vue de l'âge, André Viaud Grand-Marais range cette croix au nombre des Calvaires-Autels du XVI ème - XVII ème siècle avec ceux de Saint-Avé-d'en-Haut, de Saint Colombier et de Ranuec, en Saint-Nolff, de Bizole en Tréffléan, et du Rohic en Saint-Patern. Il procéderait, selon lui, des deux calvaires de Saint-Nolff.
"Au XVIème Siècle, et dans les premières années du XVIIème siècle, écrit-il, le sommet du calvaire présente quatre faces rectangulaires, couronnées par des pignons à rampants droits ou légèrerement arqués, ou par des arcs en accolade avec dais. C'est ce genre de croix que Mr. le chanoine Buléon qualifie du "joli nom de "bannière de granit" et que le poète Venance Fortunat, auteur de l''hymne "Vexilla Regis" eût sans doute appelé : "les étendards de pierre du Christ-Roi", par allusion aux drapeaux à traverse horizontale de la cavalerie romaine.
Le caractère propre du médaillon des calvaires morbihannais de ce type, c'est d'offrir à la vue des surfaces intérieures pleines au lieu de surfaces ajourées dégageant le contour des sujets ; le nombre des surfaces se trouve augmentiê , mais l'ensemble perd en légèreté et en élégance ... "
Quant à la destination des calvaires-autels, l'auteur les divise en deux groupes:
"ceux situés' dans les cimetières entourant les églises et les chapelles étaient dits dans mon enfance "croix-hosannières", parce qu'on s'y rendait en procession le dimanche des Rameaux, portant à la main des branches de buis, de romarin et de laurier et chantant "Hosanna Filio David".
Pardon de Kerarden - Station devant le calvaire à Montsarac (Source Camille Rollando)
"les autres plus éloignés et situés parfois en un endroit désert s'appellent en langage liturgique : "croix destinées aux litanies ou supplications solennelles en cas de calamités publiques ou de pressants dangers". Ces supplications étaient accompagnées jeûne, de mortifications et de processions auxquelles, par métaphore, on donnait le nom de "litanies", parce que les processionnaires alternaient la récitation du chapelet avec le chant des psaumes et des litanies des saints. Les croix de litanies étaient les stations de ces processions de périi tence au cours desquelles on sollicitait la délivrance de la peste, de la famine, de la guerre et des autres fléaux."
Et André Viaud ajoute : "bien qu'utilisés parfois aux Rogations, la plupart des calvaires-autels vannetais étaient considérés comme croix¬hosannières. seuls, ceux du Rannec et de Montsarrac sont regardés comme d'anciens calvaires de litanies, la messe se disait à ces croix et l'on prêchait près d'elles".
Si la tradition est d'accord avec André Viaud pour reconnaître dans la croix de Montsarrac un calvaire-autel dont la table a disparu à l 'époque de la Révolution, elle ne l'est plus pour y voir une croix de rogation plutôt qu'une croix hosannière. Le conférencier ignorait que ce calvaire provient de l'ancien cimetière du bourg, ce qui l'a induit en erreur.
Retraite de Profession de foi - Séné -Montarac Juin-1980 Bulletin-paroissial
Calvaire de Montsarac, cliché David fin XIX°siècle.