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jeudi, 11 novembre 2021 10:56

LE MOUSSU, Communard natif de Séné

Cet article reprend celui publié sur le site maitron. Il est complété par d'autres sources

https://maitron.fr/spip.php?article64202

LE MOUSSU Benjamin, Constant

Né à Séné (Morbihan) le 14 juin 1846 ; mort le 25 mai 1907 à Paris (XIVe) ; dessinateur ; membre de l’Internationale ; communard.

Benjamin Constant LE MOUSSU (parfois orthographié par erreur Lemoussu) était petit-fils d’un retraité des douanes qui aurait été soldat volontaire de la Première République, et fils d’un capitaine des douanes. Il vint travailler à Paris et habita, 80, rue de Clignancourt, XVIIIe arr. Pendant la Commune de Paris il est "Commissaire aux Délégations Judiciaires de la Commune". Réfugié en Angleterre àprès la Commune de Paris, il s'y maria avant de revenir en France. Ingénieur, il décède en 1907 à Paris.

Le Moussu famille

Avant le 18 mars 1871, il appartenait, avec Théodore FERRE [1846-1871], Louise MICHEL [1830-1905] et autres, au Comité de vigilance du XVIIIe arrondissement. Il servit la Commune de Paris en qualité de commissaire de police du quartier des Grandes-Carrières (XVIIIe arr.), puis, avec des pouvoirs élargis, de Commissaire aux Délégations Judiciaires.

Louise MICHEL, le mentionne dans ses souvenirs, La Commune, histoire et souvenirs, La Découverte/Poche, 1999 (1ère édition, 1898): La nuit du 17 au 18 mars 1871, Louise Michel (29 mai 1830-9 janvier 1905), membre des deux comités de vigilance, celui des femmes et celui des hommes, du XVIIIe arrondissement, où elle travaille comme institutrice, est sur la Butte au poste de la Garde nationale, au n°6 de la rue des Rosiers et voit tomber le factionnaire Turpin2.

« Je descends la butte, ma carabine sous mon manteau, en criant : Trahison ! Une colonne se formait, tout le comité de vigilance était là : Ferré, le vieux Moreau, Avronsart, Le Moussu, Burlot, Scheiner, Bourdeille. Montmartre s'éveillait, le rappel battait, je revenais en effet, mais avec les autres à l'assaut des buttes.

Investit en tant que Commissaire aux Délégations Judiciaires de la Commune, il participe à la fermeture d'églises dans la capitale.

1871 04 10 Le moussu Eglise

Lors de la journée di 12 mai 1871, il s'illustre dans le pillage de plusieurs églises à Paris. (Source Les Colvulsions de Paris
Maxime du Camp 1879.Tomme III) et censure la presse.

1870 Journee 12 mai Le Moussu 2

1871 0 Le Moussu presse

Après la défaite, on annonce sa mort comme celle de sa maitresse à Paris.

1871 06 Le Moussu fusille

1871 07 Le Moussu

Cependant, LE MOUSSU réussit à fuir et gagna Londres. Par contumace, le 13° conseil de guerre le condamna à la peine de mort le 9 février 1872.

1871 06 MoussuDès son arrivée dans la capitale anglaise, LE MOUSSU entra au conseil général de l’Internationale et participa à la conférence de Londres, 17-23 septembre 1871, comme secrétaire-correspondant du Conseil pour les branches françaises des États-Unis. Marx a ainsi précisé ses fonctions dans une lettre à Bolte du 23 novembre 1871 :
« Eccarius a été, sur ma demande, nommé secrétaire pour toutes les sections des États-Unis (excepté les sections françaises, pour lesquelles Le Moussu est secrétaire) ».
Un an plus tard — 27 mai 1872 — Marx, qui a rompu avec Eccarius, écrit à Sorge : « Provisoirement, Le Moussu [est secrétaire] pour toute l’Amérique. »

AIT logo

Benjamin LE MOUSSU fut membre de la section de langue française de l’AIT à Londres, Association Internationale des Travailleurs, la 1ère "Internationale", dont le secrétaire était Bourdeille.

1872 09 Le Moussu Karl Marx

Au 5e congrès de l’Internationale tenu à la Haye en septembre 1872, LE MOUSSU représenta « une section française à Londres ». Il fut un des quatre secrétaires du congrès et, par la suite, un des membres de la commission chargée de la rédaction des procès-verbaux. Au titre de secrétaire-correspondant, il fut un des signataires des brochures Les Prétendues scissions de l’Internationale, Genève, 1872, et l’Alliance de la démocratie socialiste et l’AIT, rapports et documents publiés par ordre du congrès de La Haye, Londres, 1873. Au congrès, il vota pour l’expulsion de Bakounine, de James Guillaume et de Schwitzguébel, pour que les pleins pouvoirs soient accordés au conseil général et que celui-ci soit transféré à New-York.
Selon un rapport sans date et sans signature (Arch. PPo., B a/429), une section française d’une trentaine de membres se constitua à Londres après le congrès de La Haye, section qui comprenait entre autres les blanquistes Martin Constant et Vaillant. Étant donné ce que nous savons de l’histoire de l’Internationale et du conflit surgi entre les blanquistes et Marx vers la fin du congrès de La Haye à propos du transfert à New York du siège du Conseil général, il ne peut s’agir là que d’une section dissidente et qui ne dut pas avoir longue vie.

De toute façon, LE MOUSSU allait bientôt rompre avec Marx. Ce dernier écrivait en effet à Sorge le 4 avril 1874 :
« Les quelques Français (j’entends de ceux qui tenaient encore avec nous à La Haye) se sont pour la plupart révélés ensuite fripouilles, notamment M. LE MOUSSU, qui m’a filouté, ainsi que d’autres, pas mal d’argent et a ensuite cherché par d’infâmes calomnies à se blanchir en belle âme méconnue. »
Engels écrivait au même correspondant les 12 et 17 septembre 1874 :
« Celui qui s’est comporté le moins proprement est LE MOUSSU, qui s’est révélé escroc. »
Il convient, en cette circonstance, de faire la part des conflits habituels entre exilés, conflits avivés par les scissions et, sur le plan personnel, par la pauvreté, voire la misère. Engels nous apprend dans cette même lettre que de nombreux Français avaient fait — ou croyaient avoir fait — des inventions qu’ils cherchaient, pour vivre, à exploiter. D’où ces demandes d’argent... à fonds perdus. Ainsi s’expliquent, sans se justifier, les accusations d’escroquerie.
Deux années plus tard, Mme Marx, écrivant à Sorge, confirme (21 janvier 1877) :
« Des autres connaissances, je ne saurais vous dire que peu de chose, parce qu’il y en a quelques-uns que nous ne voyons plus, notamment plus de Français : pas de LE MOUSSU, pas de Serraillier, surtout pas de blanquistes. We had enough of them [Nous en avons eu assez d’eux]. »

D’après Paul Martinez, LE MOUSSU se maria en exil (Paris Communard refugees in Britain, 1871-1880, thèse, University of Sussex, 1981, p. 538).
Nous manquons d’informations sur la fin du séjour de LE MOUSSU en Angleterre, comme d’ailleurs sur la fin de sa vie. Aussi retiendrons-nous les quelques lignes d’un rapport de police sans date (Arch. PPo., B a/429) qui concerne le séjour en Angleterre :
« A travaillé dans des revues d’agriculture, etc., bon ouvrier demandant l’égalité des salaires, tant que la mesure n’est pas mise en pratique. Doctrines ultra-révolutionnaires ; dans l’intimité, très doux. »

Les parents de LE MOUSSU firent de nombreuses démarches pour le faire amnistier, mais comme pour les autres condamnés, surtout contumaces, ce fut en vain. Sa mère décèda en 1875 et son père mourut en 1879. Une de ses sœurs mourut aussi « qui avait puisé le germe de sa mort en allant le soigner dans une maladie grave sur la terre d’exil ». Deux sœurs demeuraient, l’une institutrice libre à Auray (Morbihan), l’autre, Ambroisine, épouse d’un professeur au lycée de Pontivy.

1906 Le Moussu Hennebont

En 1906, la famille est établie à Hennebont. Les enfants de LE MOUSSU vivent chez leur tante, Aglaé Marie, commerçante célibataire qui loge également sa tante. LE MOUSSU n'est pas pointé par l'agent du recensement. On comprend que LE MOUSSU a eut 2 enfants en Angleterre avec son épouse Annie Jane ROCH et un garçon né à Sceaux. 

Le Moussu family

Elles poursuivirent les démarches et, le 14 février 1880, le docteur Louis Joachim Le Maguet, député du Morbihan [1879-1881] , plaidait à son tour pour LE MOUSSU. J’ai eu en main, écrivait-il, « une lettre intime du fils au père datée d’avril 1879 [le père mourut le 9 avril], admirable de patriotisme et de sentiment filial » et je considère qu’en 1871, LE MOUSSU fut « un républicain de 23 ans égaré par son patriotisme ». Témoignage intéressé certes, mais qu’il convenait néanmoins de relever, compte tenu de ce que l’on sait par ailleurs des sentiments qui animèrent souvent les Communards.

LE MOUSSU décède le 25 mai 1907 à Paris (XIVe).